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BESOINS DE PRISE EN CHARGE DES POPULATIONS

3.2 U NE METHODOLOGIE EN QUATRE TEMPS

3.2.2 L'identification des populations résidentes par bâti et la création d'un indice social de susceptibilité à l’évacuation

3.2.2.3 L’estimation des populations à risque et des populations non autonomes : construction d’un Indice Social de Susceptibilité à l’Evacuation (ISSE)

3.2.2.3.1 L’identification des populations non autonomes et des populations à risque d’après leurs caractéristiques individuelles recensées au sein du RGP (Recensement

Général de la Population)

La seconde option consiste à identifier, pour chaque ménage pris individuellement en Ile-de- France, des variables clés qui puissent expliquer son comportement en cas d’évacuation et déterminer sa prise en charge par l’Etat et les collectivités : ces variables permettent ensuite d’identifier des populations à risque et des populations non autonomes.

Considérant l’état de l’art sur les facteurs de l’évacuation, et son caractère d’abord individuel, les variables clés identifiées sont toutes d’ordre individuel, et plus spécifiquement d’ordre démographique et socio-économique. Les variables psychologiques, également identifiées dans l’état de l’art (Tableau 3) comme ayant un rôle potentiellement déterminant, sont écartées car impossibles à mesurer. Les variables collectives, en particulier les consignes d’évacuation, sont considérées comme non discriminantes entre différents ménages (puisque ces variables sont, par définition, communes aux différents ménages). Les variables environnementales enfin, si elles peuvent jouer un rôle important dans l’évacuation (un ménage dont le logement sera sous 2 mètres d’eau sera en effet plus susceptible d’évacuer qu’un ménage hors d’eau !), ne sont pas prises en considération pour identifier les populations à risque : il faut en effet veiller à ne pas amalgamer, dans les traitements statistiques, des facteurs d’ordre social avec des facteurs d’ordre territorial ou environnemental, afin d’assurer la cohérence conceptuelle des résultats obtenus57.

Ces variables sont issues du Recensement Général de la Population (RGP) mené par l’INSEE en continu, avec des résultats présentés sur des périodes de cinq ans : le RGP de 2011, utilisé pour ce chapitre, comprend des recensements réalisés durant la période 2009-2013. Le RGP présente l’avantage d’être relativement exhaustif, dans la mesure où il interroge sur cinq ans l’ensemble des habitants des communes de moins de 10 000 habitants et 40% des habitants des plus grandes communes (INSEE, 2014a)58. Le RGP est aussi librement disponible dans sa version détaillée, à l’échelle des recensements individuels (anonymisés). Le RGP permet enfin des croisements de variables, ce qui est essentiel pour identifier les populations à risque et les populations non autonomes. Les croisements de ces variables ont lieu sous un tableur et

57 Observation méthodologique de L. Bourdeau-Lepage (Université Lyon III).

58 Nous n’insistons pas ici sur les détails relatifs à la construction du RGP, notamment sur la distinction entre exploitation principale et complémentaire, et sur la pondération des recensements individuels en fonction de leur poids dans l’échantillonnage.

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permettent de classer les ménages au sein de différents groupes, classement selon leur appartenance ou non à la population à risque ou à la population non autonome :

- Au sein de la population non autonome peuvent être distingués d’une part les ménages non motorisés, d’autre part les ménages fragiles. Il s’agit des groupes III et IV de la terminologie de Wolshon (Figure 10). Les ménages non motorisés sont aisément identifiables au sein du RGP, puisque les sondages de l’INSEE posent explicitement la question : un ménage est considéré comme non motorisé s’il ne possède aucune voiture. Les ménages fragiles ne peuvent en revanche être identifiés que du point de vue de deux critères, l’isolement social d’une part, et la vieillesse d’autre part : le croisement des deux variables permet d’identifier des ménages de personnes âgées (75 ans et plus) et isolées. Le handicap et la dépendance ne sont donc pas pris en compte de façon spécifique : la comptabilisation des ménages fragiles est donc sous-estimée. Il faut cependant relativiser cette sous-estimation : comme nous l’avons mis en évidence précédemment, à l’échelle régionale, les aides les plus restrictives (PCH et APA à domicile), réservées aux personnes à plus faible mobilité, représentent moins d’un pourcent de la population : en leur sein, une grande partie comprend des bénéficiaires de l’APA à domicile ; or, les bénéficiaires de l’APA à domicile (réservée aux personnes de 60 ans et plus) sont pour partie non négligeable des personnes âgées isolées. Le reliquat comprend donc les bénéficiaires de la PCH, et en particulier du volet « aide humaine » de cette prestation : or, ces bénéficiaires représentent 0,33% de la population francilienne seulement.

- La population à risque est identifiée par le calcul d’un « Indice Social de Susceptibilité à l’Evacuation » (Indice ISSE). Plus l’indice est faible pour un ménage donné, moins ce ménage est susceptible d’évacuer. La population à risque représente les groupes II et III de la terminologie de Wolshon (Figure 10) : en son sein est faite la distinction entre la population à risque autonome (groupe II) et la population à risque non autonome (groupe III). La population à risque autonome présente un indice ISSE faible mais n’est pas comprise dans les ménages fragiles ou non motorisés. A l’inverse, la population à risque non autonome représente les ménages qui cumulent la non-motorisation ou la fragilité avec un indice ISSE faible.

