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Notion de Taux de Croissance des Bénéfices (PEG)

Introduction aux éléments comptables

Le cours des actions est sensé être corrélé aux fondamentaux des entreprises, c'est une vision rassurante car supposée logique et à la base du raisonnement de toute une partie de la communauté de la finance, celle des fondamentalistes. En fait, et vous l'avez sûrement observé, il n'y a au mieux qu'une relation (fort) indirecte entre les deux. Si la relation était aussi évidente, ce serait relativement simple de calculer une juste valeur de marché pour une action donnée, mais les fondamentaux ne sont que l'un des points de départ dans l'estimation de la valeur d'un titre. Un point de départ qui est au demeurant fort vite oublié dans le feu de l'action du marché, qu'il soit excessivement optimiste ou excessivement pessimiste, ce qu'il ne manque jamais d'être. Il est intéressant toutefois d'analyser la manière dont l'industrie de la finance arrive à recommander à l'achat des titres dont les PER sont de 200 et plus, et de voir comment on passe ainsi des éléments comptables supposés fiables (encore qu'après ENRON….), aux mirages proposés par les courtiers, analystes et autres experts.

Les schémas comptables de base sont fort simples (Lefebvre, 2000). Le bilan (i.e. "Book Value"), est une representation de l'actif (emplois) et du passif (ressources). Les emplois comprennent l'actif immobilisé, l'actif circulant et les régularisations alors que les ressources comprennent les capitaux propres, les provisions et les dettes. En simplifiant on peut retenir que:

Actif = Dettes + Capitaux_propres ou encore,

Capitaux_propres (Equity) = Actif (Assets) - Dettes (Liabilities)

Cette formule élémentaire est à la base du bilan d'une entreprise, en retirant les dettes de l'actif on connait la valeur "matérielle" de l'entreprise, ce que les Anglo-saxons appellent la "book value", qui est une mesure statique permettant en un sens de connaître ce que les actionnaires se répartiraient en cas de liquidation (pour autant qu'il n'y ait pas de créanciers plus prioritaires…). Ce compte de bilan ne nous dit rien de la capacité de l'entreprise à générer des profits et encore moins de son business.

Pour ce faire existe un autre document comptable, dit le compte de résultat:

Produits (Revenue) - Charges (Expenses) = Résultat (Net Income or Loss)

Il convient de comprendre que le compte de résultat est influencé par les opérations provenant de l'activité normale de l'entreprise, par les opérations exceptionnelles, et par des éléments favorables ou défavorables antérieurs qui viennent changer ce résultat, Résultat qui sera la variation des capitaux propres de l'exercice. Ce résultat mesure la performance de l'entreprise sur une période déterminée, i.e. l'exercice. Wall Street, comme toutes les bourses et les boursiers et analystes font référence au résultat sous le terme impropre de bénéfices (i.e. earnings) On retiendra que le compte de résultat est un document d'ordre économique et que le bilan est un document d'ordre financier.

A partir de là, les analystes s'intéressent au ratio P/E précédemment exposée. Quand on divise le cours d'un titre par le bénéfice (au sens impropre où nous l'entendons) par action, nous obtenons le ratio P/E ou PER. Ainsi si une société se traite à 100 $ l'action et qu'elle affiche un résultat de 5 $ par titre, 100 / 5 donne un P/E de 20, qui est aussi un multiple en ce sens ou cette société se traite à un multiple de 20 fois ses bénéfices (on peut réfléchir aussi en termes de nombres d'années pour recouvrer son investissement si tous les bénéfices étaient distribués sous forme de dividendes…). Si vous réflechissez de cette manière et avec un PER de 20 (si tout est distribué…), il vous faudra 20 ans pour doubler la mise (100% de gains), alors que cela ne prendre que 12 ans si vous l'investissez sur une obligation ayant un rendement de 6% !

