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Les corridors territoriaux issus des quartiers à l’échelle régionale

Source : GUILLAUD D, 1990, pp. 313-319.

Pour résumer cet exemple de l’organisation sociospatiale de la zone soudano-sahélienne, les formations humaines de l’espace social se structurent autour d’un noyau central originel autour duquel, les clivages spatiaux s’effectuent sur la base d’une spécialisation, qu’elle soit politique, économique ou spirituelle. Ces distinctions donnent corps à des territoires interagissant les uns avec les autres que ce soit en milieu urbain ou rural.

Par conséquent, est-ce que la spécialisation d’un territoire a été utilisée lors de la mise en place de la réforme de la décentralisation au Mali ?

2/ Un prolongement de 1991

Consignée dans l’agenda de la décentralisation213

démocratique amorcée en 1991, la mise en œuvre de la décentralisation répond aux impératifs d’un contexte politique tumultueux214

. Pour Monique Bertrand, « l’expérience politique locale échappe-t-elle aux turbulences, comme tendraient à le faire croire de fortes idéalités attribuées aux espaces de proximité par le mot d’ordre de la décentralisation exporté d’Afrique au cours des années 1990 ? » (1999, p. 23). Dans des circonstances intérieures mouvantes, troublés par le processus de détente démocratique, les enjeux de la mise en place de la décentralisation deviennent primordiaux pour le découpage électoral.

Au préalable, la décentralisation215, si l’on se réfère à son profil spatial ou son « architecture territoriale »216 correspond à une « évolution morphologique et, plus spécialement, au changement des fondements du pouvoir étatique »217. Alexis de Tocqueville établissait une distinction entre une première catégorie d’intérêts communs à toutes les parties de la nation, et une deuxième, regroupant des intérêts spécifiques à chacune de ces parties (1839, p. 447). Le territoire national est balloté entre la nécessité de garantir des prérogatives élargies aux collectivités locales et la conservation des compétences stratégiques de l’État central (la défense, l’intérieur et les finances…).

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Pour plus d’informations, se référer à la partie « éléments de compréhension de la décentralisation » en annexe n 1.

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Le scrutin législatif du 13 avril 1997 a été annulé puis reporté au mois de juillet suivant. Entre temps l’élection présidentielle de mai a reconduit Alpha Oumar Konaré à la tête du pays sur fond de participation électorale médiocre. Les élections municipales étaient ensuite fractionnées en deux échéances. La première étant reportée à trois reprises jusqu’au 21 juin 1998, la seconde programmée finalement pour avril 1999, date de l’application des dispositions constitutionnelles relatives à la loi sur la décentralisation. (BERTRAND M., 1999, p. 23)

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La décentralisation devait répondre à trois impératifs lors de sa mise en application : ancrer le processus de transfert de compétences du sommet à la base, la promotion des initiatives locales pour un développement autocentré local et assurer une meilleure efficacité des services de proximité (santé, éducation, hydraulique), informations recueillies lors d’un entretien le 19 janvier 2008 avec N’Tji Keita, collaborateur à l’A.M.M. (Association des municipalités du Mali), collectivité du district de Bamako. Il travaille dans le cadre du P.A.R.A.D (Programme d’appui à la réforme et à la décentralisation) et maire de Diauguirdé, cercle de Diéma, région de Kayes.

216

LÉVY J. (2002), « Ne dépolitisons pas la décentralisation », Le Figaro, 2 octobre 2002.

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Porteur de confusions, le concept de « décentralisation » exige une définition claire. Ce sont, en définitive, les ouvrages généraux qui en donnent une définition réellement objective, c’est- à-dire « un processus centrifuge par lequel un centre abandonne une part de ses fonctions centrales ».

