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CHAPITRE 2: LA PROCURE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE CHINE:

2.3 Fluctuations, rentabilité et pont Québec-Xuzhou

2.3.2 Limite et succès de la publicité pour Xuzhou

Les dons recueillis pour l'Église du Xuzhou étaient offerts par des fidèles qui, par initiative personnelle ou par conformisme social, désiraient répondre aux instructions pontificales, s'acquitter de leurs devoirs chrétiens ou encourager des Canadiens français participant au mouvement missionnaire mondial. Le passage de Mgr. Marin au Canada en 1933 donna le coup d'envoi à un élan de générosité canadienne-française sans précédent en faveur de la conversion des Chinois du Xuzhou. Les 63 conférences que l'administrateur apostolique donnait en 70 jours étaient la source directe de 5500$ et de près de 1000 livres de linge d'autel et de matériel scolaire199. Le décès à la ville de Fenghsien, au Xuzhou, du

prêtre jésuite Arthur Tremblay en 1934 provoqua également un grand vent de sympathie pour la mission chinoise. Des articles ont paru dans les journaux canadiens-français et dans

Le Brigand pour convaincre les bienfaiteurs de donner pour le progrès de la cause à

laquelle le P. Tremblay avait consacré sa vie200.

198 Voir en annexe C les montants annuels en emprunts, opérations financières et ventes de biens mobiliers et immobiliers d'août 1932 à août 1947 et d'août 1948 à août 1950.

199 En vertu d'une règle canonique, Mgr. Marin ne pouvait pas voyager plus de trois mois hors du territoire ecclésiastique de Xuzhou puisqu'il en était l'administrateur apostolique. Le P. Philippe Côté supervisa la préfecture en son absence. Rosario Renaud, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (13 fév., 1933), p. 2. Voir également Émile Jombart, op. cit., p. 85.

200 Le décès du P. Arthur Tremblay fut annoncé dans un article portant sur l'assassinat d'un missionnaire canadien- français de la mission de Mandchourie, le P. Émile Charest. Clovis Rondeau, « Le R. P. Émile Charest a été tué par

La publicité de la Procure de Chine incitait à la générosité de nombreux Canadiens français. La présence des Jésuites de la mission de Xuzhou aux expositions missionnaires figure parmi les premiers investissements que le P. Lavoie accordait pour attirer les aumônes. Quelque 125$ furent dépensés pour ouvrir le kiosque chinois de l'exposition missionnaire de Trois-Rivières en 1935 et les bienfaiteurs intéressés par la mission contribuèrent en retour pour 349$. Encouragé par ce succès, le P. Lavoie débloquait respectivement des montants de 3284$, 157$ et 1456$ pour les expositions missionnaires de Sherbrooke (1941), de Montréal (1942) et de Gravelbourg (1944), mais les dépenses en objets chinois pour ces trois kiosques n'étaient pas totalement couvertes par les recettes. Le musée d'art chinois fut fondé pour rentabiliser les achats tout en faisant une publicité à l'année imprégnant progressivement l'intérêt pour la Chine au Canada201.

Le P. Lavoie manifestait d'une grande passion pour les objets qu'il exposait au musée d'art chinois. Il désirait à plusieurs reprises agrandir la collection de la Procure de Chine afin d'attirer davantage de visiteurs. Il déboursait 3372$ pour des œuvres d'art chinois entre août 1932 et août 1938. Un montant supplémentaire de 2000$ était versé pour la même période aux commandes de souvenirs chinois, de cartes postales et de livres missionnaires mis en vente au magasin du musée. La Procure de Chine enregistrait conséquemment des revenus annuels dont la courbe montait de 1367$ en 1932-1933 à 4266$ en 1934-1935, puis descendait à 3446$ en 1937-1938. La proportion des investissements alloués par le P. Lavoie était toutefois critiquée par ses collègues. Sachant que la presque totalité des recettes du musée provenait de son magasin, des Jésuites du Québec questionnaient les montants attribués à l'achat d'œuvres d'art dont ils ne reconnaissaient pas la rentabilité. Une enquête sur les états financiers de l'institution fut commandée par le supérieur provincial Dugré qui commenta le travail du P. Lavoie comme suit: « En tout cas, il m'envoie des états de compte qui ne me paraissent pas toujours lucides des bandits chinois en Mandchourie », Le Devoir, 24 fév., 1934, p. 6. Georges Marin, « Le Père Arthur Tremblay, S.J., missionnaire à Fenghsien, vient de mourir d'une pneumonie. R.I.P. », Le Brigand, no. 27 (fév., 1934), p. 10. Le P. Tremblay avait administré des placements qui furent donnés à la Procure de Chine. Georges Marin, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 59 (19 fév., 1934), p. 2.

