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Remarques finales

B) Approche scientifique

4. CATÉGORIES UTILES POUR L’ANALYSE DES ÉTUDES DE CAS

4.2 La notion d’hégémonie

Dans nos études de cas, nous employons à plusieurs reprises la notion d‟hégémonie. Elle indique l‟acception généralisée d‟une prééminence, d‟une suprématie, d‟une supériorité qui se conforme et se prolonge à partir de leur propre prosélytisme mais pas de manière déterminante car la suprématie est variable et dépend toujours des conjonctures complexes et des moments historiques. Antonio Gramsci a théorisé la relation complexe qui existe entre l‟hégémonie culturelle et l‟hégémonie économique. Le concept d‟hégémonie se développe dans un spectre extrêmement vaste qui va de l‟économie à la littérature, de la religion à l‟anthropologie, de la psychologie à la linguistique279. Au lieu de voir dans l‟hégémonie une dialectique entre dominant et dominé, ou bien un processus unilatéral de domination, Antonio Gramsci souligne l‟existence des périodes historiques où se joue la lutte du sens et de pouvoir. La lutte pour l‟hégémonie se réalise dans l‟idéologie, l‟économie, la morale, l‟intellectuel, l‟éthique et le culturel. La lutte hégémonique implique l‟existence d‟une société avec un haut niveau de consensus ou du consentement populaire, souvent dirigée par la classe dominante. Mais en effet, les actions pour le contrôle de la suprématie s‟opèrent de manière diverse. L‟hégémonie, explique Stuart Hall :

« [...] implique le passage critique d‟un système de domination à l‟autorité d‟un bloc dirigeant, qui est capable d‟organiser sa propre base à travers la construction d‟alliances entre les différents secteurs et forces sociales, mais dont le trait central est la construction et l‟obtention du consentement populaire,

278 WILLIAMS, Raymond. The Long Revolution, First Published by Chatto & Windus, 1961, réimpression The Hogarth Press, London, UK, 1992, p. 300.

279 LIGUORI, Guido et VOZA, Pasquale. Dizionario gramsciano 1926 – 1937, Carocci editore, 1ª edizione, Roma, 2009. Voir le concept « Egemonia », p. 266.

parmi des secteurs clefs des classes dominées elles –

mêmes280 ».

Selon Antonio Gramsci, la notion d‟hégémonie renvoie à l‟installation d‟un pouvoir que se concrétise à partir des blocs historiques d‟intérêt qui forment un groupe ou un ensemble. C‟est le moment où une classe dominante en alliance avec d‟autres groupes dirige moralement et intellectuellement une société. Ce concept d‟hégémonie suggère une société où les groupes et classes subalternes existent pour soutenir les valeurs, les idéaux, les objectifs et les sens politiques et culturels de la classe dominante. Toutefois, si dans une société, les conflits ne sont pas négociés mais interdits, il n‟existe pas d‟hégémonie mais un totalitarisme. Et dans une société où la négociation est possible, l‟entretien de l‟hégémonie se maintient281.

La pertinence de la notion d‟hégémonie est en relation avec les analyses des musées et leur construction du sens, parce que chez Gramsci elle renvoie à l‟idée d‟un pouvoir négocié où les membres d‟une classe sont capables de persuader les autres qu‟ils partagent les mêmes intérêts (par rapport à un sujet d‟exposition par exemple). Ceci permet de garder les formes, de gérer le pouvoir et d‟entretenir les valeurs du système capitaliste282. Mais l‟accomplissement de l‟hégémonie ne possède pas une seule tendance, il ne s‟agit pas d‟un processus déterminé. Il porte sur différents niveaux et moments, différents intervalles de fréquence variable, une dialectique : destruction et reconstruction, révolution et restauration283. Donc, la notion d‟hégémonie, ne s‟explique pas comme un processus unilatéral. Elle renvoie plutôt à la définition d‟un équilibre instable, à une unité en lutte avec ses contraires. C‟est le cas de l‟Occident qui vit en tension avec d‟autres hégémonies situés dans

280 HALL, Stuart Le crapaud dans le jardin: Thatchérisme et théorie, dans Identités et

Cultures. Politiques des Cultural Studies. Édition établie par Maxime Cervulle, Tr. de

l‟anglais par Christophe Jaquet, Éditions Amsterdam, Paris, 2007, édition augmentée 2008, p.253.

