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Le dépouillement de la totalité de la correspondance active adressée par le ministère de la Hacienda à la direction de Rentas Generales de Cadix entre 1782 et 1795 a permis de relever trente-huit affaires commerciales impliquant un négociant français de la ville55. Le plus souvent, les ordres venus de Madrid portent sur un litige douanier lié à la différence entre les quantités de marchandise qui ont été déclarées avant le passage en douane et celles constatées lors du contrôle : soit les quantités constatées sont inférieures à celles déclarées, auquel cas le négociant demande la remise des droits supplémentaires qu’il a payés, soit elles sont supérieures et il doit alors apporter la preuve de sa bonne foi pour éviter la confiscation. Dans d’autres cas, la direction de Cadix demande des instructions à Madrid concernant l’introduction « par erreur » de produits prohibés. Dans la majorité des cas, la bonne foi du négociant est reconnue et globalement les cas de confiscation sont très rares56.

L’extrême faiblesse de cet échantillon pourrait s’expliquer par l’intégrité exemplaire des négociants français de Cadix, mais il semble plus juste d’évoquer l’inefficacité des contrôles douaniers que l’on peut imputer au manque de moyens (faiblesse des contrôles) ou à la pratique généralisée de la corruption. Il faut également avoir présent à l’esprit qu’une large partie du commerce entre l’Europe et Cadix devait s’effectuer sans passage à la douane. Cet échantillon de trente-huit opérations commerciales présente cependant l’intérêt d’offrir une première vision d’ensemble des opérations commerciales des négociants français de Cadix.

La très grande majorité des affaires recensées portent sur des importations de produits européens à Cadix (33 cas). Pour le reste, on compte deux octrois de permis d’extraction de piastres accordés aux maisons Lecouteulx et Magon, deux opérations relatives au commerce colonial impliquant la maison de commerce Lassaleta, qui avait accès à la Carrera de Indias en raison du statut de jenízaro57 de son chef, Josef Eugenio, et un cas d’introduction d’un suron de laine de guanaco expédié à Marseille par Jean Guirardel et retourné à Cadix « por ser invendible ». C’est donc en premier lieu la nature des marchandises importées par les négociants français de Cadix qui est éclairée par cette source.

55 Archivo histórico provincial de Cádiz (désormais AHPC), Hacienda, livres 37 à 47. 56 Seuls trois cas ont donné lieu à une confiscation sur les quarante recensés.

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A Cadix, le terme de jenízaro (littéralement janissaire) désigne les enfants des marchands étrangers, qui sont nés à Cadix et sont donc autorisés à pratiquer le commerce des Indes.

Les deux tiers des trente-trois affaires recensées sont relatifs à des produits textiles répartis de la manière suivante :

Tableau 1 : Les importations des marchands français d’après les sources douanières Produit Nombre d’affaires Détails

Toiles de lin 8 dont toiles de Silésie (6), toiles de Bretagne (1), brabantes (1)

Soieries 7 dont soie lyonnaise (3), bas de soie (3), non précisé (1)

Draps de laine 1 dont drap d’Angleterre (1)

Divers 6 dont dentelles (1), cotonnades (1), non précisé (4)

Source : AHPC, Hacienda, livres 37 à 47

S’ajoutent à ces importations textiles, cinq importations d’épices (cannelle, clous de girofle et « droguas de Levante »), deux importations de résine de pin, une d’« agua medicinale », une de blé et deux d’objets manufacturés divers (chapeaux et plumeaux en plumes de cygne).

Ainsi, le commerce des négociants français ne se limite pas à l’importation de marchandises françaises. Celles-ci demeurent naturellement majoritaires dans les secteurs où elles ne souffrent pas de concurrence – on pense aux étoffes de soie de Lyon, dont Carlos Poni a montré la prédominance durant tout le XVIIIe siècle58 – mais ailleurs elles cèdent le pas face à des produits européens plus compétitifs. Le cas du commerce des toiles est de ce point de vue emblématique. Au fil du XVIIIe siècle, les contrefaçons des toiles bretonnes produites en Silésie étaient parvenues à un excellent rapport qualité/prix et avaient supplanté leurs rivales françaises sur les segments inférieurs des marchés créoles. Même les négociants malouins qui avaient pourtant fondé leur commerce avec Cadix au début du XVIIIe siècle sur les exportations de « bretagnes », en consignaient à leurs correspondants dans la deuxième moitié du siècle59. Il en va de même pour Antoine Granjean importateur de soieries lyonnaises

58 PONI C., « Mode et innovation : les stratégies des marchands en soie de Lyon, XVIIIe siècle », RHMC, 1998, 45-3, p. 589-625.

