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TYPES DE CHÂTAIGNERAIE À GABRIAC

II LA GESTION DU FEU

Le feu est, en Cévennes, un outil de gestion du territoire. Il contribue à entretenir l'espace pastoral et à lutter contre les feux d'origine incontrôlée. Il maintient le milieu biophysique ouvert .

2.1 LA PRATIQUE DE GESTION DES PATURAGES PAR LE FEU

De nombreux écrits discutent les rôles du brûlis dans la gestion des pâturages en zone méditerranéenne. Par souci de clarté, il convient de faire une distinction entre l'écobuage et le feu pastoral qui ont souvent tendance à être confondus.

L'écobuage en Cévennes consiste à recueillir des mottes de terre enherbées sous la châtaigneraie, à les empiler, à les recouvrir de terre, puis à les consumer doucement pour fertiliser la terre en matières organiques. Cette pratique est positive pour la gestion de la fertilité, mais elle est coûteuse en main d'oeuvre. Elle n'est quasiment plus observée aujourd'hui. Elle est remplacée par une mise à feu des parcelles parcourues par le bétail, c est-à-dire par un feu pastoral comme dans les landes pâturées. Ce feu est pratiqué en période hivernale après la récolte des châtaignes et permet de brûler feuilles et bogues, en même temps que de lutter contre l embroussaillement. Il est préconisé au début du printemps pour limiter les risques d incendies, mais

alors les arbres montent en sève et les agriculteurs préfèrent la période hivernale.

Le feu pastoral est un feu courant mais en principe contrôlé, permettant de produire, sur de grandes surfaces plus ou moins couvertes d'une végétation arbustive, une certaine quantité d'herbe avec le moins de travail possible (METAILIE, 1981).

Le brûlage par feu courant est un outil de gestion pour les éleveurs, en particulier dans les secteurs de pâturage en haute vallée. Après le passage du feu, les parties aériennes des végétaux ligneux et herbacés sont carbonisées ; le sol est noirci et dénudé, mais en quelques temps, réapparaît la strate herbacée et arbustive. Le feu stimule la repousse herbacée et arbustive, en même temps qu'il permet de lutter contre l'envahissement des parcours par les bruyères, les genêts et les autres plantes non consommées par le bétail. Les calluneraies, pures ou en mélange avec des myrtilles ou des genêts, sont les principales formations mixtes encore incendiées en Cévennes.

Le modèle spatio-temporel suivant résume la pratique du feu pastoral dans l'espace, au cours de l'année :

fe u x ac cide ntels AU TO MN E HIV ER P R IN T E M PS ET E solstice d'hiver solstice d' é té Équinoxe de printemps Équinoxe d'automne janvier févrie r m a rs a v r il m a i ju i n ju i lle t ao û t s e p te m b r e oc tob r e nove mbr e décembre "éco bu ag e"

Fig. 23 : Modèle spatio-temporel de la pratique du feu pastoral

Prairies, anciens prés, vergers

Châtaigneraies

Landes, chênaies, hêtraies

2.2 LES LIMITES TECHNIQUES DU FEU COURANT

Cette méthode, si elle est économiquement rentable, n'est finalement positive qu'à court terme (DOREE, 1986). Elle ne permet pas de lutter efficacement contre les plantes envahissantes. Elle favorise au contraire la propagation d'espèces à faible valeur fourragère (cystes, bruyères, ...). Ces plantes repoussent plus vigoureusement l'année d'après et le feu participe à leur propagation.

Le problème est de trouver le meilleur pas de temps possible séparant deux mises à feu consécutives, sachant que la repousse est d'autant moins vigoureuse que la plante est plus âgée.

D autre part, si l'apport des cendres par le feu pastoral permet une fertilisation à court terme du sol des pâturages, il n'est pas suffisant quand le brûlis est conjugué avec une exportation de fumier de la parcelle. La répétition de cette pratique entraîne une dégradation des pâturages.

