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a) Réception b) Transition

La grande majorité des explications prend une forme dialogale tripartite similaire aux séquences qui ont déjà été décrites dans la littérature (cf. chapitre I, point 2.5): la prise en charge de l'ouverture et de la clôture est réalisée par le même participant, et le noyau par un autre. Certaines explications sont quant à elle auto-initiées et auto-accomplies (monologiques). De plus, toutes les étapes structurant la séquence ne sont pas nécessairement actualisées de manière explicite dans l'interaction. Par exemple, une explication peut ne pas être ouverte par une demande et/ou ne pas faire l'objet d'une ratification. Les étapes 1 a et b ainsi que 3 a et b peuvent fusionner, c'est-à-dire que la thématisation peut être réalisée implicitement à travers la demande, et que la clôture peut être réalisée uniquement au moyen d'un marqueur de transition, sans ratification. La première partie de ce chapitre propose une description de chacune de ces étapes. La seconde partie propose une distinction entre trois catégories d'explication (explications de vocabulaire, explications de discours, explications de situation), chaque catégorie donnant lieu à des organisations différentes des séquences.

1.

Ouverture

1.1 Thématisation de l'objet à expliquer

Les séquences d'explication sont ouvertes suite à la thématisation d'un problème potentiel de compréhension, lié à un objet présenté comme 'bizarre' ou à un partage des connaissances présenté comme déséquilibré (cf. chapitre VI, point 4). La thématisation projette l'apparition de l'explication et accomplit en cela l'ouverture de la séquence. La thématisation peut être réalisée de plusieurs manières, selon que l'explication vise à résoudre un problème potentiel de compréhension ou à l'anticiper, "la perturbation de la compréhension [pouvant] être virtuelle, postulée par l'explicateur qui prévient une difficulté, l'anticipe ou l'imagine" (de Gaulmyn, 1991a: 286; pour une distinction similaire entre anticipation et réparation d'une difficulté, cf. Elmiger, 2009):

• Anticipation d'un problème de compréhension: un participant s'oriente vers un élément qu'il ne présente pas comme problématique pour lui personnellement, mais comme potentiellement problématique pour un ou des autre(s) participant(s).

- le participant qui thématise le problème est également celui qui donne l'explication; - le participant qui thématise le problème demande ensuite à quelqu'un d'autre d'expliquer; • Résolution d'un problème de compréhension: un participant présente un élément comme

posant un problème effectif pour la compréhension, pour lui ou pour quelqu'un d'autre.

- le participant thématise un problème de compréhension qu'il se présente comme incapable de résoudre lui-même;

- le participant s'oriente vers un problème qu'il attribue à son interlocuteur (un malentendu) et propose une explication dans le but de résoudre ce problème;

Chacune de ces réalisations va maintenant faire l'objet d'une description détaillée, illustrée par des exemples76.

1.1.1 Anticipation d'un problème de compréhension

a) Le participant qui thématise le problème est également celui qui donne l'explication

Cette réalisation correspond à des explications prises en charge de manière monologique. La grande majorité de ces explications sont réalisées par l'enseignant. Comme la présente recherche ne porte pas sur les explications monologiques de l'enseignant, ces dernières n'ont pas été recensées dans la collection. On trouve deux exemples d'explications monologiques dans le chapitre précédent (extraits 9 et 21), portant respectivement sur la manière d'effectuer une tâche et sur la description de deux personnalités politiques. A noter que les explications monologiques de l'enseignant portent également souvent sur des items lexicaux, comme dans l'extrait suivant:

25) SPD L2-secII-20 (audio 14m19s) 01 02 03 04 05 06 07 08 09 10 11

P: +dans sa trente-cinquième année (..) le nain du cirque barnaboum

se mit à grandir. (..) les savants (..) étaient bien ennuyés (..) car ils avaient une fois pour toutes (.) fixé à vingt-cinq ans (..) l'âge limite (.) de la croissance. (3.2) c'est pourquoi (..) ils firent en sorte (..) d'étouffer (..) l'affaire

((lisant))+ (3.2) +c'est pourquoi ils firent en sorte (.) d'étouffer (.) l'affaire. ((lisant))+ mm? voilà les (2.3) les premières lignes? (..) premières phrases (.) de l'histoire que nous allons lire et qui justement qui s'appelle (.) le (.) nain.