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C’est le cas par exemple des maisons Magon de Saint-Malo qui, tout en demeurant de gros exportateurs de bretagnes, n’hésitaient pas à expédier des toiles de Silésie à leurs correspondants gaditans (SEE H., « Notas sobre el comercio francés en Cádiz y particularmente sobre el comercio de las telas bretonas en el siglo XVIII »,

Anuario de Estudios del derecho espanol, n°2, 1925, p. 182-183). La maison Mallet de Cadix, également

qui en commande à ses partenaires lyonnais60. Ainsi, toutes les compagnies françaises, qu’elles appartiennent à l’élite de la colonie61

ou aux catégories plus modestes – négociants de second ordre62 et gros boutiquiers63 – se livrent à leur commerce. Le cas le mieux connu est celui de la maison Simon et Arnail Fornier et Cie, qui fait l’objet de la thèse de Robert Chamboredon. A partir de l’exploitation des papiers privés de la compagnie, il a pu établir que les Fornier avaient été les destinataires de 1160 expéditions de marchandises diverses entre octobre 1768 et mars 1785 (soit l’équivalent de 3 135 000 pesos), que les toiles représentaient les deux tiers de ces expéditions (640) et que parmi ces toiles, la répartition entre les trois principales régions productrices s’établissait de la manière suivante64

:

Tableau 2 : Origine des toiles importées par la compagnie Simon et Arnail Fornier et Cie

Silésie 55 %

Bretagne 25 %

Pays-Bas 9 %

Autres (Normandie, Le Mans, Angleterre) 11 %

Source : CHAMBOREDON R., Fils de soie sur le théâtre des prodiges du commerce, p. 483.

La prépondérance des toiles de Silésie, mise en valeur par les statistiques globales du commerce de Cadix, apparaît donc également de façon très nette à l’échelle des comptoirs des négociants français. Les toiles de Bretagne n’ont cependant pas disparu et on continue de les retrouver dans les magasins des compagnies françaises de Cadix, tout au long de la période et encore dans la première décennie du XIXe siècle. Ainsi, la faillite de la maison parisienne, Gaillard Malibran en 1781, révèle qu’elle possédait des intérêts dans des toiles de Bretagne

60 DORNIC F., « Le commerce des Français à Cadix d’après les papiers d’Antoine Granjean », Annales ESC, 1954, p. 312.

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La maison Cayla Solier Cabannes Jugla et Cie est destinataire de 25 balles consignées par Jean-Joseph Laborde de Paris (dans ZYLBERBERG, Une si douce domination, op. cit., p. 237). La maison Rey et Brandembourg en reçoit 360 pièces en 1794 (AHPC, Hacienda, livre 46, 15/07/1794). La compagnie de Jean- Laurent Lasserre octroie une procuration en 1785 pour récupérer deux mille pièces chargées sur un navire ayant fait naufrage près de Dunkerque (AHPC, Cadix, registre 239, folio 464 [désormais 239-464]).

62 Cas des maisons Lafforé frères (AHPC, Hacienda, livre 37, 27/02/1782), Binalet (AHPC, Puerto de Santa María, 830-442, partition de Juan María Binalet, 24/04/1801) et Hedembaig Lapadu (compulsoire des livres de la maison Hedembaig Lapadu frères et Cie pour les années 1793, 1794 et 1795, Centre des Archives diplomatiques de Nantes, Cadix, registre 251, folio 77 [désormais CADN, Cadix, 251-77], 21/09/1819).

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Cas du marchand Beltran de Curuchetta (AHPC, Hacienda, livre 44, 05/01/1793) et du gros boutiquier Jean Bonnemaison, qui déclare posséder 165 000 reales de toiles allemandes lors de sa naturalisation en 1797 (Archivo General de Indias [désormais AGI], Consulados, liasse 891).

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CHAMBOREDON R., Fils de soie sur le théâtre des prodiges du commerce. La maison Gilly-Fornier à Cadix

consignées aux compagnies Chancel, Delaville et Dechegaray de Cadix65. Les négociants malouins Magon de la Blinaye et Gil Apuril de Kerloguen en expédiaient également de grandes quantités à leurs partenaires gaditans dans les années 179066 et la documentation, enregistrée devant notaire ou en chancellerie, par les compagnies françaises de Cadix ne manque pas de cas de maisons françaises intéressées dans des envois de bretagnes67. On peut imaginer qu’à l’image de la maison Fornier, les compagnies françaises s’efforçaient donc de proposer à leur clientèle des assortiments variés de toilerie incluant toutes les sortes de qualités et d’origines.

