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INTRODUCTION PARTIELLE

1. L’INSTITUTION DES MFR : UN DISPOSITIF DU SYSTEME EDUCATIF FRANÇAIS

1.2. Aujourd’hui : un dispositif 41 singulier

1.2.3. Un mouvement de l’éducation nouvelle

La fin du dix-neuvième siècle et plus de la moitié du siècle suivant voient l’essor des courants de l’Education nouvelle. Sans en développer l’histoire, les protagonistes, les fondements ou encore l’évolution, repérer en quoi l’institution des MFR s’est inspirée et a tiré profit des conceptions et des expériences de cet important paradigme s’avère nécessaire pour au moins trois raisons. Tout d’abord, l’émergence et le développement de l’institution se situent au cœur de l’une des pé- riodes clés de l’Education nouvelle : l’entre-deux-guerres. De plus, la mise au point et les pre- mières théorisations de la démarche d’apprentissage de la pédagogie de l’alternance des MFR ont fait l’objet de travaux dans les années 1950 avec l’aide et les précieux conseils de R. COUSI- NET64 (D. CHARTIER, 1986, p. 176). Enfin, l’Education nouvelle peut être considérée comme une réponse pédagogique à la question des différences entre les élèves (J. HOUSSAYE, 2014, p. 42). Se référant aux travaux de H. BOUCHET, l’auteur rappelle les quatre causes pouvant expliquer l’émergence de l’Education nouvelle. La plus cruciale, qualifiée par cet auteur de sociologisme65, eu égard à la prédominance du social dans les pratiques pédagogiques au détriment et « au mé-

pris de l’individualisme, de sa valeur, de ses ressources et de ses droits » (ibid., pp. 42-43). Les

pédagogues porteurs de l’idée œuvrent tous pour combiner individualisation et conduite d’un groupe-classe.

64 R. COUSINET est l’un des artisans de l’Education nouvelle en France. Après avoir été instituteur, il devient inspecteur de

l’Education Nationale. Il met à profit cette fonction pour instaurer dans sa région la méthode active et pour expérimenter son principe de travail libre par groupes. A l’issue de la seconde guerre mondiale, alors en retraite, il devient professeur à La Sorbonne. En 1946, il crée avec F. CHATELAIN l'école nouvelle de la Source à Meudon, et l'association de l'École Nouvelle Française.

65 Les trois autres sont l’organisation administrative de l’école, le statut du baccalauréat et des principes idéologiques fon-

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Les années 1880 - 1890 sont marquées par l’avènement de la société industrielle. D’importants changements font que l’enfant n’est plus considéré comme insignifiant. Au contraire, il devient l’objet d’un intérêt visant à influencer voire à contrôler son devenir. La réforme est omnipré- sente ; elle oscille entre des préoccupations essentiellement socio-économiques et des visées plus humanistes fondées sur la suppression de toutes formes d’oppressions. La prégnance du premier axe invite au développement de pédagogies libertaires dans nombre de pays d’Europe. Certaines d’entre elles s’inscrivent dans le champ l’éducation et de l’Ecole nouvelle66 organisée pour l’enfant. L’idée directrice réside, pour l’essentiel, sur deux principes (M-A. BLOCH, 1968, pp. 27-29). Il est vain de proposer à l’enfant tout ce qui ne répond pas à un besoin ou qui ne corres- pond pas à un intérêt ou encore qui ne coïncide pas avec son stade de développement. De plus, le travail n’a de portée éducative s’il n’amène pas l’enfant à résoudre ses propres problèmes. En 1899, A. FERRIERE crée un bureau international des écoles nouvelles et propose quelques an- nées plus tard un programme commun en trente points. Deux décennies plus tard est mise en place une ligue internationale de l’Education nouvelle dont la déclinaison en France est une as- sociation, la nouvelle Education, créée en 1922 par R. COUSINET.

R. COUSINET et F. CHATELAIN (1969) retiennent dix points clés ou conseils pour des éducateurs se réclamant de l’Education nouvelle. Leur prise en compte couplée avec le programme commun défini par A. FERRIERE aide à repérer les influences de l’Education nouvelle dans les orientations éducatives et les fondements pédagogiques des MFR. Dans le programme commun, la plupart des points listés peuvent être considérés comme des composantes ou des caractéristiques de la méthode des MFR. Parmi les plus significatifs, on peut retenir une pédagogie pratique centrée sur l’activité personnelle des enfants, le travail individuel de recherche, le travail collectif, l’internat, l’implantation en zone rurale, les voyages. Les conseils de R. COUSINET et F. CHATE- LAIN peuvent être mis en parallèle avec les éléments de la disposition et de l’offre de significa- tions présentés plus haut.

Dix conseils/postulats de l’Education Nouvelle

La disposition et l’offre de significations du dispositif des MFR

Avoir une vision juste de l’enfant

Une ambition : faire en sorte que chaque femme et chaque homme réus- sissent non seulement son développement intellectuel ou ses activités professionnelles mais également réussissent sa vie personnelle, familiale, culturelle ou sociale

Un moyen : postuler l’unicité et la singularité de la personne Mobiliser l’activité de

l’enfant

L’amorce : l’élève apprend en faisant. Il est obligé de s’impliquer d’autant plus que l’organisation de la formation favorise l’interrogation, la réflexion, la remise en cause.

