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Le financement canadien-français de la mission chinoise des Jésuites au Xuzhou de 1931 à 1949

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Le financement canadien-français de la mission

chinoise des Jésuites au Xuzhou de 1931 à 1949

La Procure de Chine

Mémoire

SAMUEL C. FLEURY

Maîtrise en histoire

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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RÉSUMÉ

Les Jésuites du Québec œuvraient à l'accomplissement de la mission chinoise de Xuzhou que le Saint-Siège leur confiait en 1931. Ceux-ci captaient le soutien de nombreux bienfaiteurs canadiens-français gagnés aux causes missionnaires. Un musée d'art chinois et la revue missionnaire Le Brigand étaient les principales publicités de leurs activités en Chine. De juin 1931 à août 1950, plus de 1,1 million de dollars canadiens était donné à l'Église du Xuzhou via la Procure des Missions Étrangères de Chine, une institution jésuite fondée à Québec pour financer la mission. La pauvreté, les imprévus climatiques et l'instabilité politique maintenaient la communauté catholique du Xuzhou dans un état de dépendance face aux dons de l'Église canadienne-française. Favorisant le financement des institutions d'enseignement de l'Église du Xuzhou, les Jésuites du Québec ont formé peu de prêtres chinois avant leur expulsion de la Chine par le Parti communiste chinois à partir de 1949.

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ABSTRACT

The Quebec Jesuits were given the Chinese mission of Xuzhou by the Holy See in 1931. They were supported by many French Canadian donors convinced of the importance of missionary causes. A museum of Chinese arts and the missionary review Le

Brigand were the principal publicity of their activities in China. From June 1931 to

August 1950, more than 1.1 million of Canadian dollars were given to the Church of Xuzhou by the Procure des Missions Étrangères de Chine, a Jesuit institution founded at Quebec to fund the mission. Poverty, climate instability and political insecurity maintained the Catholic community of Xuzhou in a state of dependence towards the French Canadian Church's generosity. Prioritizing the financing of the schools of the Church of Xuzhou, the Quebec Jesuits trained few Chinese priests before their exile of China by the Chinese Communist Party, starting in 1949.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ...iii

ABSTRACT...v

TABLE DES MATIÈRES...vii

REMERCIEMENTS...ix

INTRODUCTION...1

Contexte historiographique...2

Cadre conceptuel et problématique...9

Présentation et critique du corpus de sources...11

Les lettres administratives entre Québec et Xuzhou ...11

Les états financiers de la Procure des Missions Étrangères de Chine ...12

Les publications missionnaires...13

Cadre méthodologique...15

CHAPITRE 1: LA CONSCIENCE MISSIONNAIRE CATHOLIQUE: L'AXE VATICAN-QUÉBEC-XUZHOU...19

1.1 Le Saint-Siège et la conscience missionnaire...20

1.1.1 La force d'un éveil missionnaire ...20

1.1.2 La « romanisation » et le financement des missions...23

1.1.3 Les communautés religieuses en renfort ...26

1.2 L'Église catholique enracinée au Québec avec le concours des Jésuites...28

1.2.1 L'éveil du catholicisme canadien...29

1.2.3 Une Église canadienne-française...31

1.2.3 La Compagnie de Jésus au Québec ...34

1.3 L'Église catholique de Chine, ses avancées et ses reculs au Xuzhou...37

1.3.1 Des tirs de canons pour l'implantation...38

1.3.2 Donner la Chine aux Chinois?...40

1.3.3 L'Église catholique du Xuzhou ...44

CHAPITRE 2: LA PROCURE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE CHINE: CENTRE MISSIONNAIRE ET INTERMÉDIAIRE QUÉBEC-XUZHOU....51

2.1 Entre la province et la procure: vers la coopération pour la mission de Xuzhou...52

2.1.1 Les éclaireurs canadiens de la province jésuite du Bas-Canada en Chine...52

2.1.2 La Procure des Missions Étrangères de Chine ...56

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2.2 Convaincre par l'œuvre d'art et la plume...62

2.2.1 Exposer la Chine et les Chinois, attirer la sympathie des Canadiens...62

2.2.2 Publicité missionnaire écrite et brigandage littéraire...67

2.2.3 Mobiliser la ferveur canadienne-française pour l'Église du Xuzhou...72

2.3 Fluctuations, rentabilité et pont Québec-Xuzhou...75

2.3.1 Grande récession mondiale, grand défi missionnaire...76

2.3.2 Limite et succès de la publicité pour Xuzhou...79

2.3.3 La transfusion Québec-Xuzhou et ses interruptions...85

CHAPITRE 3: LES JÉSUITES DU QUÉBEC ET LA COMMUNAUTÉ CATHOLIQUE ROMAINE DU XUZHOU: UNE ÉGLISE DÉPENDANTE ...93

3.1 Gagner le « vil métal » pour rapprocher des âmes chinoises...94

3.1.1 La dot de Nankin: des réparations et des placements...94

3.1.2 L'aide extraordinaire du Saint-Siège ...97

3.1.3 La marche forcée et avortée de l'Église du Xuzhou vers son autonomie...100

3.2 Les frais des œuvres de l'Église du Xuzhou. La formation d'une relève chinoise?..103

3.2.1 Guider l'âme vers la conversion...103

3.2.2 Éduquer l'esprit à l'apostolat ...106

3.2.3 Consolider les vocations...111

3.3 Traité de missiologie: les obstacles à l'évangélisation du Xuzhou...114

3.3.1 Des séries de calamités naturelles ...114

3.3.2 Des conflits militaires et des régimes instables...117

3.3.3 Des brigands et des « Rouges »...120

CONCLUSION...127

BIBLIOGRAPHIE...131

ANNEXE A: La Chine en 1930...141

ANNEXE B: Le vicariat apostolique de Xuzhou en 1943 ...143

ANNEXE C: Les revenus de la Procure de Chine de 1932 à 1950...145

ANNEXE D: Les montants administrés par la Procure de Chine de 1932 à 1950...147

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REMERCIEMENTS

La rédaction de ce mémoire est le fruit d'un long travail de recherche duquel je retiens plusieurs accomplissements qui se sont réalisés grâce au soutien de personnes que je souhaite sincèrement remercier.

Mes premières pensées vont à M. Shenwen Li, directeur de cette maîtrise et spécialiste des échanges Orient-Occident, qui m'a m'offert un accompagnement professionnel de haute qualité malgré la distance qui nous séparait lors de mes déménagements dans l'Ouest canadien et en Chine. Je suis très reconnaissant de sa volonté à m'encourager à persévérer durant mes années d'efforts et à motiver chez moi une curiosité toujours plus grande pour les relations sino-canadiennes. J'ai grandement apprécié son écoute, ses commentaires et son désir de m'introduire à des documents pertinents à ma recherche. Je suis également très redevable au CÉLAT et au Centre d'études Québec-Chine pour l'environnement stimulant qui m'a été offert à l'Université Laval.