La situation semble avoir été très similaire pour le deuxième produit le plus importé par les maisons françaises : les draps de laine. Les négociants français en recevaient des diverses régions françaises spécialisées dans leur production : la Picardie68, la Normandie69 et le Languedoc70. Tous les témoignages s’accordent cependant à souligner la très rude concurrence que faisaient aux manufactures françaises les producteurs anglais et les sources confirment que les maisons françaises de Cadix n’hésitaient pas à s’approvisionner de l’autre côté de la Manche71. Le cas des Fornier reflète bien la mise en concurrence des différentes

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ZYLBERBERG, op. cit., p. 235. 66

En avril 1792, le négociant malouin Magon de la Blinaye acquiert 120 000 livres tournois de toiles pour le compte de Joseph Villart et 20 balles pour celui de Jean Carricaburu, deux modestes maisons françaises de Cadix. Il en avait par ailleurs consigné, pour son compte, pour 30 000 livres tournois au même Joseph Villart en août 1791 (SEE H., op. cit., p. 192 et 194). Le négociant Jean-Pierre Lacomme du Puerto de Santa María semble aussi avoir fait partie des destinataires des toiles exportées par Magon de la Blinaye (ZYLBERBERG, op. cit., p. 344). Au total, Magon de la Blinaye aurait expédié en Espagne pour 748 587 livres tournois de bretagnes en 1789-1790 (soit 10 % des exportations réalisées depuis Saint-Malo), 1 092 148 livres tournois en 1790-1791 et 1 383 646 livres tournois en 1791-1792 (ZYLBERBERG, op. cit., p. 397).

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En 1779, Thomas de la Gervinais signe une carta de abandono en faveur des assureurs de 21 balles de toiles de Bretagne que Magon de la Sandre avait chargées à sa consignation sur le navire espagnol Nuestra Señora de

la Concepción, lequel navire a été pris par des corsaires barbaresques (AHPC, Cadix, 4517-1321). En 1779, la

maison Jacques Domecq et neveux du Puerto de Santa María fait assurer par Dubernad de Cadix l’expédition de quatre « tercios de bretaña » qui ont été chargés pour leur compte sur un navire espagnol (AHPC, Cadix, 4517- 1304). En 1780, Román Vienne et Larrue octroie une procuration pour être représenté dans la faillite de la compagnie Pitot de Saint-Malo à laquelle il avait remis 14 210 livres tournois pour l’achat de toiles (AHPC, Cadix, 238-171). En 1787, la maison Reboul Desportes et Cie octroie une procuration pour récupérer des mains de la maison Cambon frères et Cie de Cholet le montant d’un envoi de toiles qui avait été réglé par des traites sur Lecouteulx de Paris et dont la qualité se révèle bien inférieure à ce qui avait été annoncé (AHPC, Cadix, 240- 514).

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En 1789, la compagnie Verduc Jolif Séré, alors en cessation de paiement, est contrainte de remettre à Augustin Debray de Cadix, « 34 pièces de peluches en poils » et deux balles de draps qui leur avaient été expédiées par François Debray d’Amiens (AHPC, Cadix, 241-382).

69 En 1781, le bilan de la compagnie Gaillard Malibran de Paris révèle qu’elle possède un demi d’intérêt dans des draps d’Elbeuf consignés à la compagnie Godet Ségalas de Cadix (ZYLBERBERG, op. cit., p. 235-236). 70

En 1779, la maison Bonneval et Dumas est consignataire de trois balles de draps du Languedoc expédiées par Roux frères de Marseille pour le compte d’une maison rouennaise (ACCIM, Fonds Roux, LIX-855, 30/04/1779). 71 En 1778, les compagnies Vial Montaut et Dubra Serre octroient une procuration à Gaillard Malibran de Paris pour exiger des députés du congrès américain présents à Paris que leur soient restituées « 100 piezas de paños de segunda, 120 piezas de sargas y 250 piezas de bayetas » chargées en Angleterre sur le navire la Fortune,

régions productrices à laquelle se livraient les maisons françaises de Cadix pour constituer leurs assortiments, puisque la draperie anglaise représente 28 % des envois qu’ils ont reçus et occupe ainsi la deuxième place entre la Picardie (41 %) et le Languedoc (18 %)72. Un autre exemple de la diversité des sites d’approvisionnement en draps est fourni par la protestation adressée le 2 septembre 1788 par les députés de la nation française au duc de Vauguyon, alors ambassadeur à Madrid. Ils y dénoncent un ordre du roi d’Espagne adressé à l’administrateur de la douane de Cadix, visant à interdire « provisoirement » le chargement des draps étrangers pour les Amériques et rappellent que la mesure similaire qui avait été prise l’année précédente à l’encontre des bas de soie n’a toujours pas été levée73

