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Les Royaumes d'Afrique au cours du temps

L’Empire du Ghana (carte 1) a été créé par les Soninkés (Sarakollé) aux environs du VIIe

siècle et atteint son apogée sous la dynastie de Kayan Maghan (ou Magnan qui signifie maître

de l’or) entre le IXe et le XIe siècle, s’étendant sur l’ensemble de la bande sahélienne de la

moyenne vallée du fleuve Sénégal (Tékrour) jusqu’à Tombouctou (Mali), et une partie du Soudan nigérien. Ce Royaume tirait sa prospérité de l’or dont il faisait commerce avec l’Afrique du Nord. Depuis l’Antiquité, les paysanneries vivaient dans des villages indépendants, structurés par des filiations dont la segmentation régissait la vie politique.

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La notion d’État a pu commencer à être utilisée lorsque le principe territorial l’a emporté sur le principe lignager accordant, par principe, une autonomie partielle à la singularité politique. Processus au long cours, la centralisation a culminé dans la construction des grands empires africains et, le Ghana s’en trouve être un des précurseurs dans le Soudan occidental.

Les traces du passé ghanéen restent obscures pour les chercheurs, limitées à quelques témoignages des géographes arabes (VIIIe–XIe siècle). On peut mentionner à ce sujet que le premier à évoquer le Soudan occidental fut Ibn Abd Hakam (803-870) : “Ubaïd Allah gave to Habib Ben Ubaïda the command of an expedition in Sûs and Sûdan ; that chief had an immense success and seized a considerable amount of gold” (MAUNY R. A., 1954, p. 201). Un astronome, Al Fazari, lui donnera plus tard le nom de « territoire du Ghana, le pays de l’or »184

. Par la suite, les explorateurs ou scientifiques abbassides185 vont se succéder jusqu’à relever que le roi du Ghana est l’homme le plus riche du monde grâce à l’or qu’il a pu collecter. Finalement, les témoignages indiquent la représentation d’une monarchie sacrée, dont le souverain est responsable aussi bien de l’ordre naturel (fertilité, fécondité) que de l’ordre politique, par le jeu des rituels. « Originel », tel est le mot employé par G. Chauzal (2011) pour définir le système politique ghanéen, sans doute le Premier Empire du Soudan occidental à avoir adopté un modèle centralisé autour du Tunka.

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Ibid, 1954, p. 201

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« Au plan administratif, l’Empire du Ghana se divisait en plusieurs provinces et Royaumes,

découpés en cantons et villages. Comme dans la plupart des empires, les territoires se divisaient entre une « possession » royale, domaine propre du souverain et plusieurs provinces relevant de ses vassaux. Le régime de gestion administrative de ses territoires pouvait par conséquent varier. Certains Royaumes vaincus étaient par exemple parvenus à conserver leurs structures traditionnelles de souveraineté, en échange desquelles ils s’engageaient à verser régulièrement un tribut au Ghana et à lui fournir un quota important de soldats. À l’inverse, il y avait aussi des territoires où le monarque décidait de placer directement des gouverneurs (faren) qui pouvaient quelquefois être des membres de sa propre famille. Ils étaient dans ce cas directement rattachés au roi, en exécutaient les ordres, levaient les taxes pour lui et rendaient justice en son nom. L’ensemble des rois- vassaux et des gouverneurs pouvaient aussi assumer auprès du roi des fonctions de conseillers et/ou de ministres. Pour s’assurer leur loyauté, un système relativement élaboré d’alliances était supposé lier les différentes parties » (CHAUZAL G., 2011).

Pour résumer, l’Empire du Ghana pouvait être considéré comme un « Royaume esclavagiste très structuré, avec, au sommet, une aristocratie militaire bien étoffée et une société où la division du travail était très poussée, puisque composée de clans de forgerons, de tisserands, de cordonniers et de teinturiers » (NIANE D. T, 1975, p. 33). L’histoire soudanienne retiendra de l’Empire du Ghana, la constitution d’un système politique centralisé autour de la personne du roi qui inspira les empires qui lui succèderont (Repris de CHAUZAL G., 2011).

3/ Le faama186 et la mangue, vers l’institutionnalisation du pouvoir sous les empires du Mali et Songhaï

Héritage du Royaume du Ghana, le processus de gouvernance s’appuie sur une volonté de faire une place à la participation des secteurs représentatifs de la société. Pour illustrer, le

Mansa soumet les doléances des gouvernés à l’examen par une assemblée constituée de

notables issus des principaux clans du Royaume. Sorte d’équivalent gouvernemental, le grand conseil du monarque instituait un authentique organe institutionnel de gouvernance. Suspendue aux conseils de son assemblée, la décision, ainsi que la composition de l’auditoire, appartenaient toujours au souverain. Force est de constater que la contradiction y régnait en son sein, sans pour autant remettre en question la légitimité coutumière dont le roi était pourvu. « Il semble que ce type particulier de gouvernance témoigne finalement d’une pleine conscience précoloniale des potentialités conflictuelles inhérentes aux organisations politiques plurales »187. Pourtant, l’antagonisme de ces règles était bien connu du souverain qui, par un jeu d’équilibriste, maintenait un modus vivendi entre tous ses conseillers. L’administration du territoire était un peu régie de la même manière ; J. Ki-Zerbo (2000) comparait cette gouvernance avec l’image d’une mangue.

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En bamanan, le faama désigne le puissant aussi bien dans des États guerriers, coloniaux, dictatoriaux qu’en démocratie, les politiciens, juges et hommes d’affaires impitoyables. Le mansa était considéré comme un kun

tigi car il dirigeait son Royaume de façon intransigeante et équitable. Ce fut le cas de Soundiata Keita, par

exemple. Source : CARATINI S. (2009), La question du pouvoir en Afrique du Nord et de l’Ouest : Affirmations

identitaires et enjeux de pouvoir, Paris : l’Harmattan, coll. l’Ouest Saharien, p. 123. 187

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