• Aucun résultat trouvé

Chapitre 3. Méthodologie de la recherche

1. L’approche narrative dans la tradition de la recherche qualitative

1.4 Une logique particulière de l’approche narrative

1.4.2 L’usage des entrevues de recherche dans la narration

Une narration ne consiste pas, nous l’avons vu, à comprendre et à analyser la pratique elle- même, mais les représentations ou les perceptions qu’ont les acteurs de cette pratique. Elle donne accès à ces représentations et à la découverte de ce que portent les personnes au cours d’entrevues. Ce processus passe parfois par ce que Grieu (2007) et (Ganzevoort 2015 : 15) appellent mise en intrigue. Cette mise en intrigue est aussi une certaine manière d’interpréter des situations qui permettent aux personnes d’exprimer une signification d’une réalité vécue.

123

Selon Meziani et Rieu Plichon (2015)42, le choix des entretiens de recherche est une tech- nique de collecte de données, c’est-à-dire « qui permet aux répondants de développer une réflexivité pouvant amener à transformer leurs perspectives et à agir » (Meziani et Rieu Pli- chon 2015 : 1). Dans le cas de ces auteurs, l’objectif était de comprendre l’entretien sous l’angle du répondant, donc de l’interviewé. Ils en concluent que de plus en plus d’entretiens se déplacent sur le terrain d’une construction sociale. Cette construction sociale se bâtit sur la base d’interactions entre deux personnes, l’interviewer et l’interviewé dans l’entretien me- nant à des résultats négociés et contextuels (Meziani et Rieu Plichon 2015 : 2). Si l’article étudie ce qui se passe durant un entretien du côté de l’interviewé, il n’en demeure pas moins que la place de l’interviewer reste déterminante. Nous allons dans notre recherche articuler les deux angles de l’entretien. Sous l’angle de l’interviewer, c’est pour recueillir les repré- sentations et les informations que lui fournissent les interviewés. Elles sont nécessaires à l’analyse et à une compréhension et à une nouvelle perception de la réalité. Par contre, pour l’interviewé, il exprime son ressenti et commence à réfléchir sur lui-même et sur ce qu’il va produire comme ressentis ou représentations. Ce sont ces deux angles qui permettent finale- ment de retenir une narration appropriée au contexte. Ainsi, les narrations que nous retien- drons pour cette recherche concernent les pratiques puisqu’elles réfléchissent sur un vécu, sur une pratique de formation dans laquelle ils sont impliqués. Nous retiendrons également les narrations de la vie personnelle et des engagements pastoraux, en vue de réfléchir dans notre cas, sur l’identité pastorale, c’est-à-dire sur « l’être catéchiste ».

L’objectif de notre recherche est centré sur les entrevues, non pas sur les faits de société ou sur une expérience de groupe, nous allons entendre ce que les catéchistes disent de leur par- ticipation et leur vécu au sein du dispositif de formation organisé dans la zone pastorale Nyong II. Cela nous différencie des récits de vie trop centrés sur la vie des individus. Cette position centrée sur le vécu subjectif se caractérise par un va-et-vient entre une perception de l’expérience subjective d’une pratique, son actualisation pour aujourd’hui et sa projection dans le futur. C’est un mouvement de pensée qui sollicite la narration et révèle des unités de sens qui sont rattachées aux récits. Précisons que nous privilégions dans notre recherche

42 Cet article met en valeur l’entretien de recherche et voudrait voir ce qui se passe durant un entretien du côté

124

l’analyse des récits véhiculés dans les entrevues en choisissant de faire des entrevues de sept catéchistes paroissiaux et d’un groupe de grands catéchistes.

Compte tenu du contexte de notre recherche sur les effets du dispositif de formation, les récits émergents à travers les entrevues nous ont fait entrevoir que les récits des catéchistes parois- siaux peuvent faire sens. Ils rapportent des expériences qui nourrissent une pratique et per- mettent de porter un regard neuf sur leurs pratiques. À cet effet, dans le cadre de la théologie pratique, nous nous proposons de situer les récits dans leur cadre historique, puisque les ca- téchistes interviewés situent généralement la signification qu’a pour eux l’identité qu’ils ex- priment et la pratique qu’ils rapportent dans une histoire personnelle (Donegani 2007 : 106). Nous avons vu dans cette manière de comprendre les entretiens de recherche une diversité de narrations, mais aussi différents angles sur lesquels peuvent s’appuyer ces narrations. Nous retenons de ce développement quelques idées pertinentes qui nous permettront d’avan- cer dans notre recherche.