Vous commencez à vous poser des questions, vous vous demandez si cela a un sens d'acheter ce type de titre avec un PER de 20, et c'est fort justifié… ne parlons pas des titres ayant un PER de 200 ! Quel peut donc être le sens d'aller investir dans des titres dont le PER est de 20 (ce qui mettrait le S&P 500 à seulement 800 pts), alors que vous pouvez le placer sans risque sur le marché obligataire dans de bien meilleures conditions ? Cela peut avoir un sens, et ce uniquement dans ce cas, si l'on parvient à vous convaincre que vous êtes à l'aulne d'une progression majeure de l'entreprise qui va faire, qu'explosant sur son marché, les bénéfices vont être multipliés par, 5 par 10, par autant que de nécessaire pour vous convaincre d'acheter ! Bien sûr votre situation est très différente de celle de Warren Buffet, car losqu'il achète, ce n'est pas 100 titres mais la totalité de la société, ce qui lui en donne le contrôle. Il peut alors décider de ce qu'il va faire des bénéfices, les réinvestir dans l'entreprise, les distribuer, et si oui de quelle manière, etc. alors qu'en qualité de petit actionnaire, rien de tout cela ne vous sera permis !

Retombons sur Terre !

En attendant d'être Warren Buffet ou François Pinault, vous n'avez que 100 titres de l'entreprise et vous ne controlez rien du tout. Cependant, tout est fait pour vous laisser penser que vous et vos quelques titres, avez bien un pouvoir réel, on vous envoie les rapports annuels, et vous êtes sensé voter aux assemblées générales d'actionnaires. Notez bien que si le résultat ne convient pas aux grands manitous, ils iront jusqu'à dire que les votes ont été piratés, et reconvonqueront une assemblée, histoire de précipiter le cours dans les abysses un peu plus rapidement s'il en était besoin. Il est dommage que quand vous soyiez vendeur à découvert, l'on ne vous envoie pas les mêmes documents, comme le faisait remarquer avec une savoureuse ironie Jessie Livermore il y a presque un siècle !

Bien, revenons en à nos bénéfices; Les dirigeants ont un choix cornélien entre réinvestir ces résultats dans l'entreprise, à considérer dans ce cas qu'ils seront en mesure de faire croître l'entreprise assez vite pour que les gains qui vous ont été préemptés se retrouvent au moins dans la valeur accrue à terme de l'entreprise (si les investissement faits avec votre argent se sont avérés judicieux), ou les distribuer et dans ce cas avec quel taux de distribution. En pratique, seule une partie des bénéfices sont distribués sous forme de dividende, et vous espérez que la croissance des bénéfices s'accompagnera d'une valorisation des titres sur le marché. Mais il est important de bien comprendre que ce n'est qu'un espoir, car il n'existe aucune corrélation stricte entre ces bénéfices et le cours du titre qui peut être influencé par de multiples autres facteurs. Il peut même être vrai que le titre soit une remarquable affaire à ce prix, mais à moins encore une fois d'être Warren Buffet, et de pouvoir attendre des décennies que le marché vous donne raison, il n'est pas très intéressant pour un trader d'être assis sur un titre excellent, quand vous êtes le seul à le savoir ! Ce que vous espérez en qualité de trader, c'est que le titre bouge dans un sens comme dans un autre mais qu'il bouge.

Mais revenons à notre petit investisseur, et aux raisons qui vont faire qu'un PER de 200 n'est ni une bonne justification d'achat pour lui (vous vous en doutez déjà), ni une bonne raison pour vendre à découvert pour vous, le trader ! Nous dirons que les faits sont sacrés et que les interprétations sont libres. Les faits, ce sont les derniers bénéfices connus et le cours de l'action, celui qui se traite sur le marché. Les interprétations, ce sont les projections des analystes, sur la base des anticipations de bénéfices, des perspectives de la société, de ses marchés, de son secteur industriel, etc., le tout bien proprement ficelé dans ce que l'on appelle de la recherche fondementale sur la société. Ce n'est pas de la recherche, ce sont de pures spéculations sur le futur, et l'expérience montre que ces spéculations là, regardent bien plus souvent dans le rétroviseur, qu'au travers du pare-brise ce qui vous arrive droit dans la figure ! Si vous n'en êtes pas convaincus, pensez au sommet de la bulle internet ou aux recommandations des experts (devons nous les nommer ?) qui vous disaient d'acheter tant que vous le pouviez de l'ENRON, quand il côtait encore 35 $, "still the best of the best" et qu'il fonçait droit vers la radiation !

