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2. Quelques caractéristiques des interactions en classe

2.3 Particularités propres aux interactions en classe de langue

La classe de langue seconde se caractérise par le fait qu'on y parle une langue seconde. Cela ne veut pas dire pour autant que la langue première y est absente: la présence de la langue première en classe de langue seconde dépend notamment des choix de l'enseignant et du niveau des apprenants. Le recours à la langue première peut servir à gagner du temps, à assurer la compréhension et à résoudre les malentendus, à mettre l'emphase sur des termes importants, à organiser la leçon, à gérer des problèmes de discipline, à traiter des sujets administratifs, etc. (Cambra & Nussbaum, 1997). Plus spécifiquement, les interactions en classe de langue (première et seconde) ont pour

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Traduction: Même lorsque les enseignants essaient de créer un style d'interaction plus dialogique dans leurs classes, les séquences tripartites continuent à être le genre de discours dominant. Cependant, si on y réfléchit, le fait que dans les interactions en classe entière les séquences commencent fréquemment par une question est peu surprenant, étant donné que la question ouvre un enjeu pour une discussion et, en raison de son orientation prospective forte, demande au(x) destinataire(s) de contribuer à cet enjeu par une réponse. De plus, l'inclusion d'un mouvement de follow-up permet à l'enseignant d'utiliser la réponse de l'élève de différentes manières. Pour cette raison, ce format peut être une opérationnalisation appropriée dans une grande variété de tâches, et ce même à travers différentes 'philosophies' de l'enseignement.

particularité que le langage est à la fois le médium de l'instruction et son objet (Berthoud, 1993; Cicurel, 2001; Gajo et al., 1996; Gustavsson, 1988; Hall & Walsh, 2002; Mori, 2002; Pekarek, 1999; Seedhouse, 1994, 2004, 2005a; Walsh, 2006).

On observe en classe de langue une bifocalisation entre niveau thématique – focalisation sur le contenu – et niveau métalinguistique – focalisation sur les formes (Bange, 1992a, 1996). Certains auteurs parlent même de 'trifocalisation', soulignant la possibilité d'une troisième sorte de focalisation, la focalisation sur le déroulement de l'interaction (Dabène, 1984; Cicurel, 1993), ou sur la réalisation d'une tâche (Seedhouse, 2004). Les focalisations sur le contenu, les formes, la communication, la tâche, peuvent alterner au sein de l'interaction – par exemple, une orientation vers un problème linguistique peut apparaître sous forme d'une séquence latérale (side sequence, Jefferson, 1972) au sein d'une interaction focalisée sur un contenu thématique – mais peuvent également être simultanées (dual focus, Seedhouse, 1997, 2007; cf. aussi Pekarek, 1999). C'est par exemple le cas lorsque l'enseignant adresse une demande de clarification à un élève (focalisation sur le contenu) qui contient en même temps une correction de langue (focalisation sur la forme). C'est également ce qui se produit dans les interactions portant sur les formes linguistiques où les formes constituent le contenu thématique de la discussion (Pekarek, 1999). Ces possibilités invitent donc à ne pas opérer une dichotomie trop tranchée entre travail sur les formes et travail communicatif en classe de langue (Berger et al., 2007; Pekarek, 1999; Pekarek Doehler & Ziegler, 2007): une activité focalisée sur les formes linguistiques peut faire avancer l'interaction sur le plan des contenus et peut donc être approchée comme une activité communicative en soi.

La bifocalisation a des conséquences sur la manière dont sont structurées les interactions, notamment sur le plan de l'organisation des tours de parole et des activités. Seedhouse (2004; cf. également Seedhouse, 1994, pour une version antérieure mais assez semblable) s'intéresse à la réflexivité entre focus pédagogique et formats d'interaction en classe de langue seconde. Il propose que la focalisation dominante de l'interaction (sur la forme, le contenu, la tâche) et l'organisation des tours de parole s'influencent mutuellement, et dégage trois contextes récurrents, appelés form-and-

accuracy, meaning-and-fluency, task-oriented:

• Lorsque la focalisation porte de manière centrale sur les formes linguistiques (lexique, grammaire), l'enseignant tend à contrôler fortement les modalités de prise de parole et le déroulement général des activités. Les séquences sont souvent constituées en paires adjacentes (questions de l'enseignant, réponses des élèves), initiées par l'enseignant dans le but d'évaluer les connaissances linguistiques des élèves. Ces paires sont la plupart du temps suivies d'une ratification ou d'une évaluation de l'enseignant (structure IRF). Les réparations sont en général initiées par l'enseignant; elles peuvent être auto- ou hétéro-accomplies.

