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La place de Cadix devait compter une soixantaine de compagnies d’assurances par actions au moment où le secteur était le plus florissant (1793)440, auxquelles s’ajoute un nombre indéfinissable d’assureurs particuliers, agissant à titre individuel ou dans le cadre de comptes collectifs. Or les compagnies d’assurances dirigées par des négociants français dont nous avons trouvé trace dans la documentation n’atteignent pas la dizaine. La plus célèbre de ces compagnies « françaises » est celle dirigée par les frères Béhic. Elle apparaît à la fin des années 1770 et semble avoir été la première créée à l’initiative de membres de la colonie française, alors que les premières compagnies espagnoles étaient apparues dans les années

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Il n’est pas possible de fournir un nombre exact car les chiffres relevés dans les sources diffèrent grandement : le comte de Maule en dénombre 54 (Nicolas de la Cruz, op. cit.) alors que le Guía Mercantil recense 69 casas que firman polizas de seguros (op. cit.) et que 77 individus sont convoqués par le gouverneur de la place en septembre 1793 afin d’assister à la lecture d’un Real Orden concernant le secteur (AGI,

Consulados, liasse 503). La diversité de ces données résulte de la très grande mobilité qui affecte le secteur

(rythme des créations et des disparitions) et de la fluidité des statuts et des localisations propres aux compagnies d’assurances (ainsi par exemple, le « compte d’assurance » de la compagnie Sahuc Guillet, qui compte plusieurs associés, ou encore la « Compagnie Cadicienne » de Jean Payan, qui siège à Marseille mais dont la majorité des actionnaires résident à Cadix, pouvaient être classés, ou non, parmi les compagnies d’assurances gaditanes selon la source considérée).

1760441. Elle nous est connue par les deux contrats de reconduction qui ont été signés en 1785 et 1791442. En 1785, elle est dotée d’un capital de 900 000 pesos, probablement l’un des plus considérables de la place, réparti entre 63 actionnaires dont seulement 45 résident à Cadix443. Les négociants français exercent presque toutes les responsabilités au sein de la compagnie : les deux directeurs, les frères Domingo et Juan Josef Béhic, leur suppléant, Jean de Bonneval, et trois des quatre conseillers (les gérants des compagnies Magon Lefer, Dechegaray et Lecouteulx) sont tous issus de la colonie française. Au niveau de l’actionnariat, on relève 29 compagnies françaises parmi les 45 actionnaires présents à Cadix et leur nombre s’élève à 47 sur 63 si on leur adjoint les compagnies qui ont reçu une procuration pour représenter un actionnaire ne résidant pas dans le port andalou. Au total, le négoce français contrôle 70 des 90 actions, le reste se répartissant entre des négociants, étrangers ou espagnols, tous issus de l’élite mercantile de la place444. On constate également qu’à l’exception d’une maison, tous

les principaux acteurs du négoce français sont intéressés dans la compagnie445. On peut donc réellement parler d’un projet collectif de l’élite négociante française de la place. Le renouvellement de la compagnie en 1791 apporte peu de changement dans la composition de l’actionnariat, même si le capital est diminué à 500 000 pesos. Les négociants français continuent à tenir les deux postes de directeurs ainsi que trois des quatre postes de conseillers et leur part dans le capital s’élève à 74 %.

Les autres compagnies d’assurances « françaises » présentent les mêmes caractéristiques que celle dirigée par les frères Béhic, même si elles sont plus modestes et si leur singularité nationale est moins prononcée. Ainsi la compagnie d’assurances dirigée par Pierre Mercy et André Lacaze, les anciens dirigeants de la société commerciale Mercy et Lacaze qui a fait faillite en 1785, et celle dirigée par Jean-Laurent Lasserre, lequel a

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La formation de la compagnie dirigée par les frères Béhic remonte à 1779 (ZYLBERBERG M., op. cit., p. 359). Les deux premières compagnies d’assurances par actions identifiées par Antonio García-Baquero González, ont été fondées en 1763 à l’initiative de deux négociants espagnols : Francisco Rodríguez Morzo et Francisco Montes (Cádiz y el Atlántico, op. cit., p. 413).

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AHPC, Cadix, 1674-1122 et 1687-1591.

443 Les 18 autres actionnaires sont des négociants, français le plus souvent, résidant en France ou en Espagne, qui sont représentés au sein de la société par des fondés de pouvoir.

