• Aucun résultat trouvé

DE L’OBJET FRONTIERE

4. LE REFERENTIEL PERSONNEL : UN OBJET MIS A L’EPREUVE

4.5. Agir et/ou comprendre sur, hors et dans l’action ou l’activité ?

4.5.3. Dans le champ de l’analyse de l’activité

L’activité regroupe, pour J-M BARBIER (2011, p. 25), l’ensemble des processus « par et dans les-

quels est engagé un être vivant, notamment un sujet humain, individuel ou collectif, dans ses rapports avec son environnement et les transformations de lui-même » qui en découlent.

L’activité est essentiellement une transformation du monde et une transformation du sujet agis- sant sur le monde. Elle est nécessairement située dans le temps et dans l’espace. Ses effets por- tent sur le monde global en affectant ses dimensions physique, sociale ou mentale, le plus fré- quemment les trois à la fois, du point de vue de l’auteur.

Cette première définition fournit un ensemble de repères que nous choisissons d’expliciter en nous intéressant à six principales caractéristiques définissant l’activité d’un sujet agissant dans une situation et un contexte donnés. L’activité est tout d’abord située et situante en permettant comme l’indique P. ASTIER (2003, p. 81) « de caractériser le contexte et l’occurrence singulière

dans laquelle le sujet est engagé afin de pouvoir agir, c’est-à-dire prendre en compte la singulari- té de l’instant sans l’effacer sous la généralité du modèle mais en s’y référant ». Dans cette pers-

pective, l’activité s’ancre dans une situation. Cette dernière est à la fois déterminée par le con- texte et créée par le jeu des acteurs (I. VINATIER, 2013, p. 35). Une situation est pour cette au- teure un ensemble d’objets, porteurs de propriétés, mis en relations. Elle peut comporter des acteurs, des enjeux, des obstacles, des outils et une « temporalité qui lui donne une dimension

« dramatique » faite d’épisodes, de crises et de dénouements».

- 195 -

La singularité de l’activité208 constitue une deuxième caractéristique ; elle découle de l’association de deux facteurs : le sujet et la situation à laquelle il est confronté. En effet dans l’activité un sujet n’est jamais présent de la même manière ; il est inévitablement affecté par son engagement dans le monde et par sa confrontation à un contexte donné. De plus, la situation prend le statut d’occurrence par sa façon singulière de faire émerger les éléments marquants du contexte ; ce dernier n’est de ce fait jamais le même car il porte des traces de ses propres évolu- tions comme celles de l’activité de l’homme sur lui (P. ASTIER, 2006, pp. 48-50). Cette dimension de singularité reste relative car deux autres facteurs participent à sa régulation. S’il est indé- niable qu’un sujet peut changer au fil du temps, ce changement s’opère sur une temporalité différente de son activité. De la même manière, les contextes évoluent selon une fréquence qui diffère de celle de l’activité du sujet (ibid., p. 49).

L’invariant représente la troisième caractéristique de l’activité et provient lui aussi du couplage sujet-situation. Il constitue, pour le sujet, une représentation opérative du monde pour agir c’est-à-dire sa représentation subjective d’un contexte, ses façons de l’appréhender et d’agir avec et en lui. I. VINATIER (2013, p. 39), travaillant sur des situations d’enseigne- ment/apprentissage, retient deux catégories d’invariants. Certains sont situationnels et corres- pondent à des caractéristiques du métier (des savoirs, des gestes). D’autres les invariants du sujet, véhiculent des traits opérationnels de l’identité de la personne. Cette façon d’appréhender le contexte et d’agir dépend aussi fortement d’une autre caractéristique de l’activité : la tâche. L’activité est liée à la tâche prescrite ou la tâche souhaitée/attendue. La tâche constitue une définition de l’activité, un « projet d’autrui sur le monde et sur le sujet » (P. ASTIER, 2006, p. 52). Appréhender et gérer cette articulation conduit le sujet à mobiliser deux catégories complémen- taires d’activités. Comme nous l’avons déjà mentionné, l’activité d’un sujet peut être, selon la théorie instrumentale de P. RABARDEL (1995, 2005, pp. 15-25) productive lorsqu’elle vise à transformer le réel et constructive quand le sujet tout en transformant le réel se transforme lui- même. L’activité productive nécessite toujours une activité constructive souvent implicite et réciproquement toute activité productive peut entraîner une activité constructive. L’activité productive s’inscrit sur du court terme et s’arrête du moment où la tâche est considérée comme

208 J. THEUREAU (2006, pp. 40-41) la considère autonome ou opérationnellement close en constituant «une dynamique de couplage structurel soit des interactions asymétriques entre un acteur et son environnement». Ces interactions sont à consi- dérer, comme ce qui, dans cet environnement est sélectionné «comme pertinent pour l’organisation interne à chaque ins- tant de l’acteur (monde propre, interactions dont le contenu lui-même est pertinent pour cette organisation interne à chaque instant)». Il attribue à l’activité humaine d’autres caractéristiques recoupant en partie celles que nous proposons ici. L’activité humaine est cognitive car la notion de savoir est nécessaire pour en rendre compte sous les formes d’une mani- festation de savoirs et de la construction de savoirs. Elle est incarnée : toute séparation entre le corps et l’esprit est réfutée. L’activité humaine résulte toujours d’une combinaison des deux. Pour cet auteur, l’activité est également située et techni- quement constituée (le monde partagé par l’acteur ou les acteurs concernés étant techniquement constitué, il en est de même de l’activité de cet ou de ces acteurs). Pour J. THEUREAU l’activité est en outre culturelle car elle ne peut pas être dissociée d’une culture. Enfin, sa prise de conscience est nécessaire pour pouvoir en rendre compte.

- 196 -

effective. En revanche, l’activité constructive précède et peut se poursuivre bien au-delà (P. PASTRE, 2008, p. 54). Elle se réalise par des genèses qui fournissent au sujet une somme de res- sources (des savoirs, des compétences, des instruments…) et qui contribuent à maintenir et/ou développer sa capacité d’agir.

Limiter l’activité à ce que le sujet a effectivement réalisé s’avère réducteur. La cinquième carac- téristique émane d’une distinction majeure qu’opère Y CLOT (2008, p. 89) entre ce que le sujet fait, l’activité réalisée, et l’activité réelle. Cette dernière, que l’auteur nomme aussi le réel de l’activité, comprend tout autant ce que le sujet fait, ce qu’il ne fait pas, ce qu’il oublie ou choisit de ne pas faire, ce qu’il aurait pu faire ou encore ce qu’il aurait pu ne pas faire… Cette caractéris- tique participe à la distinction des deux termes. Comme l’indique P. ASTIER (2006, p. 59), l’action s’intègre dans l’activité et correspond à des moments de l’activité telle que l’effectuation d’une tâche ou un d’acte précis, alors que l’activité réelle précède, accompagne et prolonge l’action. Enfin et surtout toute activité d’un sujet est activée, alimentée par la poursuite d’un ou plusieurs buts et d’un ou plusieurs motifs. Ces deux points forment la sixième caractéristique. Le but parti- cipe à l’orientation de l’activité, et permet de l’inscrire dans une ou des finalités. De surcroît, il aide le sujet à s’identifier dans la situation et à penser l’activité à entreprendre ou, à l’inverse, à éviter. Le second point, le motif, contribue à la fois à donner un sens à l’activité et à l’élaboration de significations par le sujet.

L’inventaire occulte une autre caractéristique, la co-activité, présente en toute activité qui con- siste à agir pour et/ou avec autrui. Cette notion fait l’objet d’un développement dans le point suivant.