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Dimension 8 : faire face à l’évocation d’expériences passées ou anticipées

Chapitre V – Discussion générale des résultats

3. Discussion liée à la manifestation dans l’expérience vécue des facteurs facilitant

3.6 Dimension 8 : faire face à l’évocation d’expériences passées ou anticipées

aux élèves HDAA en contexte de classe ordinaire suscite le rappel d’expériences passées. Cette dimension rejoint les écrits de Rousseau et Prud’homme (2010) pour qui l’ouverture ou la fermeture face à l’intégration provient souvent d’expériences antérieures. Les expériences antérieures auraient avantage à être positives puisqu’elles ont un impact sur les attitudes des enseignants. Chez les trois participants, le rappel d’expériences antérieures semble contribuer à construire un sens à l’expérience racontée. Ces souvenirs sont constitués de leur vécu, decelui de collègues, de discussions avec des collègues, d’anciens élèves ou des parents. Chez Marie, il s’agit de souvenirs principalement désagréables et qui l’ont « troublée terriblement ». Ces expériences négatives semblent avoir un impact sur son attitude face à l’intégration qui s’apparente à une attitude de fermeture : « l’intégration là, j’ai ben

[accent] d’la misère ». Une divergence est donc apparente entre la manifestation d’expériences antérieures négatives dans le vécu de Marie et celles positives promues dans la littérature. Or, comme mentionné au point 3.1 ci-dessus, la littérature québécoise expose plusieurs facteurs pouvant contribuer à rendre le vécu des expériences positif, que ce soit par des conditions d’enseignement, du soutien ou une formation adéquate. Rappelons brièvement que le soutien par la collaboration et l’implantation d’un programme de consultation scolaire ainsi que la formation initiale et continue adaptée contribueraient à rendre les expériences plus positives et ainsi, auraient un impact sur l’ouverture plutôt que la fermeture des enseignants de musique face à l’intégration (Bélanger, 2006; Potvin et Lacroix, 2009; Rousseau et Bélanger, 2004; Rousseau et Prud’homme, 2010; Rousseau et al., 2014).

Considérant des expériences antérieures traumatisantes manifestées dans le vécu de Marie, nous nous interrogeons à nouveau quant à l’actuelle place donnée dans le système scolaire aux facteurs reconnus par les auteurs comme facilitant les expériences d’intégration. Encore une fois, les données issues de la présente étude ne permettent pas de répondre à cette question. Par contre, le vécu traumatisant rapporté par Marie dénote clairement un problème qui mériterait un approfondissement afin d’en diminuer l’impact et ainsi, rendre l’expérience de l’intégration agréable et positive.

Synthèse de la manifestation des facteurs facilitants. Par une mise en dialogue entre les dimensions expérientielles communes et les facteurs facilitants touchant directement les enseignants, nous en sommes venus à constater qu’il est possible d’établir un dialogue entre les données de recherche et la littérature, malgré la présence de nombreuses divergences entre la manifestation souhaitable et la manifestation observée des facteurs dans le vécu des participants.

Tout d’abord, les attitudes et les croyances se manifestent dans les dimensions expérientielles liées à la sensation d’émotions désagréables, agréables et à l’existence d’impacts incommodants sur soi. Seul le fait de ressentir des émotions agréables semble converger avec la manifestation attendue dans la littérature des attitudes et croyances positives de l’intégration en classe ordinaire. Les conditions d’enseignement, le soutien et la formation ont été identifiés dans la littérature comme pouvant avoir un impact positif sur le vécu. Toutefois, la thématique relative à la régulation des émotions et aux modalités pour y parvenir n’est pas traitée dans les ouvrages consultés. Les attitudes et les croyances se manifestent également dans la dimension expérientielle liée à l’ancrage des enseignants dans leurs convictions. Une convergence semble apparente entre les attitudes et croyances retrouvées dans la littérature (être sensible à l’effort, célébrer les réussites et croire que l’enseignement est une véritable

vocation) et celles manifestées dans cette dimension expérientielle (désir d’aider les élèves, de miser sur le positif). Les convictions des enseignants semblent donc en accord avec celles facilitant le vécu de l’intégration.