J'aimerais également remercier le personnel des Archives des Jésuites du Canada pour ses disponibilités lors de mes multiples passages à Montréal. Je souligne aussi spécialement l'apport essentiel à ce mémoire des commentaires pertinents de Mme Brigitte Caulier, professeure à l'Université Laval, et de M. Serge Granger, professeur à l'Université de Sherbrooke.

J'aimerais décerner d'autres remerciements aux membres de ma famille qui m'ont toujours inspiré dans les projets que j'ai entrepris. Je remercie la patience de mes amis très proches qui ont écouté et dialogué avec moi pendant plusieurs heures. Je pense, entre autres, à mes collèges des études chinoises, des études internationales et, aussi, tout spécialement à Nicholas Toupin, qui a fait la relecture du texte. Vos conseils, encouragements et suggestions ont enrichi mon parcours universitaire.

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INTRODUCTION

La mission chinoise de Xuzhou porte les signatures de célèbres missionnaires, dont celle du Père jésuite Joseph-Louis Lavoie (1886-1968), le fondateur de la revue

Le Brigand. Posté au Québec à la Procure des Missions Étrangères de Chine, ce dernier,

ainsi que ses collègues de la division canadienne-française de la Compagnie de Jésus, avait pour principale mission d'assurer le ravitaillement des activités apostoliques dans la région chinoise du Xuzhou1.

Ce mémoire porte sur le financement des efforts des Jésuites du Québec pour soutenir la progression de l'Église du Xuzhou vers son autonomie de 1931 à 19492. Le

mandat d'évangéliser un territoire autour de la ville chinoise de Xuzhou était une première expérience significative de gestion d'une mission étrangère des Jésuites du Québec. Ces derniers ajoutaient alors leur contribution au grand mouvement missionnaire catholique qui avait été lancé en France au XIXe siècle et qui avait gagné toute l'Europe et les Amériques

suite aux annonces du Pape Grégoire XVI (1831-1846). Les membres de la Compagnie de Jésus se démarquaient par leur grand dynamisme dans plusieurs pays3. Ils étaient

particulièrement influents auprès de la population francophone du Canada. Bernard Denault souligne que la communauté recrutait si efficacement auprès des Canadiens français que ses effectifs au Québec atteignaient des proportions uniques dans le monde. Durant la première moitié du XXe siècle, cet avantage favorisait l'envoi à l'étranger de missionnaires jésuites

d'origine canadienne-française et la Chine était une destination privilégiée par le Saint-Siège4.

1 La région du Xuzhou se situe dans la Nord de la province chinoise du Jiangsu (Chiang-su) entre les provinces du

Shandong (Shan-tung), du Zhili (An-hui en 1930) et du Henan (Ho-nan). Voir l'annexe A et l'annexe B.

2 « Jésuites du Québec » a été retenu pour désigner les membres de la province jésuite du Bas-Canada. Cette

abréviation a aussi été utilisée par Jacques Langlais (1979) et par Diana Lary (2005, 2009). Leurs publications sont abordées ci-bas.

3 Les Jésuites français représentaient une grande proportion des religieux qui participaient à l'élan missionnaire

du XIXe siècle. Françoise Douaire-Marsaudon et al., Missionnaires chrétiens. Asie et Pacifique XIXe-XXe siècles,

Paris, Autrement, 2008, pp. 10-12.

4 À ce sujet, voir Bernard Denault, Sociologie générale des communautés religieuses au Québec (1837-1969):

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Au lendemain de la Grande Guerre (1914-1918), les missionnaires de la province jésuite de Paris, qui œuvraient dans le vaste territoire chinois du vicariat de Nankin depuis 1856, espéraient l'arrivée en Chine de missionnaires canadiens-français pour remplacer leurs membres de nationalité française qui devaient quitter la région chinoise de la ville de Xuzhou afin de répondre aux besoins spirituels de l'Europe d'après-guerre. Les Jésuites du Québec offraient des renforts francophones dès 1918. Ils acceptaient la charge d'une partie du territoire de Nankin après avoir fondé, en 1928, la Procure des Missions Étrangères de Chine pour alimenter leurs opérations missionnaires.

Le rôle de la Procure de Chine devint central au lendemain du 23 juin 1931 alors qu'un décret du Saint-Siège officialisa l'autonomie de la mission canadienne-française de Xuzhou par rapport à la tutelle de la mission française de Nankin. D'abord basée à Québec, puis à Montréal, l'institution jésuite favorisait la cueillette des dons pour aider à l'enracinement de l'Église catholique au Xuzhou. Son appui permettait le départ de près de cent Jésuites du Québec vers cette partie de la Chine pour y organiser et y entretenir des œuvres apostoliques encadrant la population chinoise. Le territoire ecclésiastique de Xuzhou fut élevé au titre de vicariat le 18 juin 1935, puis à celui de diocèse le 11 avril 1946. Le financement de la mission de Xuzhou demeurait l'objectif principal assigné à la Procure de Chine jusqu'en 1949. Les opérations des Jésuites du Québec au Xuzhou furent, ensuite, sensiblement ralenties, puis furent complètement entravées par les communistes chinois qui désiraient l'expulsion des missionnaires de la Chine.

Contexte historiographique

Les efforts des Jésuites du Québec au Xuzhou se situent dans le cadre d'une longue historiographie missionnaire dont les débuts remontent aux relations de voyages du XVIe siècle. Préoccupés de conserver la mémoire de leurs victoires et de leurs sacrifices,

les milliers de religieux engagés dans le projet de l'évangélisation du monde étaient les premiers à rédiger l'histoire de leurs missions. Animés par des objectifs confessionnels, les publications d'ouvrages visaient à rendre témoignage des actions charitables de l'Église et,

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parfois, à justifier auprès des bienfaiteurs la légitimité de poursuivre les travaux missionnaires à l'international. Les ouvrages publiés contribuaient au développement d'une science missionnaire, la missiologie, qui consiste principalement en l'étude des méthodes d'apostolat employées face à des environnements socioculturels différents. Le partage des stratégies d'évangélisation constituait aussi un code de recommandations face aux problèmes missionnaires5.

Les tentatives d'implantation de l'Église en Chine entre les XVIe et XVIIIe siècles

inspiraient plusieurs réflexions sur les échecs du mouvement missionnaire. L'historiographie retient la « querelle des rites », cette mésentente entre la papauté et l'Empereur de Chine qui avait mené à la suppression de l'Ordre des Jésuites entre 1773 et 1814, comme une grande rupture, un intermède d'une quarantaine d'années et une remise à zéro du compte missionnaire6. À ce marqueur temporel, Édouard Lecompte opposa les

« anciennes missions » (1551-1773) aux « missions modernes » (1814-) pour identifier le nouvel élan auquel prenait part la Compagnie de Jésus à partir de la fin du XIXe siècle. Il

souligna l'année significative de 1842 puisqu'elle marque le double retour des Jésuites au Canada et en Chine. Il raconta les avancées de ces derniers dans plusieurs autres pays pour démontrer avec quelle vigueur la communauté religieuse parvenait à surpasser ses objectifs dans la majorité de ses entreprises modernes7.

