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Chapitre 1. La formation des catéchistes paroissiaux, entre services baptismaux et

2. Le catéchiste dans l’annonce de l’Évangile au Sud-Cameroun

2.1 La pastorale paroissiale dans la zone Nyong II et l’apostolat des catéchistes

La zone pastorale12 Nyong II est l’une des cinq zones pastorales que compte le diocèse d’Eséka, au Cameroun. Sur ces 1290 km2 vivent 29 000 habitants. Ce territoire semi-rural et compact présente une situation économique contrastée. Il y a d’abord le centre-ville com- mercial de Makak, centre géographique de la zone, en grande difficulté. Les paroisses qui l’entourent connaissent aussi la précarité et la pauvreté avec une importante population étran- gère. Les autres paroisses de la périphérie sont également situées en milieu rural avec une population plus ou moins homogène : même langue, même culture.

La ville de Makak présente en outre une vie culturelle intense. Jadis, elle jouait un rôle at- tractif important pour la région avec deux grands établissements scolaires de renom. Au- jourd’hui, la situation est inversée. La vie scolaire s’est déplacée vers les villages et cette attraction vers la ville de Makak s’est perdue et la concentration urbaine s’est développée hors du centre.

Sur le plan ecclésial, la zone est composée de huit paroisses. Comme pour la vie économique et sociale, la vie des communautés varie suivant les lieux. Dans la paroisse de Makak, la vie pastorale est assez unifiée et tourne autour des associations et des mouvements chrétiens. Les autres paroisses ont une certaine autonomie tout en développant des synergies entre elles.

12 Une zone pastorale est assimilée au doyenné dans d’autres contextes. Elle regroupe plusieurs paroisses et a à

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Sur l’ensemble de la zone pastorale, les catéchistes sont confrontés à de défis auxquels ils ne sont pas préparés. Autour d’eux naissent de nouvelles propositions religieuses chrétiennes ou non et, dans l’exercice de leurs fonctions pastorales, ils sont ballotés par l’inadaptation par rapport à la pression de la vie et à l’évolution socioculturelle de la société moderne. me- nacé par cette donne religieuse et soumis à cette nouvelle configuration où, logiquement, ils ne sont pas si préparés. Pourtant, dans la zone Nyong II tout comme dans le reste du diocèse, la paroisse reste le lieu où tout converge et d’où partent toutes les orientations pastorales. Chaque paroisse compte plusieurs case-chapelles dirigées par un ou plusieurs catéchistes. Ces catéchistes sont choisis soit par le curé de la paroisse, soit sur proposition de la commu- nauté locale, soit même par le candidat lui-même désireux de s’engager au service de son village. Ce sont des chrétiens toujours originaires du village, choisis non en raison de leur capacité financière, de leur seule volonté mais en raison de leur exemplarité de vie chrétienne, leur bonne moralité et leurs qualités de bon guide, de rassembleurs et d’animateurs. Tous les catéchistes choisis ou proposés ne remplissent pas ces critères, mais leur engagement et leur influence sont les critères les plus reconnus pour leur choix.

De plus, dans cette zone pastorale, une nouvelle approche des catéchistes a été privilégiée. Elle consiste à renforcer leur influence dans leur communauté et de leur donner la possibilité à prendre des initiatives, alors que dans le reste du diocèse, ils ne sont que des auxiliaires chargés de diriger la prière dominicale, de préparer les enfants pour la réception des sacre- ments, d’accompagner le prêtre quand il vient en tournée pastorale, d’assurer le lien entre la paroisse et sa communauté dont il distille les informations paroissiales ou diocésaines. Nous nourrissons cette conviction que les catéchistes exercent véritablement un travail pas- toral dans leur paroisse. Si nous nous tenons à ce point de vue, deux documents contribuent en ce sens : Lumen Gentium13 et le Code de Droit canonique14. Dans la constitution Lumen

Gentium, il y a une distinction à faire entre tous les laïcs appelés à participer à la mission de l’Église, et ceux appelés à coopérer plus immédiatement avec les prêtres; ils jouissent à cet

13 Concile Vatican II. Constitution dogmatique Lumen Gentium : n° 31a définit les laïcs comme « des fidèles

qui, pour avoir été incorporés au Christ par le baptême, constitués en peuple de Dieu et devenus participants, à leur manière, des fonctions sacerdotale, prophétique et royale du Christ exercent, pour leur part, dans l’Église et dans le monde, la mission qui est celle de tout le peuple chrétien ».