Les attitudes et croyances se manifestent de façon plus ou moins convergente avec la littérature dans la description de caractéristiques attribuées à l’élève ayant des besoins particuliers. En effet, il semblerait que les attitudes des enseignants spécialistes en musique envers les caractéristiques attribuées aux élèves HDAA semblent varier de positives à négatives, et ce, malgré la présence, de facteurs facilitants reconnus comme ayant une influence sur les attitudes dans la littérature (conditions d’enseignement, soutien, formation). On retrouve aussi une manifestation divergente des attitudes et des croyances dans la dimension expérientielle « poser des actions en classe et hors classe ». En effet, chez les participants, on retrouve des attitudes de doute, de désaccord ou de critique touchant aussi bien les orientations, les principes, les façons de faire que l’intégration même des élèves HDAA en classe ordinaire. Les participants appuient leurs réflexions en faisant état de plusieurs problèmes liés de près ou de loin aux élèves en difficulté d’adaptation qui sont intégrés en classe ordinaire, dont les préjugés et le déinsintérêt de certains collègues. Il semble donc y avoir un décalage entre les attitudes et croyances reconnues comme étant facilitantes et celles manifestées dans cette dimension expérientielle.

La littérature expose que l’ouverture ou la fermeture face à l’intégration provient souvent d’expériences antérieures. Ces expériences semblent varier de positives à négatives chez les participants. Par contre, Marie fait figure d’exception en exposant le vécu d’expériences antérieures traumatisantes. Simon et Marie affichent d’ailleurs des attitudes plutôt fermées face à l’intégration. Il semble donc y avoir une divergence entre les données et la littérature. Bref, la manifestation de leurs attitudes et croyances semble diverger plus souvent que converger avec les attitudes et croyances facilitant l’intégration en classe ordinaire.

Concernant les pratiques pédagogiques se manifestant dans la dimension expérientielle « poser des actions en classe ou hors classe », on constate à la fois des convergences et à la fois des divergences entre les actions posées par les enseignants et les pratiques pédagogiques reconnues dans la littérature. En effet, la littérature expose que les enseignants doivent savoir s’adapter, ne doivent pas avoir peur de changer d’approche et doivent analyser les réussites et leurs causes. Les participants posent ces gestes. Cependant, la littérature semble mettre l’accent sur les types de pratiques

pédagogiques basées sur la différenciation29 alors que cet aspect semble peu se manifester dans le vécu des participants. Leurs préoccupations semblent plutôt axées sur l’aide aux élèves, la compréhension des besoins et la gestion des comportements. On observe pourtant dans la littérature que plusieurs aspects des conditions d’enseignement, du soutien et de la formation pourraient contribuer à diminuer le nombre d’actions non liées à la pratique pédagogique.

Les conditions d’enseignement, le soutien et la formation se manifestent dans la dimension « avoir recours à une réflexion critique de l’environnement scolaire ». La manifestation de ces facteurs semble diverger plus souvent qu’elle ne converge avec le vécu des participants. En effet, des aspects des conditions d’enseignement, du soutien et de la formation initiale sont identifiés comme étant problématiques par les participants. Seules la collaboration et l’information semblent converger avec la littérature. Un besoin de soutien est d’ailleurs exprimé par les participants. Or, la littérature portant sur les facteurs facilitants offre plusieurs pistes de solution à ce besoin, que ce soit sur le plan des attitudes, des croyances, des conditions d’enseignement, du soutien ou de la formation.

En somme, les facteurs facilitants se manifestent dans les dimensions expérientielles communes, mais semblent diverger plus souvent qu’ils ne convergent avec celles-ci. Ce qui nous amène au constat qu’un décalage semble exister entre la manifestation des facteurs facilitants observée dans les données de la présente étude et la manifestation souhaitable de ces facteurs répertoriés dans la littérature. Des problématiques liées à l’enseignement de la musique aux élèves HDAA en contexte d’intégration en classe ordinaire, manifestées soit par la présence de dimensions expérientielles désagréables ou négatives soit par certaines facettes problématiques de dimensions expérientielles, sont vécues par les participants, et ce, malgré l’existence de facteurs facilitants reconnus dans la littérature.

Conclusion

Pour conclure ce mémoire, nous exposerons une synthèse des connaissances acquises dans le cadre de cette recherche. Nous étayerons ensuite une réflexion critique sur l’étude en soulignant ses forces et ses limites. Nous soulignerons ses retombées pour la recherche et la pratique en éducation musicale. Enfin, nous mettrons en exergue nos recommandations pour la recherche future et les voies d’application à développer.