Un premier ouvrage dressant le portrait mondial de l'effort missionnaire de la Compagnie de Jésus fut publié avec un grand optimisme en 1934 à l'occasion de la commémoration du quatrième centenaire des vœux d'Ignace de Loyola, le fondateur de l'Ordre. Le Père jésuite Alexandre Brou compila dans Cent ans de missions, 1815-1934 les statistiques des sacrements administrés et des pratiques religieuses des convertis pour

5 À propos de la naissance et du développement de la missiologie, veuillez consulter André V. Seumois, Introduction

à la missiologie, Schöneck-Beckenried, Administration der Neuen Zeitschrift für Missionswissenschaft, 1952,

pp. 20-58.

6 Voir René Étiemble, Les Jésuites en Chine (1551-1773): la querelle des rites, Paris, R. Julliard, 1966, pp. 11-17. Les

rivalités entre les communautés religieuses jouaient un rôle déterminant durant la querelle des rites. À ce sujet, voir également Xavier Walter, La Troisième mort des missions de Chine (1723-1838), Paris, François-Xavier de Guibert, 2008, pp. 23-29.

7 Édouard Lecompte, Les missions modernes de la Compagnie de Jésus au Canada (1842-1924), Montréal, Messager

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démontrer l'efficacité des Jésuites dans l'implantation du catholicisme, inviter les autres communautés religieuses à suivre leur exemple et justifier le bien-fondé de la poursuite du travail d'évangélisation à l'international. L'ouvrage alimenta des espérances messianiques pour l'Asie, car la conversion des habitants de la région très peuplée était ciblée comme un objectif essentiel pour l'avenir de l'Église universelle. Le P. Brou présenta le christianisme comme une solution aux problèmes rencontrés par des pays comme la Chine et chercha à convaincre ses lecteurs de s'impliquer pour accélérer l'atteinte de l'idéal d'un christianisme universel8.

Aux attentes positives qui avaient inspiré les ouvrages ecclésiastiques de la première moitié du XXe siècle succéda toutefois une tendance très critique sur l'expérience

missionnaire. La Chine en était souvent le sujet après la fondation de la République Populaire de Chine le 1er octobre 1949 puisque les relations entre le Saint-Siège et le

nouveau gouvernement communiste menaient à l'expulsion de la Chine de tous les missionnaires. Constatant de la faible progression du message chrétien auprès des populations chinoises et remarquant que la plupart des Églises catholiques implantées en Chine furent désorganisées, des auteurs penchaient pour des conclusions négatives sur les méthodes d'évangélisation employées en Chine et demandaient leurs révisions afin que cette expérience chinoise puisse bénéficier à d'autres missionnaires9.

Entre temps, des chercheurs formés dans des universités mirent en doute les motifs religieux de l'histoire des missions en publiant des études sur les actions et le vécu des missionnaires. Ils cherchaient à comprendre les « […] efforts faits par les Églises chrétiennes pour répandre le message évangélique à travers le monde »10. La

reconnaissance de l'universalité du rôle des Églises chrétiennes lors du 21e concile

8 Alexandre Brou, Cent ans de missions, 1815-1934, Paris, SPES, 1935, pp. 147-181.

9 Un missionnaire commentait anonymement le travail missionnaire en Chine: « Considering the vast amount of

money, personnel, thought and devotion that has gone into the Christian schools and colleges in China, our intellectual failure is remarkable ». Missionnaire Anonyme, « First Thoughts on the Debacle of Christian Missions in China », African Affairs, vol. 51, no. 202 (janv., 1952), p. 33. Voir également David J. Bosch, Dynamique de la

mission chrétienne. Histoire et avenir des modèles missionnaires, Paris, Labor & Fides, 1995, p. 19.

10 Cet objectif était rappelé dans les actes du colloque tenu en 1980 par la Société d'histoire ecclésiastique de la France.

Guy Duboscq et al., Les réveils missionnaires en France. Du Moyen-âge à nos jours (XIIe-XXe siècles), Paris,

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œcuménique du Vatican (1962-1965) favorisa leurs arguments. Cette dernière contredit la perception voulant que l'Église universelle ait eu comme unique finalité de reproduire son modèle en multipliant les baptêmes. Elle amena les spécialistes des affaires missionnaires à réfléchir sur les conditions préalables à l'autonomie de l'Église sur un nouveau territoire en tenant compte de multiples indicateurs11.

Des historiens reformulèrent aussi la thèse que la publicité communiste diffusait en Chine depuis 1949 pour justifier sa politique nationaliste. Cette thèse, défendue jusqu'à l'ouverture préconisée par le gouvernement chinois au lendemain de la Révolution culturelle chinoise (1966-1976), démontrait que les missionnaires avaient agi en Chine en tant que des représentants des puissances coloniales et que, en toute fidélité aux intérêts de leur pays d'origine, leurs activités évangéliques avaient été l'une des causes principales des problèmes sociaux chinois. Selon Jérôme Ch'en, les efforts missionnaires en Chine reposaient davantage sur la foi que sur la capacité d'adaptation aux conditions chinoises. L'auteur formula l'idée en 1979 que les missionnaires se dévouaient davantage à la conversion d'un peuple qu'à trouver des solutions durables pour favoriser la condition de vie de la population12.

Alvyn J. Austin réfuta cette dernière perception dans l'introduction d'un ouvrage marquant qu'il publia en 1986. Avec Saving China. Canadian Missionaries in the Middle

Kingdom 1888-1959, il inspira une réinterprétation de l'histoire des missions en prenant la

Chine comme cas d'études. Plutôt que de jeter le blâme de l'échec du christianisme en Chine sur les stratégies apostoliques des missionnaires, l'auteur interrogea la correspondance de ces derniers et chercha à expliquer les conditions difficiles avec lesquelles les membres des communautés religieuses avaient œuvré. Il conclut que pendant une trentaine d'années, les Presbytériens, les Méthodistes et les Jésuites du Canada avaient participé à la modernisation des installations chinoises en multipliant le nombre des œuvres sociales pour répondre aux besoins de la population. Selon lui, les montants que les

11 Cette approche faisait écho à la constitution pastorale Gaudium et Spes adoptée lors du 21e concile œcuménique du

Vatican (Vatican II). David J. Bosch, op. cit., p. 510.

