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Localisation de la commune de Kalaban Coro

Lieu de l’enquête, ©Google earth ; Water Aid.

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Source : Ministère de l’Administration Territoriale et des Collectivités locales (2007), Plan sectoriel de

La commune de Kalaban Coro304 compte neuf écoles fondamentales disséminées dans l’ensemble du territoire urbain. Le choix de l’enquête s’est porté sur l’établissement Mamadou Kounta, plus grand ensemble scolaire de la ville en termes d’effectif (3000 élèves)305 (photo 5).

Photo 5 : File d’attente à un bureau de vote de l’école Mamadou Kounta Kalaban Coro, le 26 avril 2009, © David Vigneron

Compte tenu de la configuration du site306, nous avons choisi de nous séparer tous les trois, le temps de recueillir un maximum de témoignages et de réponses à nos questionnaires. Malheureusement, nous n’avons pas pu recueillir autant d’entretiens que souhaité.

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Kalaban Coro est devenue au fil du temps la troisième municipalité la plus peuplée du Mali. Au recensement de 1998, on comptabilisait 35.582 habitants tandis qu’au dernier recensement de 2009, 166.722 peuplaient la ville, soit un taux d’accroissement naturel moyen de 15,1 % par an. Ce sont les communes périurbaines de Bamako qui ont connu les plus forts taux d’accroissement naturel au Mali entre les deux recensements, Moribabougou (4 kilomètres à l’est de Bamako sur la route de Koulikoro) a, par exemple, connu une hausse continue de 16,4 % par an entre 1998 et 2009, Source : Institut National de la Statistique (2009), Résultats provisoires RGPH région de Koulikoro, accessible à l’URL : instat.gov.ml/documentation/koulikoro.pdf

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Source : Paris-Mali-Paris, « Classes surchargées à l’école publique Mamadou Kounta », Espace journaliste

en herbe, accessible à l’URL : http://www.journalistesenherbe.couleurmonde.com/spip.php?article356 306

Au début, à trois, nous pensions pouvoir nous entretenir avec une trentaine de personnes, toutefois, le temps nous étant compté, notamment pour continuer l’observation du déroulement des élections, nous avons réussi à obtenir 17 entretiens sans compter les refus. Le panel que nous avons réuni compte 7 femmes et 10 hommes d’une catégorie d’âge dominante de 18-35 ans. Les personnes interrogées sont peu enclines à donner leur lieu d’origine. En finalisant le traitement de l’enquête, nous nous sommes aperçus qu’aucun modèle sociologique ne pouvait expliquer la disparité des réponses selon chaque profil des répondants. Par exemple, les femmes, à la question « qu’est-ce qui vous sensibilise le plus comme type de promesse électorale ? », ne répondent pas forcément en premier « la promotion de la femme ». Partant de ce principe-là, les informations concernant le niveau d’étude307

ou la religion (100 % des interlocuteurs étaient des musulmans) ne nous éclairent pas beaucoup plus. Cependant, la volatilité des réponses nous fait penser qu’une forte sensibilité à la citoyenneté existe, c’est-à-dire que les personnes interrogées ne répondent pas en fonction de leur condition, mais du contexte de spontanéité dans lequel ils sont questionnés. Au chapitre de la sensibilité politique locale, 47 % des personnes consultées trouvent l’action de l’équipe municipale mauvaise, mais au contraire 59 % du panel a participé à des actions locales dans l’arrondissement de Kalaban Coro. Un rassemblement de jeunes « Jeunesse consciente » remerciait le sous-préfet pour l’amélioration des préparatifs électoraux308 entrepris en soulignant la « bonne collaboration entre la mairie et la sous- préfecture »309. Cet exemple résume bien notre propos, la médiation d’un tiers administratif dans l’action municipale a été bien perçue par les électeurs au regard du ressentiment310

civil qui prévalait contre l’ancienne équipe municipale (2004-2009). Tout le paradoxe est dans le discours, les électeurs ne se mobilisent pas pour leurs élus, mais pour les représentants de l’État. En dépit d’un apolitisme311

latent par rapport à l’équipe municipale, les processus relationnels entre les institutions, les procédures et les comportements ont été objectivés par Alain Garrigou312.

