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Remarques finales

2. LES ORIGINES ET LE DEVELOPPEMENT DU MUSÉE

2.3 La construction du patrimoine

Les dix-septième et dix-huitième siècles suivent l‟esprit architectural de la Renaissance. La construction des villas, des châteaux, des bâtiments publics et d‟ensembles monumentaux s‟est réalisée à partir de la commande des aristocrates, mais aussi sous la commande publique des états, tant en Europe

90 GOB, A. et DROGUET, N. Op.Cit., p. 24.

91 TURNER, Gerard. “The cabinet of experimental philosophie”, dans Impey, O et Macgregor, A. The Origins of Museums,House of Stratus, 2001. pp. 295 (Notre traduction)

92 GOB, A. et DROGUET, N. Op.Cit., p. 24.

qu‟aux États-Unis94. D‟après Michaela Giebelhausen, le fait que les musées soient construits à l‟instar de l‟architecture de style classique, à l‟image de la Grèce antique, n‟est pas sans importance, parce que l‟architecture est le facteur déterminant pour la compréhension contemporaine du musée. Selon la spécialiste:

« […] l‟architecture est le musée : c‟est précisément la configuration architecturale qui donne le sens au musée. L‟architecture détermine les conditions du regard, si bien au niveau conceptuel qu‟au niveau physique. Elle entoure non seulement les expositions

mais modèle aussi l „expérience de notre visite95».

Si l‟architecture joue un rôle capital pour la consolidation du musée, c‟est en raison de son inscription à la Cité, au territoire, au patrimoine et à l‟invention identitaire de l‟Occident. En effet, entre le septième et le dix-neuvième siècle, apparaît le besoin de raconter l‟histoire et de représenter le passé96. La transformation d‟une société traditionnelle vers une société de plus en plus industrielle a conduit à des changements importants en termes économiques mais aussi politiques :

« À la fin du XVIIIe siècle, la crise des systèmes de

l‟Ancien Régime aboutit aux révolutions politiques et aux indépendances. Les villes croissent et se transforment, les productions et les métiers vont être bientôt dominés par le capitalisme industriel et les

techniques du machinisme97».

Les changements de cette époque se sont traduits par une

réorganisation des biens et des propriétés patrimoniales. Nous le voyons d‟abord avec le Ashmolean Museum à Oxford en 1683 et puis avec le British

94 POULOT, D. Histoire de l‟architecture, PUF, France, août 2010, p. 96.

95 GIEBELHAUSEN, Michaela. «The architecture is the museum», dans New Museum

Theory and Practice, An Introduction, Edited by Janet Marstine, Blackwell

Publishing, USA, UK, 2006, p. 42 (Notre traduction de l‟anglais).

96 Voir l‟explication sur “Le premier musée d‟histoire nationale” dans POULOT, Dominique. « Le patrimoine et les aventures de la modernité », Patrimoine et

modernité, L‟Harmattan, 1998, pp. 33.

Museum en 1753. En France, le Musée du Louvre naît à partir de la Révolution

française en 1789. Le principe était de rendre publique les collections royales et privées :

« La spécificité du musée français, par rapport aux autres pays européens, tiens à ses origines révolutionnaires. Sa construction repose sur la confiscation des biens du clergé puis des émigrés, sur la nationalisation des anciennes collections royales et

sur les conquêtes militaires98 ».

De cette manière, les richesses des élites européennes deviennent des musées publics et les palais qui symbolisaient par excellence la tyrannie Ŕ comme Versailles - sont préservés pour devenir temples de la culture99. Mais nous ne cherchons pas ici à montrer les singularités historiques, administratives, politiques ou les contextes qui ont conduit les transformations particulières des institutions muséales. Les travaux minutieux de Dominique Poulot sur les musées en France et en Occident 100 et ceux de Gérard Monnier101 sur l‟évolution des institutions en France rendent compte de cette histoire qui est liée à la mémoire, au patrimoine et à la construction des monuments en Europe. En effet, avec l‟apparition de plus en plus fréquente de nombreuses institutions muséales, il devient difficile de penser le musée en tant qu‟un ensemble matériel :

« Saisir les musées comme ensembles matériels et, indissolublement, comme savoirs, valeurs et régimes du sens permet d‟éviter la téléologie à laquelle succombent maintes compilations rétrospectives

98 POULOT, Dominique. Une histoire des musées de France, XVIII e – XX e siècle,

Éditions La Découverte, France, 2008, p. 7

99 Ibidem, Voir chapitre : “Le musée d‟histoire nationale, un dispositif partisan ?”.

100 POULOT, Dominique. Une histoire du patrimoine en Occident, XVIIIe-XXIe

siècle, Presses Universitaires de France, Paris, 2006.

101 MONNIER, Gérard. L‟art et ses institutions en France. De la Révolution à nos

d‟établissements, censées déboucher logiquement sur

leur configuration contemporaine102 ».

Pour connaître les enjeux et l‟évolution de chaque établissement muséal, il existe la sociogenèse des musées, discipline chargée d‟expliquer les transformations de chaque institution et son empreinte dans le temps. Ces études micro historiques des musées permettent de rendre compte de la mutation et des périples de chaque collection et de chaque institution muséale en particulière. Mais le fait de penser la figure du musée dans son acception générale, c‟est-à-dire en tant que figure institutionnelle d‟analyse, conduit aux problématiques propres aux études culturelles des musées (museum studies). Cette thèse est inscrite dans cette logique. En effet, les études culturelles des musées cherchent à comprendre les musées en tant qu‟ensembles matériels, et en tant que régimes de production du sens et de significations. Mais avant de passer à une réflexion de cet ordre, voyons certains points capitaux qui ont contribué à la construction de la figure muséale durant les deux derniers siècles.