et facilement défendables »202. Est-ce pour cette raison que seuls les achats de livres

missionnaires étaient autorisés pour le musée d'art chinois après 1939? Le musée, dont les objets avaient été évalués à 22 000$ canadiens deux ans plus tôt, était soumis à un contrôle plus étroit des autorités de la province jésuite du Bas-Canada203.

La revue Le Brigand requérait des investissements moins dispendieux pour des revenus plus substantiels. L'équipement pour en améliorer la production coûtait seulement 1881$ entre août 1932 et août 1938. Il rapportait, en contrepartie, entre 1500$ et 5300$ par année seulement en abonnements pour la même période (1$ par membre de la revue). Il fallait bien débourser pour le papier, l'encre et les timbres pour l'envoi des exemplaires à travers le Canada et ailleurs. Néanmoins, chaque dollar dépensé pour la production d'un numéro du bulletin contribuait à récolter de quatre à quinze fois plus de dollars en aumônes. Le P. Lavoie affirma déjà en 1931 que chaque publication rapportait en moyenne 1000$. La récession des années 1930 affecta les recettes du numéro 10 qui ne couvrit pas ses dépenses, mais les numéros 19, 20 et 21 élevèrent la moyenne des revenus à plus de 2000$ par exemplaire. Les annonces, les ventes de « bébex » et les invitations nombreuses à la générosité agencées dans Le Brigand résultaient en des recettes annuelles moyennes d'environ 16 700$ jusqu'à ce que la Procure de Chine devienne une propriété de la province jésuite du Bas-Canada par l'entente de 1939. Seulement 1260$ étaient investis en équipement pour en améliorer la production entre 1939 et 1949, mais la revue missionnaire brigandait déjà plus des trois quarts des dons reçus à la Procure de Chine204.

202 Adélard Dugré, Corr. à Édouard Goulet, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (12 août, 1936), p. 1.

203 Georges Marin, Corr. au sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 4, Marin Georges VI (29 juil., 1936), pp. 1-3. Le P. Joseph Courchesne identifia le transfert du musée à la province jésuite du Bas-Canada comme une erreur financière pour le vicariat de Xuzhou. Mgr. Côté commenta ce propos: « Ils [les missionnaires] ont raison en disant que le Musée a couté cher à la mission ». Philippe Côté, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (24 mai, 1937), p. 1. Le P. Lavoie était en désaccord avec les décisions que la province jésuite du Bas- Canada prenait pour réduire les dépenses du musée. J.-Louis Lavoie, Corr. au sup. provincial Émile Papillon, AJC, M-0007, Cl. 3, Lavoie Joseph-Louis III (17 avril, 1939), p. 2. Mgr. Côté renonça au musée d'art chinois pendant les négociations qui menèrent à l'entente de 1939. Philippe Côté, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (24 mai, 1937), p. 1.

204 La récolte de l'année 1943-1944 battit exceptionnellement un record avec 49 252$ d'aumônes pour 1995$ de frais de production (papier, encre, timbres): c'est-à-dire vingt-cinq fois plus de recettes que de coûts de production . J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 7, no. 65 (15 mai, 1933), p. 1. Rapport financier de la Procure

