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I IDENTIFICATION ET CARACTERISATION D'UN ENSEMBLE SPATIAL COHERENT A L'ECHELLE DE LA PETITE REGION CEVENOLE

Les Cévennes sont une entité géographique généralement marquée par une forte identité culturelle ("l'âme cévenole"), mais aux limites floues et controversées. Dans leur extension maximale, elles étaient définies, selon des critères strictement géomorphologiques, par le versant méditerranéen allant de la Montagne Noire aux Monts du Beaujolais. Dans leur acceptation la plus stricte, elles se réduisent aux vallées des Gardons et prennent alors la dénomination de "la Cévenne" (au singulier), par référence au pays de la soie et du protestantisme. Dans leur acceptation courante, les Cévennes couvrent une région comprenant certains causses (mais pas tous), les hautes-terres de l Aigoual, du Bougès et du Lozère, ainsi que les vallées méditerranéennes. Il s agit donc d un ensemble spatial hétérogène tant sur le plan biophysique que socio-économique ou politique, qui tient une partie de son unité dans son aspect marginal et sauvage, concrétisé par la présence d un parc national, créé en 1970. Il n en reste pas moins que l identification et la caractérisation géographique des Cévennes est difficile car il s agit avant tout d une communauté d appartenance sociale. Peut-être même faut-il voir dans cette difficulté à déterminer l'emprise spatiale des Cévennes l'essence de son identité culturelle forte, forgée au fil des temps, par des conquêtes sur la nature, une résistance à l'oppression et une lutte pour la liberté de conscience.

Malgré ces difficultés, il est néanmoins nécessaire, pour la cohérence d une étude sur la mise en valeur de l espace rural, de définir un espace régional englobant à l'intérieur duquel des règles d'organisation spatiale et des processus d'évolution similaires ont cours.

Les Cévennes correspondent à une petite région de transition entre la plaine et la montagne qui trouve son unité géographique dans sa vie matérielle et sa culture. Il est sage de la définir par rapport à son contenu, avant d'en chercher des limites difficiles à saisir et toujours discutées.

Au niveau local, les Cévennes se caractérisent par un habitat dispersé révélant une mise en valeur individuelle du territoire, et par des éléments remarquables des paysages comme les terrasses de cultures ou le manteau de châtaigniers.

Au niveau régional, les Cévennes s'identifient par la succession des vallées méditerranéennes de substrat schisteux ou granitique qui se succèdent en arc de la vallée de l'Hérault au Tanargue. Elles correspondent à l'ensemble formé par les sous-régions cévenoles nommées communément : les Cévennes méridionales, la Gardonnenque et les Cévennes vivaroises. L'analyse visuelle des images de télédétection a permis de détecter cet ensemble spatial correspondant à une petite région géographique et présentant des régularités structurelles (GAUTIER, 1993).

Au-delà des événements majeurs qui caractérisent cette petite région : un climat méditerranéen, un relief découpé(1), un manteau de châtaigniers(2), un

habitat dispersé, les Cévennes s'identifient "en négatif" par opposition à d'autres ensembles régionaux :

- la plaine languedocienne caractérisée par son relief plat, son socle calcaire(3),

la garrigue(4), son système de mise en valeur agricole hérité des Romains,

basé sur la vigne, l'olivier et le blé, ainsi que par son habitat groupé. La limite entre ces deux régions est parfois franche quand la faille des Cévennes sépare nettement la plaine languedocienne du piémont cévenol, entre Anduze et Saint Ambroix. Elle est difficile à identifier quand il existe des inclusions de calcaire dur dans le piémont cévenol, qui donnent un aspect de haute plaine à des systèmes de mise en valeur typiquement cévenols (Monoblet, St- Laurent-le-Minier). En fait, contrairement à une idée reçue, ce n'est pas le calcaire qui constitue une limite indiscutable entre les Cévennes et la plaine languedocienne, mais plutôt le type d habitat et le système de mise en valeur de l espace.

