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Le domaine d étude englobant étant défini, la deuxième étape de la d'émarche d'analyse consiste à définir la plus petite unité spatiale d'hétérogénéité analogue permettant de rendre compte de la mise en valeur de l espace, et plus particulièrement des rapports dynamiques entre les pratiques rurales et l organisation du territoire.

Une manière de faire est de considérer successivement les maillages possibles de l espace cévenol : physiques, administratif et social ; de choisir l entité spatiale élémentaire qui permet d expliquer le mieux la mise en valeur de l espace ; puis de considérer les rapports entre les maillages possibles de l'espace.

En parallèle de cette discussion théorique sur les découpages hiérarchiques de l espace et sur le choix du niveau d organisation spatial le plus pertinent pour rendre compte de la mise en valeur d'un petit territoire rural, une réflexion doit être menée sur le recueil de l information nécessaire à l étude : à quel niveau d organisation spatiale, selon quelle logique et pour quelle signification se recueillent des informations aussi diverses que la population, le régime foncier, les stratégies de production, les potentialités écologiques, etc. Le choix de la plus petite unité isoschème qui sera modélisée dépend aussi de ces considérations pratiques. Sachant qu'il est difficile de détecter une unité spatiale qui soit pertinente à la fois pour une analyse

écologique et pour une analyse socio-économique, il s'agit de choisir, parmi l'ensemble des maillages possibles, celui qui présente le meilleur compromis pour l analyse de la gestion des ressources renouvelables à l'interface des milieux biophysique et humain.

2.1 LE DECOUPAGE SPATIAL DES CEVENNES SELON DES CRITERES PHYSIQUES Compte tenu du découpage imposé par un relief tourmenté, qui se traduit par un morcellement de l habitat et de l espace mis en valeur, le découpage spatial des Cévennes le plus immédiat s établit suivant des critères d'identification naturels : la vallée, la petite vallée qui lui est perpendiculaire et le vallon parcouru en son milieu par un "valat" (ou ruisseau).

Ces trois niveaux d'organisation de la composante physique de l'espace cévenol correspondent, avec les ajustements locaux nécessaires, aux "fractures" diagnostiquées par CHEYLAN (1986) : la vallée, la petite vallée et le vallon (ordre 1, 2 et 3), ces niveaux s'imbriquant les uns dans les autres par un "repliement" se répétant, identique à lui-même, à trois niveaux.

Vall ée (ordre 1) Vallon Petite vall ée (ordre 2) (ordre 3) serre cours d'eau

Fig. 10 : Chevelu hiérarchisé des vallées cévenoles

La rugosité géographique qui pourrait être, en partie du moins, gommée sur le plan économique et social, a été au contraire accentuée par les hommes qui ont tiré profit de la diversité des milieux biophysiques auxquels ils avaient accès et ont, en quelque sorte, institutionnalisé la configuration des cadres naturels de la vie (BALFET & BOMBERGER, 1976). Le découpage physique de l espace est par conséquent assez pertinent pour expliquer certains grands traits de la mise en valeur de l espace cévenol, en particulier les grandes ruptures

bioclimatiques (étages de végétation) à petite échelle et les oppositions de versant à moyenne échelle qui se traduisent par la spécialisation des terroirs agricoles.

Cependant, au niveau le plus fin qui est le valat, la structure physique ne permet que partiellement de rendre compte de l organisation spatiale qui a été fortement modelée par le travail de l homme et par la culture cévenole.

2.2 LE DECOUPAGE SPATIAL DES CEVENNES SELON DES CRITERES ADMINISTRATIFS

En complément du découpage physique qui permet de comprendre les régularités spatiales au niveau sous-régional, le découpage administratif pourrait permettre de rendre compte de la mise en valeur de l espace au niveau local. Le niveau d organisation privilégié est alors la commune. Que la population soit groupée comme dans la plaine languedocienne, ou éparse comme en Provence, la considération de l entité communale a un sens puisque que son chef-lieu est tout à la fois un pôle d attraction par les services qu il offre et les liaisons (routières, économiques, etc.) qu il assure, et le centre d organisation du territoire. Il existe dans ces cas, au niveau communal, un modèle de mise en valeur de l espace.

Ce modèle ne s applique cependant pas aux Cévennes, caractérisées par un habitat épars groupé en hameaux, et dont l unité de vie sociale et de mise en valeur de l espace n est pas la commune mais le quartier, entité culturelle et sociale infra-communale, présentée ci-après. La commune est l'héritage de la paroisse sous l'ancien régime. Elle rassemble plusieurs quartiers ou parties de quartier, n'ayant pas forcément de liens durables entre eux, appartenant parfois à deux territoires disjoints historiquement. Parmi d'autres exemples, le quartier de Fabrègues dans la Vallée Française appartient à la commune de Saint Martin de Lansuscle tandis qu il développe des réseaux d'activités et de relations sur Sainte-Croix Vallée Française.