281 Dans l‟opinion de John Storey : « L‟hégémonie est un autre mot pour consensus

libéral où différentes positions circulent en égale pluralité ». STOREY, John. Inventing Popular Culture. From folklore to Globalization. Blackwell Publishing,

USA, UK, 2003, chapitre Hegemony : From Marxism to Cultural Studies (pp. 48-53), p. 49. (Notre traduction de l‟anglais).

282 Helen Davis, Understanding Stuart Hall, Op.Cit., p. 46, 47.

autres sphères planétaires. Cette condition non-déterministe de l‟hégémonie, permet d‟introduire la possibilité d‟intervention des agents alternatifs, de ceux qui n‟adoptent pas le consensus hégémonique, de ceux qui se trouvent en lutte et en marge avec le sens hégémonique, de ceux qui veulent une transformation des formes instaurées par l‟hégémonie et par les processus d‟idéologie. Stuart Hall explique que :

« Le processus de contestation et de lutte se développe dans une série de polémiques idéologiques, religieuses, philosophiques, politiques, juridiques, etc., dont le caractère concret peut être évalué à la façon dont elles réussissent à convaincre et la façon dont elles déplacent l‟ancien dispositif des forces sociales… les processus élargis de lutte construisent ou transforment

l‟hégémonie et les processus d‟idéologie284 ».

En effet, l‟hégémonie et les instruments avec lesquels elle opère (les industries culturelles et les musées par exemple) ouvrent la voie de la transformation, de la négociation, de la lutte et de la réforme. Cependant, un contrôle total de l‟hégémonie morale et intellectuelle s‟accomplit quand le consensus populaire accepte le supposé « désir collectif » qui est en réalité dirigé, construit et produit par la classe économiquement dominante. Malgré les efforts que les groupes exercent pour garder le contrôle de l‟hégémonie, plusieurs forces s‟opposent. Finalement, il n‟y a pas de lois ni de règles permanentes dans le concept d‟« hégémonie » mais une négociation du sens et du pouvoir en constante rivalité. Le combat pour ce contrôle total de l‟hégémonie est donc, une lutte politique, morale et intellectuelle dirigée aussi par les États et les institutions285. Le concept d‟hégémonie permet de montrer que, dans le processus de la construction du sens, se livre une lutte constante pour le contrôle du sens, ce qui permet à la fois l‟entretien ou la négociation des idéologies.

284 Ibidem., p.255.

4.3 Idéologie(s)

À l‟instar de la notion d‟hégémonie qui n‟est pas décrite comme une catégorie qui obéit aux logiques immuables, la notion d‟idéologie n‟évoque pas non plus une pensée totalitaire et dominante. L‟idéologie est définie à partir des processus dans lesquels interviennent diverses pratiques et à partir desquelles se régularisent les hégémonies. Nous utilisons le terme d‟idéologie(s) pour désigner le système d‟idées implicites qui permettent d‟interpréter de manière unilatérale une conception du monde. Ces idées, souvent dominantes, peuvent se manifester dans l‟art, dans le droit, dans l‟activité économique, dans la culture, ainsi que dans les musées et les expositions. Ceci parce que l‟idéologie : « est un moyen d‟organiser les hommes, le territoire et les espaces286 ».

Selon l‟acception gramscienne, il n‟y a pas une « idéologie » avec un I majuscule, mais plutôt des processus idéologiques. Ces processus obéissent à diverses pensées et à diverses finalités parce qu‟il y a de nombreux systèmes et courants qui coexistent, luttent et se répandent. En effet, les processus idéologiques sont « une pratique pédagogique, une lutte culturelle... une lutte

d‟hégémonies politiques, de directions opposées, d‟abord dans le domaine de

l‟éthique, ensuite de la politique »287. Ils répercutent aussi dans le domaine

culturel. Les processus idéologiques se trouvent donc en lutte constante dans le terrain des institutions qui protègent et mettent en valeur des idées et des pratiques. Stuart Hall, en étudiant les idées d‟Antonio Gramsci, place la «redécouverte» des processus idéologiques et de l‟hégémonie dans sa théorie sur les médias de masse288. Dans nos études des cas, nous avons retenu cette idée parce qu‟elle est également applicable à la figure du musée et des expositions. En effet, selon les hypothèses de cette “redécouverte”, les processus idéologiques (toujours au pluriel) sont d‟importance capitale parce qu‟ils sont à la base de la construction du sens. Ces processus fonctionnent en

