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VULNERABILITE A LA CATASTROPHE

4.3 I NTERET ET LEGITIMITE DE LA RECHERCHE

L’ensemble de cette introduction, et jusqu’à la présentation des principes méthodologiques de la thèse, a permis d’expliciter notre sujet, ses fondements théoriques et pratiques, et indirectement l’intérêt de cette recherche. La recherche portée par cette thèse apparaît légitime, parce qu’elle explore des volets mal connus du risque inondation en région Ile-de-France d’une part, parce qu’elle trouve sa place dans la littérature internationale d’autre part.

26 DDT : Direction Départementale des Territoires (service déconcentré de l’Etat à l’échelle départementale). 27 SIDPC : Service Interministériel de Défense et de Protection Civile (sous la houlette du préfet de département). 28 CD : Conseil Départemental (ex-Conseil Général).

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4.3.1 Un intérêt à l’échelle de la région Ile-de-France

L’inondation francilienne : un risque inédit d’un point de vue géographique et cinétique

Cette recherche s’appuie sur l’étude du cas francilien. C’est un cas d’étude pertinent, pour des raisons géographiques et cinétiques déjà entrevues.

D’abord, du fait de l’ampleur des impacts d’une inondation majeure sur la population. Nous l’avons dit : les impacts sociaux consécutifs à une inondation affectent essentiellement les populations de pays en développement. C’est une des originalités de l’inondation en région Ile- de-France : celle d’un impact majeur sur la population, son mode de vie, son habitat, au sein d’un pays développé, en cas de crue majeure de la Seine et de la Marne.

C’est ensuite un cas d’étude pertinent du fait de la cinétique de l’aléa : il s’agit en effet d’une inondation de plaine à la cinétique particulièrement lente, comprenant, dans le cas d’une crue majeure similaire ou supérieure en débit à celle de 1910, plusieurs semaines de submersions de zones densément urbanisées.

Des pistes de recherche à explorer : impacts sociaux et post-catastrophe

Mais c’est aussi un cas d’étude qui demande à être approfondi. En effet, si le risque inondation en Ile-de-France a déjà fait l’objet de diverses recherches, cette thèse, tout en s’inscrivant dans la continuité des travaux menés précédemment, explore des volets inédits, dans l’étude des impacts sociaux, dans l’analyse de l’après-crise. A ce titre, deux observations complémentaires peuvent être faites sur l’état de l’art relatif au risque inondation en région Ile-de-France : (1) La recherche existante a surtout porté sur les problématiques en amont du risque

inondation : sur des questions relatives à la prévention du risque et à l’intégration de la prévention dans les projets d’aménagement du territoire dans le lit majeur de la Seine et de ses affluents (Barroca et Hubert, 2008 ; Beucher, 2006, 2007 ; Brun, 2010 ; Brun et Gache, 2013) ; aussi sur la gouvernance autour de la prévention du risque inondation (Hubert et Deroubaix, 2015). Si les travaux en gestion de crise se sont multipliés, autour du consortium EURIDICE (November et Créton-Cazanave, 2017) et d’autres projets de recherche29, les problématiques situées en aval du risque, portant sur la gestion post-catastrophe en région francilienne, demeurent peu approfondies. Les travaux existants en la matière se focalisent sur les problématiques de réseaux : citons en particulier la thèse de Toubin sur la résilience des réseaux techniques (Toubin, 2014) et la thèse de Beraud sur le traitement des déchets post-catastrophe (Beraud, 2013).

(2) L’approche conceptuelle et descriptive des impacts d’une inondation majeure dans la région Ile-de-France, portée par la thèse de Reghezza (2006), a mis en avant la spécificité du risque « métropolitain », et de la vulnérabilité de la métropole parisienne, tout en mettant en évidence les contours d’un scénario catastrophe par l’inventaire des impacts potentiels d’une inondation. Cette thèse appelle au développement d’indicateurs spatialisés pour représenter la vulnérabilité de l’agglomération parisienne, et à une évaluation quantitative et opérationnelle des impacts qu’elle décrit. Certes, les impacts économiques ont été

29 Citons par exemple le projet ANR porté par l’EIVP, orienté sur les problématiques de continuité d’activité des réseaux techniques : « Résilience urbaine et gestion de crise dans un contexte de crue à cinétique lente.

Développement d’outils pour l’aide à la gestion des réseaux techniques critiques : application au Grand Paris ».