• Lorsque la focalisation porte sur un contenu thématique, le but de l'activité est de développer la compétence d'interaction des élèves et la fluidité de leur production. L'organisation est alors beaucoup moins rigide que dans les activités focalisées sur la forme, et les élèves ont parfois la possibilité de participer à certains aspects de la gestion de l'interaction. Les réparations portent peu sur la forme, sauf lors de l'apparition de problèmes de compréhension: des séquences latérales de réparation sont alors ouvertes pour résoudre les obstacles qui empêchent la poursuite de l'activité.

• Les interactions focalisées sur la réalisation d'une tâche se déroulent en général en petits groupes. Une fois la phase d'instruction terminée, l'enseignant laisse les élèves travailler entre eux, tout en restant disponible pour les aider s'ils rencontrent des difficultés à accomplir la tâche. Ces activités se caractérisent par un recours fréquent à la langue première, la mobilisation de formes linguistiques peu élaborées et la rareté des procédés de réparation entre élèves (cf. aussi Walsh, 2006): "The focus is on the accomplishment of the task rather than on the language used. The actual language used may appear impoverished, esoteric and meaningless when taken out of context, but this is irrelevant: the important thing is whether the learners are able to use language to accomplish the task44" (Seedhouse, 1994: 314).

La description des contextes proposée par Seedhouse (2004) peut être rapprochée de la description des types d'interaction de van Lier (1988: 155-162), bien que ce dernier adopte un autre point

44 Traduction: La focalisation porte sur l'accomplissement de la tâche plutôt que sur le langage utilisé. Le

langage utilisé peut apparaître appauvri, 'ésotérique' ou dépourvu de sens quand il est pris hors contexte, mais cela n'est pas pertinent: ce qui est important est de savoir si les apprenants sont capables d'utiliser le langage pour accomplir la tâche.

d'entrée. Van Lier (1988) propose que les épisodes interactionnels en classe peuvent être orientés vers des contenus thématiques ou vers des formats d'activité. Ces deux orientations ne sont pas mutuellement exclusives. En conséquence, quatre types d'interaction sont possibles:

1) Orientation envers un format d'activité uniquement: par exemple, répétitions (drill), jeux. Les épisodes de ce type ont en général pour but de pratiquer des formes langagières ou des structures discursives, et peuvent donc être rapprochés du contexte focalisé sur les formes linguistiques dans la typologie de Seedhouse (2004). Néanmoins, la catégorie proposée par van Lier (1988) inclut aussi les travaux de groupe autour d'une tâche dans les cas où la réalisation de la tâche implique de respecter un format interactionnel défini, et correspond également à la focalisation sur la tâche selon Seedhouse (2004).

2) Orientation envers un contenu thématique uniquement: par exemple, instructions, exposition de la matière par l'enseignant, discussion thématique. Ce type correspond en partie aux activités focalisées sur le contenu dans la typologie de Seedhouse (2004).

3) Orientation simultanée envers un contenu thématique et un format d'activité: par exemple, vérification des connaissances des élèves par des questions de l'enseignant, résumés, exposés, débats. Ce type correspond en partie à la focalisation sur le contenu dans la typologie de Seedhouse (2004).

4) Pas d'orientation ni envers un contenu thématique ni envers un format d'activité: par exemple,

small talk (genre de conversation 'ordinaire'). Ce type, qui prend place extrêmement rarement,

ne correspond pas à une des catégories proposées par Seedhouse (2004).

Les descriptions de van Lier (1988) et de Seedhouse (2004) entrent dans une relation de complémentarité très intéressante. Leur confrontation permet de voir que si les activités focalisées sur les formes linguistiques sont presque systématiquement réalisées selon un format d'activité planifié d'avance et strict sur le plan de l'organisation des tours de parole, les activités focalisées sur des contenus thématiques peuvent au contraire être accomplies par le biais de formes d'interaction très variables, plus ou moins 'contrôlées' par l'enseignant. Une description fine de chaque épisode interactionnel est donc nécessaire: un seul critère n'est pas suffisant pour aborder la grande variabilité de ces épisodes.

3. Interactions en classe de langue et développement de la