- les Causses à l'est et au nord-est des Cévennes, caractérisés par leur relief en plateau et leur mode de mise en valeur par l'élevage extensif. Une variable permettant de différencier l'ensemble géographique des Causses par rapport à celui des vallées cévenoles est la production ovine qui est orientée principalement vers la viande pour les vallées cévenoles tandis que la géographie des Causses autorise la production et la commercialisation de lait de mouton(5).

(1) : voir la carte "Les altitudes" de l'Atlas Permanent Région Languedoc-Roussillon

(2) : voir la carte "Utilisation du sol" de l'Atlas du Languedoc-Roussillon : au début du XIXème siècle,

l'ensemble des Cévennes des vallées s'identifie nettement de ses voisins car le sol en est couvert par plus de 35% d'arbres fruitiers, essentiellement du Châtaignier.

(3) : voir la carte "Morphogenèse" de l'Atlas du Languedoc-Roussillon

(4) : voir la carte des étages de végétation qui permet de distinguer nettement les Cévennes de la haute

plaine Languedocienne par un changement d'étage, du méso-méditerranéen supérieur au méso- méditerranéen inférieur

- les hautes-terres (Aigoual, Bougès, Lozère, Tanargue), ensemble difficile à caractériser tant ses ressemblances avec les Cévennes des vallées et des serres peuvent être localement importantes (Vallée de la Mimente, bordure sud du Méjean dont Vebron) mais qui s'oppose aux Cévennes par la nature atlantique des versants (et donc une dynamique différente de celle de la végétation méditerranéenne), par un habitat qui est généralement groupé et par l'apparition de la production bovine qui souligne la frontière entre ces deux ensembles(6). Les liens qui existent entre les Cévennes et les hautes-

terres sont étroits, en particulier à cause de la transhumance ovine et de l'existence de foires sur les hautes-terres, mais les processus naturels et sociaux qui jouent sur ces deux ensembles géographiques sont de nature différente. En particulier, des critères sociaux permettent de souligner la frontière entre les Cévennes et les Hautes-Terres comme les élections politiques(7) et les édifices religieux(8) qui permettent de distinguer

grossièrement les Cévennes protestantes et politiquement à gauche, des hautes-terres catholiques et de droite. Cela signifie, par exemple, que sont exclus des Cévennes telles que nous les définissons, le plateau de Montselgues, la can noire ou la can de l Hospitalet où apparaissent les villages-rues et l élevage bovin.

Entre les deux ensembles géographiques que constituent la haute plaine languedocienne et les hautes-terres, les Cévennes apparaissent comme une tache d'isolement(9), une véritable marche - au sens géographique du terme -

reliant les deux ensembles entre eux.

Ainsi défini par une structure détectable à l'échelle régionale : la succession de serres et de vallées sur substrat cristallin, et par opposition aux grands ensembles géographiques voisins, ce que nous appellerons désormais "les Cévennes" (en sous-entendant, les Cévennes des vallées méditerranéennes et sans esprit de polémique) s'affirme comme un ensemble géographique cohérent, qui constitue notre domaine d'étude englobant.

(6) : voir Atlas socio-économique du Parc National des Cévennes

(7) : voir la carte "Équilibre et dynamique gauche-droite" de l'Atlas Permanent Région Languedoc-

Roussillon

(8) : voir Atlas socio-économique du Parc National des Cévennes (9) : voir l'Atlas Permanent Région Languedoc-Roussillon

Joyeuse Les Vans St Ambroix Alès Anduze Ganges St Hippolyte -du-fort Sumène Chassezac La Cèze Le Luech G. d'Alès Galeizon Calbertes G. Ste Croix G. St Jean Hérault Arre Bougès Lozère Tanargue Aigoual Florac

Fig. 9 : ÉPURE DES CÉVENNES DES SERRES ET DES VALLÉES

Largentière

Drobie Baume

Le Vigan

Haute plaine languedocienne Hautes Terres