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N Corniche des Cévennes

I GENERALITES SUR LES SYSTEMES DE PRODUCTION EN CEVENNES

Le territoire cévenol a été construit par l'homme en fonction de sa culture, de sa tradition, de ses pratiques, de ses croyances, de son degré de formation et d'information, et de l'expérience accumulée et métissée à d autres. Aux acquis technologiques transmis de génération en génération, s'ajoutent ceux qui ont été transmis par apprentissage et ceux appropriés, ainsi que ceux qui ont été introduits dans le système rural par les nouveaux habitants du territoire. Le paysage est le produit historique de ce long dialogue de l homme avec sa terre. Il est sans cesse remodelé pour l'adapter à de nouvelles conditions socio-économiques, un des paradoxes des paysages actuels étant de paraître sauvages ou naturels aux promeneurs, tandis que le territoire a été presque totalement approprié et maîtrisé. Le résultat de ce travail de l homme, à l échelle infracommunale du quartier et dans l espace contraignant d un petit bassin versant, est la forte hétérogénéité spatiale exprimée par la modélisation du quartier. Transformateur permanent du paysage, le paysan cévenol a entretenu un rapport étroit avec sa terre grâce à un système de polyculture élevage centré sur une économie domestique (terrasses de culture, châtaigneraies, petit élevage) en y associant, au cours des systèmes ruraux successifs, des activités de commerce et d artisanat qui ont marquées les paysages.

Depuis 50 ans, les systèmes de production agricole évoluent par suite d'une part du dépeuplement et du vieillissement global de la population qui touche en particulier les actifs agricoles, d'autre part de la modernisation de l'agriculture. Les données concernant l agriculture sont recensées au canton, ce qui ne permet pas de rendre compte finement des différenciations locales. Cela donne toutefois les caractéristiques majeures de l agriculture actuelle en Cévennes(1). Sur l ensemble de la région, la part des agriculteurs ne représente

plus que 7% de la population active, tandis qu elle en formait 11,6% en 1975 et 27,3% en 1955 (JOUTARD et al, 1978). La population d agriculteurs a considérablement diminué entre les années 60 et 70 (-26%). Après 1970, les retours à la terre ont permis de ralentir cette chute mais ne suffisent toutefois pas à compenser les départs en retraite. Ils correspondent aussi au début de la mécanisation de l agriculture en Cévennes avec l arrivée de l aspersion. Ces chiffres globaux peuvent être nuancés en fonction des secteurs géographiques : dans les vallées rurales, le pourcentage d agriculteurs recensés parmi les actifs est de 19% tandis qu il est de 6% pour le périurbain et de 2% pour le bassin minier. Parmi ces agriculteurs, la part des retraités est toujours importante : 17% en milieu rural, 30% en périurbain et 39% dans le bassin minier. Les retraités de l industrie constituent une bonne part des agriculteurs de ce dernier secteur.

(1) les statistiques sont fournies par le Recensement Général de la population de 1990 pour les taux

d activités et par le Recensement Général de l Agriculture de 1988 pour les parts des retraités et de double-actifs. Il y a donc deux ans d écarts entre les deux recensements et surtout de grandes divergences dans le recueil des données qui conduisent à des écarts pour des mêmes variables. Pour tenter de limiter ces problèmes d homogénéisation de l information, les rapports ont été préférés aux chiffres bruts. Les calculs sont effectués pour le RGP sur l ensemble des communes de la région d étude et pour le RGA sur trois types de cantons : le secteur rural (Valleraugue, Saint André de Valborgne, Saint Germain de Calberte), le secteur minier (La Grand Combe, Bessèges), le périurbain (Le Vigan, Alès ouest).

Les vallées rurales se différencient nettement du reste de la région par les fréquences élevées de nouveaux exploitants agricoles et de double activité. Entre 1979 et 1988, dates des deux derniers recensements agricoles, le taux de renouvellement des exploitants est souvent très élevé, de près de 40%, en relation avec les migrations de population observées à partir de 1970 (Cf. Annexe 3). Le retour à la terre s accompagne de conduites d exploitation renouvelées, et d une structure par âges des agriculteurs rajeunie. Les forts taux de pluriactivité se localisent également dans les vallées rurales et dans le bassin minier, respectivement de 45% et de 77% en 1988. Ils peuvent être dus au chef d exploitation exerçant une autre activité souvent liée au tourisme (Cévennes méridionales et Gardonnenque), ou un actif d autres secteurs de l économie maintenant une activité agricole secondaire (bassin minier). Seuls les cantons périurbains ont de faibles taux de pluriactivité et de renouvellement des agriculteurs, avec un indice de vieillissement important. Dans les vallées rurales, parmi les agriculteurs restants, seulement 1 sur 4 est à temps complet tandis que les autres tirent des revenus complémentaires d une autre activité.

