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Un veil adage à Wall Street dit que lorsqu'un taureau apparaît sur la couverture d'un magazine il est grandement temps de vendre ses actions et de se mettre à l'abri. Cependant, au cours des 17 années écoulées, le DJIA a cru de 1300% pour atteindre 11.000, ce malgré tous les taureaux qui ont été publiés en couverture des magazines, qu'il s'agisse de Business Week ou autres. C'est probablement ce genre d'observation qui conduit Glassman et Hassett à dire que le Dow Jones n'est non seulement pas surévalué à son niveau de 11.000 mais qu'il vaut 36.000 ! Naturellement, une telle assertion est intéressante dans ce qu'elle révèle des hypothèses faites pour les modèles de valorisation fondés sur des méthodes fondamentales, quelles qu'elles soient. En fait l'essentiel du débat, tient au niveau raisonnable fixé à la prime de risque pour la détention des actions, sachant qu'elle a une tendance historique à baisser pour diverses raisons supposées (Heaton et al., 1999) à juste titre ou non. Naturellement, l'hypothèse, selon laquelle la détention d'actions n'est pas plus risquée que celle d'autres actifs sur le très long terme, tient beaucoup aux travaux de Jeremy Siegel précédemment cité, mais aura du mal à prendre sens pour un investisseur moyen compte tenu de sa durée de vie effective en sa qualité d'investisseur (très inférieure à sa vie réelle) et aux conditions qu'il y rencontrera et qui pourront faire montre d'une grande inéquité suivant les périodes !

Rajesh Aggarwal porte un regard critique intéressant sur la conjecture de Glassman et Hassett qui rejoint celui de nombreux autres observateurs en acceptant la méthode classique de valorisation utilisée reposant sur les flux à venir (i.e. discounted cashflow) mais en rejetant l'assertion selon laquelle le marché finirait par considérer les actions comme des actifs pas plus risqués que les bons du trésor. Il est vrai que les deux dernières années auront surement tempéré l'optimisme des plus audacieux.

Le Dow de 1982 à 1999 a progressé à un ryhtme annualisé de 16,6% ce qui est très supérieur à sa pente historique plus proche de 12% (Figure 14). Pour mesurer la progression d'un actif entre une date t0 et t0+dt correspondant à un cours Ct0 à la date t0 et Ct0+dt à la date t0+dt sur un nombre d'années dt, la formule suivante - très commode et que l'on retrouve facilement - peut être utilisée:

Équation 1: Calcul du rendement en % pour un accroissement de cours C entre t0 et t0+dt. Nous utilisons ces méthodes graphiques pour mesurer la croissance des marchés, et pour en déduire des niveaux de valorisation à l'aide de TExSOL®. Il est clair que le marché semble progresser plus vite que la croissance des entreprises sous-jacentes, ce qui veut naturellement dire que soit le marché est surévalué, comme cela lui arrive périodiquement, soit qu'une modification dans les hypothèses de base qui président à la valorisation du marché est en train de survenir. Les fondamentalistes conclueront que le marché est surévalué sur la base des rendements offerts par les divendes servis en moyenne par les titres (1,51% pour le Dow qui est très inférieur à sa moyenne historique de 3-4%), et sur la base des PER ou P/E (Price/Earnings), i.e. ratio Cours / Bénéfices qui sont aux environ de 26 pour une moyenne historique de 12, situant la "vraie valeur" du Dow vers les 5.000. Glassman et Hassett font eux le pari que les hypothèses de base servant à la valorisation du marché sont en train de changer. En particulier ils avancent que la perception par le marché du risque encourru à détenir des actions évolue favorablement. Voyons tout d'abord comment il est possible de projeter une valeur pour le Dow à l'aide d'un modèle simple qui se fonde sur une croissance constante.

Valeur du Dow = FFF / (r - g)

Équation 2: Valorisation fondée sur les flux financiers futurs.

Où FFF sont les Flux Financiers Futurs (pour lesquels les bénéfices sont considérés être une approximation), r est le taux servi pour les dépôts monétaires (i.e. coût du capital), et où g est le taux de croissance des FFF (environ 5 % qui correspond à celui de l'économie en général en toutes hypothèses). Les FFF sont les flux futurs des entreprises du Dow et à 9000 avec un P/E de 25 cela donne des bénéfices de 360 $

                 

dt dt Ct C Log t

R

0 0

10

%

Le côut du capital peut être calculé par un modèle simple qui est : r = rf + b (rm – rf ) Équation 3: Coût du Capital.

où rf est le taux servi sans risque par les obligations du Trésor (6% au moment du calcul), rm est le rendement attendu du marché dans son ensemble et b mesure la covariance du rendement du Dow vis à vis du rendement du marché en général. Pour simplifier nous considèrerons le Dow comme représentatif du marché (mais en restant raisonnable) et prendrons comme nous l'avons vu 12% pour rm avec b égal à 1.

Nous obtiendrons ainsi un coût du capital de r = 6% + (1 )(12% - 6%) = 12%, ce qui combiné avec le niveau des bénéfices des valeurs du Dow et un taux de croissance projetée long terme de 5% donne une valeur théorique pour le Dow de :

Valeur du Dow = 360/(12% - 5%) = 5.143

Qui est consistante avec les niveaux de PER historiques mais aussi avec le niveau moyen de valorisation graphique que l'on peut déduire des tracés de canaux long terme sur une représentation semi-log du DJIA (Figure 13).

En fait l'argument de Glassman et Hassett repose sur l'assertion que le rendement attendu du marché devrait converger vers 6% (et non 12%) au fur et à mesure que la perception se fera que la détention d'actions n'est plus risquée sur le très long terme que celle d'obligations du Trésor, pour autant que l'on respecte certaines règles de diversifications, ce que la majorité des fonds d'investissements qui servent de véhicules au grand public font. Dans ce cas le côut du capital devient be r = 6% + 1 (6% - 6%) = 6% et la valeur qui s'en déduit sur le Dow serait alors de :

Valeur du Dow = 360/(6% - 5%) = 36.000

Cette modification de la perception du risque - et la diminution corrélative de rm - et de ses conséquences en termes de niveau de valorisation du marché, au travers entre autre de la diversification des portefeuilles, est également avancée par (Heaton et al., 1999) dans " Stock Prices and Fundamentals" comme justification possible des niveaux atteints en mars 2000.

Cependant, allez donc dire aujourd'hui, après deux ans d'un marché "bear" dévastateur, aux détenteurs de titres technologiques et ce au mieux pour les valeurs qui n'ont pas fait faillite encore, que la détention d'actions n'est pas plus risquée que celle des obligations du Trésor ! Cette vision, qui s'inspire de raisonnements qui à l'échelle de la vie d'un investisseur n'ont pas trop de sens, a néanmoins le mérite de donner quelques pistes d'explication aux très grandes divergences d'approche dans les méthodes de valorisation fondamentale du marché. Quand un marché peut raisonnablement, ou du moins sur la base d'hypothèses que l'on peut au moins discuter, être évalué entre 5143 et 36000 il est clair que ce genre d'approche, aussi intéressante puisse elle être intellectuellement ne sera pas d'un grand secours pour l'opérateur cherchant un point d'entrée ou de sortie sur un tel marché !