(..) alors un nain hein c'est une personne qui est très petite. (..) de naissance. (..) c'est ce qu'on appelle un nain

Au début de cet extrait, l'enseignant lit à haute voix les deux premières phrases d'un récit (Le Nain, Aymé, l.1-7). Dans la première phrase, le mot 'nain' apparait (l.1). A la fin de sa lecture, il mentionne

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De même que les éventuels logonymes apparaissant dans des épisodes de lecture à haute voix n'ont pas été pris en compte dans la collection des logonymes (cf. chapitre VI + annexe 2), de même ici les séquences monologales pouvant être appelées explications mais apparaissant dans le cadre d'une lecture à haute voix ne sont pas prises en compte. Cela inclut les moments dans lesquels des élèves font des exposés où ils lisent un texte qu'ils ont écrit devant la classe.

que le titre du récit est Le Nain (l.9) et initie une explication du lexème ('alors un nain c'est une personne...', l.3-4). L'explication est auto-initiée et auto-accomplie par l'enseignant, qui 1) s'oriente vers la possibilité (la probabilité) d'un problème de compréhension du terme par les élèves et 2) procède à une explication qui anticipe l'émergence d'un tel problème, lequel pourrait créer un obstacle dans la suite de l'activité (du fait que le nain est le héros de la nouvelle et qu'il lui donne son titre, cf. l.2-3).

Les séquences d'explication auto-initiées et auto-accomplies sont fréquentes chez l'enseignant mais très rares chez les élèves. On trouve néanmoins quelques occurrences à des moments où un élève reformule ses propres paroles, comme dans l'extrait suivant:

26) CODI L2-secII-15 / séquence 3577 (audio 12m48s)

01 02 03 04 05

G1: euh: est-ce que tu peux (.) imaginer de communiquer seulement avec des moyens techniques? c'est-à-dire euh: plus^aller à l'école (.) mais communiquer avec le prof seulement (...) euh par moyen de: (...) de téléphone vidéophone? °(des choses comme ça)°

Cet extrait apparait suite à l'exposé d'un élève sur le thème de la communication. L'enseignant demande à l'assistance de poser des questions à l'élève ayant effectué l'exposé, ce que fait G1. La question est formulée deux fois par G1: après en avoir énoncé une première version (l.1-2), l'élève propose une reformulation explicative introduite par 'c'est-à-dire' (l.2-5) (pour une discussion sur la reformulation comme méthode pour expliquer, cf. chapitre VIII, point 2.1). Le marqueur de reformulation 'c'est-à-dire' (l.2) apparait après un point de transition potentiel et est suivi d'une marque d'hésitation ('euh:', l.2): les deux parties du tour ne sont donc pas énoncés dans une seule unité intonative, et la seconde partie semble être un retour, a posteriori, sur l'énonciation de la première. La seconde formulation apporte des précisions par rapport à la première: l'idée de 'communiquer' (l.1), exprimée dans la première formulation, est dans la seconde accompagnée d'une explicitation quant au lieu ('ne plus aller à l'école', l.2-3) et à l'interlocuteur ('communiquer avec le prof', l.3); le syntagme 'moyens techniques' (l.2) est également explicité sous forme d'une liste d'exemples ('téléphone vidéophone des choses comme ça', l.4-5). Ainsi, l'élève 1) s'oriente vers son propre discours comme pouvant potentiellement poser un problème de compréhension à son interlocuteur, 2) propose une explication qui anticipe l'émergence potentielle de ce problème, lequel pourrait créer un obstacle dans la suite de l'activité (c'est-à-dire un obstacle à l'apparition d'une réponse à la question). L'explication apparait donc ici comme une forme d'autoréparation.

