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1.2. L A COMPLEXITE DANS LA FORMATION ET L ' INFORMATION

1.2.4. Favoriser l'approche complexe: les outils de la didactique

1.2.6.3. Favoriser l’action: de la théorie à la pratique

1.2.6.3.3. Motivation dans le travail

Feertchak (1998) relève que certains auteurs ont abandonné la notion de motivation dans le cadre du travail au profit de celle d’implication, moins psychologisante. En effet, l’idée que certains individus seraient, par nature, plus motivés que d’autres, ainsi que celle de parvenir à motiver autrui ont été théoriquement abandonnée, bien que dans la pratique, les employeurs

329 BOILLOT, F. (1996) L’évaluation, moteur de l’innovation, Processus de conception d’un livre-jeu d’éducatin et de vulgarisation

environnementales, thèse, FAPSE, Genève, p.63

330 MIALARET, G. (1996) Savoirs théoriques, savoirs scientifiques et savoirs d’action en éducation in Savoirs théoriques et savoirs

d’action, sous la direction de Jean-Marie Barbier, PUF, Paris, p. 165

331 LEHMANN, J-C. (1996) De la gestion de la complexité à un corpus de “sciences de l’action” in Savoirs théoriques et savoirs d’action, sous la direction de Jean-Marie Barbier, PUF, Paris, p. 151

332 VERGNAUD, G. (1996) Au fond de l’action, la conceptualisation in Savoirs théoriques et savoirs d’action, sous la direction de Jean- Marie Barbier, PUF, Paris, p. 281

mettent un fort accent sur la “motivation” des personnes qui se présentent pour l’obtention d’une place de travail…

En abordant la mise en place des normes, telles que celles qu’ISO 9000 pour la qualité et celle d’ISO 14000 pour l’environnement, nous avons déjà mentionné le fait que ces normes avaient le grand avantage de proposer la participation de l’ensemble du personnel à leur mise en place. Cette implication de l’individu dans son travail correspond au besoin fondamental de l’être humain d’être reconnu, besoin que nous avons déjà évoqué précédemment. Cette reconnaissance participe à l’établissement de l’estime de soi et ne peut se mettre en place que si l’individu jouit d’une certaine autonomie dans son travail. Cet état de fait a été relevé en 1960 déjà dans l’étude menée par Kahn & Katz. Ces auteurs montrent que le rendement des employés d'une manière générale augmente en fonction de l’engagement personnel qu’il peut investir dans sa tâche. La satisfaction qu’il en retire participe à un mieux-être général qui se répercute alors dans l’exécution du travail demandé. Cette tendance à recentrer la responsabilité individuelle dans le cadre de l’action collective favorise le développement des projets professionnels (Alix, 1998) et l'autonomie de l'individu, du moins dans le cadre de son travail. Bien sûr, une telle démarche ne peut se développer que dans des entreprises œuvrant dans un état d'esprit post-taylorien. Ces constatations tendent à diriger la formation continue actuelle vers une prise en charge individuelle de son propre travail par l’employé. “L’autonomie, toujours fascinante, est au cœur de l’action professionnelle et formative.333

Faisant directement appel à cette dernière, "les entreprises parient davantage sur la flexibilité

de la production et des hommes. Cette dernière se traduit par un appel au développement de capacités cognitives: la résolution de problème, l'analyse du travail, le diagnostic, l'anticipation des pannes, … mais aussi la capacité à apprendre à partir de son poste de travail et en situation de collaboration334", c'est-à-dire une sorte d'autodidaxie qui se développe à travers le travail collectif. Pour Wittorski (1997), ce moyen est le plus efficace pour parvenir à la transformation des individus en vue d'une amélioration de l'efficacité organisationnelle. Cette autonomie va de pair avec le principe de responsabilité évoqué précédemment, ainsi qu'avec l'abolition partielle du système hiérarchique et le développement d'une nouvelle forme de solidarité en vue, notamment, de résoudre des problèmes techniques sans en référer à une instance supérieure responsable. Cette approche est celle que développe la mise en application dans le milieu industrielle de la physionique développée par Giordan (1995, 1996).

Néanmoins, plusieurs auteurs dont Boudes, Charue-Duboc & Midler (1997) et Zarifian (1997) notent que l'un des problèmes majeurs de la formation des employés à l'approche "entrepreneuriale" que nécessite l'idée de projet est le passage de la théorie à une pratique où ils sont en quelque sorte livrés à eux-mêmes, ou du moins, où leur responsabilité est engagée. Il importe donc, d'une part, de trouver un équilibre entre la diversité des activités inhérente au projet, diversité favorable à la créativité, et l'instauration de certains repères issus des pratiques et des compétences déjà acquises, qui doivent pouvoir être réutilisées telles quelles ou du moins réinvesties sans transformations fondamentales (Berton, 1997).