444 On relève notamment la présence de Juan Jacobo Gahn et Diego Duff, qui sont respectivement consuls du Danemark et d’Angleterre, des négociants étrangers José Marliany, Domingo Terry, Antonio O’Duyer, Juan Barry, Thomas Patricio Ryan et des négociants espagnols Nicolas Enrile, Juan Manuel Sarria, Carlos Lorenzo Jennet.

445 Sur les neuf maisons de la première classe de la nation recensées cette année-là, huit ont pris des actions (Jugla Solier et Cie, Magon Lefer frères, Sahuc Guillet, Rivet et neveux, Lecouteulx et Cie, Bonneval et Dumas et Verduc Jolif Séré) ; seule la compagnie Quentin frères ne participe pas. On peut aisément adjoindre à ce groupe d’élite la maison Lenormand qui n’était pas recensée sur les listes de la nation, Jean-Laurent Lasserre et Dominique Béhic qui ont longtemps appartenu à l’élite avant de faire faillite et diverses maisons qui, quoique figurant dans des classes inférieures, appartiennent au même milieu professionnel (Godet Ségalas, Delaville frères, Rey et Brandembourg, Dechegaray frères, Jean-Pierre Jaureguiberry et Cie et Millet et Douat).

également dû suspendre ses affaires commerciales en 1786, sont dotées lors de leur formation en 1787 et 1789 d’un capital de 400 000 pesos pour la première et 500 000 pesos pour la seconde446. Les deux compagnies recrutent leurs actionnaires dans le même milieu que la compagnie des frères Béhic. On retrouve en effet parmi les principaux actionnaires de la première les noms de Jugla Solier, Magon Lefer, Godet Ségalas, Dominique Béhic, Barrère et Sarrasin et Jean-Pierre Jaureguiberry. Quant à la seconde, nous ne disposons pas de la liste intégrale des actionnaires. Nous savons cependant qu’elle était également contrôlée par des membres de la colonie française puisque trois des quatre postes de conseillers avaient été attribués aux compagnies Dechegaray frères, Simon Lenormand et Cie et Godet Ségalas. Au moins quatre autres compagnies d’assurances, en activité en 1793, étaient dirigées par des négociants français ayant fait faillite dans les années 1780 : la documentation notariale révèle que Jean de Bonneval, l’ancien dirigeant de la société Bonneval et Dumas, et Jean-Pierre Jaureguiberry, qui avait dirigé la société Dubernad Jaureguiberry et Cie, étaient à la tête de compagnies d’assurances447

. Par ailleurs, Etienne Laborde et Dominique Galatoire figurent sur la liste des directeurs de compagnies d’assurances convoqués par le gouverneur en septembre 1793448. Le premier a fait faillite en 1789 et a dû fonder une compagnie d’assurances peu après. En revanche, la compagnie des frères Galatoire a été créée en 1784, soit cinq ans avant les difficultés qu’a connues l’établissement commercial des frères Galatoire449 ; elle constitue donc le seul cas de notre échantillon d’une compagnie d’assurances formée par des négociants n’ayant pas fait faillite auparavant450. Si l’on ajoute à

ces sept compagnies celle qui avait été fondée en 1782, à l’initiative du négociant marseillais Jean Payan et qui était dotée d’un capital de 900 000 livres tournois (240 000 pesos), réparti entre les principales maisons françaises, étrangères et espagnoles de la place451, on obtient un total de huit compagnies d’assurances dirigées par les intérêts français de la place, ce qui est relativement peu, rapporté à la soixantaine de compagnies alors en activité à Cadix.

446 AHPC, Cadix, 2571-728 et 4529-sf [29/10/1789], op. cit.

447 Pour la compagnie de Jean de Bonneval, cf. AHPC, Cadix, 3674-243, « Fianza de estar derecho, Don Rafael Nunez en favor de la casa de seguros de Bonneval y Cía « (25/06/1796). Pour celle de Jean-Pierre Jaureguiberry, cf. AGI, Consulados, liasse 522, courriers à Juan Vicente Marticorena (1793-1795).

448 AGI, Consulados, liasse 503.

449 Les frères Galatoire échappèrent de peu à la suspension en 1789 grâce au soutien de la Caja de Descuento et aux secours reçus « par les amis de Madrid » si l’on en croit le rapport qu’en fait Pierre Bernard Cabanon à Gil Apuril de Kerloguen dans un courrier du 12 mai 1789 (ZYLBERBERG M., op. cit., p. 357).

450 En 1784, les gérants de la compagnie Delaville frères informent les banquiers parisiens Mallet frères que Dominique et Pierre Galatoire ont fondé une compagnie d’assurances destinée à leur laisser « une bonne commission annuelle », dans ZYLBERBERG M., op. cit., p. 356.

