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Chapitre III Méthode

1. Mise en contexte

1.3 Fondements théoriques de l’approche

1.3.1 Phénoménologie

philosophique occidental, une science de l’expérience et une étude qualitative descriptive flexible de l’expérience humaine élaborée par Edmund Husserl au début du 20e siècle. Selon Smith et al. (2009), la philosophie phénoménologique procure à la psychologie une riche source d’idées sur la façon d’examiner et de comprendre l’expérience vécue. Par contre, bien que la phénoménologie de Husserl cherche à trouver l’essence de l’expérience, l’IPA a de plus modestes ambitions et cherche plutôt à capturer des expériences spécifiques expérimentées par des gens en particulier (Smith et al., 2009). Pour répondre à ces objectifs, l’IPA rejoint la visée plus interprétative de la phénoménologie herméneutique de Heidegger. En effet, tel que l’exposent Smith et al. (2009), l’interprétation fait nécessairement partie de la compréhension des relations entre l’être humain et le monde. En d’autres termes, il est impossible de ne pas interpréter. Ce faisant, l’identification explicite de la phénoménologie comme étant une démarche herméneutique par Heidegger est des plus importantes pour l’IPA qui se veut une approche phénoménologique interprétative.

1.3.2 Herméneutique. L’herméneutique est la science de l’interprétation (Smith et al., 2009).

Les grands questionnements à la base des théories herméneutiques concernent les méthodes et buts de l’interprétation, la découverte des intentions ou du sens original d’un auteur ainsi que les relations entre le contexte dans lequel le texte a été produit et le contexte de son interprétation (Smith et al., 2009).

L’IPA s’appuie sur les idées de trois théoriciens, Heidegger, Schleiermacher et Gadamer ainsi que sur le principe du cercle herméneutique.

Heidegger apporte deux assises importantes à l’IPA : il formule explicitement que la phénoménologie est une activité interprétative et sa vision des préconceptions amène une réévaluation du rôle de la mise de côté temporaire de ces dernières ou « bracketing » dans le processus d’interprétation des données dans une approche phénoménologique (Smith et al., 2009). En effet, l’IPA considère le bracketing comme étant un processus cyclique et partiellement réalisable. Puis, selon Schleiermacher, le processus d’interprétation permet à l’analyste d’offrir une perspective du texte que l’auteur ne pourrait offrir lui-même. Cette vision de l’herméneutique teinte le processus d’interprétation de l’IPA : « It does allow us to see how our analyses might offer meaningful insights which exceed and subsume the explicit claims of our participant » (Smith et al., 2009, p. 23). De plus, selon Gadamer, l’objet influence l’interprétation qui elle-même influence les préconceptions qui, à leur tour, influencent l’interprétation (Smith et al., 2009). En IPA, ce processus se traduit par l’engagement de l’analyste dans un dialogue entre ses préconceptions et le texte, par la lecture et la compréhension du texte, processus cyclique qui se déroule du début à la fin de la lecture du texte. Gadamer expose également qu’une interprétation est un dialogue entre le passé et le présent et que le but de l’analyse devrait se concentrer sur la compréhension de ce dernier, selon l’époque à laquelle il est interprété. Smith et al. (2009) reprennent ce but en stipulant que l’interprétation en IPA se concentre sur le sens du texte et que ce sens est fortement influencé par le moment auquel les interprétations sont faites. Enfin, la notion du cercle herméneutique est donc un principe essentiel à l’IPA, car elle expose sa nature itérative : « It is concerned with the dynamic relationship between the part and the whole, at a series of levels. To understand any given part, you look to the whole; to understand the whole, you look to the parts » (Smith et al., 2009, p. 28). Le cercle herméneutique représente également le style de réflexion requis par un analyste herméneutique : dynamique et non linéaire.