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50 % des personnes interrogées ont fait des études supérieures et 40 % se sont arrêtées au niveau du secondaire.

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La sécurisation des cartes d’identité nationales, la résolution de conflits inter villageois ou la réussite de la logistique des différents recensements mis en place à ce moment-là.

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Les populations de Kalaban Coro étaient confrontées à des problèmes d’assainissement ou d’aménagement des voies de circulation SIDIBÉ A. (2009), « Kalaban Coro : Jeunesse consciente salue l’action du sous-préfet »,

Les Échos, le 10 avril, accessible à l’URL : http://www.afribone.com/spip.php?article18586 310

KONATÉ M. (2009), « Mairie de Kalaban-Coro ; la colère des populations contre l’équipe sortante », Le Soir

de Bamako, le 27 janvier, accessible à l’URL : http://www.afribone.com/spip.php?article17197 311

82 % des sondés trouvent les relations entre les élus et électeurs complexes ou sont indifférents

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GARRIGOU A. (1992), Le vote et la vertu comment les Français sont devenus électeurs ?, Paris : FNSP, pp. 8-9.

De ce point de vue, il note qu’« il s’est pourtant joué autre chose que des victoires et des défaites dans la longue succession des scrutins nationaux ou locaux ». Les faits et gestes ordinaires enregistraient les lentes, mais profondes transformations qui faisaient de l’élection, une affaire d'opinion publique ». Berger et Luckman313 l’appréhendent en ce qui concerne la socialisation dans un contexte « d’apprentissage démocratique ». Ils divisent le « processus dialectique continu »314 en trois phases simultanées : l’extériorisation, l’objectivation et

l’intériorisation. Cette manière de concevoir la relation entre institution et comportements

insiste sur le fait que « les institutions, par le simple fait de leur existence, contrôlent la conduite humaine en établissant des modèles prédéfinis de conduite et ainsi, la canalisent dans une direction bien précise au détriment de beaucoup d’autres directions qui seraient théoriquement possibles »315. L’avènement de la décentralisation a eu en quelque sorte l’effet inverse de celui qui voulait rapprocher les électeurs de leurs élus ou le contraire. Les institutions étatiques n’ont pas délégué suffisamment de fonctions stratégiques (la gestion administrative des élections ou l’aménagement du territoire316), ne laissant que l’intendance

de l’assainissement au premier plan et privatisant le reste (l’éducation, par exemple…). Bréhima Kassibo (2006, p. 79), à ce propos, pense que « l’administration vit ses missions se confiner au rôle d’appui-conseil et d’arbitrage dans le cadre de la tutelle qu’elle exerçait sur les collectivités décentralisées ». Le rôle de l’administration peut nous donner le sentiment d’avoir décliné au niveau de sa gouvernance, la réalité des comportements électoraux montre le contraire.

La mobilisation civique, elle, dépend beaucoup de l’organisation géographique du scrutin. Par exemple, la majorité des personnes interrogées (soit 58 %) déclaraient vivre à plus de 500 mètres du lieu de l’enquête. Dans ces conditions, l’éloignement géographique du bureau de vote peut-il être un facteur décourageant pour la participation électorale ?

313

BERGER L., LUCKMANNN T. (1986), La construction sociale de la réalité, Paris : Méridien-Kliensksieck.

314

Op. cit, p. 177.

315

Op. cit, p. 79.

316

La politique d’aménagement du territoire est axée sur la réalisation de grands travaux et non sur la logistique quotidienne communale. Pour les infrastructures urbaines, la priorité a été donnée à Bamako ou aux capitales régionales (Sikasso, Ségou…) Source : TOURÉ A. M. (2007), Projet pour le développement économique et

social. Un meilleur avenir pour les Maliens à l’horizon 2012, vision et actions, Bamako, mars, accessible à