. Dans ce document, les députés estiment la valeur des 1328 pièces de draps français existant dans les magasins des maisons françaises de la place à 956 160 livres tournois et celles des 2139 pièces de fabrique étrangère qu’elles possèdent par ailleurs à 962 560 livres tournois. Ils précisent en outre que les maisons étrangères et espagnoles doivent en détenir des quantités similaires et terminent en évoquant le risque de ruine qui menace tant les fabricants que les négociants français, puisque les marchands espagnols ont annoncé qu’ils n’honoreraient pas les traites qu’ils ont acceptées en paiement des draps qui leur ont été cédés avant le décret. Au-delà du ton alarmiste propre à ce type de mémoire, il faut retenir que les maisons françaises s’approvisionnaient à parts égales auprès des producteurs hexagonaux et de leurs rivaux européens et que les autres communautés marchandes de la place, tant étrangères qu’espagnole, semblent avoir toutes agi de la même manière.

Les soieries, qui occupent le troisième poste des importations de Cadix, demeurent principalement produites en France, en dépit de la concurrence étrangère (Gênes et Naples) et des réglementations douanières espagnoles visant à promouvoir les manufactures de Valence. Deux raisons concouraient à assurer cette primauté : le relais qu’assuraient les firmes nîmoises et lyonnaises installées à Cadix aux producteurs hexagonaux et la qualité intrinsèque des marchandises.

Les marchands-fabricants de Lyon et de Nîmes bénéficiaient en effet, d’un important réseau de filiales à Cadix qui assuraient un débit sûr à leurs productions. L’essentiel des litiges douaniers relevés dans la correspondance des Rentas Generales de Cadix concerne des

arraisonné par des corsaires américains (AHPC, Cadix, 4516-1558). En 1793, Pierre André Vial est autorisé à retirer de la douane deux « pacas de generos de lana » qui lui ont été expédiés depuis le port de Hull (AHPC,

Hacienda, livre 44, 22/02/1793).

72

CHAMBOREDON R., op. cit., p. 492. 73 CADN, 260, lettre du 02/09/1788.

maisons nîmoises ou lyonnaises74. Les cas d’Antoine Granjean et des frères Fornier illustrent parfaitement le fonctionnement des réseaux de la soierie française. Le premier consacrait l’essentiel de son activité aux commissions, que lui confiaient son beau-frère Antoine Linossier de Lyon et d’autres exportateurs lyonnais75

. Quant aux Fornier, ils recevaient essentiellement leurs soieries de Nîmes (pour 70 %, le reste provenant de Naples, Gênes et Lyon), ce qui s’explique par les intérêts que leur frère Barthélémy possédait dans une fabrique locale76.

Cependant, la supériorité de la production française sur ses rivales italienne et espagnole, que Carlos Poni a particulièrement bien mise en valeur pour le cas lyonnais77, permettait aux exportateurs de placer leurs marchandises bien au-delà du seul réseau des commandites installées à Cadix. En effet, nous retrouvons parmi les importateurs de soieries lyonnaises des maisons d’origine parisienne comme Favar et Cie ou Journiat Daurel78

, malouine, comme Magon Lefer frères79, ou encore languedocienne comme Jugla Solier80. Il est en outre logique de supposer que les Espagnols et les étrangers en importaient également. Dans ce contexte, il est difficile d’évaluer l’impact des prohibitions douanières de 1782 qui semblent avoir affecté principalement la fabrique nîmoise. La contrebande a pu représenter une solution de substitution pour les importateurs locaux. Il serait également intéressant de savoir dans quelle mesure, les négociants français ont joué le jeu du protectionnisme espagnol et se sont tournés vers les fabriques de Valence. Les seuls cas d’importateurs de soieries de Valence qui nous sont connus, s’étaient spécialisés dans cet article bien avant la rédaction du règlement douanier de 1782. Il s’agit de Jacques Lousteau et de Pierre Fartane, deux exemples mis en lumière par les travaux de R. Franch Benavent sur le négoce valencien81. Le premier était l’un des principaux importateurs de soieries de Valence à Cadix, notamment en raison des liens étroits qu’il entretenait avec des parents installés à Alicante et à Valence. A partir de

74

Relevons parmi les premières, les compagnies Abric et Rivet qui sont autorisées à réexporter respectivement 28 et 120 douzaines de paires de bas qu’elles ont introduites à Cadix en dépit des prohibitions (AHPC,

Hacienda, livre 43, 30/10/1792) ; parmi les secondes, les cas de Claude Monnot et Dominique Morel qui font

l’objet d’enquêtes complémentaires suite à l’introduction de grandes quantités de soieries lyonnaises (AHPC,

Hacienda, livre 38, 27/06/1783 et 01/07/1783). On pourrait aussi citer l’exemple de la maison lyonnaise

Chambovet qui place à trois mois de terme, auprès de Juan Thomasik de Cadix, 115 douzaines de paires de bas (AHPC, Cadix, 4518-1547, 14/11/1780).

