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Si nous résumons les démarches concrètes que préconise l’Agenda 21 pour un pays comme la Suisse, nous voyons que le gouvernement a la responsabilité de mettre en place des structures visant à:

• Sensibiliser l'ensemble de la population afin que chaque citoyen se sente responsable de la réalisation des objectifs à atteindre et prenne part aux différentes prises de décision.

• Orienter le marché vers des produits respectueux de l'homme et de son environnement. • Etablir avec les autres pays des relations économiques saines, ainsi que le transfert de

technologies compatibles avec les principes du développement durable.

• Veiller à la protection de la vie d'une manière globale et de la santé, ainsi que de l'environnement écologique dont elles dépendent.

• Déléguer à d'autres instances certaines tâches visant à promouvoir le développement durable.

• Veiller à ce que les objectifs de l'Agenda 21 restent prioritaires dans toutes les décisions à prendre.

En ce qui concerne les tâches déléguées, nous trouvons principalement:

• Les autorités locales: en établissant un "Agenda 21 local", elles doivent sensibiliser la population et instaurer des mesures visant à promouvoir le développement durable au sein des villes, des communes et des cantons.

• Les organisations non gouvernementales: chargées principalement de la formation et de l'information du grand public, ainsi que de tâches précises visant la protection de l'homme et de la nature.

• Les industries et le commerce: qui doivent viser une politique écologique à long terme, instaurer des normes et des contrôles et tendre à améliorer leur écobilan.

L’état doit donc, dans un premier temps, prendre la décision politique d’engager l’ensemble du pays dans un processus de développement durable. Dans un deuxième temps, il doit instaurer un dialogue avec l’ensemble des partenaires et ainsi créer des “relais” entre lui et les citoyens. Enfin, pour parvenir à créer ce climat “économico-socio-culturel” favorable au développement “spontané” du développement durable dans les mentalités et les modes de vie, il doit divulguer ses décisions et ses actions à grande échelle.

Ainsi, l'information semble bien être la clé de voûte qui permette le passage d’un “tout état” à un partage des responsabilités. En ce sens, elle est toujours envisagée par l’Agenda 21 de manière à rendre le citoyen responsable de ses actes. Cette prise de conscience apparaît comme la garante d’une accession à une véritable "envie d'action" en faveur du développement durable. Ce but apparaît clairement dans le chapitre IV intitulé "Modification des modes de consommation". "Les gouvernements, en coopération avec les milieux

industriels et autres groupes intéressés, devraient encourager l'apparition d'un public de consommateurs bien informés et aider les particuliers et les ménages à opérer des choix écologiquement judicieux, en prenant notamment les mesures suivantes:

• Diffuser des informations sur les conséquences des choix et comportements en matières de

consommation afin d'encourager la demande et l'utilisation de produits écologiques.

• Sensibiliser les consommateurs à l'impact que les produits peuvent avoir sur la santé et

l'environnement (…).

• Encourager des programmes spécifiques axés sur le consommateur, tels que le recyclage

et les systèmes de consignes.54"

Une même volonté de sensibiliser le public se retrouve autour de la problématique des transports: "sensibiliser le public aux incidences du transport et des habitudes de transport sur

l'environnement en organisant des campagnes médiatiques (…).55". Il faut donc que chaque

individu remette en question sa propre manière de vivre, de consommer, de se déplacer, d'organiser ses vacances, etc. en vue de modifier ses actes dans le sens du développement durable. Cette "envie d'action" apparaît comme le pilier central sur lequel s'appuie le

54 CNUED (1993) Action 21, Nations Unies, New-York, p. 22 55 CNUED (1993) Action 21, Nations Unies, New-York, p. 47

processus. Volonté gouvernementale et volonté des citoyens doivent donc se conjuguer et c'est de leur synergie que la dynamique du développement durable pourra s'établir.

En parcourant les démarches entreprises en Suisse, nous allons donc particulièrement nous intéresser à la forme que prend l’information, qu’elle provienne des milieux publics ou privés.

