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N Corniche des Cévennes

IV LES MARGES DE LA MISE EN VALEUR DU TERRITOIRE 4.1 L A CHENAIE DE C HENE BLANC ET ROUVRE

5.2 L A CHATAIGNERAIE A FRUIT

5.2.1 La conduite du châtaignier à fruit

Le châtaignier est un arbre planté et greffé qui a été l'objet d'une véritable culture, pouvant aller jusqu'au fumage et à l'irrigation de la parcelle. Il présente de nombreuses variétés ayant des exigences particulières et des usages spécifiques. Ces variétés ne sont pas cultivées par parcelles homogènes, du fait probablement de la nécessité d'une pollinisation croisée, et de la recherche d'une sécurité alimentaire, par multiplication des variétés sur une même station. C'est à la fois un choix permettant d'intégrer plusieurs productions sur un même espace, et le résultat de l'histoire de chaque arbre qui donne aujourd'hui cette diversité variétale.

Aujourd'hui, les exploitants ont intérêt à regrouper certaines variétés pour faciliter leur entretien, leur traitement et surtout le ramassage des fruits pour les variétés précoces et/ou de valeur. Techniquement, l'avantage est certain, attesté par l'ULRAC. Il simplifie les opérations d entretien et d exploitation, diminue la charge de travail, et donc augmente la rentabilité de la production.

Les particularités de la variété, de la situation et de l'usage qui en découlent justifient pour l'exploitant une sylviculture au pied par pied, ou par petits groupes d'arbres. La conduite de la châtaigneraie ne s'appréhende pas par parcelle mais par groupe d'individus. Cet angle d'approche est fondamental pour comprendre le système technique de la châtaigneraie, mais il n'est pas sans engendrer des difficultés : comment appréhender les facteurs de production d'un ensemble aussi hétérogène ? Comment calculer sa productivité ? Comment faire une typologie fonctionnelle pour un aménagement des châtaigneraies ? Comment modéliser leurs dynamiques ? Il

paraît néanmoins important de partir d'une telle réflexion. Le changement d'échelle, de la parcelle à l'exploitation, puis au paysage devrait ensuite permettre de trouver la cohérence de cette hétérogénéité locale et de cerner les logiques qu'elle sous-tend. Ce qui suit entre donc dans le cadre d'une logique de production arborée fine, dans laquelle chaque arbre a sa propre histoire.

Les individus cultivés sont obtenus par greffage. Le greffon lui-même est d'origine hybride. Les sélections ont été conduites, jusqu'à une date récente, empiriquement ; elles recherchaient généralement la rusticité de l'arbre, de manière à étendre son aire de culture, et localement la production de fruit de qualité.

Il existe deux grands groupes de variétés en Cévennes :

- les semi-tardives donnant des fruits gros à moyens (60 à 80 fruits/kg), peu cloisonnés, mais sensibles aux parasites et présentant une faible souplesse d'adaptation écologique, comme par exemple ne pouvoir fructifiant au- dessus de 500 m (Bouche-Rouge, Combasle, Sardonne, Marron-Dauphine); - les communes donnant des fruits de petit calibre (100 fruits et plus/kg),

plus plastiques et produisant jusqu'à 800 m, dont les plus appréciées sont la Précoce des Vans et la Pellegrine.

La qualité du fruit dépend de :

- la "noblesse" des fruits, c'est-à-dire de leur réputation ;

- l'entretien de la châtaigneraie, en conséquence des conditions d'accès au verger et de la main d'oeuvre disponible.

* La densité de plantation

Sur l'ensemble des Cévennes, les vergers fruitiers vestiges ou en production présentent un écartement variable entre les souches de 6-18 m environ, ce qui correspond à des densités moyennes de 80 à 120 arbres / ha. Cet écartement, qui devait être celui des premières plantations, correspond à une optimisation de la production fruitière par la recherche de la meilleure distribution spatiale des ramures (M. BOUCHET, com. pers.). Il a ensuite éventuellement diminué, et donc la densité augmentée, avec les rajouts ou le sur-semis naturel.

* Le greffage

Dans le système "traditionnel", le greffage est réalisé par une greffe en "sifflet", à hauteur d'homme. Il est réalisé sur des sujets âgés de 25 à 30 ans. Il autorise une bonne reprise de végétation et une production de fruits au bout de 2-3 ans, ce qui est rapide. Toutefois, il doit être réalisé sur des rejets de petite taille, ce qui rend la greffe sensible au vent et à l'Endothia.

