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Chapitre 2. La pratique de compagnonnage et d’autoformation dans un dispositif de

2. Qu’est-ce que le dispositif de formation basé sur une pratique de compagnonnage

2.3 L’ecclésialité de la pratique du compagnonnage et d’autoformation

Nous parlons d’ecclésialité du compagnonnage et de l’autoformation pour introduire dans la recherche un caractère spécifique de leur rapport à la vie de l’Église ou comme expression authentique de leur usage dans l’Église. C’est aussi la perception de l’importance et de la place des laïcs dans l’Église. En effet, si les ministres ordonnés se forment pour se préparer à exercer leurs fonctions pastorales, les catéchistes qui participent à la vie de la communauté ecclésiale ne sauraient-ils pas aussi bénéficier d’une formation qui les engage?

La formation des catéchistes dans la zone pastorale Nyong II a connu une évolution depuis le lancement de ce dispositif particulier. Elle se différencie de plus en plus de celle qui s’or- ganise dans les paroisses et la complète. Ce dispositif a vu le jour pour répondre à une néces- sité de former les catéchistes pour leur permette de mieux collaborer aux fonctions pastorales, et pouvoir prendre des initiatives au nom de leur baptême et en vertu de leurs charismes particuliers dans le développement de la communauté paroissiale. Jusqu’alors, les formations paroissiales utilisaient plusieurs moyens pour accompagner et « encadrer » les catéchistes. Ces formations avaient pour finalité de contribuer à la réussite de la pastorale paroissiale. Cependant, ces formations ne suffisaient plus. Les catéchistes, ne se sentant pas impliqués s’engageaient moins et leur contribution était limitée à faire ce qui leur était demandé. D’autre part, il existait un décalage entre les réalités pastorales vécues par les catéchistes et ce qui leur était réellement proposé pour remédier à ces réalités. Sans vouloir isoler ces fonc- tions ecclésiales de la personne chargée de l’exercer, le dispositif avait l’ambition d’articuler à la fois la mission et la personne du catéchiste dans un accompagnement unique. Cela s’avé- rait difficile et a conduit au choix de compagnonnage et d’autoformation. Lorsqu’à la pra- tique du compagnonnage s’ajoute l’autoformation, un rapport nouveau s’instaure de manière particulière dans une relation pastorale et plus particulièrement dans la vie paroissiale. Com- ment ces rapports peuvent-ils permettre aux catéchistes de réaliser leur vocation chrétienne? Comment les pratiques de compagnonnage et de l’autoformation peuvent-elles concerner l’Église dans la construction d’un leadership pastoral des catéchistes?

L’adoption des deux pratiques comme activités de l’Église répond au besoin d’interroger les types d’accompagnement offerts par celle-ci. Dans la zone Nyong II qui nous concerne, les

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propositions d’accompagnement des catéchistes sont très peu nombreuses. Certes, les caté- chistes ont leur rencontre mensuelle, mais, pour le reste du temps, ils semblent seuls ou du moins insuffisamment accompagnés. L’enjeu de notre réflexion est de cerner la manière dont se construit le « cheminer ensemble » dans une relation et dans des formations à la responsa- bilité pastorale. Cela induit, comme nous l’avons dit précédemment, une relation partena- riale. Il y a là un rapport qui fonde cette relation, c’est l’activité pastorale. Deux situations nous paraissent éclairer cette disposition. Il arrive souvent qu’un prêtre nouvellement or- donné soit nommé dans une paroisse rurale et qu’il veuille connaître sa paroisse. Doit-il re- courir aux confrères qui ne sont plus là? Faut-il faire comme s’il maîtrisait tout et se lancer à l’aveuglette dans la pastorale? Souvent, son premier recours c’est de se tourner vers les ca- téchistes pour connaître sa paroisse ou du moins les différentes communautés et les réalités pastorales de sa nouvelle paroisse. Amedeo Cencini37fait encore écho à un fait qui peut éga- lement nous interpeller et nous aider à comprendre la nécessité d’accompagner les appels que nous adressons aux catéchistes et les tâches qui leur sont confiées : un catéchiste est nommé ou choisi par la communauté pour l’animer spirituellement et pastoralement. Il vient avec son lot d’expériences, sa motivation, ses connaissances et sa culture religieuse, mais, s’il n’appréhende pas ce qu’il porte en lui comme questionnement, comment pourrait-il arriver à déterminer les actions transformatrices de sa vie personnelle? Comment pourrait-il se com- prendre, sans se connaître? « Une formation, à quoi sert-elle, si l’on n’a pas d’abord aidé la personne à se connaître, à savoir ce qu’elle porte en elle, pour pouvoir s’en libérer? » (Cen- cini 2007 : 12).

Dans notre contexte, ceux qui parlent d’accompagnement des catéchistes s’emploient sou- vent à imaginer cet accompagnement soit comme une relation d’aide à l’exercice des mis- sions pastorales, soit comme une collaboration qui faciliterait l’organisation du travail pas- toral. Il s’agit là des représentations d’un accompagnement générique de tous les baptisés mais pas d’un accompagnement qui inclut des partenaires (des catéchistes) en responsabilité ecclésiale. Ici, le défi est de trouver une conformité du dispositif aux personnes en formation. Lorsque Cencini pose sa question, il n’entend certainement pas faire allusion à la pratique du

37 Amedeo Cencini (2007) aborde la question de la formation et de la réalisation de soi. Il tire la sonnette

d’alarme pour dire que toute formation qui n’est pas précédée de l’éducation nécessaire est vouée à l’échec. L’exemple que nous tirons de ce livre porte sur ce fait.