14 Code de droit canonique. 1983. Canon 204§1. Pour le code, « les fidèles du Christ sont ceux qui en tant

qu’incorporés au Christ par le baptême, sont constitués en peuple de Dieu et qui […] sont appelés à exercer, chacun selon sa condition, la mission que Dieu a confiée à l’Église pour qu’elle l’accomplisse dans le monde. »

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effet d’une aptitude à exercer certaines fonctions pastorales. Ainsi, l’apostolat des laïcs est une participation à la mission de salut elle-même de l’Église. Tous sont députés par le Sei- gneur lui-même à cet apostolat fondé dans le baptême et la confirmation (LG 33).

À ce point de notre réflexion, avec le Code de Droit canonique de 1983 sur l’organisation de la charge pastorale et sur le rôle des laïcs dans la responsabilité des paroisses (can 517§ 2), nous pouvons avancer que, pour s’appliquer, cette disposition suppose qu’il y ait une pénurie de prêtres telle qu’elle rende difficile, voire impossible, la nomination de l’un d’entre eux comme curé de paroisse. Dans ce cas, l’évêque peut confier une participation à l’exercice de la charge pastorale de la paroisse à un diacre ou à un laïc ou à un groupe de laïcs non revêtus du caractère sacerdotal. Quelle que soit la disposition, ces personnes participent à l’exercice de la charge pastorale de la paroisse; ils n’exerceront néanmoins pas toutes les charges pas- torales de la paroisse. En principe, ils pourront accomplir tout ce que requiert cette charge pastorale, en dehors de ce qui est lié à l’ordination presbytérale. Ce canon, bien qu’apportant une certaine avancée à la question des laïcs dans la vie paroissiale, relègue aussi le laïc dans un rôle secondaire, supervisé par le ministre ordonné. Il reconnaît par contre que les laïcs joueraient un rôle d’animateurs de la paroisse au côté de leurs prêtres. La lecture de ces deux documents nous montre que l’exercice des fonctions dans l’Église ne doit pas se résumer aux fonctions des uns et des autres. Il s’agit plutôt de construire la communauté, en exerçant des responsabilités diversifiées à la suite du Christ. Cette prise en compte de la nécessité de va- loriser les rôles de chacun et de chacune dans les activités pastorales est plus importante que la mise en place des structures.

C’est cette perspective qui a été privilégiée par le diocèse d’Eséka qui, depuis sa création en 1993, a initié de nombreuses sessions de formations. Ces sessions montraient l’orientation que l’évêque voulait donner à l’encadrement des catéchistes, à leur prise en charge et à leur formation. Pourtant, la figure du catéchiste n’a pas évolué depuis la période des mission- naires. S’ils sont restés des auxiliaires de l’évangélisation, leurs fonctions, tout autant que leur place dans la vie paroissiale, sont restées les mêmes encore aujourd’hui. Comme l’affir- mait Ecclesia in Africa N° 91, leur rôle reste pourtant déterminant dans l’implantation de l’Évangile et sa propagation dans les communautés chrétiennes. Si hier, pendant la période missionnaire, les catéchistes étaient considérés comme des auxiliaires, leur place au sein des communautés chrétiennes était valorisée. Ils avaient une considération au sein du peuple