Malgré une augmentation sensible du nombre de bureaux de vote317 dans le pays, l’abstention est toujours aussi forte318. Selon Madou Nimaga319, « s’il faut que les électeurs parcourent des kilomètres (de village en village voire de pays en pays) pour voter, le risque d’abstention est trop élevé ». Pourtant, il existe un dispositif législatif320 mis en place pour régir et éviter de trop fortes disparités électorales portant sur la base de 500 électeurs inscrits maximum domiciliés autour du bureau de vote. Sur le plan de la densité électorale à Kalaban Coro, le chiffre s’élève à 192 inscrits par kilomètre carré. Au regard de l’environnement du vote, l’argument que la distance serait un frein à l’acte de vote ne peut pas tenir en zone périurbaine au regard de la densité électorale. Dans ces conditions, quels autres facteurs sont susceptibles de nous renseigner sur les modalités de compréhension du comportement du votant ? Singulièrement, seulement 41 % des électeurs ou assimilés interrogés étaient rattachés administrativement au centre de vote de l’enquête. Nous pouvons émettre l’hypothèse que beaucoup de personnes accompagnent des électeurs ou qu’ils sont là seulement en tant que badauds (photo n°6).

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En 2002, pour les élections présidentielles, on comptait 12 004 bureaux de vote pour atteindre 18 918 lieux de vote en 2007 (soit 57,5 % de recrudescence). Cette inflation n’est pas à mettre en corrélation avec l’évolution positive du nombre d’électeurs. En 2007, il y avait 6.884.522 inscrits contre 5.446.202 en 2002 (soit 26,4 % de plus).

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De l’ordre 58 % lors des dernières consultations électorales de 2009 en moyenne nationale. Au niveau local, le taux d’abstention est de 30,06 %.

319

NIMAGA M. (2006), L’abstentionnisme électoral au Mali depuis l’avènement du multipartisme en 1992, mémoire de DEA, Dakar : Université Cheick Anta Diop.

320

Selon les propres termes exacts de la loi en vigueur : « Les élections ont lieu au niveau de la commune, de l’ambassade ou du consulat sur la base d’un bureau pour cinq cents (500) électeurs ou fraction de cinq cents (500) au plus ». Source : Présidence de la République, secrétariat général (2011), « Loi n°2011-085 du 30 décembre 2011 portant modification de la loi n°06-044 du 4 septembre 2006 portant loi électorale », chap. 10, art. 81, p. 7.

Photo 6 : Rassemblement d’électeurs, École Mamadou Kounta Kalaban Coro, le 26 avril 2009, © David Vigneron

Présentement, si l’on tient compte des effets de contexte, l’aspect festif du vote peut être évoqué. Non sans le fixer à la période préélectorale, le cérémonial des élections continue lors du jour de vote. « Cette ambiance de fête doublée d’une image forte de la campagne, celle de l’élève et du professeur, a posé fondamentalement le problème de la circulation des élites et de l’alternance au pouvoir » (AMOUZOUVI H., 2000, p. 364). L’introduction du pluralisme en 1992 s’est accompagnée d’une démocratisation du clientélisme, verrouillé pendant la période Moussa Traoré. À l’évidence, la reproduction des pratiques politiques321

clientélistes touche également les pratiques populaires et, au premier plan, le jour du scrutin avec le jeu partisan de l’échange électoral. Patrick Quantin322 démontre bien que « le marché électoral est libre et privatisé, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de monopole empêchant la compétition. Le multipartisme ne crée pas de nouveaux clivages dans les sociétés segmentaires, mais il renomme des identifications anciennes ».

321

En 1992, c’est l’Adema-Pasj qui a su le mieux tirer son épingle du jeu en remportant la première série d’élections. Le parti va reconduire une logique proche de l’ancien parti unique en remodelant les anciens réseaux clientélistes pour se situer au cœur du système néo-patrimonial prégnant dans les rapports de pouvoir. Source : MÉDARD J.-F. (1991), État d’Afrique noire, mécanisme et crise, Paris : Karthala, 405 p.

322

QUANTIN P. (1998), « Pour une analyse comparative des élections africaines », Politique africaine, n°69, p. 26.

Toujours, si dans l’hypothèse, les pratiques de clientélisme font partie du jeu électoral, alors est-il possible de les identifier et de les recenser ?