75

DORNIC F., op. cit., p. 312.

76 CHAMBOREDON R., op. cit., p. 494. 77 PONI C., op. cit.

78 La première reçoit 360 douzaines de bas en 1792 (AHPC, Hacienda, livre 43, 21/09/1792) et le seconde en place 18 douzaines auprès d’un marchand de Madrid en 1780 (AHPC, Cadix, 4518-1572, 20/11/1780).

79

SEE H., op. cit., p. 185.

80 La pacotille de 405 000 livres tournois que leur adresse Jean-Joseph Laborde en 1772 comprend une caisse de taffetas de Lyon (ZYLBERBERG M., op. cit., p. 237).

81

FRANCH BENAVENT R., « Los negocios de una gran empresa sedera en la Valencia del siglo XVIII : la Compañía de Nuestra Señora de los Desamparados », Revista de Historia Ecónomica, XIV-3, p. 557-589.

1776, il devient le commissionnaire exclusif de la compagnie privilégiée Nuestra Señora de los Desamparados qui lui commet plus de 450 000 reales de marchandises en trois ans. Il est ensuite contraint de partager cette exclusivité avec Pierre Fartane, l’un de ses commis qui s’est mis à son compte et lui fait désormais concurrence. Ce dernier est l’unique destinataire des 250 000 reales de soieries expédiés par la compagnie valencienne en 1779-1781. Après cette date, Lousteau et Fartane se partagent le marché et reçoivent en tout 580 000 reales de soieries durant les exercices 1782 et 1783. La disparition de la compagnie Nuestra Señora de los Desemparados en 1785 ne semble pas avoir fragilisé les positions de Lousteau dans le secteur et en 1794, il fait valoir dans une requête adressée au gouverneur de la Cadix el fuerte giro que hacemos con las fábricas de Valencia, principal ramo a que estamos dedicados, y de donde recibimos de propia cuenta crecidos surtimientos82. De la même manière, toujours à Cadix, la maison de Manuel Rances semble avoir joué un rôle similaire. Elle laisse en effet protester en mars 1793, quatre traites tirées par des exportateurs de Valence, Ignacio Torres et Thomas Pastor, que l’on peut interpréter comme des paiements commerciaux pris en remboursement d’expéditions de soieries83

.

A côté de ces flux de toiles, draps et soieries destinés aux négociants français de Cadix, les autres productions européennes paraissent très en retrait. Quelques marchandises se distinguent cependant. Toujours dans les domaines du textile et de l’habillement, il faut mentionner la mercerie et la chapellerie qui constituent deux secteurs traditionnels de la manufacture française. La pacotille adressée par Jean-Joseph Laborde à Cayla Solier Cabanes et Jugla en 1772, inclut 4 caisses de chapeaux dits « castors de Paris » et 19 caisses de dentelles du Puy. On retrouve ces mêmes dentelles du Puy dans une déclaration d’un négociant espagnol qui proteste contre la médiocre qualité des « coupons » qui lui ont été consignés chez Demeure père et fils de Cadix par Antoine Etienne Christofle de Paris84 ou encore dans une correspondance du fonds Roux qui évoque 7 balles de dentelles consignées par Roux frères de Marseille à Pierre Deschamps de Cadix pour le compte de Jean Cathala de Carcassonne85. Quant aux chapeaux parisiens, ils font également partie des marchandises qui sont consignées chez Antoine Granjean86 et la douane de Cadix en saisit 51 douzaines qui

82

Archivo Histórico Nacional (désormais AHN), Concejos, liasse 6341, 11/01/1795. 83 AHPC, Cadix, 4537-1290 et 4538-1314.

84 CADN, Cadix, 244-81, 30/09/1796. 85

ACCIM, Fonds Roux, LIX-855, 01/10/1763. 86 DORNIC F., op. cit., p. 314.

n’avaient pas été déclarées parmi les 2 caisses destinées au marchand Juan Domec87. D’une

manière générale, les différents articles de mercerie, tels que les mouchoirs, les tulles ou les