1.1.3.2. Politique gouvernementale suisse en matière de développement durable

A l'instar des 180 pays signataires des conventions de Rio en 1992, le gouvernement suisse s'est engagé à mettre en pratique les directives de l'Agenda 21. Ainsi, le premier mars 1993, le Conseil Fédéral institue un "Comité interdépartemental de Rio" (Ci-Rio). Comme son nom l'indique, ce comité transversal vise à favoriser les synergies. Il rassemble donc vingt offices fédéraux qui ont été représentés par la délégation suisse en 1992 à Rio. Ce comité a pour tâche "d'évaluer la mise en œuvre du développement durable en Suisse dans le cadre des

mécanismes de coordination et des différentes politiques sectorielles helvétiques56." Le 28

février 1996, un rapport décrivant "l'état du processus de mise en œuvre d'un développement

durable en Suisse dans le cadre des différentes politiques sectorielles helvétiques"57 est

présenté au Conseil Fédéral. Suite à ce rapport, un premier "Conseil du développement durable", formé de 13 membres indépendants du gouvernement, est chargé de définir les domaines d'action prioritaires et de proposer des objectifs concrets dans la mise en œuvre d'un processus de développement durable. En 1997, le document "Développement durable, plan d'action pour la Suisse" est déposé auprès du Conseil Fédéral. Ce dernier, sur la base de ce document, rédige alors sa "Stratégie". Ce dernier document est complété, en 1997 toujours, par un "Plan d'action environnement et santé". Celui-ci répond aux décisions prises lors de la Conférence d’Helsinki en 1994 par les ministres de la région OMS-Europe (SPE, 1999).

Dans l'ensemble de ces documents, l'individu n'est envisagé que comme un membre passif de la société, même si son importance est reconnue sur le plan économique. En effet, si l'information apparaît, elle n'a pas pour but de le responsabiliser dans ses actes. "L'information

joue un rôle essentiel dans la perspective d'un développement durable. D'une part, elle est sensée encourager le consommateur à acheter des produits dont la fabrication, l'utilisation et le recyclage répondent aux critères d'un développement durable. D'autre part, elle peut prévenir l'adoption de mesures contraignantes plus sévères sur le plan national ou international. Dans la perspective d'un développement durable, il est donc essentiel qu'une information claire, transparente et crédible soit mise à la disposition des consommateurs, condition première pour l'instauration d'une confiance réciproque.58" En d'autres termes,

l'information n'est là que pour inciter, voire conditionner à l'achat de certains produits. De plus, si elle est envisagée, le gouvernement n'est pas plus explicite que l'Agenda 21 sur les modalités de sa diffusion. Dans le même ordre d'idée, le gouvernement soutient la mise en place de "labels privés qui mettent notamment en valeur les propriétés écologiques ou sociales

des produits. Ces labels jouent un rôle essentiel sur le plan de la promotion des produits fabriqués selon les principes du développement durable (…)"59.

56 Comité interdépartemental de Rio (1997) Le développement durable en Suisse, état des réalisations, préface, OFEFP 57 Conseil Fédéral (1997) Le développement durable en Suisse, Stratégies, Préface, OFEFP

58 Conseil Fédéral (1997) Le développement durable en Suisse, Stratégie, OFEFP, p. 8. 59 Conseil Fédéral (1997) Le développement durable en Suisse, Stratégie, OFEFP, p. 8.

Ainsi, pour parvenir à ses fins, le gouvernement se limite principalement à la “pédagogie de la carotte et du bâton” couplée à une approche très béhavioriste. Pour instaurer des mesures allant dans le sens du développement durable, il mise avant tout sur les taxes d'incitation ainsi que la mise en application de lois et de prescriptions. Toujours selon la politique du pollueur- payeur, les taxes sont sensées orienter la manière de consommer. "Il importera à l'avenir

d'harmoniser les habitudes de mobilité de la population et de l'économie avec les objectifs d'un développement durable. L'imposition accrue des agents énergétiques non renouvelables permettrait de franchir un premier cap.60" Dans le même sens, des "récompenses décernées à

des entreprises et pour des produits qui répondent au mieux aux exigences du développement durable (sont prévues)61"

