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Chapitre 2. La pratique de compagnonnage et d’autoformation dans un dispositif de

1. Émergence du concept de compagnonnage et d’autoformation

1.1 Une approche du compagnonnage dans le sillage de l’accompagnement

1.1.1 L’accompagnement, une manière de comprendre les pratiques

Nous pouvons imaginer que cette difficulté de circonscrire l’usage du mot accompagnement ou du verbe accompagner provient du fait que sa pratique se retrouve dans divers domaines professionnels et champs disciplinaires à tel point qu’unifier ces domaines sous une même et seule appellation est devenu problématique. Comme l’évoque Paul (2004 : 53; 77), cette dif- ficulté s’expliquerait par le fait que l’accompagnement a toujours existé et est devenu une nébuleuse de pratiques avec une prolifération de conceptions, d’objectifs et de visées, par exemple le coaching, le compagnonnage, le conseil, le counselling, la médiation éducative, la médiation sociale, le mentorat, le parrainage et le tutorat. Dans l’environnement des pra- tiques, il est intéressant de considérer que l’accompagnement ne se définit plus tant par rap- port à la relation, mais plutôt par rapport à la posture. La posture désigne ici une manière pour l’accompagnant de s’acquitter de sa fonction en supposant adaptation et ajustement de la singularité de chacun (Paul 2004). En d’autres termes, la posture, dans l’usage métapho- rique que l’on en fait, arriverait à spécifier le type de rôle que l’accompagnant adopte vis-à- vis de la personne accompagnée. Cette posture, selon Le Bouëdec (2007), pourrait être d’autorité, contractuelle, d’animation ou d’accompagnement.20 C’est donc par la posture et la fonction que doit s’ordonner l’accompagnement définissant à la fois, une manière d’être, de faire et un type particulier de présence avec une consistance propre qui accrédite la rela- tion. Cette relation entre la posture et la fonction, est caractéristique de l’adulte, puisque, ancrée dans une dynamique de développement humain et de pratiques diversifiées de formes d’accompagnement. Il est vrai que des types d’accompagnement peuvent aussi se retrouver dans divers environnements humains, mais ceux-ci ne seront pas engagés directement dans un processus de changement ni de responsabilisation, qui n’engage que ceux qui, après avoir reçu, auront pour mission de le transmettre. Il y a là un aspect d’humanisation qui consiste,

20 L’auteur présente les quatre postures en indiquant que ces postures éducatives n’ont pas toutes la même

teneur. Si les trois premières relèvent d’une posture fonctionnelle, la dernière, celle de l’accompagnement est une posture personnelle qui nécessite le consentement de l’accompagné et implique l’accueil et l’écoute, l’aide au discernement et le cheminement aux côtés de. Cette posture nous semble rejoindre notre préoccupation de mieux comprendre le compagnonnage.

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dans le compagnonnage, à aider l’autre à s’élever et à faire preuve de modèle et d’exemple (Paul 2004 : 49). Le compagnonnage par contre, ne sert pas de repère, mais établit des con- ditions pour faciliter l’accompagnement ou « crée des conditions qui permettent de cheminer d’une manière libre et consciente » (Biemmi 2010 : 95). Nous passons donc ici de l’accom- pagnement qui est une manière de cheminer, d’être avec, aux conditionnements qui facilitent le cheminement. Ici, l’interdépendance sociale ne porte pas sur des effets ou sur l’exercice du pouvoir, mais consiste en la mise en partage, sous forme de sollicitude, d’une réalité dont l’accompagné est seul décideur de l’orientation à donner. On parle à cet effet d’une dimen- sion utilitaire de l’accompagnement qui ici peut se traduire par l’appui dans les choix à faire, dans la mission à réaliser, dans la vie de foi ou même dans la profession.

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Cette figure nous présente cette concentration de différentes autres pratiques d’accompagne- ment sur le compagnonnage. Elle est ordonnée par la présence de deux axes en tension qui se croissent à angle droit : l’axe vertical entre la réflexion et l’action, l’axe horizontal entre le sens et la technique, qui définissent quatre secteurs (1; 2; 3; 4). Le niveau interne à chaque secteur révèle une concentration de pratiques qui permet de concevoir la versatilité et la di- versité des approches de l’accompagnement. Considérons que l’accompagnement s’inscrit dans un secteur spécifique que nous identifierons comme pratique d’accompagnement. Cette pratique d’accompagnement est, dans ce cas, distincte d’une posture d’accompagnement, lieu d’individuation du rapport à autrui dans le cadre de l’accompagnement21.