286 HALL, Stuart Le crapaud dans le jardin: Thatchérisme et théorie, Op.Cit., pp. 255-256.

287 Ibidem, p.256.

288 HALL, Stuart La redécouverte de l‟ “idéologie”. Retour du refoulé dans les Media

Studies dans Identités et Cultures. Politiques des Cultural Studies, Éditions

tant qu‟un ensemble d‟articulations et comportent une chaîne distinctive de

significations289 où les pratiques se positionnent d‟une façon différente en

raison des discours290. Les idéologies et ces processus sont donc multiples. Ils ne sont pas le produit d‟un individu, mais ils sont activfs dans la société et ils

« nous permettent de donner « du sens » aux relations sociales et à la place

que nous y occupons291 ».

Selon ces thèses, nous pouvons dire que les institutions qui produisent du sens et des discours idéologiques se trouvent donc en relation. Il faudra se rappeler que dans cette logique, il n‟y a pas une idéologie totalitaire venue d‟un endroit que nous ne pouvons ni connaître ni décrire. L‟idéologie n‟est pas adjugée à quelqu‟un de particulier.

« L‟idéologie est une fonction du discours et de la logique de processus sociaux plutôt que le reflet de l‟intention d‟un agent… L‟idéologie opère de cette façon parce que le discours parle à travers lui. Inconsciemment, (le media) sert de support à la reproduction d‟un champ discursif idéologiquement

dominante292».

Il ne s‟agit pas d‟identifier une idéologie ontologique qui se transmet au travers des médias et des institutions, mais de montrer que les idéologies partagent et luttent sur le même territoire et que les médias et les institutions sont et véhiculent, parmi d‟autres outils, les instruments de cette lutte du

sens293. Ceci conduit à penser que les affirmations que nous réalisons en tant

289 Ibidem, p. 260.

290 Par exemple, Hall met face à face l‟idéologie libérale et l‟idéologie socialiste. Il explique que les discours de chacune ne coïncident pas de la même façon. L‟ensemble de leurs articulations les opposent par définition. Par exemple, si pour l‟idéologie libérale, « la liberté » est articulée à l‟individualisme et à la logique du libre marché ; pour l‟idéologie socialiste, la « liberté » est une condition collective dépendant de l‟égalité des conditions pour tous. Ibid

291 Ibid.

292 Ibidem, p. 168. (notre souligné en noir)

293 Dans un court essai sur les médias et le racisme, Stuart Hall définit la façon par laquelle il emploie le terme idéologie. Il explique que le langage et l‟idéologie ne sont pas la même chose, mais qu‟il existe une relation proche parce que c‟est dans le langage où se livrent plusieurs discours idéologiques. Il affirme : « Beaucoup d‟eau

boueuse est passée sous le pont du concept d‟idéologie ces dernières années… J‟emploie le terme pour me référer à ces images, ces concepts et ces prémisses qui

qu‟individus se fonderont donc sur un ensemble de prémisses idéologiques historiquement et culturellement construites dans la société dans laquelle nous sommes immergés. Les idéologies, explique Stuart Hall, se servent des :

«[…] positions d‟identification et de savoir qui leur permettent de « prononcer » des vérités idéologiques comme s‟ils en étaient les véritables

auteurs »294. Les idéologies se fondent ainsi sur des présupposés « logiques

»295 qui sont considérés comme vrais par le groupe qui s‟identifie aux valeurs et axiomes qu‟elles énoncent.

