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1.2. L A COMPLEXITE DANS LA FORMATION ET L ' INFORMATION

1.2.3.1. Modes de raisonnement

1.2.3.1.2. Gestion de l'incertitude

209 KING & KITCHENER (1994) cités par HOUGARDY, P. (1999) Le rapport au savoir qu’entretien l’étudiant universitaire et les variables contextuelles susceptibles de l’influencer in Actes du colloque: Didactiques des disciplines et formation des formateurs, juin 1999, Antananarivo, Madagascar (à paraître)

210 MORIN, E. (1999) La tête bien faite, Seuil, p. 24

"Refuser de douter favorise le développement de perspectives dichotomiques, qui nous

annoncent ainsi soit une heureuse destinée, soit la catastrophe générale. Toute société soumise aux rythmes accélérés et constants des changements a besoin de citoyens et d'institutions capables de gérer l'incertitude sans pour autant recourir à la suppression du débat.212"

La croyance en une science toute puissante a masqué durant bien des années les problèmes liés à la gestion de l'incertitude. L'appellation "exactes" attribuée à certaines sciences en est l'expression la plus évidente. Même l'avènement de théories telles que celle de la relativité, puis quantique n'ont pas réussi à ébranler de manière convaincante la vision rassurante qu'elles véhiculent. L'évocation des problèmes écologiques planétaires que nous vivons actuellement, accompagnée, en tout cas dans nos sociétés occidentales, d'une certaine remise en question de dogmes religieux, notamment sur le statut d'un dieu prenant en charge le destin tant individuel que celui du monde, seraient-elles à l'origine de l'apparition de l'incertitude, accompagnée du doute et de notions telles que le flou ou l'aléatoire? Quelle que soit la réponse, nous pouvons observer que si celle-ci s'applique actuellement aux sciences en leur accordant cette "faiblesse", l'acceptation que "l'aventure incertaine de l'humanité ne fait que poursuivre dans

sa sphère l'aventure incertaine du cosmos, née d'un accident pour nous impensable et se continuant dans un devenir de créations et de destructions213" est encore loin d'être acceptée

par le commun des mortels.

Ainsi, l'incertitude pénètre jusque dans l'intimité de chacun, puisqu'il n'est plus possible aujourd'hui de distinguer, parmi les principes évoqués jusqu'ici, ceux qui proviennent d'influences extérieures de ceux qui sont intrinsèques à l'individu. Les illusions, l'interprétation des faits, et même l'approche épistémologique, doivent-elles être considérées comme intérieures ou extérieures à l'individu? Une remise en question de notre propre intimité de pensée est donc à reconstruire en tenant compte de ces paradoxes et de ces ambiguïtés. "Connaître et penser, ce n'est pas arriver à une vérité absolument certaine, c'est dialoguer

avec l'incertitude214".

1.2.3.1.3. Gestion de l'aléatoire et du chaos

Le chaos, l'aléatoire font partie de la vie quotidienne. Pourtant, l'être humain ne valorise que l'ordre et l'organisé, et préfère affubler du nom de "hasard" tout ce qui n'entre pas dans cette logique héritée d'Aristote.

Le meilleur exemple est certainement celui d'Einstein qui, alors que toutes ses équations lui indiquaient clairement un univers non statique, a préféré ajouter à ses calculs une "constante cosmologique" dont la valeur numérique lui permettait de compenser l'expansion qu'il avait découverte (Reeves, 1994). Ce choix arbitraire, cette volonté de conserver une vision d'ordre n'est pas seulement liée à une croyance en un être supérieur, malgré sa célèbre exclamation "Dieu ne joue pas aux dés!", mais montre plutôt la résistance que tout le monde a face à un changement de paradigme. Et cette résistance est l'apanage de l'être humain. La nature, depuis toujours, a su intégrer l'aléatoire et le chaotique. Toute la théorie de l'évolution de Darwin (Stone, 1980) se fonde sur une faculté d'adaptation, ou d'inadaptation, l'extinction des dinosaures en est un exemple parlant, dépendante de facteurs imprévisibles. Qu'il s'agisse de la résistance développée par certaines souches de virus ou de microbes à des médicaments, ou de

212 TEDESCO, J.C. (1995) Editorial in Perspectives no 93, UNESCO

213 MORIN, E. (1999) Les sept savoirs nécessaires à l'éducation du futur, UNESCO, Paris, p. 45 214 MORIN, E. (1999) La tête bien faite, Seuil, p. 66

plantes et d'insectes à des herbicides ou des insecticides, ces êtres vivants ont su intégrer des événements aléatoires pour assurer leur survie.

Néanmoins, et la différence est de taille, il s'est toujours agi d'une survie de l'espèce au détriment des individus, alors que dans notre vie de tous les jours, c'est l'individu qui est confronté à cette problématique. Dès lors, comment peut-on dépasser le besoin d'ordre, pour montrer que seule une certaine entropie peut garantir ce dernier? L'irrégularité des battements du cœur ne lui garantisse-t-il pas son bon fonctionnement? L'antagonisme des forces ne garantit-il pas la stabilité de la matière? Aller au delà des apparences, au delà de ce que l'on croit voir, au delà de l'évidence première demande une remise en question fondamentale de nos repères culturels.

Guenat (1995; 2000) en prenant l'exemple des longueurs d'ondes des couleurs donne une métaphore pour exprimer l'ordre apparent du chaos. Partant de l'affirmation que le noir absorbe toutes les couleurs du spectre, il imagine que "le noir place les longueurs d'onde

chacune dans un tiroir qu'il referme soigneusement pour éviter le mélange. Tous les tiroirs ont la même dimension, ou la même aptitude de neutralisation, car si tel n'était pas le cas, le noir aurait une dominante(…). On découvre donc de l'ordre dans ce qui était à première vue un chaos indescriptible. (…) Les tiroirs ne sont donc des boîtes imaginaires que pour l'observateur extérieur, pour celui qui évolue dans le monde blanc, diurne. S'il pouvait se déplacer à l'intérieur du meuble, il constaterait que ces tiroirs n'ont pas de cloisons latérales et que toutes les longueurs d'ondes se mélangent allègrement!215".