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francilienne : estimation sous SIG des besoins de prise en charge des

1.1 L' EVACUATION MASSIVE EN CAS DE CATASTROPHE : DEFINITION ,

PRINCIPES

,

CHRONOLOGIE

1.1.1 Définitions de l'évacuation

Le processus d'évacuation désigne le fait de déplacer des populations d'une zone à risque vers une zone sûre en cas de catastrophe. L'évacuation peut prendre plusieurs formes : elle peut être spontanée ou faire suite à des consignes (recommandations ou ordre) données par les autorités. Il faut aussi distinguer l'évacuation autonome des populations (auto-évacuation) et l'évacuation assistée par les autorités : si certains auteurs (Mioc et al., 2008) restreignent la définition d'une évacuation au fait de secourir les populations pour les mener vers une zone sûre (soulignant le rôle majeur de la sécurité civile), d'autres mettent au contraire l'accent sur l'évacuation autonome des populations (et donc sur la responsabilité personnelle et active des populations). L'évacuation peut avoir lieu à différentes échelles géographiques, revêtir un caractère ponctuel ou massif : une évacuation est définie comme massive dès lors qu'elle dépasse les capacités locales de gestion de crise ; en France, la DGSCGC (Direction Générale de la Sécurité Civile et de la Gestion des Crises) estime ces capacités locales dépassées notamment quand la capacité d'accueil temporaire à proximité immédiate de la zone sinistrée ne suffit plus (CEPRI, 2014). Ainsi, si l'évacuation de quelques centaines de personnes peut être gérée au niveau communal, par l'application du Plan Communal de Sauvegarde (PCS) notamment, une évacuation massive demande une approche départementale, zonale voire nationale, intégrant de nombreux acteurs et appelant à une organisation solide, planifiée, coordonnée. C'est ce second cas qui fait l'objet d'une attention particulière dans la suite de ce chapitre, compte tenu de l'objet de notre étude, l'agglomération francilienne, et des effectifs de populations à évacuer en cas de crue de la Seine. L'évacuation peut aussi cibler certaines catégories de personnes ou être généralisées à l'ensemble de la population. L'évacuation peut avoir lieu de façon préventive ou se tenir a posteriori, après l'occurrence de la catastrophe (CEPRI, 2014 ; Lim et al., 2013). Elle peut enfin prendre la forme d'une évacuation horizontale ou verticale.

Le chapitre est consacré essentiellement à l'évacuation horizontale, et non verticale, dans la mesure où c'est la première option qui semble être privilégiée dans le cadre de la stratégie envisagée par la Préfecture de Police en cas d’inondation majeure de l’Ile de France : l'évacuation verticale semble inenvisageable dans une majorité de cas, pour des raisons qui seront détaillées plus loin. Il apparaît de fait essentiel de préciser la distinction entre évacuation verticale et horizontale (CEPRI, 2014) : l'évacuation horizontale consiste à déplacer des populations d'un quartier vers un autre moins exposé, tandis que l'évacuation verticale représente le cas de populations se réfugiant, au sein de leur maison ou immeuble, dans les étages supérieurs ; une évacuation peut enfin recouvrir un caractère horizontal et vertical, quand les populations demeurent dans leur quartier d'origine mais se réfugient vers les points hauts de ce dernier, le temps de l'occurrence de la catastrophe.

L'évacuation verticale apparaît comme une solution viable (et préférable) dans les deux cas suivants : (a) l'urbanisme a été conçu de telle manière à permettre le maintien en conditions de vie dégradées des populations au sein d'un quartier inondé, pendant plusieurs jours. C'est notamment le cas des smart shelters, de bâtiments à double usage : ces bâtiments, qui ont un usage courant lié au fonctionnement quotidien de la société (logements, bureaux), sont aussi conçus pour servir à titre exceptionnel de refuge en cas de catastrophe. (b) la cinétique de la

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catastrophe est relativement rapide : si elle est trop lente, la problématique du ravitaillement des populations devient alors critique ; dans le cas spécifique d'une inondation, le seuil de 48-72h apparaît crucial, en ce sens qu'au-delà de ce laps de temps les mesures de protection de fortune des bâtiments de plain-pied, de type batardeaux, ne peuvent plus retenir efficacement les voies d'eau. Les avantages d'une évacuation verticale sont multiples : ils permettent d'éviter de longs déplacements de populations, d'assurer un trafic routier plus fluide, de diminuer le nombre de personnes à prendre en charge par les autorités (transport et hébergement), de diminuer l'impact relatif à la perturbation de la vie locale, et d'accélérer le retour à la normale (les populations étant déjà sur place) (CEPRI, 2014).

