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Les perceptions des observateurs électorau

« Dans le cadre de l’organisation matérielle, la mise à disposition du matériel électoral dans les centres de vote et la formation des agents électoraux ont été une réussite. Tous les observateurs nationaux et internationaux sont unanimes sur la réussite de l’organisation des scrutins. Tout cela a été confirmé par le président de la République et le premier ministre le 22 juillet lors du second tour des élections législatives. »

Source : WESCH W., 2007, p. 13 « Les membres de bureaux de vote étaient généralement présents, en tous les cas avec le quorum nécessaire pour délibérer. Ils étaient généralement motivés, à la hauteur de leur tâche et désireux d’accomplir leurs obligations conformément aux textes en vigueur et qui, dans la majeure partie des cas, étaient à leur disposition (code électoral, guide de l’agent électoral). La présence des représentants des candidats, même si elle est facilitée par les dispositions du code électoral, leur accordant la faculté de désigner aussi bien des assesseurs que des représentants, n’a pas été utilisée de manière systématique. »

Source : ACCT (1997), Rapport de la mission d’observation du 1er tour des élections législatives du 13 avril 1997, Agence de la Francophonie, p. 58 p.

« Les assesseurs, les délégués des candidats étaient généralement présents dans les bureaux visités et l’ambiance y était détendue. Dans ces mêmes bureaux, aucune présence étrangère n’a été constatée. »

Ensuite les cas récurrents « d’achats de conscience »328 (79). Ici, le vote est intimement lié à ce que nous avons déjà évoqué329 auparavant à propos des formes de vote. En outre, si nous dressons un bilan vis-à-vis de ce type de pratique, on dénote que « l’influence extérieure n’est plus celle des dominants traditionnels, elle s’exprime plutôt par des conseils que le groupe sollicite pour voter » (JAFFRELOT C., 1993, p. 311). L’espace social du vote s’articule donc autour de la « marchandisation des voix » qui prend le pas sur d’autres institutions essentielles de la société malienne, telle la religion. Peu avant le premier tour des législatives, un représentant de l’Association Al Islam330

affirmait : « l’argent, qui est aujourd’hui le nerf de la guerre, fait l’objet d’une utilisation inquiétante le jour du vote des différents centres pour détourner les consciences, acheter des suffrages par les caciques de la routine, afin de maintenir vaille que vaille, cette attitude déplorable et, d’ailleurs, réprimée par la loi électorale, se fait au vu et au su de tous. [..] Chers frères concitoyens de notre cher Mali, Dieu le Tout-Puissant, nous enseigne dans le Coran : Dieu ne changera pas l’état d’un peuple tant que ce peuple n’aura pas changé l’état de son âme. Respectueux et respectables organes chargés de la supervision et de l’organisation des prochaines législatives, efforcez-vous d’envoyer à l’Assemblée nationale du Mali, les meilleurs hommes et femmes à travers les critères de transparence, de probité morale et intellectuelle »331. Comment peut-on interpréter le fait que, durant les élections, les tenants de l’économique l’emportent sur le « sacré » ? Cela tient plus particulièrement au contexte électoral ; effectivement, on peut penser que les élections semblent être le moment où l’électeur a l’impression que l’on s’intéresse à lui. Il existe un tel fossé entre les hommes politiques332 et la population, que les seuls moments où ils peuvent se rencontrer correspondent aux périodes électorales. L’achat de conscience devient ainsi une expérience sociale éphémère répondant aux espérances d’un quotidien parfois difficile. Après la période électorale, le religieux retrouve son rang d’institution. Tout d’abord, nous avons repéré un premier type de cas de fraude, les actes répréhensibles (menaces physiques ou verbales ou encore des vols, de cartes d’électeur principalement).

328

La plupart des cas d’achats de conscience se localisent à Kita, Kolokani, Kangaba, Sikasso, Kolondiéba, Bougouni, Baraouéli et Youvarou. On constate que la plupart de ces villes sont au sud-ouest du pays. Faut-il y voir un rapport entre les densités de population et les fraudes ?

329

Cf chapitre 7, 2/ Vote d’échange, vote communautaire ou d’opinion.

330

Association islamique pour le salut.

331

KIMBINI M. (2007), « Législative du 1er juillet 2007. Alerte à la fraude et à l’achat de conscience », Le

Républicain, numéro 1737, le 14 juin, p. 5. 332

On a recensé des exemples à Kayes, à Bougouni ou à Tombouctou, mais le cas le plus atypique se rapporte à la commune de Kadiolo, où des délégués de la liste Adema-Pasj ont été empêchés, par une dizaine de chasseurs armés, d’accéder à leurs bureaux de vote333