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bienfaiteurs canadiens ont envoyés aux Églises chinoises servaient, entre autres, à financer la construction et l'entretien d'écoles, de dispensaires et d'orphelinats qui étaient, en partie, saisis par le gouvernement communiste chinois après l'expulsion des missionnaires13.

Comme Austin, de nombreux chercheurs, tels que Karen Minden et Peter M. Mitchell, réinterprétèrent le vécu de missionnaires de confessionnalités différentes en analysant les actions et les expériences telles que racontées par la correspondance missionnaire14. De cet angle d'approche, Erleen J. Christensen identifia la guerre civile

chinoise (1927-1950) et la guerre sino-japonaise (1937-1945) comme les obstacles principaux à l'évangélisation de la population chinoise. Selon elle, les conflits militaires ont affaibli l'Église chrétienne de Chine au début du XXe siècle. Les missionnaires auraient eu à

articuler leurs activités apostoliques avec une condition de vie particulièrement impropice15.

Deux historiens principaux ont défriché l'histoire plus spécifique des Jésuites du Québec ayant œuvré au Xuzhou durant la première moitié du XXe siècle. Le P. jésuite

Rosario Renaud était la référence historienne principale sur la mission. Missionnaire en Chine entre 1935 et 1949, il avait été mandaté par la Compagnie de Jésus pour produire une œuvre imposante sur le territoire ecclésiastique de Xuzhou. Le premier tome de cette histoire, son Süchow. Diocèse de Chine, qui paraît en 1955, porte principalement sur les caractéristiques de l'environnement chinois qui avait accueilli les Jésuites français. Renaud travaillait encore plusieurs années avant de rendre disponible en 1982 un deuxième tome intitulé Le diocèse de Süchow, Chine: champ apostolique des jésuites canadiens de 1918

à 1954. Ce dernier ouvrage, qui porte sur l'histoire du territoire ecclésiastique sous la

13 Les trois communautés religieuses étudiées par Austin ont respectivement œuvré au Henan, au Sichuan et au

Jiangsu. Les missionnaires qui œuvraient au Jiangsu étaient les Jésuites du Québec au Xuzhou. Alvyn J. Austin,

Saving China: Canadian Missionaries in the Middle Kingdom, 1888-1959, Toronto, University of Toronto

Press, 1986, pp. 5-17.

14 En 1989, Karen Minden dressa le portrait des efforts des médecins missionnaires de l'Église unie du Canada pour

assister les Chinois atteints par les famines et les épidémies. L'année suivante, Peter M. Mitchell étudia la contribution des missionnaires canadiens ayant œuvré dans le domaine de l'éducation dans la province chinoise du Henan. Karen Minden, Canadian Development Assistance: The Medical Missionary Model in West China,

1910-1952, Toronto, University of Toronto-York University Joint Centre for Asia Pacific Studies, 1989, pp. 4-17. Peter M.

Mitchell, Canadian Missionaries and Chinese Rural Society: North Henan in the 1930s, North York, University of Toronto-York University Joint Centre for Asia Pacific Studies, 1990, pp. 7-22.

15 Erleen J. Christensen, In War and Famine: Missionaries in China's Honan Province in the 1940s, Montréal,

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direction des Jésuites du Québec, contient le récit chronologique des progrès de l'Église du Xuzhou et des obstacles rencontrés durant le travail apostolique en Chine16.

Jacques Langlais, historien québécois et prêtre de la Congrégation de Ste-Croix, publia en 1979 un autre ouvrage incontournable sur les missionnaires du Xuzhou sous le titre Les Jésuites du Québec en Chine (1918-1955). Son ouvrage était une innovation par rapport aux recherches de Renaud puisque, pour comprendre les stratégies d'évangélisation des Jésuites du Québec, l'auteur analysa leurs perceptions face aux coutumes des Chinois du Xuzhou. Il identifia deux visions dominantes envers les religions populaires chinoises. Alors qu'une tendance compréhensive représentée par la revue missionnaire Le Brigand faisait l'éloge de la culture chinoise, l'autre, intolérante et aux jugements condescendants, motivait la majorité des Jésuites du Québec à imposer des substitutions chrétiennes à certaines pratiques des convertis chinois qu'ils estimaient superstitieuses17.

D'autres études ont récemment fait progresser la compréhension des activités des Jésuites du Québec au Xuzhou. France Lord publia en 2005 un chapitre sur les expositions missionnaires de la Compagnie de Jésus après avoir analysé des documents de la Procure de Chine18. Serge Granger visita aussi les archives des Jésuites pour compléter sa recherche

sur les relations entre le Québec et la Chine19. Les documents des Jésuites du Québec ont

également attiré la curiosité de l'historienne Diana Lary qui publiait sur les impressions et les rôles de ces missionnaires durant la guerre sino-japonaise. Puisque les Jésuites du Québec sont restés en poste au Xuzhou, une région limitrophe de la ville de Nanjing qui était occupée par les Japonais, leurs lettres sont des témoignages uniques qui permettent de

16 Rosario Renaud, Süchow: diocèse de Chine, Montréal, Bellarmin, 1955, 482 p. Rosario Renaud, Le diocèse de

Süchow, Chine: champ apostolique des jésuites canadiens de 1918 à 1954, Montréal, Éditions Bellarmin,

1982, 462 p.

17 Jacques Langlais, Les Jésuites du Québec en Chine (1918-1955), Québec, Presses de l'Université Laval, 1979,

379 p.

18 France Lord, « The Silent Eloquence of Things: The Missionary Collections and Exhibitions of the Society of Jesus

in Quebec, 1843-1946 » dans Alvyn J. Austin et al., Canadian Missionaries, Indigenous Peoples: Representing

Religion at Home and Abroad, Toronto, University of Toronto Press, 2005, pp. 205-261.

19 Serge Granger, Le lys et le lotus. Les relations du Québec avec la Chine de 1650 à 1950, Montréal,

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mieux connaître les massacres - dont celui de Nanjing -, qui animent les débats d'historiens à l'international20.

Shenwen Li s'est également intéressé aux Jésuites de la mission de Xuzhou dans le cadre de recherches sur les rencontres entre l'Occident et l'Orient. Sa contribution, intitulée « Les jésuites canadiens-français et leur mission en Chine, 1918-1945 », démontre l'évolution de la mission de Xuzhou en offrant une liste complète de son personnel jésuite en provenance du Québec. Li fera également bientôt paraître un article sur les œuvres d'éducation des Jésuites du Québec au Xuzhou qu'il a rédigé après avoir visité en Chine l'actuelle École supérieure IV, qui est un ancien collège, autrefois administré par les Jésuites du Québec21. Sinon, les travaux portant directement sur les missionnaires au Xuzhou sont

très rares.