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chrétien, au point d’étendre leur influence dans le monde politique en devenant des auxi- liaires de l’administration. Aujourd’hui, le travail des catéchistes au sein de paroisses ne cesse de s’accroître, ils sont davantage sollicités pour exercer des fonctions diverses, malgré le nombre grandissant de ministres ordonnés. Ils exercent leur responsabilité dans un contexte de délégation. Ils sont à la fois délégués par et pour leur communauté, mais, en même temps, délégués par le curé de leur paroisse qui les nomme. La création des postes est un héritage de la stratégie des missionnaires pallotins et spiritains. Si elle continue aujourd’hui, c’est qu’elle apporte une crédibilité à leur action. Ces postes, ce sont ces petites communautés ecclésiales qui sont confiées aux catéchistes qui y assurent le ministère ordinaire de catéchiste tout en restant en synergie avec les autres catéchistes et le curé qui exerce des fonctions de modérateur. Cette organisation paroissiale en postes, Goudreault la réfléchit en termes de transformation de petits groupes en communautés de foi au sein des paroisses (Goudreault 2012 : 37-55). Une paroisse serait alors un rassemblement de plusieurs petites communautés chrétiennes qui formeraient l’Église. Dans son ouvrage Faire Église autre- ment, il essaie d’examiner l’apport de ces petites communautés à la vie ecclésiale et le rôle qu’elles joueraient pour que la paroisse se rapproche des communautés chrétiennes. Soucieux d’apporter l’Église au cœur de la vie des personnes et de partager une même réalité ecclésiale, l’auteur est bien conscient que l’annonce de l’Évangile n’est plus uniquement réservée aux seuls ministres ordonnés. S’appuyant sur les documents ecclésiaux15, il conclut que la créa- tion ou la valorisation des petits groupes, communautés ou postes sont une force pour l’an- nonce de l’Évangile. Pour notre part, nous pensons, à la suite de Goudreault, que le problème actuel de cette évangélisation ne réside pas dans l’annonce elle-même du message évangé- lique, mais dans les canaux qu’utilise l’Église pour le faire connaître. Pour ce faire, nous comprenons aisément que les catéchistes aussi peuvent prendre part, de façon nouvelle, à cette mission de l’Église. Dans ce contexte, nous ne devons plus les considérer uniquement comme de simples laïcs engagés, mais comme des laïcs à part entière, prenant part et impli- qués dans l’œuvre de l’évangélisation et à son animation au sein des communautés souvent éloignées.

15 Concile Vatican II, « Décret Ad gentes sur l’activité missionnaire de l’Église », Paul VI, Evangelii nuntiandi,

n° 15 et le DGC, 94. Ces trois documents parlent de l’évangélisation dans le contexte moderne. Ils font appel à la responsabilité, au charisme et aux différentes activités de l’évangélisation : missionnaire, catéchétique et pastorale.

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Nous sommes ici en droit de nous questionner sur leur capacité à affronter les réalités du monde moderne. En même temps, les temps nouveaux dont parle le pape dans Evangelii Nuntiandi n° 3 ne sont-ils pas arrivés pour que dans les paroisses, ces communautés ecclé- siales accueillent de manière nouvelle ce message évangélique? Autrement dit, ne sommes- nous pas appelés à renouveler le visage de nos communautés paroissiales? Si donc ces temps nouveaux sont arrivés, ne serait-ce pas le temps de la nouvelle évangélisation comme l’an- nonce le pape Jean-Paul II (1983)? Cette nouvelle évangélisation modifierait alors nos acti- vités d’évangélisation. Certainement, cette modification concernerait également les struc- tures de fonctionnement de l’Église et donnerait aux catéchistes leur véritable place.

Parler de catéchistes dans la zone Nyong II, c’est généralement parler de l’encadrement des chrétiens. La pastorale paroissiale sous-jacente est une pastorale d’encadrement, axée sur la célébration des sacrements : baptiser, communier, confirmer, marier et conduire les funé- railles. La pastorale de l’encadrement est une pastorale de masse qui transforme les chré- tiens en consommateurs du religieux qu’on essaye de garder, d’encadrer depuis leur baptême jusqu’à leur mort. Cette pastorale ne rencontre pas ou évite les défis qui dérangent. Pourtant, une pastorale qui ne touche qu’une minorité, qui est peu missionnaire et qui perd ses fidèles de plus en plus montre que ses auxiliaires et ses catéchistes perdent leur prestige et que leur travail manque de consistance. Cette pastorale de maintien des chrétiens dans une pseudo- religion qui manque de saveur, parce qu’elle affaiblit la foi est peu combative pour trans- mettre la vraie foi. Cette pastorale ne saurait faire face au monde moderne qui discute, réfute et critique.

Par ailleurs, nous devrons admettre que ces temps nouveaux et cette référence à la nouvelle évangélisation devraient orienter la mission de l’Église comme peuple de Dieu où une vision renouvelée de l’exercice des ministères inspirerait de tels passages.

La situation des catéchistes dans la zone pastorale Nyong II telle que nous venons de l’es- quisser nous incite à poursuivre cette recherche sur leur formation. Si aujourd’hui presque tout le monde constate le déclin de leur influence, leur inadaptation à l’évolution sociale et religieuse, il en va de même du fait que les formations qu’ils reçoivent ne produisent pas les mêmes effets que par le passé. Est-ce donc une remise en cause de leur formation? Faut-il exprimer de sérieuses réserves par rapport à leur maturité dans la foi et à leur engagement?

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Quels sont les différents scénarios face à ce constat? Telles seront les questions abordées dans la partie qui suit.