Le musée d'art chinois et Le Brigand faisaient la promotion de plusieurs types de dons. Les honoraires de messes constituaient une partie des collectes annuelles de la Procure de Chine. Étonnamment, alors que la crise économique frappait et que les curés du Québec ne recevaient presque plus de commandes de célébrations dans leur paroisse, le P. Lavoie encaissait assez d'honoraires pour en distribuer dans les églises et les chapelles du Québec. De Chicoutimi à Rimouski, en passant par l'Académie, à Montréal, des prêtres séculiers et réguliers disaient des messes dont les 0,50$, 1$, 5$ ou 10$ étaient envoyés au Xuzhou. Le P. Lavoie explique: « À propos des honoraires de messe […] je suis franchement le seul dans la province à en recevoir. Cela me permet de faire dire les messes ici [ au Québec ]; les gens aiment mieux cela, sachant que l'argent s'en va en Chine et que les messes sont dites plus tôt »205. La somme de ces dons était en moyenne d'environ 7700$

par année entre août 1932 et août 1939: c'est-à-dire 16% des recettes annuelles de la Procure de Chine pour la même période. Le total des honoraires de messe dépassa le plateau du 12 000$ annuel durant la Seconde Guerre mondiale et atteignit des sommets de 28 878$ en 1946-1947 et de 34 251$ en 1949-1950. Les commandes de messes étaient offertes à des missionnaires décédés (ex: le P. Tremblay), commémoraient des bienfaiteurs ou étaient dédiées à des dévotions comme Sainte-Thérèse de Lisieux ou Gérard Raymond206.

Quelques bienfaiteurs choisissaient plutôt d'offrir leur soutien à des missionnaires qu'ils connaissaient personnellement ou qu'ils savaient en besoin d'assistance. Les attributions personnelles, qui ne dépassaient que rarement un total de 2000$ par an, constituaient des contributions supplémentaires encourageantes pour les missionnaires. Ces montants étaient transmis à Mgr. Marin, puis à Mgr. Côté, qui les distribuait aux missionnaires désignés par les bienfaiteurs207.

205 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (31 oct., 1933), p. 3.

206 Le P. Lavoie expliqua que la crise économique affectait la valeur des honoraires de messe donnés à la Procure de Chine. La plupart était, en effet, de 0,5$ et de 1$ entre 1931 et 1935. J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 65 (4 juin,1935), pp. 1-2. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950).

Grâce à sa publicité, la Procure de Chine récoltait de nombreux autres dons en aumônes. Rosario Renaud calcula qu'un total approximatif de 16 000$ en aumônes était récolté par l'institution de 1929 à 1932208. L'équivalent de ce montant, qui avait été amassé

pendant plus de deux ans, fut encaissé en une seule année en 1932-1933. La quantité des aumônes reçues augmentait constamment jusqu'en 1949. La mission de Xuzhou attirait plus de 20 000$ d'aumônes en 1934-1935, puis plus de 30 000$ d'aumônes annuellement à partir de 1937. La générosité des bienfaiteurs de la Procure de Chine était à l'occasion moins grande. Durant la crise économique persistante, plusieurs donneurs privilégiaient les œuvres pontificales, reportaient leurs actes charitables ou réduisaient la valeur de leurs contributions. L'élévation du territoire ecclésiastique de Xuzhou au rang de vicariat apostolique le 18 juin 1935 commanda cependant la multiplication des églises, des écoles et des dispensaires de la mission. En conséquence, les besoins en ressources de l'Église du Xuzhou grandissaient plus rapidement que les profits en aumônes canadiennes-françaises de la Procure de Chine209.

L'entente de 1939 fut convenue entre le vicariat apostolique de Xuzhou et la province jésuite du Bas-Canada alors que l'économie canadienne était relancée par l'industrie de guerre qui alimentait une partie des troupes de l'Allié. La Procure de Chine était une institution dont les rouages avaient été perfectionnés et la coopération de la province jésuite du Bas-Canada élevait la crédibilité du projet de Xuzhou auprès des bienfaiteurs210. La répartition des aumônes reçues en trois postes budgétaires (le territoire

ecclésiastique de Xuzhou, les institutions de la province jésuite du Bas-Canada en Chine et Mgr. Côté) multipliait les arguments de la publicité pour la mission211. Les aumônes reçues

à la Procure de Chine doublaient entre 1939 et 1947 avec une moyenne annuelle de 45 863$ et un sommet de 76 013,57$. Les proportions des aumônes par destinataire pour cette période révèlent que le territoire ecclésiastique était désigné à 51,3% par les bienfaiteurs. 208 Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (31 juil., 1932), p. 7.

209 Philippe Côté, Corr. à J.-Louis Lavoie, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe II (3 nov., 1936), p.1. Rapport financier

de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1939).

210 Idem.

211 Au sujet de la division des aumônes en trois catégories, voir les modalités de l'entente de 1939 dans la partie 2.1.3 du chapitre 2.