Il est réalisé à la hauteur de 1, 50 m à 2 m afin de mettre le greffon hors de portée des ruminants, chèvres et moutons, et de rendre compatible l'association de l'arboriculture et de l'élevage. Cette greffe haute protège également le greffon des dégâts que peuvent occasionner les chevreuils et les promeneurs. Elle permet de parcourir aisément la châtaigneraie, ce qui facilite :

- le pâturage des animaux ;

- la récolte des châtaignes et des champignons ; - le labour éventuel de la parcelle.

Le greffage est réalisé au ras du sol seulement dans les cas où la réhabilitation de la châtaigneraie passe par une coupe rase, notamment quand les souches ont déjà été recepées pour le tanin et donnent des taillis de sauvageons. La greffe s'effectue alors sur des rejets de 3 à 4 ans d'âge, suffisamment robustes pour résister aux pressions des animaux ou des hommes. Cette technique permet d'occuper l'espace rapidement et d'obtenir une production au bout de 5 ans.

* L'entretien

Dans son mode de fonctionnement traditionnel, la châtaigneraie cévenole bénéficie d'un entretien permanent. Il n'y a pas de rupture dans le rythme d'exploitation, et la replantation coûteuse du verger vieilli est évitée. Le renouvellement du verger est continu, tant par greffage que par nouvelles plantations dans les espaces libres entre les arbres.

Cette conduite de la châtaigneraie permet d'avoir tous les stades de l'arbre dans un même verger et d'obtenir des produits d'exploitation variés. Toutefois, ce mode de conduite n'est pas performant techniquement : un arbre élagué au milieu d'arbres non élagués repart très mal. Les exploitants s'orientent désormais sur un type de fruits qu'ils conduisent en bloc sur une parcelle.

Actuellement, les travaux d'entretien sont les suivants : - l'entretien du sol ;

- le renouvellement des arbres manquants ; - la taille ;

- le traitement contre les maladies.

L'entretien du sol comprend habituellement : - la coupe et le débardage du bois mort ;

- l'arrachage des bruyères et genêts ;

- l'écobuage (ramassage et brûlage des mottes d'herbe) ; - le nettoyage.

L'entretien au sol diffère en fonction de la situation de la châtaigneraie par rapport aux habitations, et du système de mise en valeur qui s'ensuit : - dans le coeur du quartier, les massières , châtaigneraies les plus

productives, sont l objet de soins attentifs pour la production de fruits de qualité ; les châtaigneraies plantées à écartement important bénéficient des soins donnés aux cultures dans l'intervalle des pieds ; les châtaigneraies plantées dans les prés de fond de vallée bénéficient des fauches en été. Du

fait de leurs potentialités et de leur proximité du lieu d exploitation, ces châtaigneraies sont exploitées de façon permanente.

- sur les versants, quand les châtaigneraies n ont pas été abandonnées à la suite de la déprise agricole, le passage des troupeaux dans la châtaigneraie permet de maintenir le sous-bois propre ; les mottes d'herbe sont encore parfois écobuées ; certaines parcelles subissent une fauche des fougères qui, une fois sèches, servent de litière (fin septembre-début octobre).

Quelle que soit la stratégie adoptée, le nettoyage est indispensable pour le fonctionnement durable de la châtaigneraie fruitière. L'entretien du sol est annuel. Il est réalisé parcelle par parcelle. Il facilite les pratiques d élevage et de cueillette et permet une lutte contre les incendies. Le passage des troupeaux dans la châtaigneraie est un appoint de fumure. Quand les fruits sont de belle qualité, la châtaigneraie est parfois fertilisée avec des engrais chimiques.

Actuellement, le débroussaillage, le fauchage et l'écobuage ne sont plus pratiqués que dans les vergers les plus accessibles.

La taille s'applique pied par pied. Elle concerne :

- la taille des rejets de souche, qui est annuelle et s'effectue en août ;

- l'élagage tous les trois ans en mars, avant que les bourgeons ne se forment. La taille des rejets vise à en limiter le nombre, afin d'obtenir un certain nombre de sphères bien éclairées dont la production sera optimale. Pendant 5 ans après le recépage, il faut limiter le nombre de rejets et les sélectionner pour qu'ils soient bien installés dans l'espace. Après cette période, la vigueur des rejets est moins forte. Les rejets coupés sont engrangés et constituent une part de la nourriture hivernale des ovins et caprins.

L'élagage consiste à couper les branches mortes, malades ou faisant concurrence aux autres. C'est à la fois une taille d'entretien et une taille de formation. Cet élagage doit être sévère quand toute la partie aérienne est en train de mourir, à la suite d'un manque d'entretien de l'arbre et d'une croissance en hauteur excessive (M. BOUCHET, com. pers.). Cet état se décèle quand il y a un défaut d'alimentation pour les fruits ; ou une sensibilité au dépérissement des racines (maladie de l'encre), qui se révèle surtout dans la partie haute.