L'approche qui inspire ce mémoire ranime les critiques que des auteurs ecclésiastiques ont prononcées sur l'échec de l'évangélisation de la Chine après 1949. Elle cherche à expliquer les difficultés d'implanter une Église chrétienne en se penchant sur un sujet qui n'a jusqu'ici pas encore été abordé spécifiquement : celui du financement. Elle se situe à l'aboutissement de la reconsidération de l'histoire des missions entamée par

Saving China en 1986 puisqu'elle tient compte de la spécificité de l'aventure missionnaire

en Chine durant la première moitié du XXe siècle et qu'elle le fait en cherchant à

comprendre l'expérience des missionnaires plutôt que celle des chrétiens chinois à l'aide de sources qui ont rarement été consultées. Cette perspective unilatérale tiendrait compte de la perception étroite face à l'Asie que l'historiographie attribue aux missionnaires et dont le contenu de la correspondance serait le reflet. Elle permet de mieux comprendre les

20 Voir, Diana Lary, « Faith and War Eyewitnesses to the Japanese Invasion of China: Quebec's Jesuit priests »,

Modern Asian Studies, vol. 39, no. 4 (2005), pp. 817-841. La référence de son second article est Diana Lary, « War

and Transcendence: The Transformation of the Role of Quebec's Jesuit Missionaries During the Japanese Invasion of China », dans Shenwen Li et al., Chine-Europe-Amérique. Rencontres et échanges de Marco Polo à nos jours, Québec, Presses de l'Université Laval, 2009, pp. 355-376.

21 Shenwen Li, « Les jésuites canadiens-français et leur mission en Chine, 1918-1945 », dans Shenwen Li et al.,

Chine-Europe-Amérique. Rencontres et échanges de Marco Polo à nos jours, op. cit., pp. 329-354. Un autre article

de Shenwen Li paraîtra bientôt sous le nom de « Les jésuites canadiens-français et leurs écoles catholiques en Chine (1919-1949) ».

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réactions des missionnaires face à leur environnement d'accueil chinois et de compléter les informations élémentaires récoltées par Rosario Renaud.

Cadre conceptuel et problématique

Partie prenante de l'histoire des missions, l'étude de la contribution des Jésuites du Québec à l'élan missionnaire des XIXe et XXe siècles suppose une compréhension

particulière des concepts d'« Église » et de « mission ». L'Église catholique universelle représente une communauté de croyants unie au niveau spirituel et possédant un caractère supranational par sa direction par le Saint-Siège: c'est-à-dire par la papauté et par la Curie romaine. L'Église universelle se compose de communautés locales ou d'Églises locales qui sont dites « mineures » lorsque naissantes et « majeures », « matures » ou « autonomes » lorsque consolidées ou composées d'un nombre élevé de fidèles. Pour qu'une Église soit considérée majeure et autonome, elle devait répondre à trois prérogatives principales: la capacité de s'auto-financer, la capacité de s'auto-administrer et la capacité de faire sa propre publicité à une autre société, c'est-à-dire la capacité de s'implanter ailleurs en envoyant une aide sous forme de mission à d'autres Églises plus jeunes pour que ces dernières se consolident et deviennent, à leur tour, autonomes22.

Lorsque la mission était assignée au clergé d'une Église locale sur son territoire, elle était dite mission « intérieure ». Lorsque le clergé d'une Église majeure prenait la charge d'évangéliser des habitants d'un autre territoire d'évangélisation, sa mission était dite « extérieure » ou « lointaine ». L'envoi d'un personnel religieux formé pour l'étranger et le transfert de gros montants par une Église autonome vers une jeune Église devaient aider à encadrer l'évangélisation d'une autre nation par la fondation d'œuvres d'évangélisation comme des églises, des écoles et des hôpitaux23.

En 1952, André Seumois indiqua dans Introduction à la Missiologie que le sens du mot « mission » tire ses origines des Contitutiones circa missiones rédigées entre 1544

22 Achiel Peelman, L'inculturation: l'Église et les cultures, Paris, Desclée, 1988, pp. 29-30.

23 À propos de la distinction entre missions paroissiales (intérieures) et étrangères (extérieures) qui était utilisée par les

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et 1558 par Ignace de Loyola, le fondateur de la Compagnie de Jésus. Jusqu'au milieu du XXe siècle, l'utilisation du terme « mission » faisait référence à « [un] envoi ou [une]

destination à un lieu déterminé en vue d'y exercer le saint ministère; il signifiait aussi le territoire lui-même où devait se dérouler cette activité »24. La définition qui avait été

répandue par les Jésuites se rapprochait du terme de « province » et s'appliquait aussi aux pays christianisés depuis longtemps. Pour les historiens, « mission » désigne à la fois celui qui donne le mandat (ex.: missions de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi), celui qui le reçoit (ex.: missions des Jésuites du Québec) et le territoire auquel ce mandat s'adresse (ex.: missions de Chine, mission de Xuzhou). L'usage de ce terme renvoie aux activités des missionnaires au sens large, à la conversion des peuples et à la fondation de nouvelles communautés chrétiennes25.

Dans le cadre de ce mémoire, le terme « mission » identifie l'objectif chrétien qui a rassemblé les Jésuites du Québec autour du projet d'évangéliser le territoire chinois de la région de Xuzhou. En toute considération de cette définition supranationale, la Procure des Missions Étrangères de Chine qui était établie au Québec contribuait aussi à la « mission de Xuzhou ». En effet, les Jésuites qui participaient aux cueillettes des dons des bienfaiteurs canadiens-français n'en partageaient pas moins l'objectif d'évangéliser les Chinois et de consolider l'Église du Xuzhou.

L'historiographie a jusqu'ici souligné la nécessité de posséder suffisamment de ressources matérielles et humaines pour mener une mission d'évangélisation à terme, mais elle a peu questionné les moyens impliqués par les missionnaires pour y arriver. Les Jésuites du Québec faisaient régulièrement état de problèmes financiers et de besoins en personnel pour consolider l'Église du Xuzhou. Ils mentionnaient également les nombreux projets dans lesquels il fallait investir avec le concours de bienfaiteurs pour favoriser le travail apostolique. Si on en croit les constats du P. Édouard Goulet, qui travaillait au Saint-Siège au Secrétariat général des missions des Jésuites en 1933, la situation de l'Église du Xuzhou était en retard quant à son développement en comparaison avec les autres missions

24 André J. Seumois, op. cit., p. 63.

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chinoises sous la responsabilité d'autres instituts et congrégations religieuses26. Fortes des

méthodes qui avaient fait leurs preuves dans la longue histoire des entreprises missionnaires de la Compagnie de Jésus, les stratégies de financement des Jésuites du Québec œuvrant en Chine et leurs résultats animent des interrogations. Les Jésuites du Québec ont-ils observé les directives du Saint-Siège? Par quelles manœuvres ont-ils tenté de soutenir leur entreprise chinoise? Qu'en était-il de l'état des montants transférés par la Procure des Missions Étrangères de Chine vers le Xuzhou? Les dons de la mature Église canadienne-française ont-ils encouragé l'autonomie de la jeune Église du Xuzhou?