3/ Une géographie de la fraude électorale…

D’un point de vue scientifique323, analyser la fraude électorale n’est pas chose aisée. Au-delà

de toutes les considérations déontologiques, la géographie des requêtes324 se veut exploratoire et non affirmative. Expliquer la fraude est un outil de compréhension du fait électoral. Elle s’inscrit directement dans les particularités électorales que l’on se propose de percevoir. « Bien que ces élections soient dénoncées dans certains pays comme des échéances démocratiques en trompe-l’œil, tout juste bonnes à rassurer les bailleurs de fonds, elles sont révélatrices d’un certain élan démocratique dans la région et marquent le fonctionnement relatif de la démocratie dans la plupart de ces pays »325. « Relatif », le fonctionnement de la démocratie au Mali ne peut se réduire à ce terme. Certes, les écueils électoraux sont nombreux au Mali, mais si l’on pose notre regard sur le déroulement des élections, on s’aperçoit que la fraude est elle-même institutionnalisée. Beaucoup de Maliens le disent, « la fraude existe, ce n’est pas un sujet tabou. On peut en parler librement, en revanche, pour trouver toute sorte de preuves de cette fraude, cela est quasiment impossible tant elle est bien organisée, même le Président de la Cour constitutionnelle le concède326. Pour tenter de répondre à cette absence de preuves, nous allons procéder à l’analyse de la seule source « officielle » connue compilant des griefs électoraux. Concrètement, il s’agira de proposer une typologie des fraudes que l’on peut référencer, ainsi que leurs localisations. L’intérêt de l’outil cartographique pour cet exposé tient dans le fait qu’il est possible de « donner corps » en quelque sorte à un phénomène peu palpable pour les chercheurs. Dans un second temps, nous chercherons à compléter cette approche macro par un cas plus précis d’observation participante, celui du déroulement du scrutin municipal du 26 avril 2009.

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Pour connaître les raisons du choix de cette approche, se référer à « l’observation d’un scrutin », partie « Lieux d’étude » en annexe n°1.

324

Selon l’article 31 de la loi organique du 3 février 1997 : « Tout le contentieux relatif à l’élection du Président de la République et des députés de l’Assemblée nationale relève de la compétence de la Cour constitutionnelle. [..] Le droit de faire des réclamations appartient à tout candidat, tout parti politique ou représentant de l’État dans la circonscription administrative. »

325

POSSÉMÉ-RAGEAU G. (2008), La démocratie en question, Bilan de l’année électorale 2007 en Afrique de

l’Ouest, Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest/OCDE, mars, p. 5. 326

Cf la première partie du chapitre 4 : « La transition consolidée ». La position du président de la Cour constitutionnelle sur les élections. (Modèle de Schedler, le rejet des élections).

Le but de cet exercice est de comprendre comment se passe un scrutin au sein d’un bureau de vote type et quels enseignements on peut en tirer afin de se faire une idée plus précise de toute la logistique déployée lors d’une élection. Avec les données accessibles que nous a fournies la Cour constitutionnelle, nous allons tenter de dresser une typologie des cas de fraudes avérées par les candidats eux-mêmes. Effectivement, les documents que nous nous proposons d’utiliser recensent tous les griefs des candidats, partis politiques ou représentants de l’État considérant que certains points frauduleux relevés durant tout le processus électoral sont de nature à remettre en cause la validité du scrutin dans leur circonscription électorale. Déposées après le premier tour des élections législatives de 2007, 296 requêtes ont été recensées dont une seule327 a été avalisée par les juges de la Cour. Même fondées, ces récriminations ne sont pas considérées de façon claire et nette par la loi électorale comme étant des causes d’annulation totale ou partielle d’un scrutin et ce faisant, le mode d’invalidation dépend grandement de la teneur des fraudes détectées.

Après l’étude de l’arrêt numéro 07-177/CC-EL du 14 juillet 2007 (voir exemple, encadré n°5) portant réclamation des résultats du premier tour des élections des députés à l’Assemblée nationale, nous avons trouvé quatre types de fraudes majeures (les actes répréhensibles, les faux et usages de faux, les manipulations économiques et celles relatives à l’organisation du scrutin).

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