« Le mot logique signifie ici, simplement, une chaîne apparemment nécessaire d‟implications de discours et d‟hypothèses. Dans la logique occidentale, les propositions sont dites logiques quand elles obéissent à certaines règles d‟inférence et de déduction… Les prémisses doivent être supposées vraies pour que les propositions qui dépendent d‟elles puissent elles aussi être considérées comme vraies. Cette notion d‟ « implication des propositions » … des discours, s‟est avérée d‟une importance cruciale dans le développement de l‟analyse de l‟idéologie... Cette

fournissent les cadres à travers lesquels nous représentons, interprétons et comprenons certains aspects de l‟existence sociale – et leur donnons un sens ». Stuart

Hall. Le blanc de leurs yeux : Idéologies racistes et médias, dans Identités et Cultures.

Politiques des Cultural Studies, Éditions Amsterdam, Paris, 2008, p. 259.

294 Ibidem, pp. 260, 261

295 La notion de logique propre à la culture occidentale n‟est pas nouvelle. Sa naissance se trouve déjà chez Aristote qui avait établi une méthode où les règles d‟inférence servaient à la constatation des hypothèses. Les règles d‟Aristote conduisaient à une série d‟opérations ayant pour but la validation des prémisses. Dans ce qu‟on appelle la logique aristotélique, le résultat pourrait être vrai ou faux en raison de la validation des axiomes. Cette logique occidentale a évolué et s‟est transformée avec la méthode des philosophes et théologiens du moyen âge. Ils voulaient démontrer l‟existence de Dieu à travers des règles et des axiomes propres à une logique du type scolastique. Les problèmes concernant la logique et les débats internes qui l‟ont suivi, appartiennent aujourd‟hui à la philosophie du langage et aux disciplines qui se sont intéressés à une approche linguistique du raisonnement. Pour revisiter brièvement la logique aristotélicienne, la notion du syllogisme, l‟induction, la démonstration et la logique modale. Voir BLANCHÉ, Robert. La logique et son histoire. D‟Aristote à

Russell. Librairie Armand Collin, Paris, 1970, pp.25-81. Une explication de la logique

aux temps modernes selon des auteurs comme Leibniz, Bolzano, Boole, De Morgan, Peirce, Frege, Peano, Russell et autres, se trouve dans BLANCHÉ, Robert. La logique

« structure profonde » de présuppositions, qui rend une affirmation idéologiquement « grammaticale », est rarement explicitée et reste largement inconsciente, à la fois pour ceux qui l‟utilisent pour donner un sens au monde et pour ceux à qui l‟on demande de lui donner

un sens296».

Bien que la logique soit propre à la tradition occidentale, pour Stuart Hall, la suite de propositions considérées comme des véritables axiomes valides, se trouve à l‟intérieur et au cœur des systèmes sociaux et elle sert à répéter et renforcer les prémisses et les discours des médias et des institutions. Par conséquent, l‟analyse de l‟ensemble des prémisses discursives, à travers l‟étude du circuit du sens, est capitale pour comprendre les processus idéologiques. Ceci parce que ces processus sont liés aux structures profondes (les imaginaires collectifs ) et aux croyances qui fonctionnent à l‟intérieur de la pensée des groupes. La logique est donc à la base des certitudes idéologiques. Elle sert à la production de significations et du sens afin de produire des effets de reconnaissance (chez les récepteurs ou lecteurs du sens). En effet, les médias et les institutions perpétuent souvent les prémisses qui construisent une lecture particulière (hégémonie culturelle) d‟une réalité donnée. Mais le rôle qui joue la logique dans la construction des discours permet d‟appréhender la manière dont les récits sont organisés :

« Le discours, en bref, a pour effet de soutenir certaines « clôtures », d‟établir certains systèmes d‟équivalence entre ce que l‟on peut supposer sur le monde et ce que l‟on peut affirmer vrai. « Vrai » signifie ici crédible ou, du moins, susceptible d‟avoir une crédibilité en tant

qu‟affirmation d‟un fait297 ».