Dans ce cas, un simple nettoyage de l'arbre s'avère inefficace pour activer la production. Il faut alors s'appuyer sur les branches basses et vigoureuses de l'arbre en faisant une coupe basse, au-dessus cependant du point de greffe qui est à 1,50 m - 2 m. Ce faisant, il y a éradication des maladies et rabaissement de la sphère feuillée et redynamisation du système racinaire. Lorsque l'arbre est dépérissant ou en taillis improductif, il faut se résoudre à une coupe rase, qui nécessite ensuite un greffage. L'élagage sévère et la coupe rase sont les deux modes utilisés en Cévennes pour la réhabilitation de la châtaigneraie dépérissante.

Le traitement contre la maladie de l'Endothia concerne essentiellement les parties jeunes de l'arbre. Il faut vacciner les parties atteintes avec un produit spécial. Il semble qu'actuellement le chancre perde un peu de sa virulence. Avec la vaccination des arbres contaminés par le chancre, la création de nouvelles variétés hybrides et la mécanisation de la récolte des châtaignes, la conduite du châtaignier tend vers une arboriculture spécialisée.

5.2.2 Les variétés de châtaigniers

Le choix d'une variété correspond au meilleur compromis entre la production et l'utilisation des produits. La production résulte de la combinaison de deux facteurs : les conditions du milieu ; et le potentiel de production de la variété. Le milieu étant très diversifié en Cévennes, parfois à l'échelle de l'are, les variétés s'inscrivent dans une mosaïque complexe de milieux qui explique la recherche de variétés susceptibles de s'adapter à chacune des situations. Les caractéristiques du milieu représentent une contrainte forte, que le paysan cévenol a pu infléchir localement par la construction de terrasses, mais avec laquelle il doit composer sur la majeure partie de l'espace mis en valeur.

La couverture généralisée des Cévennes par la châtaigneraie explique à elle seule le nombre important de variétés. C'est un facteur de diversité qu'il ne faut pas négliger. La preuve en est que lorsqu'une variété a été plantée aux limites de son aire écologique grâce au travail de l'homme, elle dépérit très vite après abandon.

Le potentiel de production de la variété s'exprime dans cet environnement. Il est déterminé par :

- les exigences de la variété par rapport aux conditions du milieu ; - la régularité de la production ;

- des caractéristiques techniques qui influencent indirectement la production de l'arbre comme la facilité de ramassage de la châtaigne.

Les potentialités de l'arbre étant connues, le choix variétal est orienté par les objectifs de production de fruits et, accessoirement, par l'utilisation des produits d'exploitation du bois. Ces objectifs sont, dans le système traditionnel, la production de fruits pour le séchage, qui constitue l'utilisation principale de la châtaigne et concerne 60 à 90% de la surface. Il existerait ainsi, d'après G. VERDIER, des correspondances entre des secteurs géographiques, généralement des vallées, et la présence massive de deux ou trois variétés correspondant à la meilleure combinaison production / utilisation pour chaque secteur. Parmi elles, la variété qui présente une qualité gustative supérieure aux autres bénéficie des sites les plus favorables.

Il existe également quelques variétés secondaires, plantées ça et là, destinées :

- à la production de fruits de bouche pour la consommation familiale, qui sont disposées à proximité des maisons : la qualité du fruit est alors privilégiée ;

- à l'engraissement des cochons : c'est alors l'étalement de la production qui est recherché.

Ces variétés présentent des inconvénients (difficulté de ramassage, production aléatoire) qui limitent leur usage.

Les productions de fourrage et de bois de service sont importantes dans l'exploitation de la châtaigneraie fruitière et justifient une arboriculture fine. Les variétés susceptibles de fournir du bon bois pour la charpente sont connues des paysans les mieux informés (VERDIER, com. pers.). Cependant, la production de bois n'est pas un critère déterminant dans le choix des variétés. La sélection variétale s'opère principalement en faveur du fruit destiné au séchage. Les critères de choix sont les suivants :

- aptitude au décorticage ;

- facilité de ramassage, qui est liée à l'ouverture de la bogue ; - précocité et durée de la production ;

- qualité du fruit.

Les deux premiers critères sont liés à la récolte et au séchage des châtaignes ; ils sont toujours recherchés. Les deux derniers sont fonction de la destination du fruit : pour la consommation familiale, le producteur recherche une châtaigne de qualité ; pour l'engraissement des porcs, il oriente son choix vers une variété qui a une production étalée.

En moyenne, il y a 12 variétés de châtaignier par exploitation dont trois dominantes, ce qui contribuent à une hétérogénéité variétale importante à l échelle de la parcelle.