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analysés en détail et quantifiés, par l’IIBRBS (ex-EPTB SGL)d’abord dans le cadre de la conception du modèle Alphee (IIBRBS, 1998), puis par l’OCDE plus récemment (OCDE, 2014). L’analyse de ces impacts économique s’accompagne dans le même temps de divers inventaires des enjeux exposés, qui sont dressés notamment par l’Iau-Idf30 (Faytre, 2011).

Toutefois, à l’inverse des impacts économiques, les impacts sociaux ont été largement mis de côté des différentes analyses existantes.

Les impacts sociaux et l’après-crise demeurent encore des thématiques exploratoires : la demande est pourtant forte, de la part des acteurs opérationnels, comme l’exprime la Stratégie Locale de Gestion des Risques d’Inondation de la « Métropole francilienne », approuvée fin 2016 : l’objectif 7 de cette stratégie, qui concerne la préparation et la gestion de crise, vise entre autres à améliorer la connaissance des impacts de l’inondation sur les conditions de vie des populations ; l’objectif 8 vise à identifier la gouvernance et les stratégies de retour à la normale et de reconstruction souhaitables à mettre en œuvre durant l’après-catastrophe (Robert et Montoya, 2016).

4.3.2 Une recherche qui s’inscrit dans la bibliographie internationale

Outre son intérêt à l’échelle du terrain d’étude, cette recherche trouve toute sa place dans la littérature internationale sur les risques naturels, à plusieurs titres : il s’agit en effet d’une recherche géographique, d’une recherche opérationnelle, enfin d’une recherche qui explore des pans de la littérature peu abordés.

Une étude géographique

Cette recherche s’inscrit dans le champ disciplinaire de la géographie. A ce titre, son objet est l’identification des disparités spatiales (face aux impacts sociaux provoqués par l’inondation). Or, il apparaît que les modèles et études sur le risque peinent pour nombre d’entre eux à s’appuyer sur une analyse socio-spatiale du risque (Adger, 2006 ; Gotham et Greenberg, 2014), du fait (entre autres) d’une présence insuffisante de la géographie dans les études environnementales (Cutter, 2003a)31. Ce travail géographique permet d’appréhender au mieux la réalité spatiale du risque, et se concrétise en particulier par une analyse multi-échelles, de l’échelle régionale à l’échelle communale, comme le recommande par exemple Manche (1997) pour cartographier le risque. En tant que recherche géographique, cette thèse s’appuie lourdement sur l’outil SIG, sans pour autant que ce dernier ne prenne le pas sur la finalité de la recherche. Cet outil apparaît aujourd’hui au centre des évaluations de vulnérabilité et de résilience, particulièrement utile pour proposer des solutions en matière de gestion du risque : que ce soit pour identifier des zones à risques ou caractériser les populations exposées, pour planifier la gestion de crise (en identifiant des itinéraires d’évacuation ou des zones d’hébergement d’urgence, thématiques abordées dans le second chapitre), ou pour aider la planification de la reconstruction (abordée dans le chapitre 4) (Cutter, 2003b ; Morrow, 1999 ; Uitto, 1998 ; Zerger, 2002).

30 Iau-Idf : Institut d’aménagement et d’urbanisme de la region Ile-de-France.

31 Et ce malgré la riche tradition de la géographie dans le traitement des problématiques relatives à l’interface nature – sociétés : « the combination of geography’s technical sophistication, regional expertise, understanding

of the relationships between physical systems and social systems, methodological diversity, and history of well- received pragmatic research gave us an advantage over other social science and natural science disciplines »

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Une recherche opérationnelle

Les mesures de la vulnérabilité, comme le remarque Becerra (2012), sont à la fois nombreuses et très variées. Elles peinent toutefois à traduire de façon opérationnelle cette notion de vulnérabilité (Adger, 2006), d’autant plus dans un contexte où le dialogue entre la recherche universitaire et les gestionnaires est très limité (Smith, 2004) : en effet, les questionnements et les besoins des gestionnaires sont loin d’être identiques à ceux des chercheurs ; les premiers s’interrogent d’abord sur la faisabilité des modèles développés (qui doivent être prêts à l’emploi), leur lisibilité, la capacité à collecter des données (Cutter, 2003b). A ce titre, cette thèse se caractérise par son ancrage opérationnel, dans les objectifs qu’elle poursuit (notamment dans l’estimation des besoins en cas d’évacuation), dans les partenariats sur lesquels elle s’appuie, mais surtout dans la méthode suivie.