Pour retomber sur Terre, nous vous proposons une illustration tirée du site decisionpoint et adaptée. Ce graphe représente le S&P 500 depuis 1970, et affiche en même temps la valeur que le S&P 500 aurait si le PER moyen de l'indice était de 20 (en rouge), de 15 (en bleu), de 10 (en vert). Si le graphe était en échelle semilogarithmique, on verrait alors apparaître deux bandes (i.e. correspondant aux PER à 20 et 10). La valeur du milieu de bande pourrait pour le S&P500 se calculer de la même façon que ce qui a été fait pour essayer de déterminer la valeur raisonnable du Dow sur une base historique dans le paragraphe Dow 36.000 (valorisation fondée sur les flux futurs). En regardant ce graphe, on comprend mieux pourquoi Warren Buffet nous dit que les actions n'était pas chères en 1974 (PER < 10) et pourquoi aujourd'hui, même après un marché baissier de deux ans, un véritable fondamentaliste a du mal à s'enthousiasmer pour le niveau des cours…

En fait, et vous vous en souvenez, un PER de 20 ne peut se justifier sur un titre, pour un achat en qualité d'investisseur, que si les perspectives de l'entreprise sont suffisamment mirifiques pour que les bénéfices soit multipliés par un facteur très significatif, e.g. 5 ou 10 !, Sinon mieux vaut se placer sur de l'obligataire à 6%. Mais là, il ne s'agit pas d'une entreprise en particulier, mais de "corporate america", qui dans son ensemble doit offrir ces fantastiques perspectives. De plus, comme vous le voyez sur le graphe, le PER n'est pas de 20 mais de 35 !!! alors dans ce cas il faut inventer quelque chose pour faire acheter les gens, trouver une logique contorsionnée pour justifier de tels niveaux de cours, et laisser espérer les investisseurs que cela ne peut encore que monter. Le trader vous dira que si cela peut encore parfaitement monter (n'allez pas shorter des fusées), ce ne sont sûrement plus les fondamentaux qui justifient telle folie, mais tout simplement la loi de l'offre et dela demande, la loi des tulipes !

Figure 16: Le S&P 500 et les PERs historiques de référence correspondants. Il y a plusieurs raisons qui font que la discussion est significativement plus compliquée.

La première est qu'une période de récession peut anihiler les bénéfices des sociétés et engendrer des PERs qui n'ont plus de sens ou qui deviennent astronomiquement élevés ou négatifs. Ils ne veulent plus rien dire, et raisonner au cours de ces périodes sur les seuls PERs est totalement hasardeux, car les bénéfices réapparaissent à la sortie des récessions, et peuvent très rapidement faire passer de PERs détestables à des PERs beaucoup plus favorables. Le modèle est satisfaisant en régime établi, sa signification lors d'instabilité majeure devient relative. La seconde est qu'il n'y a qu'une relation fort indirecte entre le cours d'une action et les bénéfices de la société. Naturellement tout est fait pour vous faire penser le contraire. Parvenir à vous convaincre du contraire est fondamental pour vous faire acheter sur une base supposée rationnelle. Ce que l'on cherche à vous faire croire, c'est d'une part que si les fondamentaux sont de nature à justifier le prix que vous allez payer, ces fondamentaux n'ayant aucune raison de se détériorer, vous avez payé un juste prix pour une juste fondation, et d'autre part que lorsque les fondamentaux vont encore s'améliorer (ils ne peuvent faire que cela), le cours de l'action va monter corrélativement. Rien de tout cela n'est vrai, et sur des périodes de quelques mois, sans que les fondamentaux ni le business d'une entreprise ne change grandement, les cours des actions sont fréquemment multipliés par deux ou… divisés par deux ! La réalité est tout simple, les cours montent quand la demande est supérieure à l'offre, qu'elle qu'en soit les multiples raisons, et inversement, sans que tout cela n'ait grand chose à voir avec les fondamentaux de l'entreprise. Si l'on veut gagner de l'argent, il faut être dans le mouvement, dans la tendance,

acheter ce qui monte parce que les gens pensent que cela doit monter (qu'elles qu'en soient les raisons) et vendre ce dont ils pensent que cela doit baisser, ce que notre système expert TExSOL® fait fort bien.

