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médecins interviewés

11 Annexe 3 : Martin Winckler

11.2.2 Analyse et commentaires

11.4.2.1 Ce que nous apprend le livre sur les patientes

Des patientes victimes de la maltraitance et de violences gynécologiques et obstétricales

Une expression inédite a été créée relativement récemment : la maltraitance gynécologique.

Le Chœur des femmes est principalement un récit polyphonique de telles erreurs de communication, donnant la parole aux femmes sur leur vécu. Exemples :

- p. 98, une jeune adolescente de 14 ans, violée par son oncle, a peur de tomber enceinte. Elle demande à un médecin, qui n’est pas son médecin traitant, qu’il lui prescrive la pilule, sans arriver à lui expliquer sa terrible histoire. Sa réponse est édifiante : « Ah bon, vous avez déjà des

rapports sexuels ? ». Ce médecin ne cherche pas à comprendre pourquoi elle est incapable de

parler, de s’exprimer ; pourquoi elle se referme sur elle-même ;

- pp. 143-145, un gynécologue obstétricien de garde procède à une extraction fœtale en urgence par forceps du fait d’un ralentissement du rythme cardiaque fœtal, sans regarder la mère et sans lui dire un mot. Pire encore, il semble faire chuter accidentellement le nouveau-né, mais ne dit

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rien là non plus à la mère. Le nouveau-né mourra plus tard de ses blessures, mais l’équipe soignante se défausse et tente de faire porter la responsabilité sur la mère.

- p. 159, Mademoiselle A raconte qu’elle est tombée enceinte sous pilule, pilule qu’elle n’a jamais oubliée ; elle a dû se résoudre à avorter. Le gynécologue de Mademoiselle A ne la croit pas quand celle-ci lui assure qu’elle prenait bien sa pilule et qu’elle ne l’a jamais oubliée, la traitant d’« irresponsable » (p. 162) ;

- p. 172, Karma raconte à Atwood sa colère d’avoir dû avorter plusieurs patientes d’un confrère gynécologue, qui leur avait enlevé leur stérilet en fin de course, et leur avait dit de « s’abstenir

ou de faire attention » avant la pose d’un nouveau stérilet, les laissant sortir sans contraception ;

- pp. 258-259, une femme qui a besoin d’écoute dit à son obstétricien qui l’a déjà accouchée : «j’en ai gros sur le cœur ». Il lui répond un méprisant : « Mais, ma petite dame, je ne suis pas

cardiologue… » ;

- p. 382, une autre qui n’a plus de libido depuis qu’elle prend la pilule et à qui son gynéco lui dit que « c’est dans la tête » ;

- p. 385, une femme de 30 ans, qui après avoir avorté, se voit dire par l’équipe d’orthogénie qu’elle doit prendre la pilule pour permettre de « mieux cicatriser son utérus » ;

- p. 391, une femme de 33 ans qui à l’occasion de sa 4e césarienne se voit proposer 5 min avant son bloc une ligature des trompes. Elle regrette par la suite, voulant avoir un nouvel enfant.

NB : En dehors du livre de Winckler, les autres violences/maltraitances gynécologiques/obstétricales dont se plaignent les internautes sont par exemple les suivantes :

- les épisiotomies sans avertissement préalable, ou encore des pratiques douloureuses telles qu’un décollement des membranes réalisé sans consentement, de même qu’une expression abdominale sans consentement1,2

- le fait de pratiquer un toucher vaginal sur une patiente endormie sans son consentement préalable, pratique qui pourrait s’apparenter à un viol3

- la rupture du secret médical entre une ado mineure et ses parents4

- Un dépistage d’une infection cervicale à HPV avant l’âge recommandé en France de 25 ans - des propos blessants voire insultants, humiliants ou encore sexistes ; des examens douloureux

et imposés ; l’absence de prise en compte des émotions et de la douleur vécues par les patientes lors de leur accouchement, des césariennes avec une anesthésie inefficace, et surtout, les déficits répétés d’explications et d’informations, comme en attestent les témoignages recueillis dans le

1 Contre les violences gynécologiques, la lutte prend corps [Internet]. Libération.fr. 2017. Disponible sur:

http://www.liberation.fr/france/2017/08/15/contre-les-violences-gynecologiques-la-lutte-prend-corps_1590109 2 Enquête Franceinfo. Césariennes à vif, épisiotomies imposées… Le grand tabou des violences durant

l’accouchement [Internet]. Franceinfo. 2016. Disponible sur: https://www.francetvinfo.fr/sante/cesariennes-a-vif- episiotomies-imposees-le-grand-tabou-des-violences-durant-l-accouchement_1881273.html

3 Topsante.com. Une tribune dénonce les touchers vaginaux effectués sur patientes endormies - Top Santé [Internet]. 2015. Disponible sur: https://www.topsante.com/medecine/medicaments/scandales-sanitaires/une- tribune-denonce-les-touchers-vaginaux-effectues-sur-patientes-endormies-236493

4 Lahaye M-H. Des témoignages de violences obstétricales et du mépris des médecins [Internet]. Marie accouche là. Disponible sur: http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/2016/10/31/des-temoignages-de-violences-

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blog Marie accouche là, sur le Nouvel Observateur5 , France Culture6 , Le Figaro7 et Baby

France8

- le « point du mari » pratique consistant à rajouter un point supplémentaire lorsqu’une épisiotomie est recousue, ce qui est censé accroître le plaisir de l’homme mais occasionne des dyspareunies systématiques chez la femme9,10.

Dans l’écrasante majorité des cas, les maltraitances/violences gynécologiques/obstétricales sont donc des erreurs de communication, des paroles maltraitantes et une mauvaise relation entre les patientes et leur médecin.

