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La première partie de cette thèse consiste en une revue de la littérature sur l’étude des figures de pouvoir en anthropologie. L’objectif premier est de comprendre comment les anthropologues se sont emparés de la question et comment ils l’ont traitée à la lumière de leur posture théorique. Étant engagée dans une démarche de déconstruction du phénomène du leadership, j’ai tenu à replacer cette production scientifique dans son contexte historique. De ce fait, la première partie dépasse de loin la simple revue de littérature pour proposer plutôt une histoire comparée de l’objet des figures de pouvoir en anthropologie. Il s’agit de comprendre comment les figures de pouvoir ont progressivement été élevées au rang d’objet anthropologique en prêtant une attention toute particulière à la façon dont le contexte politique et scientifique a orienté ces études (chapitre 1). L’étude des figures de pouvoir chez les Inuit me permet de poursuivre cette revue de littérature dans mon champ d’étude tout en apportant une analyse plus située et plus précise des aspects abordés dans le chapitre précédent (chapitre 2).

La deuxième partie de cette thèse présente les données qui ont été recueillies lors de mes nombreux séjours sur le terrain. L’objectif premier est d’analyser la nature des relations de pouvoir et la place tenue par les figures de pouvoir dans les communautés du Nunavik aujourd’hui. Cette analyse est envisagée dès le départ à travers l’étude de l’articulation entre les formes de coopération et les formes d’inégalité. Dans un premier temps, il s’est avéré essentiel de montrer l’étendue des relations de coopération et leurs manifestations chez les Nunavimmiut (chapitre 3). L’attention est portée autant sur les pratiques que sur les discours attachés à ces pratiques pour les révéler dans toutes leurs dimensions, y compris dans leurs contradictions. Dans un second temps s’impose l’analyse de ces pratiques (chapitre 4). Il s’agit là de montrer quelle est la nature de ce lien social, comment il est exprimé

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par les Inuit et quel est son rôle dans la structuration des relations sociales. Un intérêt particulier sera porté à la façon dont les Nunavimmiut instrumentalisent ce lien. Après avoir exploré ces pratiques d’entraide et analysé leurs caractéristiques, il s’agit de voir comment elles sont traversées par des relations d’inégalité (chapitre 5). Ce chapitre se base en premier lieu sur l’étude de la figure de l’orphelin, telle qu’elle est traitée dans la mythologie et dans la réalité. L’orphelin est reconnu, chez les Inuit, comme correspondant au statut social le plus bas. Il s’agit de voir sur quels types de représentations sociales cette figure est construite et comment elle cristallise ces tensions entre entraide et inégalité. Ces questions invitent à réfléchir sur les manifestations des inégalités chez les Inuit, et finalement la place laissée à l’émergence du pouvoir personnel (la compétition, la performance individuelle) et son traitement social dans les communautés aujourd’hui. Cette analyse invite alors à se pencher sur une caractéristique fondamentale des relations d’inégalité chez les Nunavimmiut : l’aînesse sociale (chapitre 6). Il s’agit d’étudier, à l’instar de nombreux travaux en anthropologie politique, comment la question de l’âge structure les relations sociales. Je propose ici de reprendre cette question déjà abordée au cours des années 1970, surtout au sujet des Inuit, et de les réactualiser en dirigeant tout particulièrement l’attention sur des contextes plus contemporains comme l’école, la vie communautaire ou le travail salarié. Ce parcours mène ensuite à présenter plus en détail le rôle et la fonction des figures de pouvoir chez les Inuit (chapitre 7). Il s’agit d’analyser la terminologie relative à cette question et de comprendre les représentations inuit des figures de pouvoir.

La troisième partie de cette thèse engage une réflexion historique sur la transformation des formes de pouvoir au Nunavik au cours du XXe siècle. Pour cela,

il est nécessaire de remonter l’analyse à la période de contact des Inuit avec les commerçants et les missionnaires puisque ce sont les deux premiers acteurs à s’installer de façon permanente dans l’Arctique québécois (chapitre 8). Il s’agira également de se concentrer sur la façon dont les gouvernements du Canada et du Québec ont envisagé à partir des années 1950 la gestion des populations arctiques. Cela permettra de comprendre aussi bien les stratégies inhérentes aux politiques gouvernementales en matière de gestion des populations que la façon dont elles ont

49   été mises en place localement et perçues par les Inuit. L’attention est portée évidemment à chaque fois à la place et au rôle donné aux figures de pouvoir locales. Cette réflexion sur la transformation des relations de pouvoir dans le contexte de développement d’une administration locale sera poursuivie dans le chapitre 9. Il s’agira là de voir comment la mise en place de structures locales de pouvoir par les gouvernements est reçue et traitée par les Inuit. Je serai alors en mesure de comprendre de façon plus pointue la nature du pouvoir politique au niveau local (chapitre 10). Ceci se fera notamment par le biais d’une analyse statistique des élus municipaux au Nunavik depuis 1979. Ensuite, un changement d’échelle permettra d’envisager la dimension régionale des rapports de pouvoir au Nunavik, et ainsi révéler les dynamiques de la construction de la figure du leader politique (chapitre 11). Dans un dernier chapitre, les différentes tentatives pour parvenir à l’autonomie politique au Nunavik seront examinées afin de voir quels types de relations de pouvoir ces événements historiques mettent au jour et quelle place est attribuée aux figures de pouvoir (chapitre 12).