2.3 GESTION DU FEU ET EVOLUTION FONCIERE

La gestion du feu, d'origine pastorale ou accidentelle, est fortement conditionnée par la situation foncière et par l'attitude des propriétaires, présents ou absentéistes. Au fur et à mesure des départs en retraite des exploitants et de la fermeture du couvert végétal, ce problème est de plus en plus aigu : le souci des propriétaires non exploitants est d'entretenir le pourtour de la maison, dans la limite des 50 mètres limitrophes. L'espace environnant, constitué par de la châtaigneraie, est pour eux "la forêt" et ils ne se soucient pas de son entretien. Dans la mesure où, actuellement, plus de 3/4 de l'espace cévenol ne sont pas gérés par l'agriculture, l attitude des propriétaires non exploitants a une conséquence directe sur la lutte contre les incendies de forêts.

La gestion moderne de la châtaigneraie doit intégrer cette évolution des stratégies de mise en valeur de l'espace. Les techniques de gestion de l'espace par un feu courant doivent désormais tenir compte du degré d'embroussaillement des parcelles et de leur statut foncier.

2.4 IMPACTS DU FEU SUR L’ENTRETIEN DE L’ESPACE ET L'EVOLUTION DES PAYSAGES

Aujourd hui, avec la déprise agricole et la contraction de l espace entretenu par l agriculture, la gestion par le feu des parcelles pâturées peut avoir des conséquences négatives sur les parcelles voisines.

D une part, le brûlis a tendance à être toujours pratiqué sur les mêmes parcelles qui, par contrecoup, s'appauvrissent, les restitutions n'étant pas suffisantes. Il y a diminution du pourcentage de recouvrement du sol et donc sensibilité accrue à l'érosion, ainsi que diminution de la diversité spécifique sur les parcelles subissant une pression pastorale excessive.

D autre part, le feu est nuisible dans les secteurs sous-exploités, en cours d enfrichement. Même les petits feux d hiver deviennent de plus en plus risqués, difficiles à contrôler, les terres brûlées jouxtant des parcelles embroussaillées ou boisées qui prennent facilement feu.

Dans le haut des versants, le feu est un problème pour les petites parcelles de forêt privée, en général de résineux, incluses dans l'espace pastoral et brûlant facilement.

Sur les pentes, la châtaigneraie est peu soumise aux dégâts des feux accidentels quand elle est bien entretenue et présente un fort recouvrement du sol par la strate arborée. Le feu est lui-même un outil de gestion de la châtaigneraie. Celle-ci était autrefois fertilisée par l'écobuage traditionnel et voit son entretien grandement facilité par le passage d'un feu contrôlé : cheminement aisé dans la châtaigneraie, parcours du bétail, ramassage facile des fruits. Par ailleurs, la châtaigneraie peut constituer des pare-feu arborés si le couvert est assez dense pour éliminer la végétation du sous-bois, en particulier lorsque les écartements sont de 2-3 mètres, c'est-à-dire à une densité beaucoup plus élevée que les vergers dépérissants (80 à 120 arbres/ha).

L'effet du feu peut cependant être négatif quand les sujets sont jeunes comme c'est le cas lors d'une rénovation de la châtaigneraie ; le feu provoque alors des blessures aux greffons et, par contrecoup, des attaques d'Endothia.

D autre part, lorsque la châtaigneraie n'a pas été entretenue depuis longtemps, elle est envahie de broussailles, la litière s accumule dans les bas- fonds et il y a un risque d incendie par des feux mal contrôlés ou accidentels. En particulier, le feuillage est hautement inflammable juste avant sa chute, c'est-à- dire au moment des feux d'automne. Ces feux sont d autant plus dangereux que les souches de châtaigniers peuvent se consumer pendant trois jours de suite.

Avec la contraction de l'espace agricole, le feu pastoral présente donc : - un danger d'appauvrissement des secteurs les plus pâturés et les plus soumis

au feu ;

- un risque d'incendie grave dans les secteurs embroussaillés.

Le feu pastoral a certes toujours un rôle important en Cévennes, mais il est de moins en moins adapté à l'entretien d'un espace qui se présente en mosaïque, avec des secteurs d'abandon sensibles aux dégâts du feu et des secteurs où se concentre l'activité agricole.