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EVACUATIONS MASSIVES

2.2 L' ESTIMATION DES TAUX D ' AUTO EVACUATION ET D ' AUTO

2.2.1 Des taux d'évacuation variables selon les événements

2.2.1.1 De la difficulté à comparer des études entre elles

Les travaux universitaires issus des sciences sociales débouchent généralement sur des estimations de taux d'évacuation pour un événement donné, selon différentes variables discriminant la population étudiée en différents groupes. Il n'est pas aisé de comparer les taux d'évacuation constatés entre différents événements, (1) d'abord parce que les auteurs ne donnent pas tous la même définition de l'évacuation, (2) ensuite parce qu'il existe de fortes variations

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méthodologiques dans les sondages et analyses statistiques visant à estimer les taux d'évacuation, (3) enfin parce que le contexte n'est jamais identique :

(1) L'estimation d'un taux d'évacuation varie selon la définition qu'un auteur donne de l'évacuation : celle-ci peut être uniquement horizontale ou comprendre aussi l'évacuation verticale. L'évacuation peut être restreinte à son caractère préventif (avant l'occurrence de l'événement) ou être élargie à l'évacuation a posteriori (évacuation après sinistre, souvent par les secours) : Elliott et Pais (2006) distinguent ainsi deux taux d'évacuation différents, l'un qui comprend l'évacuation préventive, l'autre qui s'attache à l'évacuation ayant lieu pendant ou après la catastrophe. Les résultats issus d'un sondage peuvent enfin ne porter que sur la seule auto-évacuation des populations, ou bien sur l'ensemble des évacués (auto-évacuation et évacuation assistée).

(2) L'estimation d'un taux d'évacuation a lieu essentiellement par sondages auprès d'habitants de zones exposées ou sinistrées par une catastrophe naturelle. La méthodologie suivie dans le cadre de ces sondages, et des analyses statistiques qui s'en suivent varient cependant selon les auteurs :

- Les travaux visant à caractériser le comportement des populations en cas d'évacuation s'appuient essentiellement sur deux types de données : des sondages a priori, et des sondages a posteriori, auprès de populations susceptibles d'évacuer ou d'avoir évacué en cas d'occurrence d'un aléa. Les premiers ont lieu avant l'occurrence d'un événement afin d'anticiper le comportement des populations ; les seconds après un événement donné afin de dresser un état des lieux. L'évaluation a posteriori apparaît bien sûr plus fiable, dans la mesure où elle rend compte du comportement réel des habitants lors de l'évacuation, tandis qu'une évaluation a priori relève d'un travail d'anticipation, demandant un effort d'imagination de la part des sondés par rapport à une situation fictive (mais potentielle) ; de fait, les personnes sondées peuvent ne pas se comporter de la même manière qu'elles ont pu l'envisager lors du sondage (Kang et al., 2007).

- Les estimations d'un taux d'évacuation varient selon l'échantillonnage choisi : l'échantillon peut être représentatif de la population d'un territoire donné, ou ciblé sur une population spécifique (spécifique sur un plan démographique, socioéconomique, ethnique). Ainsi, Elliott et Pais (2006) travaillent sur un échantillon exclusivement composé de populations blanches et noires, en excluant les populations hispaniques et d'origine asiatique ; ils excluent ces dernières car celles-ci représentent un trop faible nombre dans les données recueillies et ne peuvent donc faire l'objet d'une analyse statistique différenciée ; or, un des objectifs de cette étude est justement d'appréhender le comportement différencié lors d'une évacuation (celle consécutive à Katrina en l'occurrence), en fonction de la « race ». L'échantillon peut aussi comprendre une emprise géographique très variable. De fait, l'échantillon peut être restreint à la seule zone où un ordre ou une recommandation forte d'évacuation (une consigne) a été émis par les autorités ; il peut à l'inverse être élargi à une zone non comprise dans l'emprise d'une consigne d'évacuation, mais ayant fait l'objet d'évacuations spontanées de la part de ses habitants (shadow evacuation). Le taux d'évacuation exprimé en % de la population totale risque, bien sûr, d'être plus élevé dans le premier cas que dans le second. De ce fait, plus l'emprise géographique est large, plus le taux d'évacuation risque d'être faible. Gladwin et Peacock (1997), dans leur analyse du comportement des ménages à Miami lors du passage d'Andrew, sondent ainsi deux populations distinctes : celles vivant au sein de la zone d'évacuation (où des consignes

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d'évacuation totale ont été émises par les autorités) et celles vivant hors de cette zone, mais à proximité, et qui ont pu évacuer sans consigne.

- Enfin, les individus statistiques d'un sondage peuvent varier d'une étude à l'autre : certains peuvent considérer les personnes mêmes, bien que le plus souvent les auteurs regroupent les personnes en ménages34, considérant que chaque ménage se comporte de façon identique en son sein. C'est généralement le cas (90% à 95% des cas) (Drabek et Boggs, 1968) ; cependant, dans certaines conditions, un ménage peut n'évacuer qu'en partie, laissant une personne derrière. Gladwin et Peacock (1997) démontrent ainsi, au sein de la zone d'évacuation (avec consigne donnée aux populations), que si 54% des ménages ont évacué en totalité, 5% ont évacué en partie seulement, laissant une personne derrière eux.

(3) Le taux d'évacuation varie enfin selon le contexte : le contexte géographique et sociologique, la stratégie d'évacuation choisie (ordres ou consignes d'évacuation donnés, fléchage des itinéraires d'évacuation), mais aussi le contexte relatif à l'aléa. La spécificité contextuelle de chaque étude rend difficile toute généralisation sur le comportement des populations en cas d'évacuation : il apparaît évident qu'une population donnée ne se comportera pas de la même manière en cas de tremblement de terre, conduisant à la destruction physique et immédiate de nombreux logements et de services publics, ou bien lors d'une inondation de plaine, où la perception du danger est beaucoup moins forte, où les logements, les entreprises, les services publics ne sont que progressivement endommagés.

Or, qu'il s'agisse de la définition donnée à l'évacuation, de la méthodologie suivie ou du contexte géographique ou cinétique, les différences constatées entre les différentes études ne sont pas nécessairement présentées de façon explicite.

2.2.1.2 Des taux de populations évacuées variant de 40 à 80% d'après les retours

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