• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE V : RECONCEPTION DE LA RELATION CLIENT/FOURNISSEUR

V.4 Le délai client et la visibilité fournisseur

V.4.2 La longueur du délai client

Les UCM disposent suivant la politique Nouvelle Distribution d’un film ferme de 6 jours. Or, les délais donnés aux UM vont de moins d’une journée à cinq jours. Pourquoi les délais donnés sont-ils inférieurs aux six jours de visibilité ferme ? Nous allons étudier cette question dans les paragraphes qui suivent.

V.4.2.1 Analyse du délai actuel

a) La formule théorique de calcul du délai donné à chaque

fournisseur

Pour répondre à la question posée, nous commencerons par examiner le mode de calcul du délai client. Le délai (ou préavis) donné par une usine de carrosserie montage à une usine de mécanique est calculé en fonction de trois paramètres :

- La longueur du film ferme de l’UCM : elle est théoriquement de six jours.

- Le décalage temporel interne de l’UCM : c’est le temps que passe un organe mécanique dans une UCM depuis l’instant où il est livré et jusqu’à l’instant où le véhicule (sur lequel il est assemblé) sort de la chaîne de montage. Le décalage interne correspond donc au temps de distribution (de la réception de l’organe en gare routière jusqu’à sa livraison au poste de consommation sur la chaîne de fabrication, en passant pas un stockage éventuel), et au temps d’écoulement sur la ligne de production.

- Le décalage du premier transport : C’est le délai entre l’heure d’arrivée du premier camion à l’usine et l’heure de début de production de la chaîne de montage. Pourquoi ce décalage est-il pris en compte ? Si la journée de fabrication débute à 5h30 et que le tout premier camion de livraison de pièces n’est planifié qu’à 10h, il faudra nécessairement que les pièces à monter entre 5h30 et 10h aient déjà été approvisionnées. Elles doivent donc avoir été livrées par le dernier camion de la journée industrielle42 précédente, et ce au plus tard un peu avant 5h30 (en prévoyant le temps de déchargement et d’acheminement vers le point de consommation sur la chaîne).

Ainsi la formule de calcul du délai est la suivante :

Délai donné pour un fournisseur i = Longueur du film ferme véhicule – arrondi supérieur [décalages horizontaux internes UCM + Décalage du premier transport]43.

Remarque :

Notons que la formule fait intervenir l ‘arrondi supérieur du total des décalages. Cela s’explique par le fait que le client UCM exprime ses demandes de livraison en journées entières (2 jours, 3 jours, …). Ainsi, pour un film ferme de 6 jours en UCM et des décalages internes de 0,4 jours, le préavis exprimé au fournisseur sera de 5 jours ; bien que l’UCM dispose en réalité d’un peu plus de 5 jours et demi de commandes fermes sur les organes.

Figure V-5 : Calcul du délai

Qu’en est-il de l’application de cette formule dans les liaisons UM/UCM ?

b) Les délais appliqués

Un travail a été conduit pour analyser l’application de la formule de calcul des préavis sur les liaisons UM/UCM. Les préavis théoriques ont été comparés avec les préavis effectivement appliqués par les UCM. Le comparatif est montré sur quelques exemples du Tableau V-1.

Liaison théorique préavis préavis actuel Différence (théorique – actuel)

Douai Æ Cléon 4 3 + 1

Douai Æ Le Mans 4 3 + 1

Douai Æ STA 3 3 0

Tableau V-1 : Exemples de préavis client

43Dans la pratique, la formule considère le nombre de jours de commandes fermes, au-delà de la dernière journée « affermie ». Ainsi, le terme « préavis » correspond à la totalité de la longueur de l’horizon ferme auquel on retranche une journée. Ce n’est qu’une question de terminologie et par souci de simplification, nous raisonnerons directement sur la totalité de l’horizon ferme.