Etre un entraîneur et Une ressource : les formateurs ne sont pas seulement des enseignants

66 On en compte dix-neuf en 1910 et près d’une quarantaine à la veille de la seconde guerre mondiale (J.P JUILLIEN, petite

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Dix conseils/postulats de l’Education Nouvelle

La disposition et l’offre de significations du dispositif des MFR

non un « enseigneur » chargés de cours. Ils ont une fonction plus globale. Partir des intérêts pro-

fonds de l’enfant

Un moyen : l’accompagnement personnalisé doit permettre de mieux se connaître, se projeter et construire son avenir. Il doit aussi donner à chaque usager la chance de réussir par un accompagnement tout au long du parcours de formation et même au-delà.

Engager l’école en pleine vie

Un moyen : des associations ouvertes sur le monde. Faire de la classe une

vraie communauté en- fantine

Des moyens : des maisons à taille humaine où chacun est connu et reconnu représentent un espace éducatif devant contribuer à la formation globale de la personne. Les établissements sont des lieux de vie et de parole où chacun porte la responsabilité du mieux vivre ensemble.

L’internat comme une opportunité pour cultiver des relations, prendre du recul par rapport à ce qui se vit en entreprise, dans la famille.

Unir l’activité manuelle au travail de l’esprit

Deux lieux de formation : plus de la moitié du temps de la formation se passe en milieu professionnel… Les jeunes enchaînent deux semaines en entreprise après une semaine ou deux passées à la maison familiale. Développer chez

l’enfant les facultés créatrices,

Un moyen : permettre aux personnes en formation de mieux se connaître (découvrir ses atouts, ses talents, son potentiel créatif…)

Donner à chacun selon sa mesure,

Le processus d’accompagnement : écouter et accompagner les adolescents par un suivi personnalisé.

Remplacer la discipline extérieure par une dis- cipline intérieure libre- ment consentie

Une ambition : des postures éducatives à privilégier : faire confiance, éveil- ler la curiosité, favoriser l’engagement… et des valeurs morales à promou- voir telles que la responsabilité, la solidarité, l’initiative et l’engagement Un moyen : les établissements sont des lieux de vie et de parole où chacun porte la responsabilité du mieux vivre ensemble.

Tableau 1 – Les postulats de l’Education Nouvelle et la disposition du dispositif de formation des MFR

La confrontation des postulats de l’Education nouvelle avec la disposition et l’offre de significa- tions des MFR met aussi en évidence une correspondance reposant sur le projet institutionnel en termes d’intentions, d’objectifs et de moyens. Il est possible de relier la disposition à sept des dix postulats le plus souvent sur les moyens mobilisés. En revanche l’offre de significations, énon- çant des règles spécifiques à un dispositif par alternance, se retrouve seulement dans quatre postulats. Ces derniers constituent cependant les fondements clés de l’Education nouvelle du point de vue de l’apprenant (mobiliser son activité, unir l’activité manuelle au travail de l’esprit) et celui du formateur (être un entraîneur et non un « enseigneur », donner à chacun selon sa mesure). Pour le premier, la méthode vise à repérer et à mettre en jeu les intérêts intrinsèques immédiats (une activité manuelle, la réalisation d’une tâche, l’observation d’un objet ou d’un être vivant… ou médiats (une notion scientifique, une technique, un fait historique… expliquant, justifiant un intérêt). Pour le second, la posture éducative repose sur la création des conditions favorables à l’épanouissement des tendances supérieures (un comportement adapté, une atti- tude recherchée, l’adhésion à une valeur morale… aspects qu’on rendra possibles, en même temps et a fortiori, que l’inhibition des tendances inférieures (M.A BLOCH, 1969, p. 116). Cette approche constitue pour cet auteur l’idée essentielle de cette pédagogie nouvelle.

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Cette méthode et cette posture éducative se retrouvent dans le dispositif des MFR. En considé- rant le travail en situation réelle comme une source de réussite, de dynamique motivationnelle et comme un creuset d’apprentissages variés, l’institution développe une pédagogie de l’alternance dont l’intention première relève d’un projet d’éducation privilégiant le développe- ment intellectuel et de compétences socioprofessionnelles mais aussi la réussite de la vie per- sonnelle, familiale, culturelle ou sociale de l’alternant. Le moniteur de par sa fonction globale et plus largement l’équipe éducative en sont les opérateurs principaux, le maître de stage ou d’apprentissage et les parents des opérateurs associés. En somme, la pédagogie des MFR s’inscrit dans une conception minimaliste des compétences de l’école (G. AVANZINI, 1975, p. 368). Elle ne cherche pas à assurer, à elle seule, la totalité ou l’essentiel de l’éducation. Elle tente d’apporter une contribution à la fois complémentaire et spécifique67 de celle issue des milieux familial, social et professionnel.