Dans le même sens, peut-on comprendre les récits comme des histoires de vie? Notre re- cherche porte sur les récits ou les narrations de pratiques et sur l’identité pastorale. Elles se différencient de la méthode biographique qui décrit ce que fait la personne et de la recherche- action bien qu’elle concerne les sujets et leurs actions. Sans entrer dans les détails de la proxi- mité de ces méthodes de recherche, le recours aux récits est essentiel non seulement comme technique de collecte de données, mais aussi comme pratiques de l’histoire de vie dans le champ de la formation. Orofiamma (2002) parle des narrations dans le récit de vie, car le but est de prendre en compte la narration pour interpréter les récits particuliers. Quel que soit la manière de considérer ces narrations, l’enjeu de ce recours aux récits tient au fait que chaque récit devient une histoire de vie et peut servir de référence aux autres puisqu’il se donne pour visée des effets de construction du sujet et de transformation identitaire à travers la forma- tion. »43 Le récit met en évidence le point de vue de la personne qui raconte l’histoire. La narration devient alors comme un système de valeurs qui vient structurer le récit ainsi que le processus de raisonnement et l’identité de la personne qui raconte. Dans sa présentation de

43Roselyne Orofiamma voudrait dans son article, faire ressortir l’importance de la narration dans les récits. Il

s’agit de promouvoir des sujets créateurs qui sont impliqués dans une même orientation. C’est pour elle une manière de faire de la narration un acte porteur de lien social.

125

la méthode narrative, Céline Roussin conseille encore le recours à d’autres auteurs qui ap- puient l’importance des récits et des entrevues dans une recherche. C’est le cas de Marguerat (1996), qui insiste sur les entrevues individuelles centrées sur les récits devenus une voie d’accès à l’expression des participants où ils racontent leur histoire. Les récits sont donc les vecteurs du sens et de la valeur que l’on donne à toute réalité vécue, notamment à toute situation vécue ou anticipée. En nous référant à Taylor (1989) et Jobin (2002) qui soulignent que c’est aussi à travers les récits que sont véhiculés et portés au discours les représentations globales sur le sens de la vie humaine, les valeurs, les « évaluations fortes » en fonction des- quelles il devient possible de juger l’agir professionnel et aussi les normes d’action. Bien qu’Elwyn et Gwyn (1999) présentent les avantages de l’approche narrative dans un contexte d’éthique médicale, leurs propos peuvent facilement s’appliquer au contexte de la présente étude. L’approche narrative permet une compréhension de la signification d’une situation pour ceux et par ceux qui y sont impliqués, notamment ce que les catéchistes perçoivent de leur formation basée sur une pratique de compagnonnage et d’autoformation.

Nous venons de parcourir la méthode qui nous permettra d’interpréter les entrevues menées auprès des catéchistes impliqués dans cette recherche. Deux éléments retiennent notre atten- tion. En tout premier lieu, l’importance des entretiens dans l’approche narrative, et en second, les récits comme vecteurs de significations. On le voit, cette approche apparaît comme une réflexion sur les récits en articulation avec d’autres récits. Elle est aussi une réflexion sur une pratique particulière devenue objet de recherche. Par cette double réflexion, nous pouvons conclure qu’elle est orientée vers une pratique renouvelée. C’est dans cette perspective que nous situons le dispositif de formation basé sur une pratique de compagnonnage et d’auto- formation. À partir de ces préalables, voyons maintenant comment nous avons effectué notre collecte de données. Notre recherche portant sur les acteurs et une pratique de formation, comment rassembler les outils nécessaires à l’analyse? Comme toute méthode doit suivre un protocole particulier, l’axe de recherche qui suit abordera cette question.