Cette manière d'utiliser la méthode de la "punition ou de la récompense" ne pousse pas à une véritable responsabilisation de l'individu par l'information en vue de l'intégrer dans les prises de décisions et de susciter en lui un désir d'action en faveur du développement durable et d’implication citoyenne véritable. Pourtant, la Suisse affiche la volonté de devenir un pionnier en matière de développement durable, car elle sait qu'elle "ne sera crédible au niveau

international que si elle montre l'exemple et apporte elle-même des expériences et des solutions concrètes"62. Parmi ces solutions, elle envisage d'orienter davantage ses propres

dépenses en fonction de critères relatifs à la durabilité. Les transports et l'agriculture sont envisagés comme deux exemples de choix. Cette volonté de se porter aux premières lignes du développement durable est naturellement motivée par des critères économiques à long terme. "Par une judicieuse réforme fiscale fondée sur des critères écologiques et une application

intelligente de cette dernière, la Suisse pourrait profiter des avantages qui lui conférerait le rôle de pionnier en la matière sans pâtir de désavantages concurrentiels sur le plan international. Dans certaines conditions, une économie orientée en fonction de la compatibilité écologique des technologies, de la production et de l'organisation, peut à long terme devenir un atout de taille sur les marchés internationaux.63"

Pourtant, si l'action citoyenne en tant que telle n'est jamais envisagée de manière concrète et pragmatique par les instances politiques, il est à relever que, paradoxalement, celles-ci mentionnent que "l'attitude de la population vis-à-vis de l'agriculture a changé. Celle-là, en

effet, prête aujourd'hui une attention soutenue à la qualité et à l'origine des produits ainsi qu'aux procédés écologiques de production"64. Nous nous trouvons donc directement

confronté au résultat de ce que nous appelons le "pouvoir d'influence" du consommateur sur la promotion de certains types de marchés, de production et par conséquent de comportements. C'est donc l'action directe du citoyen-consommateur qui pousse le gouvernement à mettre en place un certain nombre de directives dont l’objectif est de protéger globalement les sols contre les pollutions chimiques, biologiques et physiques dans lesquelles l'agriculture est particulièrement visée. Le principe récursif fonctionne pleinement, le gouvernement répondant à une demande des citoyens, qui eux-mêmes répondent à une proposition du gouvernement, etc. "De nouvelles bases légales permettront de protéger les dénominations de produits

60 Conseil Fédéral (1997) Le développement durable en Suisse, Stratégie, OFEFP, p. 12. 61 Conseil Fédéral (1997) Le développement durable en Suisse, Stratégie, OFEFP, p. 7-8 62 Conseil Fédéral (1997) Le développement durable en Suisse, Stratégie, OFEFP, p. 3 63 Conseil Fédéral (1997) Le développement durable en Suisse, Stratégie, OFEFP, p. 11

64 Comité interdépartemental de Rio (1997) Le développement durable en Suisse, état des réalisations, Une agriculture compétitive et durable, OFEFP, p. 45.

fabriqués selon des méthodes particulières. De la sorte, par leur comportement, les consommateurs pourront également encourager les formes d'exploitation en accord avec la nature et respectueuse des animaux.65"

Si d'une manière très générale, nous pouvons relever une volonté certaine de faire entrer la Suisse dans un processus de développement durable, force est de constater que l'information et la formation n'apparaissent que de manière anecdotique, et toujours sur des sujets très restreints et pointus. Aucune vision globale n'est proposée au citoyen et son opinion dans les prises de décision n'est pas recherchée au-delà du vote institutionnel. Au contraire, par l'instauration de taxes en tout genre issues de la politique du pollueur-payeur, nous nous trouvons dans une situation où l'individu est plus "manipulé" que concerné réellement par les problèmes. Cette attitude se confirme lorsque le gouvernement avance des affirmations telles que celle-ci: "On veillera à ce qu'un dialogue s'établisse entre les différents partenaires de la

recherche et de l'industrie et à ce que le public soit tenu au courant des résultats des travaux entrepris. C'est la seule manière d'instaurer un climat de confiance propre à mieux faire accepter la biotechnologie par l'opinion publique.66" Nous sommes bien loin de la mise au

point de "programmes d'éducation publique pour faire mieux connaître et comprendre aux

décideurs et au grand public les avantages et les risques des biotechniques modernes, en tenant compte de considérations d'ordre éthique et culturel,67" comme le préconise l'Agenda

21 dans le chapitre consacré à ce domaine. A la décharge de la Confédération, relevons que l'éducation scolaire est de la compétence des cantons et qu'il est donc très difficile pour elle d'intervenir de manière directe sur les programmes et leurs contenus.