b) Le participant qui thématise le problème demande ensuite à quelqu'un d'autre d'expliquer

Ce type de réalisation est toujours accompli par l'enseignant. Ce dernier thématise un élément comme étant potentiellement problématique pour la compréhension puis enchaîne en général avec une demande d'explication display à l'attention d'un élève en particulier ou de l'ensemble des élèves. Un exemple de ce type de réalisation a été présenté dans le chapitre précédent (extrait 15): dans cet extrait, l'enseignant thématise l'intervalle temporel entre la parution d'un livre et le tournage d'un film comme étant 'bizarre', puis demande aux élèves de trouver une explication permettant de comprendre la raison de cet intervalle. Les séquences d'explication de ce type peuvent être qualifiées de 'séquences didactisées', dans le sens où elles ont pour fonction première de vérifier les connaissances des élèves. Cependant, elles s'ancrent toujours sur la possibilité que l'élément faisant l'objet de la demande puisse poser un problème de compréhension, notamment en raison de son caractère 'bizarre' ou complexe. En cela, elles peuvent être décrites comme une manière d'anticiper d'éventuels problèmes de compréhension.

Les séquences dans lesquelles l'enseignant thématise un problème potentiel qu'il anticipe et demande ensuite aux élèves d'expliquer sont les seules qui peuvent constituer des activités à part entière, planifiées à l'avance par l'enseignant: l'explication n'est alors pas 'émergente' et subordonnée à un autre but (expliquer pour que la suite de l'activité se passe sans encombre) mais constitue une activité (ou une partie d'une activité) à part entière. Par exemple, dans une des leçons du corpus CODI L2- secII, l'enseignant distribue une liste de proverbes français aux élèves. Il les laisse lire ces proverbes et réfléchir à leurs significations en petits groupes, puis demande d'expliquer chacun des proverbes. L'extrait suivant est tiré de cette activité:

77

27) CODI L2-secII-DK-A-2 / séquence 132 (vidéo 04m39s)

01 02 03

P: on va on va donc mettre en commun et on va essayer de voir la la signification des proverbes? (.) euh on va demander à theo de lire le premier?

04 The: euh (.) +il n'y a pas de fumée sans feu ((lisant))+ 05

06

P: alors il n'y a pas de fumée sans feu (..) alors euh:: donc theo

qu'est-ce que (.) quelle est la signification possible?

07 The: euh (..) pour (..) tout qui se passe il y a une raison 08

09

P: alors pour tout ce qui se passe il y a une raison une? (2.7) un synonyme de raison?

10 (3.4)

11 Jav: °une explication° 12

13

P: ouais de- oui une explication c'est ça ouais (.) une une origine c'est ça (..) exact

Cet extrait apparait juste après la phase de travail en petits groupes. L'enseignant demande à Theo de lire le premier proverbe de la liste (l.2-3) et d'en donner la signification (l.5-6). La demande d'explication fait donc partie de l'activité et en constitue l'objet même: les proverbes ne sont pas réutilisés par la suite dans une autre activité. La thématisation des proverbes comme potentiellement problématiques pour la compréhension n'est pas verbalisée, mais sous-tend la logique de l'activité: c'est parce que les proverbes peuvent potentiellement poser des problèmes de compréhension en raison de leur sens non-littéral qu'une activité d'explication est pertinente. La question de l'enseignant est une question display, c'est-à-dire que l'enseignant connait la signification du proverbe et que la demande a pour fonction 1) de vérifier les connaissances des élèves et 2) de les faire utiliser la langue seconde (c'est une activité de communication). Le caractère display de la demande est en quelque sorte 'déguisé' dans l'interaction. L'enseignant insiste sur l'idée que les explications sont des

tentatives pour aborder la signification de proverbes ('essayer de voir', l.1, 'signification possible', l.6)

