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Céline est la figure inversée de François Rabelais, un autre médecin, qui croit en l'homme, alors que les hommes désespèrent Céline30. D’après Frédéric Vitoux, académicien, il y a chez Céline le sentiment

récurrent d’être « écrasé par la vie », un « regard cliniquement désespéré sur l’horreur et la mort, sur

la condition humaine et l’absurdité de la condition humaine »31. Il s’agit d’un homme « en perpétuelle

contradiction », entre le lâche et le héros de guerre ; le médecin compassionnel et celui odieux ou

indifférent ; le médecin généreux, qui refuse de faire payer ses patients, et celui qui fait preuve d’égoïsme et de cupidité ; le réactionnaire et le novateur stylistique. La maladie représente pour Céline le « meilleur

pédagogue possible pour essayer de comprendre la nature humaine dans ce qu’elle a de plus vulnérable». Céline a une vision noire, désespérante de la vie et de l’existence humaines. Il est obsédé

par la souffrance et le désespoir, d’autant plus qu’il ne se fait pas trop d’illusions sur les traitements qu’il peut apporter. La maladie ponctue le voyage initiatique de Bardamu, celui de la nuit et de la déchéance. La vérité de la maladie appelle une réponse que le médecin n’obtient jamais. Il devient alors non pas celui qui guérit, mais celui qui fait de l’affection morbide un processus d’accès à la conscience de la vie humaine (Jean-Yves Nau), et son profond misérabilisme32 . L’œuvre célinienne retranscrit une

«convulsion », un « délire ». Ses récits sont souvent à la limite de l’audible, de l’insoutenable, d’une cruauté belle, mais terrible et terrifiante. Céline sait faire preuve de compassion, mais c’est aussi un voyeur, un exhibitionniste, un déviant psychiatrique31. Ce n’est cependant pas son malade que Bardamu

déteste, c’est l’homme en général, à commencer par lui-même, détruit psychologiquement par la guerre et le sentiment de peur effroyable qui le suit depuis (Céline Grimshaw).

17.3.2 Le point de vue de Jutta Weiser sur l’incipit de Mort à crédit

Jutta Weiser33 nous montre comment le narrateur du livre Mort à crédit (1936) est à la fois médecin,

écrivain et malade34. Comme dans Voyage au bout de la nuit, il est atteint par une névrose de guerre :

paranoïa, délire de persécution, état psychique au bord de la folie35 . Weiser montre une analogie

intéressante entre le sujet de la thèse de Céline, sur la vie et l’œuvre de Philippe Ignace Semmelweis, ce chirurgien incompris qui s’est coupé avec son bistouri pendant la dissection d’un cadavre, s’infectant mortellement, peut-être pour prouver ses théories hygiénistes ; et la propre vision du narrateur-héros célinien, qui en racontant des choses de manière si antihéroïque, prend le risque que son écriture lui revienne comme un boomerang mortel, gage d’une mort à crédit36. Le récit fictif raconté se confond

donc avec la réalité propre du médecin-écrivain ; le bistouri se mue en plume et vice versa. Ces allers- retours incessants, ces interpénétrations entre médecine et littérature produisent une écriture contaminée et une pathographie65, c’est-à-dire une écriture à l’aune de laquelle on peut déceler et deviner la

pathologie, mais aussi le génie de son auteur.

30 Netgen. La leçon retrouvée du bon docteur Destouches [Internet]. Revue Médicale Suisse. [cité 18 sept 2019]. Disponible sur:

https://www.revmed.ch/RMS/2006/RMS-85/2340

31 Le Petit Célinien. Louis-Ferdinand Céline, médecin et écrivain par Frédéric VITOUX (2007) [Internet]. Disponible sur:

https://www.youtube.com/watch?v=THP4-GEh1gM

32 Nau JY. Céline, le médecin invivable (2) [Internet]. Revue Médicale Suisse. Disponible sur: https://www.revmed.ch/RMS/2011/RMS-

284/Celine-le-medecin-invivable-2

33 Docteur en philologie et Professeur de littérature française à l'Université de Duisburg-Essen. 34 Lüsebrink H-J, Madry H, Pröll J. Médecins-écrivains français et francophones. p. 264. 35 Ibid. p. 255.

180

18 Annexe 10 : William

Carlos Williams

18.1

Biographie

Cf. Résultats. Définition de sept thèmes d’analyse à partir de la lecture des romans. p. 43.

18.2

Filles de fermiers

18.2.1 La nouvelle "Le Vieux toubib"

37

18.2.1.1 Résumé

Cf. Résultats. Définition de sept thèmes d’analyse à partir de la lecture des romans. p. 43.

18.2.1.2 Analyse et commentaires

18.2.1.2.1 Type de fiction: récit, sous forme de nouvelle à caractère (auto)biographique

Cf. Résultats. Définition de sept thèmes d’analyse à partir de la lecture des romans. p. 44.

18.2.1.2.2 Ce que le livre nous apprend sur les patients

Ses patients ont toute confiance et vouent une admiration éperdue envers le Dr. Rivers:

« Là où tout autre échouait, ils croyaient que Rivers les sortirait d'affaire [...] lui seul pouvait les

sauver » (p. 101).

Le résultat, c'est une abondance de patients, souvent des gens peu fortunés qu'il soigne alors gratuitement: « Dimanche matin, c'était le grand moment. Un vrai cirque. Parce que ses clients étaient pour la plupart

de pauvres gens qui ne pouvaient venir que le dimanche. On n'a jamais vu, je vous l'assure, de cabinet comme celui-là. Il avait des idées justes, il avait pris le parti d'être bon, humain si vous préférez. Des malades il y en avait partout, assis dans le couloir, sur les marches de l'escalier, dans la véranda » (p.

