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La partie conceptuelle de la démarche mobilise des modèles graphiques et logiques, tandis que la partie appliquée met en oeuvre des modèles de fonctionnement et des systèmes d'information géographique.

5.1 LES OUTILS DE MODELISATION CONCEPTUELLE

5.1.1 Les chorèmes

La modélisation de l espace présuppose d identifier dans un système territorial ordre et lois, structure et fonctionnement, organisation et hiérarchie, dynamique et système (AURIAC, 1992). La première opération de la modélisation spatiale consiste à répertorier les modèles de base nécessaires qui expliquent les structures élémentaires et fondamentales de l espace, ainsi que les processus tout aussi fondamentaux (centre-périphérie, gravitation, tropisme, ségrégation-agrégation, etc.). La deuxième opération de la modélisation consiste à composer et combiner ces structures élémentaires suivant des règles de construction explicites, afin que toute modélisation d un espace puisse restituer les modèles de base par déconstruction.

Pour être représentés, ces modèles spatiaux peuvent être exprimés en langage graphique comme le propose Roger BRUNET (1972, 1986). Les structures élémentaires de l espace géographique sont représentées par des chorèmes qui constituent l alphabet de ce langage de modélisation. Une table des chorèmes est proposée avec quatre colonnes pour les figures de base (point, ligne, aire, réseau) et sept lignes pour les stratégies et dynamiques essentielles, c est-à-dire les finalités et les actions des systèmes spatiaux (BRUNET, 1990). Une table de chorèmes plus spécifiques à l analyse de l espace rural a été également proposée suivant les mêmes principes (CHEYLAN et al., 1990).

La modélisation spatiale suit des principes fondamentaux qui ont été énoncé par R. BRUNET (1990). La première phase essentielle de la modélisation est de ne considérer que les structures fortes qui rendent compte de l'essentiel de l'organisation et des dynamiques spatiales, afin que les phénomènes secondaires n'offusquent pas l'essentiel. Il faut séparer l'actif, qui marque le territoire, du contingent, qui déforme les modèles de base sans rien ajouter d'autre que des accidents locaux. Il convient ensuite de connaître l'interdépendance des modèles élémentaires fondamentaux au sein du système et l ordre dans lequel ils se combinent et se déforment mutuellement.

La modélisation spatiale proposée au cours de cette étude utilise ces principes pour représenter les structures et dynamiques élémentaires de l espace rural, pour les combiner suivant des règles explicites en un modèle élémentaire d organisation du territoire, pour décliner, agréger ou déconstruire ce modèle en fonction des niveaux d organisation du territoire.

5.1.2 Un modèle graphique spatio-temporel

Pour rendre compte des rapports entre les pratiques de gestion des ressources renouvelables et l organisation du territoire, un nouveau mode de représentation graphique est proposé qui combine l organisation spatiale au calendrier des pratiques, sous forme d un modèle spatio-temporel. THÉRY (1986) a proposé le concept de chrono-chorèmes(10) pour rendre compte de la

dynamique du territoire par une succession diachronique de modèles spatiaux. Il y a eu par ailleurs, dans l'univers agronomique, des tentatives pour associer des calendriers de pratiques à des modèles spatiaux (ÉTIENNE, 1990) ou de donner une dimension spatiale à un calendrier de pratiques (RUF, 1985). La nouveauté proposée ici est d'intégrer explicitement dans un même modèle graphique une représentation des pratiques spatiales des agriculteurs avec l'expression temporelle de ces pratiques.

AU TO MN E HIV ER P R IN T E M PS ET E solstice d'hiver solstice d' é té Équinoxe de printemps Équinoxe d'automne janvier févr ier m ars a v ril m ai ju in ju ille t ao û t s e p te m b re octo bre nov embr e décembre

Fig. 8 : Principe de construction du modèle spatio-temporel des pratiques rurales

Auréoles de mise en valeur du territoire Calendrier d'exercice des pratiques rurales Espace Temps

5.1.3 Les schémas logiques

L explicitation et la représentation des variables qui concourent à l organisation et à la dynamique d un système territorial et des rapports qu ils entretiennent se fait souvent par un schéma logique, encore appelé sagittal. Il n y a pas vraiment de règles bien établies pour construire ces schémas. Il est commun d y trouver plusieurs formes d encadrement des variables (rectangle, ovale), plusieurs grisés et plusieurs formes de flèches, sans qu aucune légende permette de comprendre ces différences de représentation. Il n est pas le lieu d établir cette grille. L utilisation qui est

(10) Les chrono-chorèmes ont été définis par THÉRY (1986) comme des éléments qui ont contribué à

la structuration de l'espace à des moments-clés de l'histoire, et dont la trace persiste dans le modèle spatial actuel.

faite des schémas logiques étant l explication d un modèle spatial, celui-ci est représenté dans un rectangle grisé, tandis que les variables explicatives sont représentées par des rectangles blancs. Les relations entre eux sont symbolisées par des flèches.

5.2 LES OUTILS DE MODELISATION APPLIQUEE A LA GESTION

La modélisation spatiale de la dynamique des territoires étudiés conduit à prendre en compte de façon explicite l organisation spatiale et le temps qui joue un rôle primordial dans le fonctionnement du système territorial. Outre les cartes qui sont l outil de base du géographe, deux catégories d outils ont été mobilisées et combinées à cette fin au cours de ce travail : les matrices spatio-temporelles et les systèmes d information géographique.

