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En tant que système, le développement durable est également moins que la somme des parties qui le constituent. Cette même diversité citée précédemment perd également de sa richesse dès que nous l'appréhendons d'une manière globale. Les particularités intrinsèques de chaque culture, de chaque manière d'envisager le développement d'un système économique particulier, de chaque système politique et même de chaque individu sont noyées dans la masse et ne peuvent plus s'exprimer. L'organisation, ou plus exactement sa mise en place, inhibe, réprime certaines qualités ou propriétés intrinsèques aux multiples parties qui composent le tout. Pourtant, et cela peut paraître paradoxal, la notion de qualité des parties est primordiale dans ce concept. En d'autres termes, ce n'est que la qualité des différentes parties qui pourra garantir la qualité du tout. Il faut donc remonter jusqu'à la qualité de l'unité de base, dans ce cas précis, à l'individu, pour évaluer la qualité du système global.

De telles considérations nous amènent à parler des autres éléments qui définissent un système complexe. L'approche qualitative du tout en référence à l'unité de base relève tant du “principe récursif” “où les produits et les effets sont en même temps causes et producteurs de ce qui les

produits46” que du “principe hologrammatique” qui veut que la partie soit dans le tout et le

tout dans la partie. La “récursion organisationnelle” se retrouve dans toutes les boucles de régulation qui interviennent dès qu’on admet l’interdépendance qui existe entre l’économie, l’écologie et le développement social. Quant à celui de l’hologrammatique, il devient percutant dès qu’on tient compte du principe éthique de responsabilité, principe fondé en réponse à un impératif de survie, et sur lequel s’appuie le concept de développement durable. Ce principe de responsabilité fait que le développement durable dépend d’une société qui produit des individus qui, eux-mêmes, produisent cette société, etc. L'idée de circularité qui apparaît dans le principe récursif doit néanmoins être dépassée. Le développement durable n'est pas un système clos. Il évolue dans l'espace et le temps et les régulations issues de son organisation, ou produisant cette dernière (le principe récursif est également présent dans cet aspect-là), ne peuvent se soustraire à cette spirale. L'idée de processus est donc fondamentale au concept de développement durable.

Enfin, relevons que la dénomination du concept tient du “principe dialogique” qui permet de maintenir la dualité au sein de l’unité. Pour Morin (1990, 1996, 1998), l’association de deux termes à la fois complémentaires et antagonistes, tels que ceux de “développement durable”, est également un principe qui permet de définir et de comprendre la complexité. "La

dialogique est un mode de pensée qui reconnaît, intègre et traite le contradictoire, mais elle ne constitue pas une logique. Elle transgresse les axiomes de la logique classique, mais sans pour autant pouvoir les remplacer (…). La dialogique que nous proposons constitue non pas une nouvelle logique, mais un mode d'utiliser la logique en vertu d'un paradigme de complexité; chaque opération fragmentaire de la pensée dialogique obéit à la logique classique, mais non son mouvement d'ensemble. La dialogique ne dépasse pas les contradictions radicales, elle les considère comme indépassables et vitales, elle les affronte et les intègre dans la pensée.47"

46 MORIN, E. (1990) Introduction à la pensée complexe, ESF éd. Paris, p. 47 MORIN, E (1991) La méthode 4: Les idées, Seuil, Paris, p. 195-196

Tableau I/II

Le développement durable en tant que concept complexe

Aborder le développement

durable c'est prendre en compre des

notions telles que:

relativité temps:

notion de long terme: économie: 5-10 ans social: génération écologie: aujourd'hui à ...

espace:

échelle humaine, le pays, voire le continent, à l'échelle de la terre, de l'atmosphère

complexité

récursion organisationnelle: effets causes et producteurs de ce qui les produit => interactions hologrammatique:

l'individu vient d'une société qui produit l'individu qui produit la société => responsabilité dialogique: principes complémentaires et antagonistes processus gérer l'inattendu régulation (feed-back) incertain paradoxal flou, contradictoire: partage des avis

décider sans connaître tous les enjeux

principe de précaution

notions telles que: le moins mauvais interactions interdépendances économie, écologie, social local, global

entre les diff. acteurs de l'Etat à l'individu

pour l'individu: "je suis une goutte d'eau,

mais je suis indispensable" => clairvoyance, lucidité

implique de tenir compte implique

Ce tableau présente les principaux éléments qui caractérisent le développement durable. Il permet de montrer les interactions sur lesquelles le concept s'organise, ainsi que les principaux systèmes qui le constituent. Nous pouvons distinguer, à l'intérieur du système même, les boucles de régulation qu'il engendre ou qui l'engendrent, en même temps que la forte influence du principe récursif à tous les stades de l'organisation, celui-ci étant caractérisé par les flèches à double sens.

Comme tout schéma, celui-ci reste réducteur dans le sens où certaines interactions ne peuvent être présentées. Par exemple, la réflexion préalable est sous-jacente à plusieurs autres approches telles que celles qui mettent en évidence les liens qui existent entre l'action locale et l'impact global. En effet, toute personne qui effectue un choix en vue de favoriser, par exemple, un commerce équitable, passe par une phase réflexive préalable. De même, une telle attitude sous-entend un esprit critique face à la société en général, ainsi qu'une curiosité qui va pousser cette personne à rechercher de l'information.

La dimension éthique, quant à elle, est la base sur laquelle s’appuie l’ensemble des réflexions.