3.2.2.3.2 L’identification des populations à risque par l’intermédiaire de l’indice ISSE : variables et seuils utilisés

La construction de l’indice ISSE a lieu à partir du Tableau 3, qui fait la synthèse de la littérature sur les variables discriminantes en cas d’évacuation. Le raisonnement à la base de l’indice est d’inclure, sans discrimination, toutes les variables individuelles, d’ordre démographique et socio-économique, recensées dans le tableau et pouvant avoir une traduction qualitative et binaire (risque ou pas de risque) dans les recensements de l’INSEE. Sont à ce titre incluses les variables suivantes comme facteurs de risque :

- La présence d’une personne âgée (75 ans et plus),

- L’absence d’enfants de 18 ans et moins au sein du ménage, - L’absence d’individus de sexe féminin au sein du ménage, - Le statut de propriétaire du ménage,

- La présence de personnes immigrées.

Parmi les facteurs d’ordre démographique, la présence d’animaux domestiques, pourtant reconnue comme potentiellement défavorable à l’évacuation, n’est pas retenue car elle ne fait

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pas l’objet des sondages dont est issu le RGP. Parmi les facteurs socioéconomiques, le revenu n’est pas compris dans l’indice, car il ne s’agit pas d’une variable incluse dans le RGP : c’est un moindre mal, compte tenu de la grande difficulté qu’ont les auteurs à déterminer l’impact du revenu sur la propension des ménages à évacuer (avoir un revenu élevé a, au mieux, un impact positif très limité sur la propension à évacuer). La variable relative au revenu est néanmoins retenue pour la construction d’un autre indice, celui relatif à l’auto-hébergement et beaucoup plus orienté sur les problématiques économiques, comme nous le verrons plus loin. Enfin, la variable relative à la race ou à l’ethnie n’est pas non plus incluse dans le RGP, les statistiques de recensement ethnique étant interdites sauf exception : en lieu et place, le choix a été fait de remplacer cette variable par la variable immigration, considérant que les problématiques ethniques et raciales recoupent partiellement celles de l’immigration. Ce choix, dont l’arbitraire est bien sûr discutable, est néanmoins intéressant à deux titres. D’abord, il interroge la capacité des autorités à transmettre une consigne d’évacuation : les personnes immigrées peuvent rencontrer certaines difficultés à communiquer avec les autorités et inversement (barrières culturelles, linguistiques voire méfiance réciproque). Ensuite, les personnes immigrées peuvent manquer de certaines ressources pour s’informer, se déplacer, trouver une solution d’hébergement (du fait de réseaux sociaux éventuellement moins développés).

L’indice ISSE est calculé pour chaque ménage et est égal au cumul des variables identifiées pour lesquelles le ménage ne présente pas de risque : dans la mesure où il y a in fine cinq variables retenues, l’indice ISSE peut varier de 0 à 5. Un ménage avec un ISSE égal à 5 ne cumule aucun facteur de risque. Un ménage avec un ISSE égal à 0 cumule tous les facteurs de risque. L’indice représente donc un simple cumul de différentes variables représentées sous une forme binaire (risque = 0, absence de risque = 1). En effet, au vu de la complexité qui régit les choix des ménages en cas d’évacuation, comme l’illustre le modèle anthropologique de Gladwin (2001), au vu de la multitude de facteurs qui peuvent (ou non !) favoriser l’évacuation, au vu enfin des contraintes liées à la disponibilité des données au sein des recensements de l’INSEE (qui conduit à exclure certaines variables), le choix a été fait de ne pas pondérer les variables entre elles, de n’accorder à aucune d’elle un poids plus important qu’aux autres (toutes ont un poids de 1) : une telle pondération rajouterait en effet un caractère arbitraire à un indice qui doit déjà faire face à une part importante d’incertitude scientifique, liée aux résultats contradictoires et parfois peu significatifs issus des précédents retours d’expérience d’évacuations massives.

Un indice composite comme l’est l’ISSE doit pouvoir être cohérent, pour être valide, sur un plan conceptuel et un plan statistique (OECD, 2008) : la cohérence conceptuelle est assurée (a) par l’état de l’art qui a été mis en œuvre précédemment, (b) par le caractère strictement individuel de l’indice (excluant donc, a priori, les variables collectives et environnementales). Concernant la validité statistique de l’indice, il est envisageable de faire une analyse de corrélations de rang de Spearman. C’est une analyse utile pour des variables de type qualitatif ordinal, à l’inverse d’une corrélation de Pearson, qui permet de vérifier qu’aucune variable constitutive de l’indice ne fait doublon avec une autre, qu’aucune n’est trop fortement corrélée à une autre : dans le cas de l’ISSE, aucune corrélation forte n’est identifiée entre les variables

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utilisées. C’est le seul test envisageable, dans la mesure où l’indice consiste en un simple cumul de plusieurs facteurs de risque à caractère qualitatif, réduits sous une forme binaire59.