et présente l'activité comme une construction collective du sens (cf. l'utilisation du pronom 'on' dans 'on va essayer de voir... on va demander à theo...', l.1-2) plutôt que comme un échange de questions- réponses(-évaluations). Cette 'mise en scène' contribue à la thématisation des proverbes comme potentiellement problématiques pour la compréhension et se retrouve dans plusieurs autres séquences (p.ex. 'c'est une contradiction', séquence 1878; 'il y a quelque chose de bizarre', séquence 26; 'drôle de façon de parler', séquence 106). Le déroulement de l'activité prend néanmoins la forme typique IRF (cf. chapitre IV), comme on l'observe à la fin de l'extrait, où l'enseignant procède à une évaluation de la réponse de l'élève ('c'est ça exact, l.13). Les élèves s'orientent également vers les demandes de l'enseignant comme constituant des questions display: par exemple, Theo répond ici à la question de l'enseignant sans marquer d'étonnement, alors que dans une conversation naturelle un apprenant de L2 pourrait être surpris que son partenaire natif lui demande la signification d'un terme ou d'une expression. L'orientation vers le caractère display des demandes de l'enseignant s'observe également, dans d'autres extraits, dans la manière qu'ont les élèves de terminer leurs tours de parole par une intonation montante, qui signale que le tour est 'soumis' à l'évaluation de l'enseignant (cf. p.ex. séquence 7).

§

Si, dans certaines séquences, le caractère 'bizarre' attribué par l'enseignant à un objet est une mise en scène destinée à justifier une demande d'explication subséquente de sa part, les séquences d'explication ouvertes suite à une thématisation de l'enseignant et à une demande d'explication adressée aux élèves ne s'actualisent pas systématiquement sous forme de questions display. Dans l'extrait suivant, tiré d'une activité d'analyse des paroles d'une chanson (L'enfant, Mas), la question de l'enseignant n'a pas de caractère display:

78

28) SPD L2-secII-11 / séquence 08 (audio 22m26s) 01 02 03 04 05 06 07 08 09

P: encore (.) le refrain m'intéresse. (.) et c'est peut-être (.) la ligne (.) la plus difficile à comprendre °(du texte.)° (0.9)

euh: +mots des mots ces accords joués sonnent trop faux ((lisant))+ (..) alors (1.4) est-ce que vous avez une idée. (1.2) ce que cela (.) ce que cela pourrait signifier. (.) dans

ce contexte. (.) on parle des accords joués (.) qui sonnent faux (3.9) franchement je ne le sais pas moi-même. (.) j'ai du (.) spéculer (.) comme vous (1.6) est-ce que vous avez des idées.

(6.1) oui (3.5) oui lena 10

11 12

Len: peut-être il trouve que c'est faux euh (..) euh (..) de (...) peut-être c'est faux que les: les: euh (z')hommes (..) euh se tuent?

13 P: bonne idée.

La demande d'explication qui apparait dans cet extrait est la dernière d'une série de questions que l'enseignant pose aux élèves à propos de la chanson. Dans les séquences précédentes, les demandes de l'enseignant sont display et les réponses des élèves font l'objet d'évaluations (cf. séquences 05 à 07). Dans cet extrait, l'enseignant thématise l'objet de la demande à venir comme particulièrement 'difficile à comprendre' (l.2). Il affirme ensuite que le segment de texte cité (l.3-4) lui pose à lui-même un problème de compréhension et qu'il ne sait comment l'interpréter ('franchement je ne le sais pas moi-même j'ai du spéculer comme vous', l.7-8). La demande de l'enseignant ne semble donc pas avoir de caractère display et la relation entre les participants n'est pas déséquilibrée sur le plan des connaissances: le 'comme vous' (l.8) met les élèves et l'enseignant sur le même plan. Les élèves proposent alors des hypothèses explicatives (p.ex. Lena, l.10-12), que l'enseignant n'évalue pas en fonction d'une réponse-cible mais en fonction de leur efficacité explicative, de leur plausibilité, de leur créativité (cf. 'bonne idée', l.13). Le caractère display des demandes d'explication, s'il est fréquemment associé aux séquences dans lesquelles l'enseignant thématise un problème qu'il fait suivre d'une demande d'explication adressée aux élèves, n'est donc pas systématique pour autant.