D'autre part, il s'agit de partir des situations réelles qui se posent afin que l'individu ressente la nécessité de son action. Cette contextualisation donne un sens à l'action et permet en même

333 ALIX, B. (1998) De l’acte volontaire à l’action autonome in Education permanente no136, p. 191 334 WITTORSKI, R. (1997) Les effets d'une réflexion sur le travail in Education no13, p. 17

temps de faire entrer l'individu ou même la collectivité à laquelle il appartient dans un processus de mise à plat des problèmes en vue de les résoudre. Ces situations, toujours complexes, offrent à l'apprenant la possibilité de développer des stratégies tenant compte, non seulement des différentes causes déterminées comme pouvant être à l'origine du problème, mais de leurs conjonctions (Berton, 1997). Une telle approche, très pragmatique, est tout à fait favorable à la compréhension de phénomènes complexes. Tenant compte du fait que "plus une

personne est confrontée à des situations diverses et différentes, plus elle développe une faculté à transférer ses acquis cognitifs d'une situation à une autre335", nous pouvons imaginer qu'une "habitude" de changement prise dans le cadre de son travail peut amener un individu à envisager plus facilement un tel changement au niveau de son mode de vie en général.

Conformément à ce qui vient d’être dit, “les psychologues de la motivation du travail ont

montré que pour obtenir d’une personne une performance élevée, il fallait lui fixer des objectifs difficiles et définis le plus précisément possible”336. Parallèlement, voire

paradoxalement, si la motivation au travail augmente parallèlement au degré d’autonomie -le travailleur indépendant, l’intellectuel ou le chercheur apparaissent ainsi parmi les plus motivés par leur travail (Nuttin, 1985)- le fait de se sentir utile ou de remplir un rôle dans un effort collectif est suffisant pour combler ce besoin d’estime de soi et de reconnaissance sociale. Des enquêtes, menées auprès d’ouvriers travaillant dans des industries où des SME ou des normes ISO ont été mises en place, corroborent parfaitement cet état de fait pour autant qu'une confiance soit instaurée au sein de l'entreprise et de l'équipe de travail337.

Parallèlement à cette contextualisation de l'action, pour qu'un changement de comportement de l'individu dans son travail ait lieu, Barbier et Bourgeois (1997) relèvent qu'il faut que l'ensemble des catégories d'acteurs concernés soit mobilisé simultanément. En effet, les recherches menées au sein des entreprises montrent l'existence de liens très étroits entre les changements individuels, collectifs et organisationnel, du milieu où ils se développent (Wittorski, 1997; Claveau, Martinet & Tannery, 1997). Bien que Wittorski note que des actions de formation entreprises à n'importe lequel de ces trois niveaux influencent les deux autres (selon le principe récursif de Morin (1977), nous pensons que pour être vraiment opérationnel et s'installer à long terme, un mouvement d'ensemble doit être opéré, afin que chaque individu puisse ressentir que son action propre s'inscrit dans une trajectoire commune. Enfin, un accent tout particulier est mis sur la verbalisation de l'action. Pour parvenir à créer cette sorte de "culture commune" permettant aux individus concernés de se créer de nouveaux repères, Nonaka, cité par Boudes, Charue-Duboc & Midler (1997) "souligne l'importance du

récit pour parvenir à une compréhension mutuelle des participants dans un groupe, condition nécessaire à la circulation des savoirs. Des lieux permettant d'échanger des idées par le biais de récits partagés et "d'histoires d'anciens combattants" peuvent constituer un levier important pour faire émerger une compréhension commune à partir de données confuses et contradictoires338". Zarifian (1997) va plus loin en affirmant que cette mise en commun par le

335 ZARIFIAN, P. (1997) La force de l'expérience in Education no13, p. 47

336 CHARTIER, D. (1998) parlant des recherches de Kleinbeck (1990) Les facteurs psychologiques de la démotivation in Les théories de

l’action, Hachette, Paris, p. 54

337 Les rapports établis, notamment par la firme Ringier (1997) sont tout à fait éloquents sur cet aspect de la question.

338 BOUDES, T. CHARUE-DUBOC, F. & MIDLER, C. (1997) Formation et apprentissage collectif dans les entreprises in Education no13, p. 15

dialogue et l'écoute permet non seulement un transfert de connaissances et de savoir-faire, mais contribue à la production de connaissances nouvelles. Pour Wittorski (1997), Claveau, Martinet & Tannery (1997), Berton (1997) et Zarifian (1997), cette verbalisation, ce partage du vécu, cette formalisation conduisent à des confrontations, à des échanges de points de vue, qui permettent de faire ressortir les conceptions des intervenants sur la situation présentée, le travail effectué, les solutions envisagées, etc. "Les représentations que les acteurs se font de la

situation sont la clé d'entrée de chaque processus d'interaction339", et deviennent donc la base

d'une réflexion permettant d'aborder la notion fondamentale d'organisation (Boudes, Charue- Duboc & Midler, 1997).