Ce mémoire propose que, appuyés par les manifestations de la conscience missionnaire canadienne-française, les Jésuites du Québec administraient un ensemble d'initiatives stratégiques via la Procure des Missions Étrangères de Chine qui leur permirent de recueillir de nombreux dons généreux de 1931 à 1949, mais dont l'épargne et l'investissement ne guidaient que tardivement l'Église du Xuzhou vers sa maturité.

Présentation et critique du corpus de sources

Les Jésuites du Québec ont produit plusieurs documents dont le contenu répond à ces questionnements. Le personnel de la Procure des Missions Étrangères de Chine conservait des dossiers depuis la création d'un fonds d'archives le 5 septembre 1931. Le déménagement de l'institution à Montréal en 1947 et sa transformation en apostolat international en 1970 entraînèrent l'établissement d'un classement incluant ce qui avait été ramené du Xuzhou par les missionnaires expulsés. Temporairement déposé à Saint-Jérôme en 1990, le fonds d'archives du nom de « Procure des Missions, M-0007 » est maintenant conservé aux Archives des Jésuites au Canada (AJC) à Montréal. Les autres documents des Jésuites du Québec qui ont enrichi ce mémoire sont en circulation, car ils avaient été publiés pour favoriser la collecte de dons canadiens en faveur de la mission.

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Les lettres administratives entre Québec et Xuzhou

Le fonds d'archives « Procure des Missions, M-0007 » contient plusieurs lettres administratives qui étaient échangées régulièrement chaque mois de 1918 à 1956 entre les Jésuites travaillant au Québec et ceux œuvrant au Xuzhou. De ce corpus imposant ont été retenues près de 350 lettres significatives. De longueurs diverses, ces dernières étaient, pour la majorité, destinées aux usages internes à la communauté religieuse. Elles servaient assurer le fonctionnement de la Procure de Chine, coordonner les opérations internationales et maintenir la communication entre les missionnaires. Le temps entre l'envoi et la réception d'une lettre échangée entre le Québec et le Xuzhou pouvait être de plusieurs semaines. Certaines étaient adressées à plusieurs destinataires à la même date. Toutes étaient sujettes aux révisions des autorités de la Compagnie de Jésus et du Saint-Siège qui se réservaient un droit de regard sur leur contenu.

Les émetteurs les plus impliqués dans la rédaction de la correspondance administrative étaient le P. Joseph-Louis Lavoie, le procureur de la Procure de Chine à Québec (1928-1945), le P. Louis Bouchard, son successeur installé à Montréal (1945-1965), Mgr. Georges Marin, l'administrateur apostolique de Xuzhou (1931-1935), et Mgr. Philippe Côté, son successeur nommé évêque de Xuzhou (1935-1970)27. Ces derniers conservaient

souvent des copies papier de leurs échanges qui servaient de preuves d'envoi et d'aide-mémoires. Dactylographiées, pour la plupart, parfois rédigées en forme télégraphique, les lettres administratives contiennent des informations claires abordées par sujets identifiés. Elles fournissent de nombreux renseignements pertinents sur les besoins financiers de la mission de Xuzhou et sur les méthodes administratives structurant les activités des Jésuites du Québec visant à consolider l'Église du Xuzhou28.

27 Le P. Lavoie avait été missionnaire au Xuzhou de 1924 à 1928. Le P. Bouchard avait souhaité œuvrer au Xuzhou,

mais les autorités de la Compagnie de Jésus ne le destinèrent pas à la Chine. Mgr. Marin fut mandaté pour le Xuzhou en 1920. Il fut nommé Visiteur des missions de Chine après son mandat d'administrateur apostolique de la préfecture de Xuzhou. Mgr. Côté arriva au Xuzhou en 1929 et il demeura officiellement évêque de Xuzhou jusqu'à son décès en 1970.

28 Une partie des lettres administratives a été classée chronologiquement dans le fonds d'archives « Procure des

Missions, M-0007 ». AJC. M-0007, Cl. 6, no. 52 à no. 134. Corr. AJC. M-0007, Cl. 6, no. 166 à no. 168. Lettres: 1931-41 à 1944-48. AJC, M-0007, Cl. 7, no. 62 à no. 71. Académie des Missions: Lettres.

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Les états financiers de la Procure des Missions Étrangères de Chine

Le fonds d'archives « Procure des Missions, M-0007 » contient également des états financiers annuels de la Procure de Chine. Souvent commentés par les lettres administratives, ils rapportent les montants administrés par l'institution jésuite. La compilation des états financiers annuels était sous la responsabilité du procureur. Le début de leur tenue annuelle régulière est daté de mars 1932. Seule l'année administrative 1947-1948 est manquante. Les Archives des Jésuites au Canada conservent des états financiers annuels dont la datation se poursuit jusqu'en août 1955, mais, après 1949, les activités de financement des Jésuites du Québec ne concernaient plus spécifiquement la mission de Xuzhou et aucun poste budgétaire ne permet de distinguer les transferts monétaires exclusivement destinés vers la Chine29.

Chaque état financier annuel se compose de tableaux compilant les revenus et les dépenses de la Procure de Chine en dollars canadiens. Ces tableaux contiennent des postes budgétaires auxquels sont attribués des montants pour une année administrative débutant le 1er août. Les postes budgétaires renseignent sur la vision que les Jésuites du Québec

avaient de la gestion de la Procure de Chine. Un premier regard sur leur nombre permet d'identifier la variété des initiatives que les Jésuites animaient pour financer la mission de Xuzhou. La critique des états financiers démontre, par contre, que les ajouts de postes budgétaires n'étaient pas toujours des signes du dynamisme de leurs activités de financement. Il semble que les additions et les fusions de postes budgétaires étaient effectuées au rythme des fluctuations de l'économie canadienne et des montants reçus à la Procure de Chine.

Les montants compilés dans ces états financiers permettent de comprendre les activités de financement des Jésuites du Québec, la générosité des bienfaiteurs

canadiens-29 Bien que les premières tenues de livres de la Procure de Chine aient été irrégulières, les bilans financiers partiels des

années 1929, 1930 et 1931 sont conservés aux Archives des Jésuites au Canada. Ces bilans, ainsi que les états financiers de 1931 à 1949 (sauf l'année 1947-1948) se trouvent en AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1. Un coup d'œil aux états financiers conservés par le curé M. Réjean Couture de la paroisse Saint-Christophe d'Arthabaska confirme que le clergé séculier ne tenait pas non plus d'états financiers réguliers avant 1930 dans certaines régions du Québec. Laurence Gottlieb, The Catholic Church and Economic Growth in Quebec from 1919 to 1929, New York, Edwin Mellen Press, 2007, p. 24.

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français pour la mission de Xuzhou et les priorités de la Procure de Chine lors de l'administration de ses ressources financières.