On peut évoquer à ce sujet la « décentralisation des pouvoirs » qui donne le pouvoir de décision, dans la gestion administrative locale des collectivités territoriales, à des personnes publiques élues par les administrés218. Le dernier volet abordé, celui de la perception territoriale peut expliquer, partiellement, les représentations données à la décentralisation. Lors d’un scrutin de proximité, le transfert de responsabilités devient partie prenante de l’espace social dans les sociétés du « Sud ». C’est pourquoi, par exemple, l’acte de vote ne répond pas forcément à des logiques d’opinions, mais à des choix dictés par autrui (un membre de la famille ou un proche influent). « Dans une société démocratique, l’élection n’est pas seulement une technique ou un procédé de nomination. On ne peut ignorer qu’elle met en œuvre des forces politiques et des structures sociales complexes. À titre d’exemple, la démocratie locale peut être purement formelle et ne pas permettre un choix réel, ce qui est souvent le cas dans les sociétés traditionnelles » (ROIG C., 1966, p. 450). Faute de démocratie « participative »219, la démocratie représentative, n’est, au niveau local, guère plus à même de répondre aux impératifs de « médiations territoriales ». Pour M. Bussi, « la démocratie représentative oblige à découper l’espace en sous-espaces. […] Pas de participation, donc, sans partition » (2001, Géocarrefour, p. 269). Quoiqu’il en soit, la décentralisation, pour le géographe, doit révéler les rapports transversaux entre les organes non centraux autonomes et le pouvoir central. « Le passage, tout au moins dans le discours, d’une planification descendante à une logique contractuelle ascendante, basée sur des logiques autour d’un projet local, a fait l’objet de peu de débats chez les géographes » (Ibid, 2001, p. 271). Pour des raisons de clarification, nous utiliserons le terme « déconcentration » plus approprié au contexte du Mali en termes de déplacements de compétences.

218

In Le petit Robert 1, 1977 et BRUNET R. et al. (1997), Les mots de la Géographie, Paris, Reclus-La Documentation Française, p. 142.

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La démocratie participative se rapporte au concept de « participation » évoqué par Claude Lefort. En effet, « les conditions d’une vie démocratique ne seraient pas remplies si les individus ne faisaient pas usage de leurs droits, c’est-à-dire s’il n’y avait pas de participation effective aux décisions et aux tâches. Le concept de participation donne sa traduction positive à celui plus ancien de consensus ». In LEFORT C. (1966), « Pour une Sociologie de la démocratie », Annales Histoire, Sciences Sociales, volume 21, numéro 4, p. 766.

S’agissant d’un « mouvement centrifuge, de transferts d’activités d’un centre jugé trop encombré vers des périphéries accueillantes, la déconcentration porte, en général, sur des activités subalternes, les cadres étant peu portés à quitter le centre »220. Cet « investissement de forme » (BOLTANSKI et THEVENOT, 1986) permet souvent d’améliorer le processus de décision. Effectivement, la société pourra difficilement transformer un niveau territorial en champ démocratique, puis en nouveau territoire, si les contours du pouvoir local ne sont pas reconnus par le centre.

Sur le plan de sa légitimité étatique, cette réforme n’est pas discutable, en revanche, son ossature institutionnelle figée ne représente pas toutes les dimensions, en particulier territoriales, d’un processus démocratique de décision sur l’espace (D’AQUINO P., 2002, p. 60). « Le rôle clair des caractéristiques formelles d’une organisation n’est donc pas de déterminer directement les comportements, mais de structurer des espaces de négociation et de jeu entre acteurs » (FRIEDBERG E., 1986, p. 150). En Afrique, la décentralisation en tant que telle vit ses prémices et ne pourra être effective qu’à moyen et long terme. Pourtant, les formes du cadrage proto-institutionnel existent déjà durant la période coloniale. « Concernant les grands empires de l’Ouest africain, un débat a cours, actuellement, entre deux thèses. La première soutient que l’expérience de gestion des affaires publiques n’a pas dépassé le stade d’une simple déconcentration. Elle affirme que l’intervention du pouvoir central allait jusqu’à concerner l’organisation des relations socio-économiques quotidiennes, internes aux communautés qui ont été soumises. […] La seconde soutient que les empires précoloniaux ont pu se constituer et, surtout, se maintenir parce que les empereurs avaient accepté une véritable dévolution par transfert de leur pouvoir acquis par la conquête, aux autorités locales »221. On le voit, la mise en place de la déconcentration est bien antérieure à l’époque contemporaine tandis que son application conserve les mêmes modalités d’exécution sur le plan local.

220

BRUNET R. et al (1997), Les mots de la Géographie, Paris, Reclus-La Documentation Française, p. 144.

221

CAURIS (1994), « Spécial Décentralisation », dossier numéro 1, décembre, 16 p. repris de LIMA S, 2003, p. 187.

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