Film prévisionnel Film Ferme (6 jours)

Demande ferme Décalage

1er transport Demande prévisionnelle

délai client théorique

Décalage interne

Cette première analyse montre qu’il existe pour certaines liaisons un écart entre le préavis théorique et le préavis réel appliqué. En particulier, il existe des préavis réels inférieurs au résultat du calcul théorique. Cela signifie que pour ces liaisons, l’UCM, après établissement de son film de fabrication de six jours, ne transmet pas directement l’information sur les besoins en composants à son fournisseur. Elle retient l’information pendant un certain délai avant de déclencher la commande ferme. Ce fonctionnement est illustré par la Figure V-6.

Figure V-6 : Analyse du délai client

Dans l’exemple de cette figure, le client retient l’information pendant trois jours avant de la transmettre au fournisseur.

Nous allons partir de cette analyse pour rechercher les leviers d’amélioration du délai donné au fournisseur.

V.4.2.2 Identification des leviers d’allongement de la visibilité du

fournisseur

a) Suppression du délai de rétention

Le délai de rétention est essentiellement dû à la volonté de l’UCM de garder de la souplesse pour gérer ses aléas et dysfonctionnements internes (pannes, problèmes d’approvisionnements, …). Elle peut ainsi modifier son film de fabrication si des aléas se produisent. Cependant, en appliquant ce mode de fonctionnement, l’UCM réduit la visibilité de l’UM et nous avons vu auparavant les difficultés que cela crée pour piloter les flux mécaniques. Le manque de visibilité affecte, entre autres, le taux de service vers l’UCM ce qui augmente les aléas qu’elle a à gérer. C’est un cercle vicieux.

Entre une situation où le fournisseur subit tout le poids des aléas UCM et une situation où l’UCM n’a pas du tout de souplesse, il doit bien exister une situation de compromis qui

fabrication transport fabrication Client (UCM) Fournisseur (UM) Commandes commerciales

Film ferme (6 jours) Attente 3 j Décalage interne 2 j Préavis théorique Préavis réel 1 j 4 j

Nous avons vu que l’UCM dispose d’un levier intéressant lui permettant d’absorber une partie des perturbations causées par les aléas : le tristock. En effet, si celui-ci est utilisé d’une manière similaire à ce que fait Nissan, il permet de reconstituer, à l’entrée de la ligne de montage, le film de fabrication initialement construit six jours avant (Cf. chap. I). Ainsi, les perturbations du film ferme entre la date de construction administrative et l’entrée de la ligne d’assemblage peuvent être résorbés. Il reste à gérer les dysfonctionnements après le tristock (c’est à dire la ligne de montage) en dimensionnant la sécurisation au juste nécessaire.

Ainsi un premier levier est identifié : afin d’augmenter le délai client donné aux UM : l’application effective de la règle théorique de calcul du préavis permet de gagner en visibilité.

Levier

Supprimer ou, tout au moins, réduire les délais de rétention de l’information sur la demande permet de faire bénéficier le fournisseur d’une meilleure visibilité sur la demande.

La suppression des délais de rétention permettra d’augmenter les délais donnés aux UM. Cependant, on voit dans le Tableau V-1, que la visibilité théorique reste inférieure aux six jours de film ferme. Nous allons donc pousser l’analyse du délai plus loin.

b) Optimisation des paramètres de calcul du délai

Dans un second temps, l’analyse a porté sur les valeurs des paramètres de la formule (décalage horizontal, décalage premier transport, longueur du film ferme). Les résultats révèlent plusieurs voies de progrès.