Les publications missionnaires

Les relations des Jésuites du Québec avec les bienfaiteurs de la mission de Xuzhou étaient entretenues grâce à une production littéraire de promotion missionnaire publiée par les institutions de la Compagnie de Jésus au Canada et par la Procure de Chine.

Des journaux comme L'Action catholique et Le Devoir accueillaient à l'occasion des articles publicitaires sur la Chine. Le périodique Le Brigand, par contre, était la principale publication qui assurait la visibilité de l'Église du Xuzhou au Canada. Imprimés dans les locaux de la Procure de Chine avec pour objectif de financer la mission de Xuzhou, 125 numéros étaient publiés entre mars 1930 et octobre 1949. Sorti à raison de six à sept numéros par année, le périodique divertissait ses lecteurs sur la culture chinoise, les informait sur les activités apostoliques des Jésuites du Québec au Xuzhou et les rassurait sur l'utilisation de leurs contributions financières. Chaque exemplaire était garni d'articles, de listes de besoins, de noms de donneurs, de nouvelles, de petites annonces, de statistiques et de transcriptions de lettres envoyées par des missionnaires postés en Chine qui remplissaient un support papier de huit à seize pages. La comparaison du contenu du périodique avec la correspondance originale permet de constater la modification de lettres avant leur publication. L'information choisie par le rédacteur en chef se gardait, en effet, de commentaires politiques et de descriptions pouvant affecter la collecte des dons. Destiné au grand public, surtout à celui du Canada francophone, le périodique avait aussi des lecteurs dans l'Ouest canadien, aux États-Unis et dans des missions en Asie. Le Brigand est une revue missionnaire encore active qui travaille maintenant à faire connaître les missions des Jésuites à Taiwan et en Haïti. En juin 2011, il en était au numéro 50630.

Quelques Jésuites du Québec ont également écrit pour faire connaître leur mission. Le P. Georges Marin, qui visita pour la première fois le Xuzhou en 1920, fut l'un des 30 Le Brigand, no. 1 (mars, 1930) à no. 125 (oct., 1949). Voir aussi son site web actue l:

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premiers missionnaires à en faire le sujet d'un tract intitulé La Chine à Dieu: une mission

canadienne, le Siu-Tchou-Fou dans lequel il décrit la région, son peuple, son histoire et

insistait sur la collecte de dons et le recrutement de candidats. Le supérieur de la région du Xuzhou de 1928 à 1931, le P. Édouard Lafortune, publia, en 1930, l'ouvrage éducatif

Canadiens en Chine: croquis du Siutchoufou. Mission des Jésuites du Canada dans lequel

il se penche sur l'environnement, la culture et le travail des missionnaires du Xuzhou. Le P. Antonio Dragon insista sur la condition de vie en Chine avec En Mission parmi les

rouges en 1946. Après avoir visité la région en tant que supérieur provincial des Jésuites du

Bas-Canada, il publia également Le Père Bernard en mémoire du P. Prosper Bernard assassiné en 1943 durant la guerre sino-japonaise31.

D'autres documents, intitulés Œuvre de la Mission de Suchow d'après la Division

Ecclésiastique (1931-1949), qui ont parfois été cités dans les lettres et les publications des

Jésuites du Québec décrivent les progrès réalisés en Chine grâce à l'appui des bienfaiteurs de la mission. Il s'agit de compilations de statistiques informant sur l'état de la consolidation de l'Église catholique au Xuzhou32.

Cadre méthodologique

L'analyse critique interne et externe du corpus de source a enrichi la compréhension des activités de financement des Jésuites du Québec pour la mission de Xuzhou. Les lettres et les publications des missionnaires ont subi une analyse de contenu inspirée des méthodes de Roger Mucchielli. Cette façon d'analyser exhaustivement les sources consiste à « […] rechercher les informations qui s'y trouvent, dégager le sens ou les sens de ce qui y est présenté, formuler et classer tout ce qu['elles] "contien[nent]"»33. Elle consiste à étudier le

support de l'information, le contenu du document et la manière utilisée par son auteur pour

31 Georges Marin, La Chine à Dieu: une mission canadienne, le Siu-Tchou-Fou, Montréal, Procure de la Mission de

Chine, 1925, 35 p. Édouard Lafortune, Canadiens en Chine: croquis du Siutchoufou. Mission des Jésuites du

Canada, Montréal, L'Action Paroissiale, 1930, 230 p. Antonio Dragon, En mission parmi les Rouges, Montréal,

Messager canadien, 1946, 127 p. Antonio Dragon, Le Père Bernard, Montréal, Messager canadien, 1948, 237 p.

32 Les Œuvre de la Mission de Suchow d'après la Division Ecclésiastique ont été compilés annuellement et servaient à

donner l'heure juste sur les résultats des activités missionnaires auprès des autorités du Saint-Siège et de la Compagnie de Jésus. Il semble que l'année administrative 1948-1949 n'ait pas été classée dans le fonds d'archives « Procure des Missions, M-0007 ». AJC, M-0007, Cl. 6, no. 142 à 162.

33 Roger Mucchielli, L'analyse de contenu. Des documents et des communications, Issy-les-Moulineaux,

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transmettre son message34. Une grille d'analyse flexible a été conçue afin de tenir compte de

la censure qui contrôlait l'information transmise et d'identifier les auteurs et les destinataires des documents. Les copies de lettres émises par un même individu à des destinataires différents ont rendu possible la comparaison des motifs des auteurs, surtout dans les cas où elles étaient modifiées.

L'usage complémentaire des lettres administratives, des publications missionnaires et des états financiers annuels a permis de vérifier les montants administrés pour la mission à la Procure de Chine de 1931 à 1949 et de retracer des informations concernant les années 1931-1932 et 1947-1948 dont les rapports sont respectivement incomplets et manquants. Le calcul annuel des sommes des revenus et des dépenses et la comparaison de ces sommes avec l'avoir que la Procure de Chine avait en compte bancaire à la fin de chaque année administrative ont servi à connaître les montants exacts transférés en Chine et à produire des graphiques qui se trouvent en annexes C et D. Puisque les états financiers ont été compilés en dollars canadiens, lorsque connue, la valeur du taux de change de cette devise avec la monnaie chinoise (yuan) a été établie grâce à la critique des lettres administratives qui en abordaient souvent le sujet.

Les statistiques annuelles compilées par les Jésuites du Québec, dont une partie se trouve en annexe E, ont servi à évaluer les investissements de l'Église du Xuzhou. Le nombre d'institutions fondées et financées par secteur d'activité apostolique et les proportions des sommes payées en personnel laïc pour entretenir les œuvres sociales de la mission ont été considérées comme des indicateurs pertinents de la croissance de la communauté catholique au Xuzhou et de la progression de l'Église du Xuzhou vers son autonomie.