Notamment, le développement des indices sociaux cartographiés se fonde sur les méthodes développées pour cartographier la vulnérabilité sociale (Cutter et al., 2003, 2010 ; Fekete, 2009 ; Flanagan et al., 2011 ; Koks et al., 2015 ; Rygel et al., 2006 ; Su et al., 2015), mais s’écarte de ces dernières dans le choix des variables utilisées. En effet, ces indices ne visent généralement pas à produire un résultat opérationnel immédiatement mobilisable. De même, comme le démontrent Rufat et al. (2015) dans une méta-analyse portant sur les facteurs de vulnérabilité, les études existantes se fondent généralement sur des facteurs considérés comme uniformes : les femmes et les personnes âgées en particulier sont vues comme vulnérables en toutes circonstances. Or, et nous aurons l’occasion de l’illustrer, le genre comme l’âge ne sont de fait pas des facteurs homogènes : les hommes jeunes en particulier peuvent présenter des comportements à risque. Le contexte temporel de la vulnérabilité n’est ainsi pas pris en considération : certains groupes peuvent être vulnérables à certaines étapes d’une catastrophe et beaucoup moins pendant d’autres (Rufat et al., 2015). La prise en considération de ce contexte représente de ce fait un enjeu important dans le développement des indices sociaux, dans le cadre de cette thèse.

Des champs de recherche à approfondir

Enfin, la recherche sur le risque, basculant de l’étude de l’aléa vers celle de la vulnérabilité et de la résilience, est un sujet qui comprend une littérature toujours plus abondante ; c’est pourtant une recherche qui comprend toujours de vastes pans, non explorés ou mal valorisés (White et al., 2001). La vulnérabilité est trop souvent réduite au seul décompte des enjeux exposés dans l’enveloppe de l’aléa, à un simple inventaire, en l’absence de connaissances approfondies sur les interactions entre aléa et enjeux (Leone et Vinet, 2007). Dans le domaine du risque inondation, les évaluations quantitatives sont largement dominées par les approches économiques : à voir par exemple la prédominance des études économiques dans l'état de l'art dressé par de Moel et al. (2015). A l’inverse, les thématiques relatives aux impacts sociaux demeurent mal connues, et les problématiques de gestion de crise (chapitres 2 et 3) et de reconstruction (chapitre 4) représentent autant de champs à approfondir dans la littérature scientifique : les chapitres suivants sont l’occasion d’illustrer notre intérêt sur ces thématiques. Pour conclure sur la dernière partie de cette introduction, ce sont les principes généraux de notre méthodologie qui ont été présentés – principes qui sont ensuite déclinés, pour chaque objectif de recherche, dans les chapitres suivants. Ces principes se fondent sur l’hybridation des approches méthodologiques : entre méthodes géomatiques, quantitatives et qualitatives, dans le croisement d’indices environnementaux, inspirés des méthodes de calcul d’endommagement,

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et d’indices sociaux, inspirés des méthodes de construction des indices de vulnérabilité. Notre méthodologie se distingue aussi par la priorité donnée aux échanges avec les acteurs de la gestion des risques et de la gestion de crise, sur notre terrain d’étude, dans une volonté de donner à notre analyse scientifique un caractère opérationnel. Du fait de ces spécificités méthodologiques, mais aussi de notre objet d’étude (les impacts sociaux), notre analyse revêt un caractère original, par rapport aux travaux existants à l’échelle francilienne et à l’échelle internationale.

Ce chapitre a permis d’explorer, par une revue des contextes géographiques, cinétiques, théoriques de notre étude, par la présentation des complexités inhérentes à notre sujet de recherche, par des développements sur les modèles et les méthodes issues de la littérature pour mener des études de risque, la spécificité de notre approche et l’intérêt de notre objet de recherche. Ce dernier peut apparaître vaste – l’étude des impacts sociaux d’une inondation majeure – toutefois il est possible de distinguer ce qui relève du court terme, et de la gestion de crise, et ce qui relève du plus long terme, et l’après-crise. Dans ce qui relève du plus court terme, figurent au premier rang l’évacuation – massive dans notre cas – et ses multiples ramifications et conséquences sur la population sinistrée.

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Chapitre 2.

La planification des évacuations, un

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