Les institutions chinoises de la province jésuite du Bas-Canada recevaient 45,7% des aumônes. Le 3% restant était un budget discrétionnaire réservé à Mgr. Côté212.

L'entente de 1947 réorganisa le partage des aumônes reçues à la Procure de Chine selon de nouvelles catégories de destinataires. D'août 1948 à août 1950, Mgr. Côté ne recevait plus d'attributions particulières, mais le Collège Saint-Louis-de-Gonzague, qui était une propriété de la province jésuite du Bas-Canada en Chine depuis l'entente de 1939, accueillait désormais 14,1% des aumônes. À cette première portion, 31,7% de plus était assigné aux institutions de la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou pour un total de 45,8% des aumônes. Le diocèse de Xuzhou était le destinataire désigné pour 54,2% des aumônes, mais la proportion des aumônes par destinataire fluctuait d'une année à l'autre. Effectivement, alors que, selon les chiffres de l'année administrative 1948-1949, le partage des aumônes entre les deux collaborateurs était de 58 418$ contre 70 099$, celui de l'année suivante était de 82 724$ contre 63 311$213.

Les dons en honoraires de messe, en attributions personnelles et en aumônes encouragés par la publicité de la Procure de Chine étaient, tout compte fait, les revenus principaux de l'institution. L'institution recueillait un total final approximatif d'au moins 1,4 million de dollars canadiens entre 1929 et août 1950214. Grâce à la générosité des

bienfaiteurs de la mission, le procureur évitait les emprunts, investissait dans des 212 Émile Papillon, Philippe Côté et Wlodimir Ledochowski, « Entente », AJC, M-0007, Cl.8, no.2 (30 juin, 1939),

pp. 1-4. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1939-1947). 213 August Gagnon et Philippe Côté, « Projet d'accord financier entre S. E. Mgr. L'Évêque de Suchow et le Supérieur

Régulier représentant la Province du Bas-Canada de la Compagnie de Jésus pour l'administration financière de la mission de Xuzhou », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (1947), p. 3. Rapport financier de la Procure des Missions de

Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1948-1950).

214 Rosario Renaud rapporte 16 000$ en dons récoltés par la Procure de Chine de 1929 à 1932. Les états financiers de la Procure de Chine (1932-1947 et 1948-1950) compilent un sous-total de 1 205 986,66$. Selon le P. Bouchard, la Procure de Chine récoltait 220 542,60$ canadiens lors de l'année administrative 1947-1948. La Procure de Chine récoltait donc un total final approximatif en dons de 1 428 129,26$ canadiens de 1929 à août 1950. Cependant, un peu plus de 50% de cette somme était récolté par la Procure de Chine après 1946. Rosario Renaud, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 55 (31 juil., 1932), p. 7. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947 et 1948-1950). Louis Bouchard, « Mémoire sur les activités et la situation de la Procure des Missions de Chine », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (15 sept., 1948), pp. 1-2. Voir en annexe C les dons reçus en réponse à la publicité de la Procure de Chine d'août 1932 à août 1950. À titre comparatif, alors que la Procure de Chine recevait un total de 162 364$ entre août 1932 et août 1945, les œuvres de la Propagation de la Foi, de la Sainte-Enfance et de Saint-Pierre-Apôtre récoltaient un total de 4 115 863$ dans les diocèses du Québec entre 1932 et 1945. Bulletin de l'Union missionnaire du clergé, VIII, 7 (sept., 1946), op. cit., p. 169.

placements, misait en bourse et achetait de l'équipement. Alors que le musée d'art chinois rentabilisait les achats des expositions missionnaires, Le Brigand était le « gagne-pain » de l'Église du Xuzhou215. Les ententes signées entre le territoire ecclésiastique de Xuzhou et la

province jésuite du Bas-Canada en 1939 et en 1947 invitaient la province jésuite du Bas- Canada à s'impliquer massivement dans le financement destiné à la consolidation de l'Église du Xuzhou. La partition des aumônes entre les deux collaborateurs facilitait les cueillettes pour la mission. Les montants récoltés couvraient d'abord les frais de l'administration de la Procure de Chine. Une partie était épargnée placements ou investie en bourse. Le reste était envoyé au Xuzhou, en Chine.