Une fois connue la valeur prise par l’indice ISSE pour chaque ménage, il faut déterminer une valeur seuil, en-deçà de laquelle le ménage est classé au sein de la « population à risque ». Cette valeur seuil est déterminée selon le taux d’évacuation qui aura été retenu comme postulat de départ : ce taux, nous l’avons vu précédemment, a été estimé dans le cas francilien à 50% (intervalle 40-60%). En conséquence, la valeur seuil est égale à la médiane de l’effectif étudié (cet effectif correspondant à l’ensemble des recensements individuels de la région Ile-de- France) : la médiane est à 4 ; il est donc considéré que tout ménage sous ce seuil est classé dans la population à risque60.

3.2.2.3.3 La compilation des données sociales relatives à la population au sein de la couche SIG du bâti résidentiel

L’ensemble de ces données, relatives au nombre de ménages à domicile, distinguant population non autonome et population à risque, est compilée à l’échelle de l’IRIS ou, en l’absence d’IRIS dans les zones peu peuplées, à l’échelle du pseudo-canton61. Ces données compilées sont

ensuite jointes sous logiciel géomatique à une couche SIG représentant les limites des IRIS et des pseudo-cantons. Pour affecter ces données représentées à l’échelle de l’IRIS ou du pseudo- canton au bâti résidentiel (notre unité géographique), la méthode à suivre est adaptée de celle utilisée par Ast (2008) et développée par le CGDD (2012) pour estimer le nombre de personnes en zone inondable :

(1) La couche SIG du bâti résidentiel est découpée selon les limites de la couche représentant les IRIS et les pseudo-cantons : en d’autres termes, les polygones du bâti résidentiel situés à cheval entre deux IRIS, ou deux pseudo-cantons, sont divisés en deux.

(2) La surface développée (surface au sol * hauteur) est calculée pour chaque polygone de cette couche modifiée du bâti résidentiel.

(3) Il est ensuite procédé à la somme de la surface développée du bâti au sein de chaque IRIS ou pseudo-canton, par le biais d’une jointure spatiale.

59 Il n’est pas utile de mener les tests qui sont utilisés dans l’application de l’ISSAH (voir plus bas). Ainsi, il n’y a pas besoin de faire émerger la structure interne de l’indice et de regrouper les variables sous forme de facteurs, par exemple par le biais d’une Analyse en Composantes Principales. Et ce, d’une part parce que le nombre de variables de l’indice est faible, d’autre part parce qu’il se constitue d’indicateurs qualitatifs ordinaux, inadaptés à ce genre d’analyses (OECD, 2008). De même, il n’est pas utile ni souhaitable d’estimer la cohérence interne de l’indice par le calcul de l’alpha de Cronbach, du fait que les indicateurs n’ont pas nécessairement de rapports entre eux (il s’agit d’un cumul de facteurs très divers de risques), du fait aussi du faible nombre de variables en jeu : l’alpha de Cronbach sous-estime la cohérence interne quand le nombre de variables est trop limité.

60 La répartition des valeurs en fréquence cumulée (en ordre décroissant) est la suivante : 19,7% des recensements ont un ISSE égal à 5 ; 59,6% ont un ISSE égal ou supérieur à 4 ; 88,2% ont un ISSE égal ou supérieur à 3 ; 98,9% ont un ISSE égal ou supérieur à 2 ; plus de 99,99% ont un ISSE égal ou supérieur à 1. Du fait de cette répartition, avec une médiane à 4, seulement 40,4% des recensements sont classés dans les ménages à risque, un chiffre certes inférieur à 50% mais qui demeure dans l’intervalle envisagé pour le taux d’évacuation (40-60%).

61 Le « canton-ou-ville » (pseudo-canton) est le regroupement d’une ou de plusieurs communes entières à des fins de représentation des données statistiques par l’INSEE : dans les agglomérations, un canton comprend souvent une partie de la commune principale et plusieurs communes périphériques ; le pseudo-canton exclut la commune principale de ses limites géographiques pour ne considérer que les communes périphériques ; la commune principale est alors traitée à part, car faisant l’objet d’un traitement géographique plus fin (elle est divisée en plusieurs IRIS).

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(4) Les données sociales, relatives à la population et disponibles sur la couche des IRIS et des pseudo-cantons, font alors l’objet d’une jointure spatiale avec la couche modifiée du bâti résidentiel.

(5) Les différentes variables sociales (population totale à domicile, population non autonome, population à risque), sont alors recalculées pour chaque bâtiment, de façon proportionnelle à la part que représente la surface développée du bâtiment par rapport à la surface développée totale de l’IRIS ou du pseudo-canton d’appartenance.

(6) La couche du bâti résidentiel, ainsi pourvue en données sociales, est ensuite reconstituée a posteriori : les polygones situés à cheval entre deux IRIS ou deux pseudo-cantons retrouvent leur unité.

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