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La stratégie de campagne de Modibo Sidibé

Les deux autres candidats partent avec une base électorale solide, mais Soumaïla Cissé ayant quitté le pays durant huit ans pour effectuer son mandat international, a besoin de remobiliser autour de lui. À première vue, la stratégie de l’ex-président de l’UMEOA s’oriente vers une stratégie sensiblement analogue avec pour seule différence, la possibilité de déléguer ses déplacements aux associations291 (de jeunes ou de femmes) qui le soutiennent. Dioncounda Traoré, lui, de son côté avant de commencer sa campagne, a dû faire face à une série de désistements dans son propre état-major292. La personnification trop prononcée des partis politiques nuit-elle, dans ce cas, à la bonne marche d’une campagne de mobilisation électorale ? Pour Mathieu Mérino (2006, p. 181), le désistement du personnel politique fait partie d’une tactique de régulation interne.

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BERTHÉ A. (2012), « La jeunesse URD prend en charge la caution de Soumaïla Cissé », Le Canard

déchainé, le 18 janvier, accessible à l’URL : http://www.maliweb.net/category.php?NID=85824&intr= ou

encore BERTHÉ A. (2012), « Les femmes URD de San, de Tominian et de Baraoueli promettent le takokélé à Soumaïla Cissé », Le Canard déchainé, le 05 janvier, accessible à l’URL : : http://www.maliweb.net/category.php?NID=85246&intr=

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BABI O. (2012), « Cascades de démissions autour de Dioncounda Traoré : M. Mahamadou Diakité et Mme Oumou Traoré claquent la porte de l’Adema », Le Canard déchaîné, le 25 janvier, accessible à l’URL : http://www.maliweb.net/category.php?NID=86083&intr=

« Après ses visites de courtoisie aux familles fondatrices et à certaines notabilités de Bamako, visites au cours desquelles il leur a demandé la permission de se présenter à la magistrature suprême de notre pays, Modibo Sidibé entend continuer la même démarche sur l’ensemble du territoire national. Ainsi, après les troisième et quatrième régions, il se rendra d’abord à Mopti et à Tombouctou, puis à Kayes et Koulikoro avant de boucler la boucle par Gao et Kidal. Dans toutes ces régions, il ne s’agit pas pour l’ancien chef du gouvernement de se limiter aux chefs-lieux de région ou de cercles, mais de faire de véritables incursions dans les villages, dans le souci d’une dynamique de proximité culturelle et historique : les patriarches, les notables et les chefs sont partout et comptent tous. Pour cette première phase, il s’agira pour Modibo Sidibé de juste demander l’autorisation et la bénédiction de ses interlocuteurs, sans trop entrer dans les détails de son programme, mais, néanmoins, évoquant avec eux les grandes préoccupations. À cet effet, n’étant pas candidat investi d’un parti politique, il sera accueilli et pris en charge par ses nombreux clubs et associations de soutien disséminés à travers le pays. »

Source : DIALLO M. (2011), « Élections présidentielles 2012 : Modibo Sidibé à Sikasso et à Ségou. », Le

« Aussi paradoxal que cela puisse paraître, la possibilité pour le personnel partisan de développer des stratégies individuelles au sein du parti ou de le quitter pour aller dans un autre, est un moyen efficace pour les élites partisanes d’établir leur emprise sur les effectifs en contrôlant notamment la sélection de ceux qui veulent participer à la joute électorale ». Les périodes électorales sont propices aux rapprochements et aux délitements des structures partisanes, une refonte qu’a entraîné l’instauration du multipartisme de 1991. Au niveau local, surtout en milieu rural, cette personnification des partis politiques s’exacerbe car comme on l’a dit, ce sont des réseaux de pouvoirs, qui, dans un cadre partisan, font ou défont des carrières politiques. Les déterminants sociaux du comportement des votants semblent être assortis à la proximité du marché politique en milieu rural. Par souci de rapprochement spontané, les big men293 ou politiciens entrepreneurs mettent au point des pratiques de

dispensation caractéristique et c’est important, du vote tel qu’il est perçu par les populations (photos n 1 et 4).

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Photo 4 : Bac à vaisselle offert durant la campagne des élections communales de 2009, commune de Fanga cercle de Yélimané, février 2010, @ David Vigneron.

Sur la photo ci-dessus, nous avons l’exemple type du don qui correspond aux besoins des populations, à la fois fonctionnel et ciblé sur un électorat bien précis : les femmes. La faculté de captation d’un candidat dépendra de son audience financière pouvant conduire les électeurs à « l’acheter ». L’électorat est, de cette manière, perçu comme une « ressource politique »294 vers laquelle se rapprocher. Ce système semi-compétitif a été mis en place par l’ancien parti unique en offrant aux populations la possibilité de sélectionner les élites locales et d’augmenter la compétition intra-partisane entre des personnes originaires de la même région (Ibid, 2006, p. 182). Afin de se faire une idée plus précise de ce phénomène, nous ferons un retour sur le processus électoral des précédentes élections présidentielles de 2007 et suivrons le parcours géographique effectué par Amadou Toumani Touré pour se faire réélire pour un second mandat.

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Sur une période de trois mois environ295, du 2 février au 23 avril 2007, Amadou Toumani Touré, futur candidat à sa propre succession en tant que président de la République du Mali, se lance dans la bataille électorale. Première remarque, le candidat ATT (Amadou Toumani Touré) a commencé sa campagne électorale bien avant le début de la bataille électorale. Par intermittence, le candidat-président s’est déplacé sur tout le territoire (voir carte 9, exception faite de l’extrême nord du pays). Sur la carte 9, on s’aperçoit qu’ATT a effectué quatre grandes tournées et, tout particulièrement, à Kidal où il s’est rendu deux fois en l’espace de trois mois296. La partie nord-est devenue l’espace d’un instant une zone où tous les regards se sont tournés, sans doute le président a-t-il voulu lui-même s’occuper de ce dossier pour montrer son implication dans le traitement de la question touarègue. Orientant sa campagne à l’est, ce n’est pas pour cela que le président Touré oublia la partie ouest. En date du 27 mars, il notifia sa candidature au scrutin du 29 avril à Nioro du Sahel (à l’est de Kayes).

Pourquoi Nioro du Sahel ? Tout d’abord, Nioro est le lieu de naissance d’un des autres candidats à l’élection présidentielle Tiébilé Dramé mais aussi le lieu du lancement de sa campagne. « Pour le président du PARENA, la route de Koulouba est longue, pour y accéder, il faut impérativement passer par Nioro du Sahel. Une terre bénie où il a jugé nécessaire de se ressourcer et de se confier aux notabilités et aux leaders religieux. Tiébilé Dramé a, aussi, indiqué que le choix de Nioro pour lancer sa campagne s’explique par le fait que son parti prend racine à Nioro, sa ville natale »297. ATT s’est, peut-être, servi de son influence pour limiter celle de son adversaire.

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Voir « l’observation d’un scrutin », partie « Lieux d’étude » en annexe n°1.

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En réalité, le président Touré s’est rendu trois fois dans le nord, à Gao, le 12 mars, à Kidal entre le 24 mars et les 18 et 19 avril 2007. Source : L’Essor, numéros : 15 912, 15 921 et 15 937.

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