§

Les séquences didactisées dans lesquelles l'enseignant thématise un objet comme problématique puis demande une explication ont pour particularité qu'elles peuvent s'enchaîner, de sorte que l'activité consiste alors en une suite de séquences d'explication. Les extraits 27 et 28 sont tirés de telles activités: la première consiste à expliquer l'un après l'autre des proverbes listés sur un support écrit distribué aux élèves, tandis que la seconde consiste à expliquer certains vers d'une chanson, pointés par l'enseignant. Ces activités d'explication en chaîne se caractérisent par l'implémentation rapide de routines interactionnelles relatives à la manière d'ouvrir et de clore les séquences d'explication. Par exemple, dans l'activité sur les proverbes, on remarque que les demandes d'explication de l'enseignant sont de plus en plus indirectes et implicites, jusqu'à ce qu'à la fin de la série, la demande soit absente:

29) CODI L2-secII-DK-A-2 / séquences 132, 133, 134, 135, 136, 137 (vidéo 04m46s + 05m27s + 07m36s + 08m53s + 10m42s + 11m39s)

1er proverbe

01 The: euh (.) +il n'y a pas de fumée sans feu ((lisant))+ 02

03

P: alors il n'y a pas de fumée sans feu (..) alors euh:: donc theo

qu'est-ce que (.) quelle est la signification possible?

2ème proverbe

04 05

And: +ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la grimace ((lisant))+

06 (6.7)

07 08

P: alors ce n'est pas à un vieux singe qu'on apprend à faire la

grimace?

09 ((murmures en suisse-allemand: 11.4))

10 P: alors qu'est-ce que ça peut vouloir dire?

3ème proverbe 11

12

Die: +il ne faut pas vendre le peau euh de l'ours avant de l'avoir tué ((lisant))+ (.) euh=

13 P: =ouais?

14 Die: on doit faire dans (.) l'ordre 4ème proverbe

15 Ped: +qui vole un oeuf (.) vole un- un boeuf ((lisant))+

16 (2.3)

17 18

P: alors qui vole un oeuf vole un boeuf (.) qu'est-ce que ça peut

vouloir dire euh

5ème proverbe

19 Jav: +il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs ((lisant))+

20 P: voilà il ne faut pas mettre la charrue avant les boeufs

21 22

Jav: euh (1.3) (c'est euh) (2.7) je crois que c'est (..) qu'on peut (1.7) (met) les choses en ordre et pas (.) on les renverse 6ème proverbe

23 24 25 26

Did: +il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu ((lisant))+ (.) oui euh (2.7) euh on ne doit pas exagérer ou (1.7) euh (1.0) (dans ces;quand c'est) (.) choses (.) graves ou (...) je sais pas embra- embras:er (.) le (pays)