Or la participation des négociants français dans le capital des entreprises qu’ils ne contrôlaient pas, est très modeste. Si la présence française demeure conséquente au sein de la compagnie formée à l’initiative de Jacobo Caters en 1783452

et si Jean Payan, avant son départ pour Marseille, occupe la fonction de conseiller au sein de la compagnie Aguirre Aristegui y cia453, les participations françaises dans les diverses compagnies pour lesquelles nous disposons des contrats de création, sont marginales :

Tableau 8 : Participation des maisons françaises au capital des compagnies d’assurances par actions espagnoles

Directeur de la compagnie d’assurances Date de formation Nombre d’actionnaires Nombre d’actionnaires français

Noms des actionnaires français

Tomas Izquierdo454 [1783] [60] 2 RománVienne Larrue, Jean Lousteau

Agustin Ortuño455 15/06/1795 42 2 Pierre Mercy, Domingo Béhic Manuel Ortiz et Nicolas de

Herrera456

03/06/1796 20 1 Manuel Rances

Michel Audelin et Manuel Canaliso457

30/06/1796 30 5 Bernard Darhan, Manuel Rances, Michel Audelin, Dominique Béhic, Matias Gutierrez

Juan Francisco Alzueta458 04/06/1796 46 1 Etienne Balleras Agustin de Valverde459 07/06/1796 36 1 Joseph Lassaleta

Joseph Francisco Urda460 01/08/1796 31 3 François Delaye, Pierre Mercy, Maríano Lassaleta

Source : AHPC, Cadix, protocoles notariaux

452 Les huit négociants français que compte la compagnie (Prudent Delaville, Lecouteulx et Cie, Dominique Béhic, Jacques Fourrat, Nicolas Moreau, Pierre Mercy, Bernard Lassaleta) contrôlent 20 % du capital et tiennent le poste de sous-directeur (P. Mercy), ainsi qu’un poste de conseiller (D. Béhic), dans AHPC, Cadix, 1669-839,

op. cit.

453 ibidem, 4517-1539. 454

Cette compagnie nous est connue par la mention qu’en fait Michel Zylberberg (Une si douce domination, op.

cit., p. 359). La compagnie a été formée le 24 juillet 1776 mais les informations relevées sont tirées du contrat de

reconduction de 1783 (date non précisée). Le nombre total d’actionnaires n’étant pas précisé, nous avons reproduit entre crochets le nombre d’actions.

455 AHPC, Fonds Marqués de Purullena, caisse 22, dossier 16. 456 AHPC, Cadix, 408-579. 457 ibidem, 2242-638. 458 ibidem, 4547-1306. 459 ibidem, 4547-1710. 460 ibidem, 4548/2297.

La participation des négociants français au mouvement de création de compagnies d’assurances dans les années 1780-1796 peut donc être qualifiée de modeste. Ce fait traduit-il un désintérêt pour le secteur de l’assurance ou seulement une réticence envers une forme d’investissement offrant des profits limités ? Divers témoignages attestent que les négociants français n’hésitaient pas à pratiquer l’assurance à titre individuel ou dans le cadre de comptes en participation avec des négociants résidant sur d’autres places. Dans la documentation consultée, 23 polices signées par un assureur français agissant pour son propre compte ont été relevées. Les 12 compagnies signataires de ces contrats se recrutent tant parmi l’élite de la colonie (Magon Lefer, Jugla Solier, Lecouteulx, Verduc Jolif Séré) que dans des couches plus modestes (Laurent Labé, Etienne Delabat, Pierre Lesca). Il demeure cependant difficile d’apprécier, à travers ces quelques cas, l’importance que les divers protagonistes accordaient au secteur de l’assurance. Quelques exemples sont cependant mieux connus. Ainsi, la compagnie des frères Fornier a placé dans le secteur environ 100 000 pesos par an entre 1770 et 1785, ce qui équivaut à la moitié du capital des compagnies d’assurances les plus modestes de la place. La correspondance du fonds Roux témoigne de quelques initiatives des négociants gaditans. Le 6 novembre 1787, les gérants de la compagnie Sahuc Guillet de Cadix constatent dans une lettre adressée à la société marseillaise Roux frères que « comme ordinairement les primes chez vous sont plus modiques, nous oserions croire qu’il y aurait à gagner de prendre des risques ici pour se faire récupérer chez vous »461. Un mois plus tard, leurs offres se font plus précises et ils proposent à Roux frères de s’engager à hauteur de 8000 pesos dans les assurances qu’ils prennent à Cadix « tant en participation que pour le compte de divers amis de l’étranger qui par notre direction prennent un risque modéré sur chaque vaisseau dans le cas de nous convenir »462. De même, lorsque la compagnie Simon Lenormand et Cie demande aux gérants de Roux frères de faire dresser par un « bon courtier de Marseille, un tableau des primes d’assurances générales sur votre place » ainsi qu’une note sur le mouvement portuaire du port provençal, on devine qu’ils projettent de procéder à des opérations d’assurance, ou de réassurance, sur la place de Marseille463.