L‟articulation des idéologies dans le langage et les discours ainsi que dans la construction du sens et de la signification est une idée fondamentale que nous avons incorporée dans la réflexion de nos études sur le terrain. Ceci car si les présupposés logiques établissent les bases pour la démonstration

296 HALL, Stuart. “La redécouverte de l‟idéologie” Op.Cit., pp. 151.

d‟une certaine vérité, (discours de la production du sens dans les expositions) ils doivent trouver leur référence dans le réel (circuit du sens à travers les messages de l‟exposition). Mais ce sont les groupes qui acceptent ou identifient l‟enchaînement des arguments et des prémisses (le visiteur, lecteur ou public).

Nonobstant, il n‟est pas facile d‟identifier les processus idéologiques du sens parce que ce sont les intérêts et les différentes formes sociales qui conforment les suites logiques discursives. Donc, même s‟il n‟y a pas une seule logique universelle mais des discours qui représentent le monde à partir d‟une série d‟arguments déjà existants, l‟élaboration des prémisses dominantes dans le réel ne se fait pas sans conséquences parce qu‟il y a toujours des prémisses qui s‟imposent sur d‟autres moins privilégiées, moins puissantes et moins dominantes. Le problème est que les prémisses dominantes ont produit des connotations quasi-permanentes dans la culture et la société. Ces connotations, qui se sont construites et qui restent pendant longtemps dans la structure profonde des sociétés, contribuent à la construction des images, des figures, et des dénotations298 qui garantissent la continuité hégémonique des idéologies. La dénotation dominante d‟un concept, d‟une image, d‟une réalité donnée, ramène parfois à la construction des préjugés, à l‟interprétation erronée et péjorative qui est souvent fondée sur des fausses idées préconçues299. D‟après cette explication, il est évident que pour Stuart Hall300 :

« La spécificité des institutions médiatiques repose donc précisément dans la manière dont une pratique

sociale est organisée pour produire un produit symbolique. Construire ce discours plutôt que

298 La “dénotation” en linguistique est ce qui caractérise objectivement un mot, c‟est l‟élément permanent du concept.

http://dictionnaire.reverso.net/francais-definition/denotation

299 Stuart Hall donne un exemple clair de ce que nous venons de dire. Il explique que la catégorie « Noir », a été longtemps associé à la figure du mépris à cause de l‟esclavage, de la domination ou de la peur de l‟autre. Selon Hall, les médias ont contribué à la répétition et prolongation des axiomes qui lient la figure du « Noir » au mépris, au rejet, à la laideur, à la criminalité au lieu de voir dans cette catégorie une lecture possitive comme celle de « Noir comme beau, forte, cordial, amicale ». C‟est dans ce champ que se livre la bataille pour la construction des significations. Gramsci appelera ça : « la lutte du sens ». HALL, Stuart. “La redécouverte de l‟idéologie,

Op.Cit., pp. 159.

300 « L‟élaboration de l‟idéologie trouve dans le langage sa sphère propre et privilégié

celui-là nécessite le choix spécifique de certains

moyens (sélection) et leur articulation à travers la pratique de production du sens (combinaison)… Toutefois, la signification diffère en réalité des autres processus de travail moderne, précisément parce que le produit de cette pratique sociale est un objet discursif. Ce qui la différencie donc en tant que pratique, c‟est précisément l‟articulation

d‟éléments sociaux et d‟éléments symboliques301 ».

Les musées exercent également une pratique sociale : la production du sens. Dans leur pratique de producteurs de récits, les musées à l‟instar des médias, véhiculent des significations particulières qui se concrétisent dans un discours. C‟est à partir de la construction des récits, à partir des choix, des découpages et de la mise en scène d‟un discours qu‟ils légitiment et privilégient les processus idéologiques. En effet, les idéologies sont la sphère d‟opération des médias et des institutions. Ils sont les appareils où se produisent et se diffusent les messages. Ils sont le lieu où les idées « sont

articulées, élaborées, travaillées, transformées »302. Le pouvoir que possèdent

les médias et les institutions muséales à travers l‟observation, l‟interprétation et la manifestation publiques des messages ; le pouvoir qu‟ils exercent dans la façon par laquelle ils ordonnent et représentent les choses, est lié évidemment à lutte pour la construction du sens et la signification. Cette lutte est en même temps un « combat » pour le contrôle de l‟hégémonie, de la représentation et de l‟interprétation qui contribuent à la construction sociale de la réalité303.