L'évacuation horizontale est une opération beaucoup plus complexe et durable qu'une évacuation verticale : elle demande un effort très soutenu de la part de l'Etat et des collectivités territoriales, afin d'apporter un soutien spécifique aux populations n'ayant pas la capacité d'évacuer par leurs propres moyens, et de répondre également à la forte demande en hébergements temporaires. Par ailleurs, l'évacuation horizontale ne peut avoir lieu de façon préventive que si un délai suffisant permet d’assurer sa mise en œuvre, entre la prévision de l'occurrence de l'aléa et la catastrophe elle-même : une évacuation verticale peut à l'inverse se tenir dans l'urgence, et de façon spontanée. Enfin, l'évacuation horizontale entraîne des conséquences bien plus massives et durables sur la population, son bien-être et ses moyens d'existence.

1.1.2 L'évacuation, "solution draconienne" : des impacts tous azimuts

L'évacuation horizontale massive est, pour reprendre les termes de Beaulieu et Marchand, (2001), une « solution draconienne », qui peut entraîner des perturbations plus importantes que les seuls dommages physiques de la catastrophe. Les impacts de l'évacuation sont à la fois immédiats et durables. Ils portent à la fois sur la population évacuée, son économie et son encadrement politico-institutionnel (Beaulieu et Marchand, 2001) :

- La population subit divers impacts, d'abord d'ordre psychologique et sanitaire : l'évacuation est un traumatisme pour les populations concernées ; en quittant leur logement, ces dernières perdent leur cadre de référence. Ce traumatisme peut entraîner une surmortalité des populations les plus fragiles (personnes âgées), comme cela a pu être attesté après les inondations du Var en juin 2010 (CEPRI, 2014). Ces impacts relèvent ensuite du sentiment de sécurité : le maintien de l'ordre est compromis, non seulement au sein des zones évacuées (risque de pillage), mais également au sein des zones d'hébergement (promiscuité pouvant favoriser l'émergence de conflits, entre ménages et en leur sein). Les impacts sont enfin d'ordre socioéconomique : l'évacuation représente un risque de perte de revenus, en lien avec l'impossibilité physique d'aller au travail (absentéisme forcé), ou dans certains cas de bénéficier de diverses aides et allocations de la part d'administrations publiques et de collectivités. Elle peut aussi se traduire par un risque de chômage technique, voire de licenciement : dans une étude sur les conséquences de l’ouragan Katrina sur le marché du travail (Bureau of Labor Statistics, 2006), les populations évacuées, définies dans cette étude comme celles ayant quitté leur domicile à titre temporaire ou définitif, ont vu leur taux de chômage grimper à 15% et leur taux d’activité chuter à un niveau de 59% sur la période octobre 2005 – juin 2006 (soit jusqu’à neuf mois après le passage de l’ouragan).

- L'évacuation a, en effet, un impact direct sur l'économie du territoire évacuée : à court terme, l'évacuation entraîne en effet l'arrêt de toute production au sein de la zone évacuée, mais

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également une réduction de l'activité pour de nombreuses autres entreprises situées à proximité de la zone évacuée (la proximité peut être mesurée par une distance kilométrique, mais également par les flux pendulaires et les flux de biens et de services) ; ces dernières sont ainsi affectées du fait du départ de nombreux fournisseurs, salariés, consommateurs et clients. A moyen terme, l'économie locale fait face à un risque d'endettement de l'ensemble de ses acteurs (entreprises, ménages, administrations publiques et collectivités), une atteinte à la réputation du territoire et à une baisse de compétitivité.