Prudent Delaville entretenait le même type de compte d’assurance, ou de réassurance, en participation avec ses partenaires nantais. On dénombre dans le bilan qu’il a déposé au Consulado en 1793, pas moins d’une vingtaine de comptes d’assurance464. Au passif, on relève trois comptes à demi en participation avec Delaville de Nantes comptabilisant au total

461 ACCIM, Fonds Roux, LIX-843, 06/11/1787. 462 ibidem, LIX-843, 18/12/1787.

463

ibidem, LIX-826, 27/10/1789. 464 AGI, Consulados, liasse 891.

489 721 reales, un autre compte à demi avec P. Charet de Marseille (12 650 reales) et deux comptes intitulés « seguros DVLBC » (10 244 reales) et « seguros marca M » (137 021 reales). A l’actif, on relève également divers comptes témoignant de son activité d’assureur : 43 921 reales dans un compte intitulé « premios de mar », 10 482 reales dans un compte « pagarés de seguros que cobrar » et 3520 reales dans un compte « seguros de cuenta en participación con Payan de Marsella ». On relève également l’existence de divers comptes courants avec des assureurs gaditans : au passif, plus de 500 000 reales sont répartis en une dizaine de comptes avec les compagnies Béhic, Lasqueti, Jaureguiberry, Bonneval, Valverde, Mathew, Murgui, Lobo et Saenz Pardo et à l’actif, près de 300 000 reales se distribuent entre les compagnies Béhic, Jaureguiberry, Imbrecht, Eche, Ortuño et Lacaze. Il est fort probable que ces comptes avec les compagnies gaditanes aient correspondu à des polices contractées par Delaville auprès de ces différents assureurs, les primes à payer étant inscrites au passif et les remboursements à recouvrer à l’actif. L’importance des sommes suggère cependant qu’une partie de l’activité de Delaville devait consister en des opérations pour le compte de partenaires d’autres places. Au total, les 1 250 000 reales inscrits au passif et les 450 000 reales figurant à l’actif, représentent respectivement 30 et 10 % des valeurs inscrites dans le bilan de Prudent Delaville, ce qui témoigne de l’importance qu’il accordait à ce secteur465

.

Ces exemples ne permettent cependant pas de parvenir à une évaluation globale des fonds que les négociants français engageaient à titre particulier, ou dans le cadre de comptes en participation, dans le secteur de l’assurance. Il faut donc, pour se faire une idée plus précise du poids des assureurs français sur la place de Cadix, s’intéresser aux polices que contient notre échantillon et examiner concrètement l’identité des différents protagonistes du secteur.

Si l’on s’intéresse aux 48 contrats de notre échantillon dans lesquels les négociants français se trouvent en qualité d’assurés, on constate immédiatement la primauté des intérêts espagnols dans le secteur. Sur les 1 132 384 reales ainsi contractés sur la place de Cadix par des négociants français entre 1777 et 1793, près de 900 000 reales (80 %) l’ont été auprès d’assureurs espagnols et seulement 233 600 reales auprès d’assureurs français. Quant au statut des assureurs, on constate que les sommes fournies par les assureurs espagnols proviennent essentiellement de compagnies par actions alors que, parmi les assureurs français, les particuliers l’emportent largement sur les compagnies. Pourtant, la majorité des opérations

465 Les informations relevées par Robert Chamboredon dans le fonds Fornier confirment le rôle que Prudent Delaville jouait dans des opérations d’assurance ou de réassurance des navires français reliant la métropole aux Antilles puisqu’il a dénombré au moins de douze expéditions coloniales sur lesquelles la compagnie gaditane a pris des intérêts pour la seule année 1779 (CHAMBOREDON, op. cit., p. 229).