1.3.3 Idiographie. L’IPA s’intéresse au particulier, au détail, et vise une analyse en profondeur,

systématique et exhaustive de chaque participant, avant de se lancer dans des interprétations plus générales : « Delving deeper into the particular also takes us closer to the universal » (Smith et al., 2009, p. 31). Smith et al. (2009) se basent sur les méthodes de l’induction analytique et de l’approche quasi judiciaire afin d’adopter des procédures analytiques permettant de passer de cas particuliers à des énoncés plus généraux, tout en conservant la voix de chaque participant à travers les énoncés.

En somme, nous pouvons constater comment ces fondements peuvent éclairer le choix de l’IPA dans le cadre de cette étude : une méthode basée sur la phénoménologie, l’herméneutique et l’idiographie permet d’examiner le vécu d’un phénomène selon l’expérience de chaque participant et d’interpréter ce vécu en profondeur, autant dans sa singularité que dans ses propriétés plus générales.

2. Cadre de l’étude

La présente section retrace l’actualisation de la méthode en exposant le rôle de la chercheure, le déroulement de l’étude et les considérations éthiques.

2.1 Rôle de la chercheure. En recherche qualitative, une part de la rigueur repose sur la réflexivité de la chercheure face à son propre apport à l’étude (Werts et al., 2011). Étant donné son rôle prépondérant durant toutes les étapes du processus de recherche, il s’avère nécessaire, dans un souci de transparence, d’identifier les valeurs, les intérêts, les préconceptions et les expériences passées de la chercheure en lien avec le présent problème qui pourraient biaiser la recherche et plus particulièrement l’interprétation des données (Creswell, 2014).

Les perceptions de la chercheure face à l’éducation musicale en contexte d’intégration ont été façonnées majoritairement par ses propres expériences du milieu scolaire québécois. En tant que stagiaire et suppléante en éducation musicale au primaire et au secondaire, elle a goûté à la réalité de l’enseignant de musique, que ce soit en contexte urbain ou rural, favorisé ou non. Croyant aux nombreux bienfaits que la musique en groupe peut apporter à tous les élèves, sans exception, et en raison d’une attirance pour la relation d’aide, son intérêt envers l’intégration scolaire s’est développé au contact des élèves HDAA intégrés en classe ordinaire à qui elle a enseigné. La chercheure croit que son expérience lui procure une connaissance du milieu, de la profession et des participants, ce qui affine sa conscience et sa sensibilité face au phénomène étudié et ce qui lui permettra d’établir plus facilement un lien de confiance avec les participants. Dans le respect du fondement phénoménologique de l’IPA (Smith et al., 2009), elle devra cependant mettre à plat ses propres connaissances, croyances et perceptions du problème de recherche et éviter de recourir hâtivement à des théories ou hypothèses afin de se concentrer sur les données immédiates de l’expérience, et ce, de façon cyclique durant tout le processus de recherche.

D’un autre côté, la chercheure a eu l’occasion d’échanger informellement à maintes reprises avec ses collègues et mentors quant à la réalité actuelle de la profession, ces derniers émettant des commentaires plus souvent négatifs que positifs. En tant qu’assistante de recherche, récemment, elle a coanimé des entretiens de groupe portant sur les conditions de travail des enseignants de musique, recevant formellement des commentaires plus négatifs que positifs par rapport à de nombreux aspects de la profession. Ainsi, malgré les avantages que procurent une connaissance interne du milieu, la chercheure doit porter une attention particulière à ses préconceptions du vécu de l’intégration des élèves HDAA en classe de musique ordinaire des enseignants de musique.

2.2 Déroulement de l’étude. L’étude s’est déroulée en quatre temps. En mai et en juin 2015, la chercheure a procédé au recrutement des participants. La collecte des données s’est effectuée en juin et en juillet 2015. L’analyse des données s’est déroulée de juillet à octobre 2015. La période entre novembre 2015 et septembre 2016 a permis de compléter l’écriture du rapport de recherche. Les deux premières étapes, soit le recrutement et la collecte des données sont relatées dans la présente section.