L'agriculture se diversifie en se spécialisant. D une polyculture élevage fondée sur la châtaigneraie et l élevage extensif de moutons, associé à quelques chèvres, l agriculture cévenole s est tournée, depuis 1970 et les retours à la terre, vers un élevage caprin qui nécessite peu d investissement et procure un revenu minimum par la vente des pélardons, ou vers une arboriculture spécialisée en basse vallée. L économie agricole est plus créative et diversifiée que par le passé. Elle se fonde sur des produits originaux, généralement marqués par l image du territoire cévenol, de qualité et d authenticité : pommes, oignons, petits fruits, plantes aromatiques et médicinales, champignons, élevages marginaux. Les circuits de distribution de ces produits agricoles sont courts, le plus souvent directs, et captent une partie de la demande touristique. Le renouveau agricole entamé vers 1970 et qui rajeunit le secteur ne s effectue pas à n importe quel coût de travail. Les agriculteurs semblent sacrifier des objectifs de production agricole difficiles à atteindre dans cet environnement au profit de la jouissance de leur cadre de vie. Les liens entre l agriculture et le tourisme vert sont de plus en plus denses.

Cette évolution s'accompagne d'une contraction de l'espace mise en valeur au profit des terres mécanisables. Selon le RGA de 1979, alors que le nombre d'exploitation agricole a diminué de 59,4% entre 1955 et 1979 et que la SAU a diminué parallèlement de 29,4%, la SAU moyenne par exploitation est passée de 12,6 à 21,9 ha, représentant alors 37,4% de la surface cadastrée contre 35,2% en bois et 24,3% en terres vaines (communaux - sectionaux). L'activité agricole se concentre sur cette fraction du finage la plus facile à travailler, au détriment des landes et de la châtaigneraie. La SAU est désormais majoritairement exploitée en prairies dont la surface augmente au détriment des terres labourables et parfois de la châtaigneraie. Les céréales qui sont encore cultivés sont destinée à l'alimentation animale.

Pour mettre en valeur ces terres, le faire-valoir direct est le mode dominant (83%). Quelques parcelles sont en fermage, mais mis à part le faire- valoir direct, le mode d'appropriation de la terre le plus répandu est l'accord verbal. Celui-ci, passé entre bailleurs et preneurs, tient plus aux relations qu'entretiennent les partenaires qu'à la valeur locative des parcelles concernées. Avec le dépeuplement, beaucoup de parcelles sont devenues la propriété de non-agriculteurs, retraités ou résidents secondaires, qui bloquent l'accès à la terre ou portent le prix de la terre agricole au-delà des revenus assurés par leur mise en culture. La situation foncière est cependant différente selon que l'on se trouve dans l'espace de mise en valeur intensive ou dans celui de mise en valeur extensive. Les blocages fonciers sur des terres mécanisables sont devenus le principal obstacle au renforcement des exploitations existantes ou à l'installation de nouveaux agriculteurs. Sur la commune de Gabriac, l'installation d'un jeune agriculteur a ainsi échoué, faute d'avoir pu rassembler suffisamment de terres agricoles pour former une exploitation moderne viable. Dans l'espace de mise en valeur extensive, la déprise agricole a libéré de vastes espaces dans lesquels il existe des blocages fonciers, mais qui sont généralement contournés par les exploitants, les tolérances de passage ou les baux oraux étant la règle. Le problème de cet espace est plus la dégradation de ses potentialités agricoles, pastorales et forestières à la suite du manque d'entretien qu'un problème foncier. La gestion des ressources renouvelables s'inscrivant principalement dans l'espace de mise en valeur extensive, le concept d'élément de paysage semble bien adapté pour l'étude des rapports entre l'organisation du territoire et les pratiques rurales. A l'intérieur d'un élément de paysage, les marques de l'activité agricole présentent des aspects particuliers. Un élément de paysage correspond habituellement en Cévennes à une parcelle d'usage, parfois à plusieurs quand deux ou trois propriétaires exploitent de la même façon un secteur de mêmes potentialités écologiques. L'analyse des rapports entre les éléments de paysage et les parcelles foncières montre peu de correspondances du fait d'une part de l'appropriation par l'usage dans les secteurs extensifs encore exploités, et d'autre part, de la dominance des processus écologiques de reconquête forestière dans les autres. Seules les prairies montrent une certaine correspondance entre l'usage et la propriété, une prairie étant constituée de plusieurs parcelles cadastrales contiguës. Dans tous les cas, le découpage de l'espace par le foncier est peu opérant pour rendre compte du fonctionnement et des dynamiques de mise en valeur de l'espace cévenol.

II - LE COEUR DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE