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EVACUATIONS MASSIVES

2.2 L' ESTIMATION DES TAUX D ' AUTO EVACUATION ET D ' AUTO

2.2.3 Les taux et les facteurs de l'auto-hébergement

2.2.3.3 L'identification des variables prédictives de l'utilisation des lieux d'hébergement d’urgence : le rôle prééminent du revenu

Les taux d’hébergement en collectivité varient non seulement dans le temps, selon qu’il s’agisse d’hébergement de courte, de moyenne ou de longue durée, mais aussi sur un plan géographique et sociologique, selon les territoires et populations cibles43. La littérature permet d’identifier des facteurs discriminants, essentiellement d'ordre démographique et socio-économique, dans le choix des ménages de se tourner vers l’hébergement en collectivité, à court et à moyen terme44. Parmi les facteurs démographiques, citons :

- L'âge moyen du ménage, qui apparaît comme un des deux facteurs déterminants (avec le revenu) dans l'étude de synthèse de Mileti et al. (1992). Les populations évacuées plus âgées ont un réseau social (amis et famille) plus restreint, lié à un plus grand isolement, mais également des ressources moins importantes pour trouver une alternative à l'hébergement en collectivité.

- Les femmes, qui sont moins susceptibles de faire appel aux hébergements en collectivité (Whitehead et al., 2000).

- La possession d'animaux domestiques : les lieux d'hébergement collectif sont souvent interdits aux animaux (Whitehead et al., 2000).

- Le caractère récent ou non de l'installation d'un ménage au sein d'un quartier : si l'installation est récente, les liens familiaux et amicaux sont plus distendus, donc les possibilités de trouver un hébergement chez des amis ou chez des proches plus réduites (CEPRI, 2014 ; Smith et McCarty, 2009).

43 Le cas des populations hors ménages (vivant en prisons, hôpitaux, maisons de retraite) est mis de côté : ces populations évacuent dans le cadre "d'évacuations symétriques" (CEPRI, 2014) : les pensionnaires d'une maison de retraite inondée sont évacués dans une autre maison de retraite (pour ceux qui ne peuvent pas être accueillis dans leur famille), les personnes hospitalisées vont dans un autre hôpital, les condamnés dans une autre prison, etc...

44 Comme nous l’avons dit précédemment, l’hébergement de long terme, ou relogement, a lieu dans le cadre de modalités très différentes de celles de l’hébergement de court et de moyen terme, qui sont abordées dans le cadre du chapitre 4.

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Parmi les facteurs socio-économiques, il faut prendre en considération :

- Les ressources économiques disponibles, mesurées par le revenu ou par le fait d'être propriétaire (Smith et McCarty, 2009). Plus elles sont importantes, plus le ménage a de possibilités pour prendre en charge son hébergement (en particulier au sein de l'offre commerciale, en hôtel). A l'inverse, la précarité pousse les populations à se tourner vers l'hébergement en collectivité.

- La race et l'ethnie, qui peuvent aussi jouer un rôle dans le contexte fortement discriminant du Sud américain (qui comprend l'essentiel des retours d'expérience de la littérature internationale) : les populations blanches sont ainsi moins susceptibles d'aller dans des lieux d'hébergement collectif que les populations noires (Whitehead et al., 2000).

- Les années d'étude : d'après Whitehead et al. (2000), les personnes ayant fait des études sont moins susceptibles, statistiquement, de se rendre dans des lieux d'hébergement collectif. Le niveau d'étude est cependant, sans doute, moins une cause qu'un symptôme : le niveau d'étude est de fait généralement corrélé aux revenus.

Outre ces variables d'ordre individuel, quelques facteurs collectifs ou environnementaux sont également cités par Mileti et al. (1992) :

- La proportion de la population évacuée au sein d’un territoire donné peut avoir un rôle mécanique sur le taux d’hébergement collectif : plus le taux d’évacuation au sein d’un territoire est élevé, plus le territoire en question est grand et plus le nombre de personnes concernées est important, moins les ménages évacués auront de possibilités pour aller se réfugier chez des proches, ceux-ci ayant également évacué. En d’autres termes, le caractère massif d’une évacuation, par opposition à une évacuation ponctuelle et localisée, accroît (en termes absolus mais aussi relatifs) les besoins de prise en charge de l’hébergement par les autorités, par un effet en cascade, mécanique. Intimement associé à cette problématique spécifique à l’évacuation massive, l’environnement urbain est également corrélé à un taux d’hébergement en collectivité plus élevé qu’en milieu rural.

- La stratégie d’alerte et de communication mise en œuvre par les autorités influence enfin la publicité donnée aux lieux d’hébergement collectif : or, si ces derniers font l’objet d’une information largement diffusée auprès des populations, celles-ci sont ensuite plus à même de les utiliser. Plus globalement, la stratégie relative à la mise à disposition de lieux d’hébergement adaptés a évidemment une grande influence sur les taux d’hébergement en collectivité.

Le Tableau 7 dresse une synthèse des différents facteurs : à l’inverse des études portant sur les taux d’évacuation, la littérature portant sur l’hébergement en collectivité débouche sur des conclusions claires et peu contradictoires. Certes, cette littérature est maigre, de telle sorte qu’un certain nombre de variables ne sont représentées que dans une seule étude, et sont de fait signalées comme ayant une faible valeur prédictive. Il n’empêche : ces variables font généralement l’objet d’une corrélation significative dans l’étude qui les cite, à l’inverse des études sur les taux d’évacuation. Une variable ressort spécifiquement : le revenu, cité dans les trois études ici synthétisées et qui apparaît comme le facteur majeur dans l’utilisation des hébergements en collectivité.

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Impact sur le taux d'hébergement

collectif

Valeur

prédictive Etudes porteuses

Stratégies d'action collective

Publicité donnée aux

hébergements collectifs + Faible Mileti et al., 1992

Facteurs environnementaux

Milieu urbain (vs. milieu rural) + Faible Mileti et al., 1992 Taille de la communauté évacuée

/ Taux d'évacuation + Faible Mileti et al., 1992

Facteurs démographiques

Age élevé ++ Faible Brodie et al., 2006 (impact négatif d'après cette étude) ; Mileti et al., 1992

Possession d'animaux

domestiques - Faible Whitehead et al., 2000 Présence de femmes, femme

chef de famille - Faible Whitehead et al., 2000 Nombre d'années passées dans

son logement / son quartier -- Faible Smith et McCarty, 2009

Facteurs socioéconomiques

Propriétaire de son logement -- Forte Brodie et al., 2006 ; Smith et McCarty, 2009 Revenus -- Forte Brodie et al., 2006 ; Mileti et al., 1992 ;

Whitehead et al., 2000

Minorité raciale / ethnique ++ Forte Brodie et al., 2006 ; Whitehead et al., 2000 Niveau d'éducation - Forte Brodie et al., 2006 ; Whitehead et al., 2000

Tableau 7. Facteurs favorables et défavorables à l'hébergement en collectivité, au sein de la littérature.

En guise de conclusion, cet état de l’art met en évidence le caractère relativement précaire, voire contradictoire, des résultats obtenus par la recherche sur les évacuations, qu’il s’agisse des efforts de modélisation ou des analyses de sondages post-évacuations menés auprès des ménages affectés par une catastrophe. Les conclusions de ces recherches doivent de fait être considérées avec prudence, mais il n’empêche qu’elles sont aussi riches en enseignements. A ce titre, il convient de remarquer d’abord l’importance d’une perception aigue de l’aléa et du risque a priori, pour qu’une consigne d’évacuation soit véritablement efficace, comprise et intégrée par les ménages ciblés. Il convient ensuite de remarquer des différences notables dans les variables individuelles explicatives de l’évacuation et de l’auto-hébergement : les ménages qui évacuent ne sont pas nécessairement ceux qui peuvent trouver un hébergement par leurs propres moyens. Pour les premiers, ce sont les variables démographiques qui jouent un rôle moteur ; pour les seconds, ce sont des variables socio-économiques. L’ensemble de ces informations est indispensable à la construction de notre méthodologie et aux hypothèses qui lui servent de fondement.

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3 DEVELOPPEMENT D'UNE METHODE D'EVALUATION DES

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