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CHAPITRE 1: LA CONSCIENCE MISSIONNAIRE CATHOLIQUE:

1.1 Le Saint-Siège et la conscience missionnaire

1.1.3 Les communautés religieuses en renfort

L'encyclique Evangelii Praecones rapporte que, de 1926 à 1951, environ deux cents nouvelles missions étaient créées portant au nombre d'environ 600 les missions catholiques dans le monde58. Toutefois, la Grande Dépression, qui débuta aux États-Unis en

octobre 1929 et qui s'installa dans plusieurs pays jusqu'en 1939, affecta durement la capacité du Saint-Siège de soutenir toutes ses missions. En effet, les revenus en aumônes reçues par les œuvres pontificales auraient diminué d'environ 40% entre 1931 et 1932. La Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi, dont les conseils pontificaux étaient chargés de distribuer les subsides aux missions, aurait eu peu à offrir aux jeunes Églises59.

Le Saint-Siège réalisait son plan d'action en mandatant des communautés religieuses qui assuraient le recrutement du personnel missionnaire et le financement des activités d'évangélisation. Les candidats en religion devaient prononcer formellement trois vœux principaux: ceux de chasteté, de pauvreté et d'obéissance. Il leur était interdit toute descendance, toute possession ou héritage et toute révolte contre les autorités de la communauté et du Saint-Siège. Chacun était mandaté pour les missions par la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi via la recommandation de son supérieur

56 Annie Lacroix-Riz, op. cit., p. 36.

57 Le roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, reconnu la souveraineté des relations internationales du Saint-Siège en 1929.

Les accords du Latran donnèrent au Saint-Siège toute la juridiction sur l'État du Vatican. À propos du contexte historique entourant cet événement majeur, voir Philip Bernardini, « The Lateran Concordat with Italy », The

Catholic Historical Review, vol. 16, no. 1 (avril, 1930), p. 20.

58 Un tiers des efforts missionnaires était effectué en moins de trente ans. Pie XII, « Encyclique Evangelii Praecones:

sur le développement à donner aux missions (juin, 1951) », Le Siège apostolique et les missions,

op. cit., pp. 196-224.

59 Le P. Goulet, qui travaillait au Saint-Siège, prévoyait une autre diminution de 20 à 30% des revenus en aumônes de

la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi pour l'année 1933. Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 58 (30 nov., 1933), p. 4.

immédiat. Les communautés religieuses administraient les biens de leurs membres. Le Saint-Siège affermissait son droit de regard sur les états financiers des communautés religieuses et il encourageait la correspondance des problèmes missionnaires rencontrés60.

Le Saint-Siège renforcissait une hiérarchie missionnaire pour encadrer et assister les communautés religieuses en missions. Des délégués apostoliques représentaient le pape auprès des Églises locales. Ils supervisaient l'observance des instructions pontificales par les supérieurs de mission. Des nonces, quant à eux, représentaient le Vatican auprès des États. Ils veillaient au respect de la liberté de pratiquer la religion catholique et à la coopération des pouvoirs locaux pour la consolidation du catholicisme. Les nonces composaient officiellement le corps diplomatique du Vatican, mais ils pouvaient parfois s'attribuer le rôle de délégués apostoliques auprès des jeunes Églises comme celles de la Chine. Leurs visites étaient significatives puisque leurs rapports influençaient les allocations que les conseils pontificaux débloquaient aux missions nécessiteuses61.

La Compagnie de Jésus secondait le Saint-Siège dans de nombreuses initiatives missionnaires durant la première moitié du XXe siècle. Ses efforts étaient en grande partie

coordonnés par le supérieur général Wlodimir Ledochowski (1915-1942). Élu par la 26e Congrégation générale de la Compagnie de Jésus comme successeur à Franz Xavier

Wernz (1906-1914), il occupait son poste pendant vingt-sept ans et il travaillait parallèlement à la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi. Quelques mois après l'élection de Pie XI, en 1923, il convoqua la 27e Congrégation générale afin d'aligner la

Constitution de l'Ordre des Jésuites avec le Code de droit canonique adopté en 1917. Conservateur convaincu, il considérait, tout comme la papauté, que l'athéisme était la plus grande menace pour la catholicité. Il cherchait à organiser des stratégies pour réfuter le marxisme-léninisme et il laissa sa marque dans l'encyclique anti-communiste Divini

60 La plupart des instituts et des congrégations religieuses imposaient les trois vœux à leur membre dès leur fondation.

Leur prononciation devenait officiellement le fait de tout le clergé avec le Concile du Vatican I (1870) qui réaffirmait l'infaillibilité pontificale. François Méjan, « Les régimes des congrégations », La Revue

administrative, 9e année, no. 53 (sept.-oct., 1956), pp. 462 et 473.

61 Bertrand Peltier, « La dispense des interpellations en pays de mission », Thèse de doctorat, Université

Laval, 1948, p. 55. Selon le Code de droit canon de 1917, toutes les opérations de financement organisées par les supérieurs de mission devaient être supervisées par le délégué apostolique ou le nonce du Saint-Siège. Émile Jombart, op. cit., pp. 454-466.

Redemptoris qu'il avait préparée en 1937. L'élection de son remplaçant, le supérieur général

Jean-Baptiste Janssens (1946-1964), que la Seconde Guerre mondiale retardait pendant quatre ans, concrétisa la continuité d'une politique fidèle au pape, conservatrice et rigide face au communisme62.

Appelée à participer activement au projet universaliste de répandre le catholicisme, la Compagnie de Jésus observait sa vocation missionnaire en obéissant à des directives pontificales qui insistaient sur l'importance de former un clergé indigène capable de prendre la responsabilité des jeunes Églises. Bras droit du Saint-Siège, l'Ordre des Jésuites favorisait l'émergence de la conscience missionnaire des fidèles en rappelant les devoirs catholiques de prier, entrer en vocation et donner l'aumône. Grâce au soutien inconditionnel des communautés religieuses, le Saint-Siège, qui centralisait les moyens de ses ambitions, rappelait ainsi des instructions qui avaient auparavant favorisé les succès de la consolidation de l'Église catholique en Amérique du Nord.