Mais la verbalisation va plus loin. "Etre écouté, pouvoir exprimer ses besoins, ses limites et

ses aspirations, c'est vital, c'est la base de notre équilibre et de notre bien-être émotionnel340" affirme Milton (2000). Elle participe donc directement au sentiment de reconnaissance et d'estime de soi en tant qu'individu, pour autant qu'une écoute attentive l'accueille. Comme le fait remarquer Karlström (2000), économiste, consultant d'entreprise et travaillant pour la Main Tendue, "une entreprise où les gens communiquent fonctionne mieux. (…) Beaucoup de

managers pensent qu'écouter, c'est perdre son temps. En fait, écouter, c'est un investissement.341" Et de donner des exemples où des ouvriers apportent la solution à des

problèmes pratiques que leurs supérieurs tentaient vainement de résoudre depuis plusieurs années. Ainsi, raconter ses expériences ou ses réflexions, proposer des solutions, participer à la formation des autres membres de l'équipe dans laquelle l'individu travaille, procure à celui- ci une valorisation tout à fait bénéfique au sentiment de responsabilité. Néanmoins, pour y parvenir, une atmosphère de travail valorisant la confiance réciproque doit régner afin que l'ouvrier ose prendre des initiatives sans chercher à développer une attitude visant simplement à avoir le moins d'ennuis possibles, ce que Perrenoud (1984) relevait comme stratégie développée par certains élèves.

Les apprentissages qui peuvent ainsi déboucher de ce "bouche-à-oreille" sont également souvent mieux accueillis par les personnes à qui ils sont destinés. Pour prendre l'exemple de la formation continue des enseignants, domaine dans lequel nous travaillons, nous pouvons fréquemment constater que des formations faites par d'autres enseignants sont mieux perçues et acceptées que celles proposées par des "formateurs de formateurs". Ce constat peut s'expliquer de plusieurs manières. D'une part, le praticien en place, homme ou femme de terrain, parle souvent de manière très concrète, s'appuyant sur des expériences vécues, favorisant ainsi la pratique aux dépens de la théorie. Il partage donc une proximité, non seulement de contexte et de problématique, mais également de pensée avec l'apprenant. Dès lors, celui-ci n'apparaît plus vraiment comme tel, mais comme un pair, un collègue sans distinction hiérarchique et la formation est plus facilement perçue comme un échange où peut apparaître une certaine réciprocité.

D'autre part, le praticien "sait" de quoi il parle. "On" peut lui faire confiance, il partage les mêmes contraintes, est confronté à un contexte similaire, alors que le "formateur de

339 CLAVEAU, N. MARTINET, A-C. & TANNERY, F. (1997) Changement organisationnel et construction de savoirs procéduraux in

Education no13, p. 31

340 LIETTI, A. citant MILTON, M. (2000) A. L'écoute, il n'y a pas de maisons pour ça: "C'est l'affaire de tous", affirme une campagne de sensibilisation in Le Temps, 23 mars 2000

formateur", principalement s'il est universitaire, est souvent perçu comme trop éloigné des réalités objectives de la pratique quotidienne.

Enfin, le côté anecdotique que véhiculent les expériences vécues et transmises ainsi dans le cadre d'une formation entre pairs apporte un aspect émotionnel qui rapproche encore plus l'enseignant de l'apprenant. Ce dernier a l'impression de devenir en quelque sorte un "confident", un "intime" de la personne qui parle342.

Malgré ces observations, des auteurs contemporains tels que Lévy-Leboyer (1998) accordent encore à l’idée de récompense dans son sens large, une place tout à fait primordiale. Feertchak (1998), suivant la théorie de V. H. Vroom, affirme que la motivation dépendrait des réponses que l’ouvrier donne à trois questions:

- Est-ce que j’accorde personnellement de la valeur à la récompense? - Est-ce que ma performance va déboucher sur la récompense?

- Est-ce que mon effort va me permettre de réaliser une bonne performance?

Néanmoins, si “ces trois concepts apparaissent tout à fait pertinents à titre de check-list pour étudier les mécanismes motivationnels à l’œuvre en situation professionnelle343”, ces auteurs

ne prétendent pas pouvoir modifier les attitudes ou les comportements des salariés en intervenant sur ces paramètres.