Dans cette première figure, le secteur 1, situé dans l’espace sens-réflexion est déterminé par trois positionnements : guide, ressources et orientation. L’accompagnement est ici orienté vers la recherche d’un équilibre identitaire.

Le secteur 2, situé dans l’espace réflexion-technique, porte sur deux positionnements essen- tiels : guide et conflit. L’accompagnement est perçu ici comme une pratique usant des tech- niques particulières pour guider dans les relations à autrui. Nous y voyons un espace de ré- solution de conflit et de gestion sociale. L’accompagnant peut être là un facilitateur des rela- tions sociales.

Le secteur 3 correspond à l’espace sens-action : il met en relation l’accompagnant qui exerce une fonction d’aîné expérimenté et l’accompagné qu’il accueille et ouvre à la vie, c’est-à- dire qu’il éveille à devenir ce qu’il doit être, dans la vie professionnelle, sociale ou spirituelle. L’accompagnant est le guide qui aide à l’insertion.

Le secteur 4, de l’espace technique-action nous semble plus porté sur les compétences à ac- quérir, la performance à réussir. Il fait passer de l’idée d’accompagnant qui guide à celui d’accompagnant qui conduit, qui exercerait une aide dans un contexte professionnel en vue de rendre l’accompagné plus performant, pour une optimisation professionnelle, il donnerait à l’accompagné des capacités d’autogestion et d’actions variées.

21 L’individuation est un terme que j’emprunte à Philippe Carré (2005 : 50) reprenant Leselbaum (1994) qui

s’applique à « l’acte du formateur (ou de l’enseignant) qui adapte sa pratique aux caractéristiques des individus (ou élèves) auxquels il s’adresse ». Il peut tout aussi bien s’appliquer dans la pratique de l’accompagnement dans ses différentes formes et approches.

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Pris séparément, chaque secteur définit l’accompagnement de manière spécifique, avec des objectifs particuliers. Toutefois, ces pratiques ont en commun la définition de l’accompagne- ment ou du verbe accompagner où l’on « se donne en recevant » de l’autre. Le sens, la ré- flexion, l’action et la technique sont autant d’objectifs de l’accompagnement qui cherche sans cesse à mieux correspondre à ce qui caractérise les influences des uns et des autres dans une relation particulière.

Unifier ces pratiques dans leurs différences semble expliquer, du moins en partie, que « l’ac- compagnement serait donc une autre manière d’exercer des pratiques par ailleurs technique- ment définies » (Paul 2004 : 79). Cette définition minimale permettrait d’appliquer la notion d’accompagnement à divers domaines de la vie sociale et par le fait même, épouserait divers domaines de pratiques.

L’accompagnement implique deux positionnements : celui de l’accompagné et celui de l’ac- compagnant. Dès lors, les secteurs d’accompagnement identifiés se situeraient dans la pos- ture soit de l’autorité, soit d’un acte contractuel, d’animation ou d’accompagnement au sens strict. Cette dernière posture, malgré la priorité accordée à la personne accompagnée, reste une posture qui n’agit pas de manière durable, car, s’engager aux côtés de quelqu’un ne si- gnifie pas nécessairement rejoindre cette personne et contribuer à son développement per- sonnel. Ceci pourrait relever d’un autre type d’accompagnement, celui d’une responsabilité commune qui privilégie la parité et la mise en œuvre d’un itinéraire à suivre. En conséquence, accompagner quelqu’un dans le cadre pastoral ou dans le cas des catéchistes paroissiaux se- rait pour nous un compagnonnage. Il nous a paru important, pour notre recherche, de rappeler cet éclairage sur la question de l’accompagnement, pour mieux situer le compagnonnage. Il est vrai que nous avons limité notre lecture de la question à quelques précisions d’usage et à faire ressortir les points saillants de l’accompagnement. Mais cela nous a aussi donné des éléments suffisants pour situer les pratiques professionnelles d’accompagnement et le com- pagnonnage, dans cet ensemble, comme une pratique particulière.