. Cette requête est difficilement vérifiable, on peut en tout cas spécifier que Borokoba (au nord de Kadiolo) est un village de Dozos (ou de chasseurs), proche des bureaux de vote334 énumérés par les plaignants. Par ailleurs, on remarque que les pratiques de « faux et usage de faux » sont courantes, elles concernent principalement la falsification des documents administratifs (cartes électorales ou bulletins de vote). Cette pratique est courante dans le pays où, un peu partout335, on recense des plaintes vis-à-vis de ce type de pratique. Ce que l’on pourrait nommer une « fraude administrative » ne se concentre pas seulement sur les documents officiels. Il faut noter que les cas principaux de fraudes se produisent en amont des élections, notamment lors de la constitution des listes électorales336 qui sont devenues un enjeu important des élections. Comme le souligne Hilaire Kamga337, « loin de diminuer, la fraude électorale se généralise et se modernise ». Ces manipulations de listes sont destinées soit à y faire figurer de faux électeurs (électeurs non-résidents ou non-inscrits, des « doublons »338, voire des électeurs défunts ou simplement inexistants) qui permettront le jour venu de « bourrer » les urnes en toute légalité, soit à empêcher les indésirables de s’inscrire et donc de participer aux élections (BUSSI M., 2004, p. 145). En d’autres termes, les cas de fraudes sont moins visibles, mais s’adaptent aux innovations électorales. Si l’on prend l’exemple de la procuration339 mise en place lors des élections présidentielles de 2002, le mandataire, pour être reconnu dans le cas où il n’aurait ni papiers d’identité, ni carte d’électeur, devait être accompagné par deux membres de sa famille, deux témoins qui confirment l’identité du mandataire. Cependant, cet usage a donné lieu à de nombreuses fraudes.

333

Requête numéro 38 de l’arrêt numéro 07-179/CC-EL du 10 août 2007.

334

Fourou, Kadiolo ou Loulouni.

335

Sur un plan général, on recense des plaintes provenant de Kati, Koulikoro, Yanfolila, Kolokani, Kidal, Kayes, Kita, Koutiala, Kadiolo et Ségou.

336

L’inscription sur les listes électorales est automatique. Tous les citoyens maliens en âge de voter y sont recensés. La complication constatée tient dans le fait que les taux de retrait de cartes électorales sont très faibles, et par la même occasion, l’automatisation de l’inscription ne permet pas de mettre à jour le fichier électoral, car le dernier recensement dont on se sert date de 2002.

337

(2007), Les techniques de la fraude électorale en Afrique, Ed. Afrique leadership.

338

Personnes enregistrées à deux endroits à la fois. En général son lieu d’origine (le village de naissance par exemple) et son lieu d’habitation.

339

Le vote par procuration consiste, pour un électeur absent ou empêché (le mandant), à choisir un autre électeur pour voter à sa place (le mandataire). Le mandataire doit être inscrit sur les listes électorales de la même commune que le mandant, mais pas nécessairement dans le même bureau de vote. Source : Loi relative à l’organisation des élections de 2007. Conseil constitutionnel, République du Mali.

En dernier lieu, le type de fraude qui se recoupe dans tous les autres se rapporte à l’influence des agents administratifs au sein et en dehors du bureau de vote340. On pense plus particulièrement au président qui, tant bien que mal, peut avoir des liens étroits avec les candidats. On peut citer comme exemple d’usage de la fraude suffisamment répandue pour le signaler, le remplacement du personnel électoral initial. Dans beaucoup de cas341, les premiers électeurs sont réquisitionnés pour remplacer les assesseurs. En général, en dépit d’une volonté indéniable, les assesseurs n’ont pas la formation adéquate pour tenir correctement le déroulement des élections. D’autres exemples viennent confirmer cette tendance. En effet, à Ténenkou (région de Mopti) et à Yélimané (nord-est de Kayes), deux sous-préfets ont tenté de faire élire et de faire tomber des candidats aux élections législatives de 2007342 en « tripatouillant » les résultats du scrutin. Pourquoi ce type de fraude concerne-t-il toutes les composantes que nous avons abordées ? Régulièrement, les agents administratifs ont le contrôle des « leviers » électoraux, c’est toute la spécificité de ces postes. En vertu de leurs attributions, les agents administratifs peuvent interférer sur tous les fronts de la fraude.

Pour aller plus loin, nous faisons le choix désormais de proposer une approche cartographique permettant de recenser dans l’espace tous les types de fraudes selon leur quantité à l’échelle communale.

Sur 296 requêtes343 déposées, 274 écueils électoraux ont été retenus après le traitement des données pour effectuer la carte n°11344. L’intérêt de spatialiser les cas de fraudes réside dans le principe de compréhension de leur répartition et de leur localisation.

340

Un bureau de vote est composé d’un président, adjoint ou conseiller municipal, chargé du bon fonctionnement général du scrutin, d’assesseurs ou de délégués, désignés par les différents candidats parmi les électeurs de la circonscription et d’un secrétaire.

341

À Kati, Kayes, Nara et Yorosso.

342

TAKIOU C. (2007), « Deux sous-préfets pris en flagrant délit de falsification des résultats », Le Républicain, numéro 1749, le 5 juillet, p. 4.

343

Une requête peut contenir plusieurs fraudes constatées par les plaignants. En tout et en faisant le total exploitable pour le dépouillement analytique, on compte 336 fraudes infra requêtes dont 62 non utilisables pour être cartographiées en raison d’une localisation trop imprécise.

344

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