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1.2. L A COMPLEXITE DANS LA FORMATION ET L ' INFORMATION

1.2.2.3. Education et environnement: une première tentative d’approcher la complexité

Promue dans les écoles depuis la Conférence de Stockholm en 1972, l’éducation associée au terme d’environnement s’est vue déclinée sur différents modes dont la signification varie en fonction de la locution qui relie ces deux termes. Dans sa thèse, Boillot (1996) brosse un tableau très complet de ces appellations qui, toutes, illustrent une approche particulière du sujet.

Ainsi, l’environnement est envisagé comme un contenu spécifique à enseigner lorsque l’on parle d’éducation “au sujet de” l’environnement, et comme une stratégie pédagogique lorsque “dans” relie ces deux termes (Lucas, 1980). Il devient un lieu privilégié de l’apprentissage avec l’utilisation de la préposition “par” (Lucas, 1980; Sauvé, 1994) et est lié à la vision d’un environnement-problème à résoudre, nécessitant un engagement en sa faveur lorsque “pour” le précède (Giordan & Souchon, 1992). Plus neutre idéologiquement parlant, certains auteurs préfèrent la préposition “à” (Giry, 1992) et l’UNESCO utilise dans ses textes la locution “relative à” (UNESCO, 1978, 1983, 1986, 1988), reprise notamment par Lucie Sauvé dans l’ensemble de ses écrits.

Nous ne nous attarderons pas sur ces débats philosophico-linguistiques. Loin d’être antinomiques, ces définitions sont complémentaires et permettent d’envisager une approche systémique de l’environnement, incluant les dimensions technologiques (Giordan & Souchon, 1992) et par conséquent une approche économique et sociale en vue d’une éducation à la responsabilité et à la citoyenneté. Cette vision est celle qui transparaît déjà dans les termes de la Conférence de Tbilissi de 1977, bien que les approches technologique et scientifique ne soient pas mentionnées en tant que telles. “L’ERE (éducation relative à l’environnement) doit

(…) faciliter une prise de conscience de l’interdépendance économique, politique et écologique du monde moderne, de façon à stimuler le sens de la responsabilité et de la solidarité entre les nations. Ceci constitue un préalable pour que les problèmes environnementaux graves qui se posent sur le plan mondial puissent être résolus187".

Au vu de telles déclarations, il est légitime de se demander si l’éducation pour l’environnement ne serait pas équivalente à une éducation au développement durable. Sauvé (1994) va dans ce sens lorsqu'elle déclare que l’éducation “pour” l’environnement est favorable, non seulement à la protection de ce dernier, mais au développement durable, car elle ne peut être envisagée qu’à travers un changement social. Néanmoins, nous préférons

186 MORIN, E. (1999) Les septs savoirs nécessaires à l'éducation du futur, UNESCO, Paris, p.

187 UNESCO (1978) Conférence intergouvernementale sur l'éducation relative à l'environnement, Rapport final de Tbilissi (URSS), 14 au 26.10. 1977, UNESCO, Paris

l'appréhender comme une partie, certes importante, d'une éducation au développement durable. Celle-ci ne peut s'arrêter aux problèmes environnementaux et sociaux, même conjugués, si nous voulons qu'elle réponde aux attentes de l’Agenda 21 lorsqu’il préconise que “l’éducation, de type scolaire ou non, est indispensable pour modifier les attitudes de façon

que les populations aient la capacité d’évaluer les problèmes de développement durable et de s’y attaquer. Elle est essentielle aussi pour susciter une conscience des questions écologiques et éthiques, ainsi que des valeurs et des attitudes, des compétences et un comportement compatibles avec le développement durable, et pour assurer une participation effective du public aux prises de décisions. Pour être efficace, l’enseignement relatif à l’environnement et au développement doit porter sur la dynamique de l’environnement physique/biologique et socio-économique ainsi que sur celle du développement humain (y compris, le cas échéant, le développement spirituel), être intégré à toutes les disciplines et employer des méthodes classiques et non classiques et des moyens efficaces de communication188".

Nous pouvons voir à travers ces propos une remise en question du modèle scolaire tel que nous le vivons aujourd’hui, puisque le développement durable devrait être “intégré à toutes les disciplines” et donc devenir, si ce n’est un savoir, du moins une réflexion transversale à tout le cursus scolaire. Une telle vision de l’enseignement était déjà envisagée par Giordan et Souchon (1992) dans leur livre “une éducation pour l’environnement” et la pédagogie de projet s’en inspire grandement, même si celle-ci reste limitée à des objectifs souvent technologiques et ne dépassant pas la structure d’un programme d’une année scolaire. Ainsi, comme le rappelle Fien (1996), “beaucoup de ces approches n’ont rien de “nouveau”

(…)189",mais dans la pratique quotidienne de l’enseignement, elles restent l’apanage d’une minorité d’enseignants motivés.

Ainsi, si “l’éducation au développement durable plonge à l’évidence de solides racines dans

l’éducation relative à l’environnement (,) celle-ci n’est pas la seule discipline qui ait un rôle

fort à jouer dans le processus de réorientation, mais elle est un allié de taille190". Cette citation, montre clairement que l’une des limites de l’éducation relative ou pour l’environnement est inhérente au fait qu’elle soit assimilée à une branche d’enseignement à inclure dans un programme. Ce statut l’empêche de véritablement accéder à l’interdisciplinarité dont sa philosophie est faite, ainsi qu’à l’action telle que nous l’envisagons. En effet, comme le relève Boillot (1996), “les pratiques de l’éducation relative à

l’environnement rejoignent peu l’agir,191 les objectifs les plus couramment atteints référant

plus à une sensibilisation ou à une responsabilisation plus proche du changement d’attitude que de conduites réelles192”. Cette constatation nous amène à une deuxième limite, inhérente à la désignation même de cette forme d’éducation. Figée dans une approche disciplinaire, elle reste confinée dans un domaine qui lui attribue un contenu spécifique. Or, ce contenu, influencé par une conception ancienne de la notion d’environnement reste fortement axé sur la

188 CNUED (1993) Action 21, Nations Unies, New-York, p. 229

189 FIEN, J. (1996) Enseigner pour un monde durable in Connexion, bulletin de l'éducation relative à l'environnement UNESCO-PNUE, vol. XXI, no 4, déc. 1996, UNESCO-PNUE

190 UNESCO (1998) Eduquer pour un avenir viable, Conférence de Thessalonique, 2 au 8 déc. 1997, UNESCO-PNUE, p. 31

191 L'auteur précise que "l'agir" est employé dans le sens que nous avons donné à l'action en tant que "capacité de participation". Elle distingue donc "agir" des actions opérées pendant la pratique éducative. "L'action est en effet essentielle en regard aux perspectives

pédagogiques de l'ERE. Mais le plus souvent, elle se limite à une communication de la problématique ou à des gestes verts ponctuels. Elle peut néanmoins aussi s'ancrer véritablement dans le contexte social de l'apprenant et opérer réellement dans le sens d'un changement ou de la résolution d'un problèmes communautaire." P. 70

192 BOILLOT, F. (1996) L'évaluation, moteur de l'innovation. Processus de conception d'un livre-jeu d'éducation et de vulgarisation

nature et l’idée de protection qui s’est développée depuis l’essor des divers mouvements écologistes. Une telle approche peut être observée dans la pratique quotidienne de l’enseignement de cette “branche” à tous les niveaux de la scolarisation.

1.2.2.4. D’une éducation pour l’environnement à une éducation au développement