- L'évacuation a enfin un impact sur l'encadrement politico-institutionnel des territoires évacués. Du point de vue politique, le risque porte sur les décideurs (élus et fonctionnaires), tant au niveau de la carrière que de la réputation politique : une décision qui apparaît inappropriée a posteriori pouvant ruiner la carrière d’un haut fonctionnaire, ou les espoirs de réélection d’un élu. Ainsi pourrait-il en être d’une évacuation décidée alors que les prévisions météorologiques ou hydrologiques sont incertaines, puis apparaissant inutile ensuite au vu du déroulé des événements (crue plus faible que prévue, ouragan passant à côté de la ville évacuée). Du point de vue institutionnel, l'évacuation est lourde de conséquences pour la situation financière et budgétaire des collectivités territoriales et des administrations, grevant sur le long terme la capacité de reconstruction et de retour à la normale des communes.

L'impact d'une évacuation recoupe bien sûr certaines conséquences de la catastrophe largo sensu, de même qu'il ne concerne pas que les territoires évacués mais également les territoires à proximité et ceux destinés à accueillir les populations évacuées. Du fait des enjeux majeurs que représente une évacuation horizontale, en termes d'impacts sociaux, économiques, politico- institutionnels, les besoins en termes de planification apparaissent de fait bien plus importants que dans le cadre d'une évacuation verticale. Le premier pas en ce sens consiste à identifier les différentes étapes d'une évacuation horizontale, afin de connaître les délais nécessaires à sa réalisation, et les divers problèmes qui peuvent contrecarrer les efforts des autorités lors de l'occurrence de la crise.

1.1.3 Chronologie succincte du processus d'une évacuation

Le processus d'évacuation a lieu, de préférence, de façon préventive. Dans ces conditions, et dans le cadre d'une évacuation horizontale et massive, il est possible de distinguer plusieurs étapes (CEPRI, 2014 ; Hissel et al., 2014 ; Lim et al., 2013 ; Opper et al., 2010) (Figure 3) :

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Figure 3. Chronologie succincte du processus d'évacuation.

- Etape 1. Une phase de vigilance et de prévision face à l'occurrence de l'aléa. Dans le cadre français, cette phase prend la forme de bulletins transmis par le Service de Prévision des Crues et Météo-France aux préfectures.

- Etape 2. La prise de décision et l'organisation de l'évacuation par les autorités. Cette étape comprend un délai difficile à estimer, car liée à des contingences d'ordre politique, voire médiatique qu'il n'est pas aisé d'anticiper : la décision d'une évacuation massive est extraordinairement lourde de conséquences, de telle sorte qu'une très forte pression politique et médiatique risque de peser sur les décideurs, pouvant entraver les choix de ces derniers. - Etape 3. L'alerte des populations. Une fois la stratégie d'action arrêtée, les autorités peuvent diffuser les consignes d'évacuations aux populations ; ces dernières, ensuite, choisissent ou non de suivre ces consignes.

- Etape 4. La phase de pré-évacuation des populations. Ces dernières ont besoin d’un certain temps de préparation avant de pouvoir partir de leur logement (mise en sûreté des biens, réunion du ménage) ; un guide de l'Agence de l'Eau Loire-Bretagne, portant sur la mise en oeuvre d'un Plan Familial de Mise en Sûreté, estime à 4h le délai nécessaire à la mise en sûreté des biens, pour une famille ayant préparé l'évacuation en amont (CEPRI, 2014).

- Etape 5. Le départ des populations de leur logement d'origine : le départ des populations de la zone exposée prend un certain temps, variable selon le nombre de personnes à évacuer, les moyens de transports disponibles, les capacités de transit routier et ferroviaire, les besoins en termes de prise en charge des populations non autonomes.

- Etape 6. La gestion des populations évacuées et la prise en charge de leur hébergement. Les populations évacuent parfois en deux temps : elles rejoignent d'abord un hébergement de proximité, pendant quelques heures ou quelques nuits, le temps de prendre des dispositions pour

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trouver des solutions plus durables, avant de se diriger vers leur destination finale pour un hébergement temporaire de plus long terme.

- Etape 7. Le retour au logement. Le retour au logement a lieu après la fin de l'occurrence de l'aléa, soit de façon spontanée, soit à la suite de consignes de retour données par les autorités. Il faut ici distinguer l’évacuation, provoquée par la menace physique d’une catastrophe, de la relocalisation ou du déplacement à long terme des populations, provoqués par les dommages de la catastrophe sur le bâti et les structures territoriales : l’évacuation est temporaire, le déplacement permanent. La problématique du déplacement permanent est approfondie dans le cadre du chapitre 4.

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