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compagnonnage et de l’autoformation, mais il en pose les principes. La manière dont ces pratiques de formation intègrent et influencent les personnes engagées dans les activités ec- clésiales semble bien répondre à ce questionnement. Parce qu’elles révèlent une manière de cheminer ensemble, les pratiques de formation dans l’Église se construisent autour de deux expressions évangéliques de l’appel des disciples dans l’Évangile de Marc : « se mettre à la suite » et « être avec » (Mc 1,16-20). La première expression suppose que celui qui est appelé à une mission ecclésiale marche à la suite de celui qui l’a appelé. La seconde exprime une capacité d’inclusion, c’est-à-dire d’appartenir malgré les différences à un ensemble et de se mobiliser autour d’une vision commune. L’accent est mis ici sur la relation qui engage l’Église qui appelle et ceux qui la suivent. Cela s’applique aux ouvriers apostoliques, prépa- rés dans les séminaires, afin d’exercer leur mission évangélique et pastorale, mais aussi aux autres appelés. Les catéchistes sont invités à leur tour à participer à cette mission comme coopérateurs (LG 33), suppléants ou collaborateurs (LG 35; AL 24). La manière dont les rap- ports s’instaurent sur base de ces dispositions du concile nous invite donc à espérer un chan- gement dans la formation. L’Église, en fonction des besoins ou des nécessités pastorales, appelle, délègue à des catéchistes certaines tâches normalement dévolues à des prêtres. L’Église délègue officiellement le droit d’agir en son nom et légitime ainsi l’appel et les charges et fonctions à remplir.

Toutefois, la formation de ces catéchistes (laïcs en général) nécessite que ces derniers soient éduqués et formés. Cela est évoqué dans Lumen Gentium, lorsque les pères conciliaires af- firment que la formation des catéchistes « doit être améliorée et adaptée au progrès culturel de façon à ce qu’ils puissent remplir le plus parfaitement possible leur fonction en collabo- rateurs efficaces de l’ordre sacerdotal » (AG 17). De là, naît ce souhait « d’instituer des sujets actifs dans l’Église […] d’établir des offices ecclésiaux de catéchistes et d’instituer un mi- nistère de catéchistes » (Routhier 2010 : 258). En effet, il ne suffit pas seulement de former les catéchistes, mais il faut que ceux-ci trouvent leur place au sein de la communauté. C’est aussi par cette reconnaissance que les catéchistes se mobilisent davantage. Dès lors que ce besoin de formation est exprimé, et que l’institution est supposée, dans la pratique, le préa- lable à cette formation est d’abord l’éducation. Une éducation qui permet de faire découvrir sa vocation et de faire savoir ce qu’est être catéchiste et quelles sont ses missions. « Édu-

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quer » est ici entendu au sens d’« aider un être humain à découvrir sa propre vérité, à décou- vrir ce qu’il est, même s’il n’est pas conscient de sa vérité » (Cencini 2007 : 10). La forma- tion, ici, a l’allure d’une aide et une création nouvelle qui, selon l’esprit évangélique, fait sortir du néant pour mettre de l’ordre et transmettre la vie. En ce qui concerne le compagnon- nage et l’autoformation, c’est plutôt d’une qualité d’éveil qu’il s’agit : éveil à la foi, éveil à soi, éveil à Dieu pour les catéchistes ou toute autre personne engagée dans la vie de l’Église. La découverte et la réalisation de la vocation humaine sont à la base de ce dispositif de for- mation qui cherche à travailler les questionnements de la vie et les questionnements de foi. En reprenant Cencini, il ne s’agit plus seulement de ne proposer qu’une formation chrétienne, mais aussi d’assurer une éducation chrétienne préalable à l’accompagnement de l’autofor- mation en amenant une connaissance et une découverte de soi, de ses capacités et de ses failles dans ses pratiques et dans sa vie. Formation et éducation assureraient à l’homme la possibilité d’être et de trouver sa place dans la vie comme leader et responsable. De ce fait, ne pouvons-nous pas dire que la pratique du compagnonnage et d’autoformation, dans un dispositif de formation des catéchistes paroissiaux, sont porteuses de la présence de Dieu dans le monde?

Compagnonnage et autoformation sont donc « la manière dont se construit l’être avec l’autre ou d’autres ». Faire chemin ensemble en regardant dans la même direction, n’est-ce pas par- tager une vision commune et un idéal commun? Faire chemin ensemble devient alors une manière d’éveiller les expériences en l’autre, tout en éveillant les siennes dans une vision ecclésiale partagée. C’est rejoindre l’autre et l’accepter tel qu’il est et avancer avec lui sans s’imposer, parfois, à tâtons, mais de manière déterminée à l’image du Christ qui a rejoint les cœurs de ses disciples par son message. C’est probablement à cela que se rattache la citation suivante : « Toute formation sera précédée par l’éducation. Sinon, les effets de la formation se manifesteront dans les comportements de la personne pendant un certain temps, sans re- joindre ses motivations profondes » (Cencini 2007 : 13).

En conclusion, nous avons défini le dispositif qui nous concerne en tenant compte des carac- téristiques énumérées par Albero. Cet auteur, rejoignant Schwartz, reconnaît dans le champ des pratiques d’autoformation un terrain de recherche qui embrasse plusieurs sphères : aca- démique, professionnelle ou personnelle. Cette même caractéristique peut s’appliquer aux

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pratiques du compagnonnage et d’autoformation en réponse aux besoins et aux attentes d’une société en pleine mutation culturelle, sociale et religieuse.