La réalité est simple, quand un marché présente un PER de moins de 10, il est sous-évalué et quand il présente un PER de plus de 20 il est surévalué. Fallait-il rater tout le mouvement haussier depuis fin 1994, sous prétexte que le marché montrait un déjà un PER de plus de 20 au début de 1994. Sûrement pas, mais il ne faut pas se raconter des histoires, quand on achète un marché surévalué, quand on achète des titres avec des PERs de 200, c'est parce qu'ils montent et pas parce que ce sont de bonnes affaires sur un plan fondamental. Et quand on souffle pour aider à gonfler la bulle, il ne faut pas oublier en qualité de trader de retourner la veste, car plus haut sera le sommet, plus rude sera la chûte. Enfin, l'investisseur doit aussi savoir qu'acheter des titres présentant des PER de moins de 10 ne les empêche pas de chûter de moitié, ce qui leur laisse un PER de 5 qui permet encore de très belles baisses ! Rien ne sert d'avoir un tas de titre au fond d'un portefeuille qui ne sont pas chers, mais dont on est bien le seul à les vouloir.

Reste à savoir comment on peut convaincre de petits investisseurs d'acheter des titres avec des PERs de 200, vous vous souvenez de la phase de distribution de Charles Dow, telle qu'il l'avait décrite ? La réponse est simple, cela s'appelle la notion de taux de croissance des bénéfices, le Projected Earning Growth, le PEG, la tarte à la crème qui va vous coûter cher comme nous allons le voir maintenant.

Le PEG ou comment croire au Père Noël

Le Projected Earning growth, projection de croissance des bénéfices, est la baguette magique qui va permettre aux plus magiciens des fondamentalistes de vous convaincre - ou d'essayer - d'acheter des titres ayant des PERs de 200. Si les bénéfices actuels, ni les futurs anticipés à relativement court terme ne suffisent plus, il faut bien trouver autre chose pour soutenir les cours, ce seront les projections de croissance (décroissance ?). Et comme nous aimons bien une rationnalisation de nos attentes, et que le grand public dans son ensemble veut voir les marchés financiers monter, le PEG apparaît alors comme une bonne rationnalisation.

Le fait que les PERs soient anormalement élévés d'un point de vue historique n'a pas été l'avènement d'un nouveau paradigme de société ou d'économie, mais tout simplement comme l'avait bien noté (Swenson, 1999) dans ses analyses techniques, la mise en évidence d'un niveau de risque exceptionnellement élevé.

Bien sûr, quand on regarde le marché avec les yeux d'un analyste technique on a aussi tendance, comme tous les êtres humains, à vouloir y trouver ce que l'on y recherche. C'est l'une des erreurs les plus classiques commises et soulignées par les plus grands traders que de penser que le marché doit faire quelque chose et que de ne pas correctement réagir s'il fait naturellement autre chose. Il est beaucoup plus constructif de se dire que l'on ne sait pas ce qu'il va faire, de se contenter d'observer ce qu'il fait et d'agir en conséquence.

Naturellement, inutile de dire de dire aux gens dont les portefeuilles sont massacrés après deux ans de marché baissier, que le PEG ne devait pas être une très bonne idée, ni une notion très pertinente. La leçon est qu'il faut rester sur Terre, savoir qu'un titre présentant un PER de plus de 20 ne sera jamais un bon investissement sur une base fondamentale, surtout s'il est consommateur de capitaux, mais qu'il peut constituer un trader remarquable s'il monte jusqu'à 200. Quant à un marché qui a un PER de 35, inutile d'être grand savant pour comprendre qu'il est promis à une phase de réajustement…

Ces choses étant dites, tous les trades sont permis, pour autant que l'on soit du bon côté du trade. TExSOL® est là pour ça.