Le décalage interne

Le décalage interne est théoriquement le temps que passe un organe depuis la zone de réception jusqu’au montage véhicule : dans la pratique ce délai est de quelques heures. Cependant, les décalages réellement documentés pour calculer le délai sont parfois plus longs : plusieurs jours. Cela est dû aux stocks de sécurité en organes que mettent les UCM pour se couvrir contre les aléas des UM. L’UCM n’ayant pas confiance en la fiabilité de son fournisseur (fiabilité au sens du taux de service) se sécurise en maintenant un stock d’organes, ce qui réduit le délai qu’elle donne et donc réduit la visibilité du fournisseur. Et moins ce dernier a de visibilité, moins il arrive à s’organiser efficacement pour produire et livrer les besoins de l’UCM, ce qui affecte sa fiabilité (taux de service). On entre dans la spirale inflationniste des stocks. L’idée est donc d’inverser cette logique en mettant en place un système profitant aux deux parties, par l’augmentation du préavis. Cela passe par

Le décalage de premier transport

Le décalage premier transport est lié à l’heure programmée de l’arrivée du premier transport du matin. Il est intéressant de noter que pour certaines liaisons, il suffit de décaler cet horaire de peu pour augmenter le préavis d’une journée supplémentaire. En effet, la formule du préavis fait appel à l’arrondi supérieur. Si par exemple la somme des décalages internes est de 1,05 jours, l’arrondi supérieur est de 2. Ainsi, pour un film ferme de 6 jours, le délai donné au client est 6-2 = 4 jours.

Il suffirait de décaler l’heure de transport de 0,05 jour, soit environ une heure, pour ramener l’arrondi à 1 et gagner une journée entière de visibilité. Le délai passerait de 4 à 5 jours. C’est un potentiel d’optimisation non négligeable.

La longueur du film ferme

Il est très intéressant de noter que pour certaines UCM, le carnet de commandes véhicules comporte des journées entières de commandes de clients finaux (ce sont donc des commandes fermes) au-delà des six jours du film de fabrication. Ainsi, il serait possible d’envisager d’allonger le film ferme à plus de six jours, ce qui résulterait en un délai supplémentaire pour les UM. Ce levier constitue un chantier important en cours d’étude.

Leviers

En analysant les paramètres intervenant dans le mode de calcul du délai client, nous avons identifié deux nouvelles voies pour améliorer la visibilité donnée au fournisseur.

Le premier levier consiste à optimiser les décalages de production et d’approvisionnement du client : en réduisant au strict nécessaire les stocks de sécurité de moteurs et en optimisant les horaires de transport.

L’exploitation de la totalité de l’information ferme disponible est un second levier.

c) Autres leviers

L’examen du processus d’expression des commandes fermes des UCM a révélé un autre levier de progrès : en raison de délais de traitement informatique liés à la compilation des besoins des clients dans les systèmes d’information, le délai donné par le client n’est pas celui réellement perçu par l’usine de mécanique. En effet, les délais informatiques « consomment » une journée de visibilité avant que l’information sur les commandes fermes des clients ne soient effectivement exploitables par les UM. Ce phénomène est connu sous l’appellation d’« effet cascade », en référence à l’enchaînement des traitements informatiques. Un meilleur enchaînement des dates de traitements permet de supprimer ce délai et de

gagner ainsi systématiquement une journée de visibilité. Cette action a été déployée dans l’entreprise.

Levier

Tout délai consommant de la visibilité, constitue une piste potentielle à optimiser afin d’augmenter la visibilité du fournisseur.

Partant des différents leviers identifiés dans cette section, il est possible d’envisager l’augmentation du préavis client dans le cas d’étude. Un gain potentiel est identifié entre le préavis actuel et le préavis « optimum » que pourrait donner le client. Un chantier a été engagé dans ce sens dans le cadre du projet Cible Logistique Mécanique. Ainsi presque 50% des liaisons UM/UCM ont été identifiées comme « optimisables ». Ce travail a nécessité un échange et communication avec les UCM afin de leur présenter les avantages de l’approche et les convaincre de l’intérêt réciproque de l’augmentation des délais donnés aux UM.

Figure V-7 : Optimisation du délai client

Cette partie nous a permis de mesurer l’intérêt d’analyser le délai du client et d’identifier les leviers pour le redéfinir de manière à optimiser la visibilité donnée au fournisseur.