étudiées relèvent de montages financiers associant les diverses offres que propose le marché. Ainsi, en 1778, Jean-Pierre Jaureguiberry assure un chargement de farine expédié du Havre pour Cadix et d’une valeur totale de 140 000 reales auprès de huit assureurs différents466

. Deux ans plus tard, Claude Chambovet répartit de la façon suivante les 37 600 reales correspondant à un chargement de tabac américain qui lui est destiné : il charge la compagnie Charlet fils et Morel de Marseille d’assurer les deux tiers auprès des assureurs marseillais et répartit le tiers restant entre la compagnie d’assurances espagnole de Josef de Lacoizqueta et deux assureurs particuliers de la place, l’Espagnol Juan Francisco Tarranco et le Français Jean-Laurent Lasserre467. Ces exemples soulignent que les commerçants et les armateurs étaient contraints de multiplier les contrats et les partenaires en raison de la faiblesse des risques que les assureurs acceptaient de courir sur un même navire. Il en résulte que le marché de l’assurance est totalement décloisonné : la loi de l’offre et de la demande s’applique sans aucune contrainte. En témoignent trois opérations datées de 1779 pour lesquelles les polices signées sur un même objet affichent des taux de prime variables selon l’assureur. Ainsi les 16 000 pesos pris en 1779 par la compagnie Verduc sur une expédition de denrées coloniales à Marseille sont facturés à 2,75 % par les assureurs espagnols et la compagnie française Galatoire alors que les maisons Jugla Solier et Magon Lefer exigent une prime de 3 %468. Il en va de même pour les 20 000 pesos pris par Jean-Pierre Jaurreguiberry, toujours en 1779, sur un envoi de laines au Havre qui est facturé à 1,75 % par les particuliers espagnols et à 3,25 % par les compagnies d’assurances également espagnoles469

. Enfin, les primes sur les 2264 pesos pris par le même Jaurreguiberry sur un envoi de bretagnes de Saint-Malo à Cadix sont fixées à 4 % par Juan Antonio Herrero et à 6,25 % par la compagnie à la charge de Carrasa470. Ces quelques cas prouvent que le montant des primes était en partie déterminé par le statut de l’assureur. Les grandes maisons françaises comme Jugla et Magon, pour lesquelles le secteur de l’assurance ne représente qu’une activité annexe exigent des taux supérieurs au marché. De même, il semblerait que les compagnies par actions, qui offraient plus de garantie aux assurés que de simples particuliers à la solvabilité aléatoire, facturaient leurs services plus cher471. Au

466 Il s’agit de deux compagnies espagnoles, la Compañía Barcelonesa dirigée par Folch et la Compañía

Sevillana dirigée par Carrasa, de deux particuliers espagnols, Isidro de la Torre et Juan Antonio Herrera, et de

quatre assureurs particuliers français (Magon Lefer, Bonneval et Dumas, Jean-Laurent Lasserre et Cayla Solier Cabannes Jugla). (AHPC, Cadix, 4517-926, carta de pago y abandono, 17/05/1779).

467 CADN, Cadix, 238-177, déclaration, 01/05/1780.

468 AHPC, Cadix, 4517-1580, carta de pago y abandono (21/10/1779). 469

ibidem, 4517-1640, carta de pago y abandono (08/11/1779). 470 ibidem, 4517-1304, carta de pago y abandono (20/08/1779).

471 D’autres considérations peuvent entrer en compte. Ainsi, le cahier regroupant les consignes que le directeur de la compagnie à la charge de Miguel Ortuño devait suivre pour fixer les primes des polices qu’il signait, stipule : Por los [contratos] establecidos con relación a Cádiz, pueden graduarse los de unos a otros Puertos de

moment de recueillir les signatures pour assurer leurs affaires, ou celles qui leur étaient confiées par leurs correspondants, les négociants français avaient donc le choix entre une offre à bon marché mais peu sûre et une offre plus chère mais offrant la garantie de compagnies par actions à l’assise financière solide ou de particuliers dont le nom était en lui- même une garantie de solvabilité. Ce fonctionnement explique donc la position en retrait des assureurs français : sur un marché extrêmement concurrentiel, le haut niveau de primes qu’ils exigeaient afin de rentabiliser leurs prises de risques dans un secteur qu’ils considéraient comme secondaire, les réduisaient forcément à un rôle d’appoint par rapport à une offre espagnole abondante et bon marché.

Cette hypothèse est confirmée lorsque l’on examine les 35 polices de notre échantillon qui ont été signées par un négociant français puisqu’on constate que dans les deux tiers des cas, le bénéficiaire de l’assurance n’est pas un négociant de la place. Ainsi en 1793, les quatre