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INTRODUCTION PARTIELLE

LES SAVOIRS LES COMPETENCES

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disciplines, le plan des évaluations et des contrôles… Il réunit et tente de concilier des logiques souvent contradictoires : logique du milieu socioprofessionnel, logique de formation, logique des référentiels disciplinaires notamment.

1.3.3. Le « huit » de l’alternance

La conception comme la mise en œuvre d’une formation par alternance nécessitent une organi- sation et des outils pédagogiques pour articuler les temps et les lieux de formation, pour asso- cier formation professionnelle et formation générale comme pour planifier l’ensemble des en- seignements nécessaires à l’apprentissage des différents savoirs. Avant d’en exposer les fonde- ments didactiques, rappelons brièvement sa genèse à l’aide de l’ouvrage d’A. DUFFAURE et J. ROBERT (1955).

1.3.3.1. De la monographie au cahier de l’exploitation familiale

Après une décennie consacrée à l’émergence de la première maison familiale, à la création d’environ soixante-dix autres, à l’accompagnement des différents groupes d’élèves, les respon- sables nationaux tentent de trouver une méthode pédagogique nouvelle susceptible d’appréhender autrement les programmes des écoles d’agriculture alors en vigueur et de com- penser le temps consacré à la réalisation des stages. En 1946, une expérience tente d’introduire une démarche d’élaboration d’une monographie d’un village par les alternants. En proposant aux élèves, la rédaction d’une étude complète et exhaustive d’un village, on pense pouvoir mobi- liser et travailler sur nombre de notions des disciplines générales pendant les temps de stage et pendant les sessions à la MFR. Ce faisant, l’essentiel du temps de formation formelle est consa- cré au programme d’étude technique. Au bout d’un an, l’expérience s’avère peu concluante ; les chercheurs ne savent pas notamment s’il faut étudier le village de la MFR ou celui de chaque élève. Ils décident de ne pas la reconduire.

La réflexion se poursuit et il est décidé de mettre à profit plus intensément l’alternance en n’enseignant plus la pratique agricole. Un tel choix génère de fait un nouveau problème : à quoi peut-on raccrocher les cours théoriques ? Sans appui, sans applications concrètes, il est fort pro- bable qu’il reste au stade de théories auquel les élèves auront du mal à donner du sens ? De ce questionnement émerge l’idée de réinvestir la notion de monographie en proposant à chaque alternant l’étude de l’exploitation familiale. Elle repose comme le précise A. DUFFAURE et J. RO- BERT (1955, p. 19) sur deux constats simples. Les jeunes peuvent trouver sur l’exploitation fami- liale :

« un puissant motif d’intérêt à l’étude de la théorie amorcée par leur pratique et des ob-

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des sujets de devoirs ou d’exercices relativement faciles à réaliser parce que reposant sur

des observations accessibles à chacun ».

C’est ainsi que la monographie de l’exploitation familiale devient un véritable lien entre les expé- riences des parents, des jeunes et les principes, les techniques du métier enseignés à la MFR. Son élaboration et sa structuration font l’objet d’un programme s’étalant sur les trois années que compte alors la formation. Les premières expériences mettent en évidence sa propension à susciter la réflexion. Cependant le terme de monographie85 questionne : sa connotation acadé- mique et surtout son sens s’avèrent inadaptés. Les études personnelles qui alimentent la mono- graphie ne peuvent pas prétendre à l’exhaustivité et encore moins aboutir à des conclusions définitives. Une étude tente essentiellement « de saisir et d’exprimer, à travers les problèmes qui

se posent incessamment au praticien, l’expérience et la pratique des personnes qui vivent sur la ferme » (ibid., p. 30). Le titre est donc revu et devient le cahier de l’exploitation familiale, appel-

lation moins prétentieuse et plus accessible aux jeunes comme à leurs parents. Ce cahier, avant de donner lieu à un produit fini « mis au net » (ibid., p. 88) par l’élève, nécessite un plan d’élaboration c’est-à-dire un outil devant accompagner l’exploration nécessaire à la réalisation de chacune des études de terrain. Intervient ici une autre découverte : le nécessaire guide de recherche et questionnement n’est pas élaboré par les moniteurs en l’absence des jeunes. Il est au contraire construit avec les alternants lors d’une séance pédagogique intitulée «cercle d’études». Devant guider la réalisation de l’investigation et la rédaction de l’étude, il est tout logiquement nommé « plan d’étude ».

1.3.3.2. Principe didactique

Visant à développer prioritairement une méthode inductive, le processus d’apprentissage par alternance a été pensé en trois temps. Un premier temps concerne le terrain socioprofessionnel pour le faire et/ou l’agir, pour l’acquisition de savoir-faire, de gestes, d’une expérience… pour de l’observation et l’analyse de situations… Un deuxième temps, vécu en centre de formation, in- vite les alternants à questionner les pratiques, les observations, les informations collectées… avant d’appréhender et d’étudier les notions techniques, technologiques, scientifiques… fon- dant, expliquant, argumentant, illustrant, critiquant… les pratiques réalisées et/ou observées.

85 Une monographie est une étude exhaustive portant sur un sujet précis et limité ou sur un personnage. On peut produire

des monographies biographiques, historiques, psychologiques, climatiques… (in www.cntrl.fr consulté le 20 septembre 2013). L’invention de la méthode monographique semble revenir à F. LE PLAY. Professeur à l’école des mines. Il étudie la société au travers de son unité de base : la famille. Ce travail donne lieu à la publication d’un premier ouvrage « les ouvriers européens » dont la deuxième partie est consacrée à l’étude et l’interprétation de trente-six monographies de familles (B-P. LECUYER, 1992, pp. 42-44). En pédagogie, la monographie est notamment un outil d’analyse de cas utilisé dans le cadre de groupes d’éducation thérapeutique de la pédagogie institutionnelle (A. VASQUEZ & F. OURY, 1973, pp. 254-255). Pendant une longue période, des mois voire des années, le maître consigne des incidents, des propos, des réactions… De cette masse documentaire est extrait « ce qui dit quelque chose » pour être lu au groupe. Ce dernier écoute ce qui est dit, essaie d’entendre ce qui ne l’est pas et réagit à des fins d’analyse et de compréhension.

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Cette phase de conceptualisation vise l’intégration de savoirs, de méthodes, de démarches pou- vant potentiellement, dans le troisième temps, être mise à l’épreuve du terrain, par l’action et de nouvelles expériences. Les trois temps rassemblés constituent une séquence d’alternance. Pour chacune des séquences, le processus d’apprentissage s’opère en six phases comme le montre la Figure 2 ci-dessous :

Figure 2 - le "huit" de l’alternance86

 la phase une, la pré-exploration, pour présenter le projet d’étude et construire avec le groupe d’alternants l’outil d’exploration,

 la phase deux, l’exploration, pour observer, collecter des données, « lire » le terrain, à l’aide de l’un outil d’exploration,

86 Cette schématisation a été pensée et proposée par C. GERARD. Dans un texte publié en 2006, l’auteur la mobilise pour

présenter une alternance qu’il qualifie d’interactivo-intégrative, en référence comme nous l’avons fait, à la définition de P. MERIEU. Il lui assigne huit stratégies actionnables guidées par deux grands courants. Le premier donne la primauté à l’expérience et active les processus bio-sociocognitifs. Le second, plus habituel, privilégie des démarches déductives et un outillage conceptuel (p. 10).

DECRISTALLISATION

EXPERIMENTATION

FORMALISATION