88).

18.2.1.2.3 Ce que le livre nous apprend sur le médecin

L'auteur décrit le Dr. Rivers comme une espèce de héros, dont « le plus clair du talent résidait en un

diagnostic d'une étrange infaillibilité » (p. 71).

Il se montre d’une disponibilité absolue envers ses patients et ne ménage pas sa peine :

181

« Il avait derrière lui trente années d'exercice pour répondre n'importe où, n'importe quand, à l'appel

de n'importe qui pour intervenir à bon escient, sans délai et de sa propre initiative une fois de plus qu'il était sur les lieux » (pp. 66-67).

Un héros bienveillant et généreux, entièrement dévoué au service de ses patients; il s'abstient de demander des honoraires quand il juge que le malade est trop pauvre pour le payer.

L'auteur nous décrit ainsi un médecin exemplaire, désintéressé par l’argent : « Ce n'était pourtant pas

l'argent » qui le motivait. « Cela tenait à sa sensibilité, à sa civilité, voilà ce qui le poussait, j'en suis persuadé, l’antithèse plutôt de cette grossière fatuité dont tant d’hommes sont chatouillés qui courent victorieusement après les honoraires » (p. 70).

« L’argent ne fut jamais pour lui une fin » (p. 78).

Le docteur Rivers est pétri d'humanité, et c'est à ses patients qu'il porte un amour sans bornes.

Un modèle d'autant plus humain que le Dr Rivers n'a rien d'un surhomme, puisqu'il s'adonne à l'alcool et autres drogues dures :

« Je sais que parfois il lui fallut s'interrompre à mi-cours d'une intervention pour abandonner à

quelqu'un d'autre le soin de l'achever. Ou bien il lui arrivait de s'éclipser (nous en savions tous le motif) pour revenir l'instant d'après changer de gants et se remettre à l'ouvrage. Frappante était alors la transformation qui s'opérait en lui. De hagard qu'il était, 'en cinq sec' le vieil homme se métamorphosait en praticien habile et ingénieux » (p. 70)

« ce toxicomane alcoolique » (p. 76)

« Il allait à son bureau, fourgonnait dans ses instruments et, ni vu ni connu, se faisait une piqûre sous

vos yeux. » (p. 89)

« toxicomane, il prenait tous les hypnotiques habituels morphine, héroïne et cocaïne aussi » (p. 95).

« Il était submergé par le travail que lui valait ses capacités intuitives. La drogue lui restituait son

équilibre » (p. 98).

Ses addictions sont bien connues de ses collègues médecins. Certains d'entre eux demanderont, mais en vain, qu'il soit empêché d'exercer.

Comme à son habitude dans ses nouvelles, Williams laisse en suspens la fin ou la morale de son histoire. Au lecteur de se forger une opinion !

18.2.2 La nouvelle "La Fillette boutonneuse"

38

18.2.2.1 Résumé

Cf. Résultats. Définition de sept thèmes d’analyse à partir de la lecture des romans. p. 44.

18.2.2.2 Analyse et commentaires

18.2.2.2.1 La jeune fille

C'est dès la première visite du médecin dans cette famille que se produira la rencontre: « Ouvrant la

porte, du côté de la table de la cuisine je vis une fillette aux cheveux plats d'environ quinze ans qui mâchonnait de la gomme et curieusement me reluquait... Qu'est-ce que vous voulez? dit-elle. Fichtre! elle n'avait pas l'air commode, mais plaisanterie mise à part, elle me tapa dans l'œil au premier regard »

182

(p. 104). Il n'y a pas de doute que le médecin ressent une forte attraction pour cette sauvageonne. Mais il n'en dira pas plus à ce sujet.

18.2.2.2.2 La question des honoraires du médecin

De retour chez lui, il parle de sa visite à cette famille, en confiant à sa femme qu'il n'a pas eu le cœur de demander à ces pauvres gens de le payer. Ce qu'elle lui reproche aussitôt car elle-même connait cette famille, et elle sait qu'ils ont les moyens de le payer. Ce que confirme un de ses confrères, qui lui aussi connait cette famille et sait que la mère joue la comédie de la misère pour ne pas avoir à le payer: « Ouais,

elle ne manque pas de culot cette vieille garce-là. Quand elle s'y met, ce doit être une belle emmerdeuse »

(p. 120).

18.2.2.2.3 L'assurance montrée par la jeune fille, qui avait tant impressionné le médecin

Ce dernier questionne alors un peu plus son confrère: « Et la fillette? demandai-je faiblement. Elle

semble avoir par contre une belle force de caractère » (p.120).

« Là-dessus, mon confrère lâche un hurlement sauvage. Quoi! Cette créature? Cette petite pute

boutonneuse? [...]. Elle a tous les soirs de la semaine une douzaine de coquins aux fesses. Renseignez- vous auprès des flics. Ils vous le diront [...]. Il paraît que sur le toit, par derrière l'escalier, on est sûr de tomber sur elle à tout moment » (p. 121).

La nouvelle se termine par une dernière visite, dans laquelle le médecin rencontre à nouveau la jeune fille, seule à la maison, « cuisses nues jusqu'aux hanches. Bel et puissant animal » (p. 121).

183

19 Annexe 11 : Mikhaïl

Boulgakov

19.1

Biographie

Cf. Résultats. Définition de sept thèmes d’analyse à partir de la lecture des romans. p. 45.

19.2

Récits d’un jeune médecin. Morphine.

Les Aventures singulières d’un docteur