5.2.1 Les matrices de transition

Appliquées en écologie du paysage, par M. GODRON et J. LEPART, les matrices sont un outil de représentation mathématique simple des évolutions du territoire, ayant une fonction heuristique d organisation de la connaissance. Elles traduisent les transitions entre des états d'un territoire, qui résultent du fonctionnement des unités spatiales de ce territoire.

Les matrices de transition résument l ensemble des changements qui ont eu lieu sur un territoire donné entre deux dates. Elles permettent d exprimer le vecteur des surfaces occupées par les unités d occupation du sol à une date, en fonction du vecteur des surfaces occupées par les unités d occupation du sol à une autre date, au moyen d'une multiplication matricielle (GODRON & LEPART, 1973).

5.2.2 Les matrices de fonctionnement

Elles expriment la mise en oeuvre des potentialités écologiques et socio-économiques d une unité territoriale donnée (élément de paysage, parcelle d usage) en fonction du temps. Les lignes de cette famille de matrices sont les paramètres biologiques et socio-économiques qui les caractérisent ; les colonnes présentent les valeurs prises par chacun de ces paramètres au cours du temps. L évolution d un territoire au cours du temps peut ainsi être résumée par l ensemble des matrices de fonctionnement de toutes les unités territoriales qui composent ce territoire (GODRON, 1979), à condition d'utiliser un langage de programmation orienté vers le calcul matriciel.

Les données ainsi organisées sont facilement manipulables. Les matrices sont combinées entre elles sous forme d hyperparallélépipèdes. Elles peuvent aussi être associées à des systèmes d information géographique sous forme de tables attributaires des unités spatiales localisées.

5.2.3 Les systèmes d’information géographique

Le traitement de l information spatiale localisée s effectue grâce aux systèmes d information géographique (SIG) qui sont des systèmes informatiques permettant, à partir de diverses sources, de rassembler et organiser, de gérer, de combiner, d élaborer et de présenter des informations localisées graphiquement, contribuant notamment à la gestion de l espace (Société Française de Photogrammétrie et de Télédétection, 1989).

Un SIG est d abord un système d information, c est à dire un ensemble d informations structurées de façon à gérer et à représenter un univers donné. La spécificité du SIG est que cet univers appartient à l espace géographique. Il combine des outils d acquisition, de stockage, de gestion, de représentation et d analyse de données spatiales qui sont géoréférencées, c est à dire qui sont référencées à la surface de la terre dans un système de coordonnées géographiques connu.

De ce fait, l architecture fonctionnelle de tout SIG combine des bases de données graphiques et des bases de données thématiques.

Pour la partie base de données graphiques, l information spatiale s organise en couches (ou couvertures) de même nature thématique (l occupation du sol, le cadastre, le réseau hydrographique, etc.), le plus souvent structurée par une topologie planaire. Les opérations de croisement de l information spatiale entre les couches qui permettent de mettre en évidence leurs rapports fonctionnels sont une spécificité des SIG (de BLOMAC et al., 1994).

L acquisition de données géométriques se fait, à partir de sources multiples (images de télédétection, cartes, fichiers, etc.), avec une table à digitaliser, un scanner ou par importation de fichiers graphiques ou numériques compatibles avec le logiciel utilisé. On obtient des fichiers de données numériques purement géométriques avec des entités spatiales élémentaires (points, arcs, polygones), des points de géoréférencement, et des identificateurs des entités géométriques appelés labels.

Les données géométriques sont stockées dans une base de données organisée en couvertures spatiales. La gestion de cette base se fait sur les entités spatiales par des opérations de gestion (insertion, suppression, modification) et des opérations géométriques sous contrainte d intégrité spatiale.

Ces données géométriques sont associées à une information indispensable à l analyse spatiale par des bases de données thématiques. Cette information, saisie au clavier ou importée par fichier, est attachée aux entités spatiales par l intermédiaire de tables attributaires qui contiennent toutes les informations nécessaires à l'analyse spatiale (pour un cadastre : le numéro d'enregistrement de la parcelle, le nom du propriétaire, la date d'acquisition, le type d'occupation du sol, et toute autre information nécessaire à l'analyse).

Les liens entre la partie géométrique et la partie thématique de la base permettent de construire une topologie à plusieurs niveaux sémantiques d interprétation organisée en couches. Cela permet de mettre en évidence, par des requêtes spatiales et/ou thématiques, les rapports fonctionnels entre les diverses couches informationnelles et de valider les modèles d organisation spatiale.

Dans le cadre de la présente étude, le SIG utilisé est Arc/Info qui, à la partie géométrique de type vectorielle (Arc), associe des bases de données relationnelles (Info). Toute l information spatiale mobilisée a été digitalisée, sous table à digitaliser, à partir d une interprétation des photographies aériennes pour l occupation du sol, ou à partir de documents cartographiques existants (cartes IGN 1/25 000, cadastre). Certaines de ces cartes contiennent le résultat des enquêtes réalisées auprès des habitants pour la spatialisation des pratiques rurales. La digitalisation des documents cartographiques sous forme numérique est la première étape, parfois longue comme dans le cas du cadastre, de la constitution des couches d information. Elle est suivie d un géoréférencement de chaque couche dans un système de coordonnées géographiques donné, dans le cas présent le Lambert 3. Enfin, l établissement de rapports fonctionnels entre diverses couches d informations thématiques ou entre plusieurs couches d un même thème à plusieurs dates nécessite une mise en cohérence spatiale des couches entre elles, ce qui pose des problèmes de qualité de l information et de changements d échelle.