Parmi les quartiers inclus dans une commune, aucun ne joue véritablement le rôle de centre, y compris celui englobant le chef-lieu. L examen des voies de communication et des flux partant des hameaux laissent tout à la fois apparaître l autonomie des quartiers par rapport à la commune et la prédominance de pôles d attraction extra-communaux pour certains d entre eux, si bien que le niveau communal est sans incidence majeure sur l organisation locale de l'espace cévenol.

Toutefois, un certain nombre de services communs (mairie, temple, café) peuvent être réunis dans certains quartiers situés aux points stratégiques, comme les cols, les fonds de vallées, les confluences de deux petites vallées. Ces services induisent, à juste titre une prédominance, que la démographie confirme, de ce hameau sur les autres quartiers inclus dans la même commune. Mais le regroupement de services en un point de l espace ne fait cependant pas, d un groupe de hameaux, un village qui exercerait une force centripète sur les autres quartiers de la commune. Au-delà du simple recensement de services communs, il faut examiner les conditions de recours à ces services pour saisir toute la signification d une telle concentration. En Cévennes, une commune est

davantage l agrégation d un ensemble de quartiers relativement autonomes, qu un ensemble hiérarchisés de quartiers. Le cadre de vie communautaire cévenol n est ni la commune, ni le gros hameau qui en est le chef-lieu, mais le quartier.

La commune n est finalement qu une simple référence administrative, dans laquelle la quotidienneté rurale ne se reconnaît que très peu, qui n explique pas la mise en valeur passée et actuelle de l espace et influence peu celle avenir. Par conséquent, les niveaux supérieurs de l organisation administrative, les cantons et les départements sont également peu prégnants. Il est vrai que l action des conseils généraux peut avoir une influence sur la dynamique de l espace, par exemple sur l entretien de la voirie(10), mais très

généralement, le découpage administratif ne joue pratiquement pas sur l organisation de l espace cévenol. En terme d analyse spatiale, cela pose des problèmes conceptuels et techniques pour combiner les données socio- économiques et de population, recensées au niveau communal, aux données d organisation spatiale, afin de mettre en oeuvre une gestion concertée du territoire.

2.3 LE DECOUPAGE SPATIAL DES CEVENNES SELON DES CRITERES SOCIAUX Le quartier étant l unité de référence spatiale et sociale privilégiée en Cévennes, il convient de s intéresser au découpage de l espace social cévenol. Les deux dimensions saillantes de l espace cévenol sont :

- le microcosme domestique appelé également mas, et constitué des maisons, plus les bâtiments annexes ;

- le quartier, généralement désigné sous le terme hameau dans les documents officiels, bien que pouvant être constitué de plusieurs hameaux et des terres qui leur sont rattachées.

Le mas est l unité de la vie domestique et le conservatoire de la vie familiale. Il assure au groupe familial, composé au début du siècle de 2-3 ménages, réduit aujourd'hui à un ménage, la satisfaction d une grande partie de ses besoins économiques, sociaux et culturels. Le mas est le lieu de centralité de la mise en valeur de l espace par l agriculture. Cependant, si l espace domestique est le cadre de la majorité des activités, ce microcosme ne fonctionne pas en autarcie. Il ne se suffit qu en partie à lui-même et dépend étroitement de l unité de référence sociale englobante qui est le quartier. De fait, malgré l aspect imposant des maisons cévenoles et leur caractère d apparence individualiste (avec peu de constructions mitoyennes), le quartier est plus que la simple juxtaposition d espaces domestiques qu aucun principe n unifierait, ni n orienterait. Il peut se définir par une communauté d espaces domestiques, avec un liant communautaire qui se traduit par des pratiques spatiales connexes et l émergence d une organisation spatiale spécifique.

(10) : la différence d entretien de la voirie apparaît parfois nettement entre deux départements, comme

Le quartier est la plus petite unité isoschème, permettant d expliquer la mise en valeur du territoire cévenol, l action de l homme rayonnant à partir d un ou plusieurs lieux de centralité domestique que comporte le quartier. Son inscription spatiale, fruit du long dialogue du Cévenol avec sa terre, est visible dans le paysage. Elle se traduit par un motif élémentaire de mise en valeur de l'espace. A l'interface de la nature et de la société, il permet de caractériser les paysages cévenols dans leurs aspects biophysiques, et dans la pratique quotidienne de ceux qui l'humanisent. Le principe fondateur de notre analyse spatiale est de considérer les Cévennes comme la répétition d'un modèle d'hétérogénéité locale correspondant au quartier (CHEYLAN, 1979) qu'il convient maintenant de définir précisément.

III - LE QUARTIER COMME MOTIF ELEMENTAIRE DE MISE EN VALEUR DE