La parole des femmes s’est libérée grâce à Internet. Un hashtag a été créé sur Twitter pour dénoncer les maltraitances gynécologiques : paye ton utérus 11,12.

Les violences obstétricales ont même été reconnues par le Haut Conseil à l’Egalité13.

Par ailleurs, un site a été créé à l’initiative des patientes, pour répertorier les différents praticiens (généralistes, sages-femmes, gynécologues) ayant une approche plus « féministe » du soin médical, le site Gyn&Co14. Un site sur lequel on découvre que des patientes apprécient que leur professionnel de

santé leur laisse faire des auto-prélèvements, soient fat-friendly ou sexworker-friendly.

Pour l’acception des différences telles que l’intersexualité

Le Chœur des femmes aborde l’épineuse question de l’intersexualité. Et pour cela, il noue l’intrigue autour de l’intersexualité de Jean Atwood et de son jumeau Camille, victime d’une terrible erreur médicale concernant son genre. Camille est né intersexué(e), a été opéré(e) à la naissance (ablation des testicules) puis plus tard, a été élevé(e) et a grandi socialement comme une fille, mais s’est senti garçon « depuis le début ».

Probablement peu de lecteurs le savent, mais cette histoire renvoie à une histoire vraie quoique différente, celle du cas John/Joan, ou Brenda/David Reimer15,16.

Bruce, un garçon né en 1965 au Canada, eut accidentellement son pénis irrémédiablement lésé au cours d’une circoncision ratée pendant une opération pour un phimosis. Il avait un frère jumeau, Brian, qui a

5 Violences gynécologiques : ces 7 histoires vont vous mettre en colère [Internet]. L’Obs. Disponible sur:

http://www.nouvelobs.com/rue89/nos-vies-intimes/20170920.OBS4907/violences-gynecologiques-ces-sept-histoires-vous- mettront-en-colere.html

6 Collection Témoignages : Maltraitance gynécologique [Internet]. France Culture. Disponible sur:

https://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks/collection-temoignages-maltraitance-gynecologique

7 Figaro M. Ces gynécos archaïques qui font souffrir leurs patientes [Internet]. Madame Figaro. 2014 Disponible sur:

http://madame.lefigaro.fr/societe/Maltraitances-gynecologiques-211114-82745

8 Babyfrance.com - La maltraitance gynécologique, si on en parlait? » Grossesse, Bébé & Enfant: Babyfrance.com la

référence des parents [Internet]. Disponible sur: https://www.babyfrance.com/fr/guide-bebe/ma-grossesse/suivi-et-tests- medicaux/le-gynecologue/4051-la-maltraitance-gynecologique-si-on-en-parlait

9 « Point du mari » après l’accouchement : je n’y ai pas cru... jusqu’à ce que je le voie [Internet]. leplus.nouvelobs.com.

Disponible sur: http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1164169-point-du-mari-apres-l-accouchement-je-n-y-ai-pas-cru- jusqu-a-ce-que-je-le-voie.html

10 Témoignages : « j’ai été victime du point du mari » [Internet]. Magicmaman.com. Disponible sur:

http://www.magicmaman.com/,point-du-mari-temoignage,2436684.asp

11https://www.topsante.com/medecine/gyneco/petits-maux/payetonuterus-le-hashtag-pour-raconter-ses-histoires-de-gyneco-

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12https://twitter.com/hashtag/payetonuterus?lang=fr

13 Lahaye M-H. Les violences obstétricales reconnues par le Haut Conseil à l’Egalité [Internet]. Marie accouche là.

Disponible sur: http://marieaccouchela.blog.lemonde.fr/2018/07/02/les-violences-obstetricales-reconnues-par-le-haut-conseil- a-legalite/

14 Gyn & Co [Internet]. Disponible sur: https://gynandco.wordpress.com/

15Lanez É. L’expérience tragique du gourou de « la théorie du genre » - Page 2 [Internet]. Le Point. 2014. Disponible sur:

http://www.lepoint.fr/societe/l-experience-tragique-du-gourou-de-la-theorie-du-genre-31-01-2014-17865138_23.php

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échappé à l’opération. Les parents ont demandé l’aide de John Money, médecin, psychologue et sexologue, et père de la « théorie de genre »17. Money a incité les parents à faire opérer Bruce en vue

d’une réassignation sexuelle. A l’âge de 22 mois, Bruce/Brenda a eu les testicules enlevés chirurgicalement, puis reçut une hormonothérapie au cours de l’enfance. Brenda grandit douloureusement. A l'adolescence, elle sent sa voix devenir grave, confie être attirée par les filles, refuse la vaginoplastie que veut lui imposer Money. Brenda cesse d'avaler son traitement, se fait prescrire de la testostérone. Elle se sent garçon emprisonné dans un corps de fille. Paniqués, les parents révèlent la vérité aux jumeaux. Brenda redevient David, il se marie à une femme. Mais les divagations identitaires ont ébranlé les garçons. En 2002, Brian se suicide. Le 5 mai 2004, David fait de même.

Cela a été un échec retentissant pour la théorie du genre de Money, qui l’a particulièrement décrédibilisé. Cette histoire montre à quel point le consentement de l’enfant doit toujours être recherché, et s’il ne peut être obtenu, nécessite d’attendre l’adolescence ou la majorité légale en vue d’une hormonothérapie correctrice voire d’une éventuelle réassignation sexuelle chirurgicale. Autre possibilité chez l’enfant, une chirurgie, mais qui doit alors être la plus minimale possible.

A noter que Winckler ne remet pas en cause la théorie du genre. Il combat le fait d’imposer un genre qui n’est pas le sien à un être humain, qu’il soit mineur ou adulte.

C’est donc la possible tentation du médecin de se prendre pour Dieu, au détriment de l’intégrité psychique et corporelle de l’Autre, que Winckler combat farouchement.