Dans cet extrait, on assiste à un ajustement mutuel progressif entre les élèves et l'enseignant, qui s'observe à travers la manière dont sont construites les demandes d'explication de l'enseignant et les réponses des élèves. Au début de l'extrait, suite à la lecture à haute voix du proverbe par l'élève, l'enseignant répète le proverbe et le fait suivre d'une question ('quelle est la signification possible', l.2- 3; 'qu'est-ce que ça peut vouloir dire', l.10 + 17-18). Chacun des proverbes fait donc l'objet d'un traitement en deux étapes – 1) lire, 2) expliquer – entre lesquelles s'insère la demande d'explication de l'enseignant. On voit cependant que si lors du premier proverbe la question de l'enseignant suit immédiatement la phase de lecture à voix haute par l'élève (l.2-3), lors du deuxième et du quatrième proverbe la lecture et la question sont séparées par une pause relativement longue (l.6, 9, 16). L'absence de prise de parole immédiate par l'enseignant peut être interprétée comme une invitation à poursuivre. Lorsque l'élève reste silencieux, c'est-à-dire n'introduit pas 'spontanément' l'explication, l'enseignant verbalise la demande. Peu à peu, au cours de l'activité, les élèves commencent à s'orienter vers une gestion autonome du lien entre l'étape de la lecture et celle de l'explication. On l'observe pour la première fois lors du troisième proverbe: suite à la lecture à haute voix, et après une micro-pause, l'élève produit un marqueur d'hésitation ('il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué (.) euh', l.11-12) qui annonce une suite à venir. L'enseignant enchaîne alors de manière minimale ('ouais?', l.13) plutôt que de répéter le proverbe et d'expliciter sa demande: ce faisant, il manifeste sa reconnaissance de la projection d'une suite par l'élève, qui commence son explication au tour suivant (l.14). La forme des questions de l'enseignant tend également à devenir de plus en plus elliptique: lors du cinquième proverbe, l'enseignant répète le proverbe mais n'explicite pas sa demande ('voilà il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs', l.20), ce qui n'empêche pas l'élève de produire l'action attendue, à savoir une explication (l.21-22). Enfin, lors du sixième proverbe on observe une absence totale de question de l'enseignant: l'élève prend en charge de manière auto- initiée la transition entre la lecture et l'explication ('il ne faut pas jeter de l'huile sur le feu (.) oui euh (2.7) euh on ne doit pas exagérer...', l.23-26). La routine interactionnelle liée à l'exercice se met donc progressivement en place à travers les ajustements mutuels des participants: les élèves

reconnaissent peu à peu les moments où une explication est attendue, de sorte que la demande d'explication explicite n'est plus nécessaire. L'ajustement progressif mutuel prend place à la fois sur le plan des formes (demande de moins en moins directe) et de la gestion des séquences, qui passe progressivement du dialogique (explication hétéro-initiée) au monologique (explication auto-initiée) (cf. activité regroupant les séquences 192 à 196 pour une évolution semblable).

Vérification du caractère effectif d'un problème de compréhension auprès des autres participants

Dans les séquences observées jusqu'à présent, un participant thématise un problème potentiel de compréhension et s'oriente vers la nécessité d'expliquer sans procéder à une vérification du caractère 'effectif' du problème chez les autres participants. Dans certains cas, il arrive cependant qu'un participant initie d'abord une pré-séquence dans le but de procéder à une telle vérification. Les pré- séquences sont toujours initiées par l'enseignant et apparaissent typiquement au début d'une activité ou entre deux phases d'une activité. L'enseignant initie un échange en proposant aux élèves de demander des explications, en général relatives à des items de vocabulaire: il aménage ainsi un espace pour la résolution de problèmes de compréhension qui pourraient par la suite constituer des obstacles au bon déroulement de l'activité. Les pré-séquences visent à la fois à anticiper et à résoudre des problèmes: l'enseignant 'anticipe' en ouvrant un espace pour les demandes des élèves, et les demandes visent à 'résoudre' des problèmes de compréhension. S'il n'y a pas de problème de compréhension, alors il n'y a pas de demande de la part des élèves et pas d'ouverture de séquence d'explication. L'extrait ci-dessous fournit une illustration de la manière dont l'enseignant peut proposer aux élèves de demander des explications:

30) CODI L2-secII-DK-A-2 / séquence 138 (vidéo 13m53s + 14m54s)

01 02

P: alors je vous laisse peut-être euh: quelques minutes? (1.3) et après on mettra en commun

03 ((les E travaillent par deux, en suisse-allemand: 55.3)) 04

05

P: alors a- (.) avez-vous des questions de vocabulaire? (...) avez- vous des questions de vocabulaire?