***

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La première partie de ce mémoire porte sur les origines pontificales du mouvement missionnaire dans lequel s'insérait la participation des Jésuites au Xuzhou. La vigueur de la conscience missionnaire au Québec y est expliquée. Un exposé sur la situation de l'Église de Chine durant la première moitié du XXe siècle confirme ensuite le lien direct qui existait

entre les instructions du Saint-Siège, les entreprises missionnaires canadiennes-françaises et le catholicisme au Xuzhou. La compréhension de ce contexte introduit à la seconde partie du mémoire qui concerne plus spécifiquement les initiatives que les Jésuites du Québec ont encadrées par la Procure de Chine pour financer leurs activités en Chine. Le contenu de la publication Le Brigand et des états financiers de la Procure de Chine y est soigneusement analysé. La troisième partie clôt la démonstration en présentant comment des institutions financées par des bienfaiteurs canadiens-français ont participé à l'évangélisation du Xuzhou et à la consolidation de son Église. Elle explique les réussites et les limites du travail des Jésuites du Québec en ce qui concerne l'utilisation des fonds recueillis et la progression de l'Église du Xuzhou vers son autonomie.

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CHAPITRE 1

LA CONSCIENCE MISSIONNAIRE CATHOLIQUE: L'AXE VATICAN-QUÉBEC-XUZHOU

Les activités des Jésuites du Québec en Chine se situaient dans la continuité des efforts missionnaires entrepris depuis la Judée pour étendre la présence de l'Église catholique à l'échelle mondiale. Leur mission au Xuzhou rappelle celles des premiers apôtres qui ont voyagé vers Rome, puis à travers toute l'Europe. L'évangélisation de la région chinoise était motivée par une vision universelle du prosélytisme tirée des Évangiles qui dictait de partager la Bonne Nouvelle du Salut de l'humanité dit rendu possible par la résurrection de Jésus Christ35.

La Compagnie de Jésus, dont les Jésuites du Québec sont des membres, est née concomitante à la volonté du Saint-Siège de promouvoir la lecture catholique romaine de la Bible36. Constitué par Ignace de Loyola en 1537, l'Ordre était spécialement mandaté face à

la multiplication des Églises protestantes (anglicane, calviniste, luthérienne, etc.). Régie par des règles strictes et ascétiques, la communauté religieuse défendait la position pontificale sur tous les dossiers théologiques. De ce fait, elle reconnaissait l'achat d'indulgences comme une pratique valide permettant aux bienfaiteurs d'expier ou d'admettre leurs fautes commises à l'encontre des Dix Commandements de l'Ancien Testament37.

Les Jésuites prenaient les devants à l'appel lancé par le Pape Paul III (1534-1549) de rallier les chrétiens d'Europe et de continuer à répandre la Bonne Nouvelle aux habitants des campagnes et des contrées lointaines. Grâce à leur aide fidèle, le Saint-Siège, déjà régnant au sommet d'une bureaucratie enracinée à Rome, orchestrait avec rigidité des interventions pour encadrer le corps épiscopal européen et diffuser aux catholiques un

35 « Allez donc! De toutes les nations faites des disciples » commande l'Évangile de Matthieu. Matthieu (28,19)

36 Le Saint-Siège est l'incarnation du pouvoir spirituel du pape et de son administration.

37 Le dossier des indulgences avait soulevé de nombreuses questions théologiques au XVIe siècle. L'indulgence

consistait en la compilation des aumônes données à l'Église en échange du pardon des fautes commises contrairement aux règles de la vie chrétienne. L'indulgence était une forme de contribution à l'Église. Robert Herrmann explique aussi que, pour les chrétiens, « la collecte pour les besoins sociaux de la communauté s'intègre à la messe et constitue une participation active des fidèles à la foi au culte et à la charité ». Robert Herrmann, La

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enseignement plus clair des critères de l'atteinte du Salut. Les missions catholiques s'épanouissaient à l'échelle mondiale du XVIe au XVIIIe et du XIXe au XXe siècles en deux

vagues entrecoupées par les révolutions françaises et européennes (1789-1799, 1830 et 1848). Les Jésuites s'installaient pour la première fois au Canada durant la première vague, puis, à partir du Québec, ils étaient mandatés pour le Xuzhou, en Chine, lors de la deuxième vague.

1.1 Le Saint-Siège et la conscience missionnaire

Les éveils missionnaires catholiques étaient ceux de prises de conscience par le Saint-Siège de l'urgence d'étendre le christianisme catholique romain au monde entier38.

Aussi désignée sous le terme « esprit missionnaire », la conscience missionnaire était « [...] cette vertu surnaturelle acquise qui port[ait] à s'intéresser constamment au Salut des âmes; en [...] faisant participer [les catholiques] par la prière et le sacrifice à la conversion des infidèles; en les incitant à recruter des missionnaires et à les assister matériellement dans leur entreprise »39. La conscience missionnaire répondait au projet universaliste

qu'annonçaient les Évangiles et ses manifestations par les prières, les vocations et les aumônes étaient jugées nécessaires pour accéder au paradis.

1.1.1 La force d'un éveil missionnaire

Si le premier éveil missionnaire était animé par l'effort du Saint-Siège d'affirmer sa suprématie sur les interprétations protestantes de la Bible se multipliant en Europe et, par ricochet, dans les colonies américaines, africaines et asiatiques à partir du XVIIIe siècle, le

second éveil missionnaire prit de sa vigueur alors que, en quête d'une spiritualité nouvelle, des Français, réceptifs au Génie du christianisme de Chateaubriand, s'investissaient, dès les années 1820, dans un vaste programme de sensibilisation et de participation aux missions40.

38 Les Églises protestantes manifestaient aussi d'éveils missionnaires. Pour de plus amples informations à ce sujet,

veuillez consulter Émile G. Léonard, « Histoire du protestantisme (1939-1952) (5e partie) », Revue Historique,

T. 2217, Fasc. 2 (1957), pp. 295-303.

39 Nive Voisine et al., Histoire du catholicisme québécois, Tome 1: 1898-1940, Montréal, Boréal Express, 1984, p. 167.

40 Le « Génie du christianisme » fut publié en 1802 par François-René de Chateaubriand pour contredire les idées

libérales qui avaient justifié la Révolution française. À ce sujet, voir Arlette Michel, « La beauté de Dieu dans la

première partie du Génie du christianisme », Revue d'histoire littéraire de la France, 98e année, no. 6 (nov. -

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Encouragée par le Pape Grégoire XVI (1831-1846), la conscience missionnaire française était ensuite diffusée à l'ensemble du monde catholique41.

Inquiète des progrès des Églises protestantes, de l'avancée de l'Islam et, surtout, de la popularité récente du communisme, la papauté s'adressait à plusieurs reprises à l'ensemble des croyants de l'Église catholique romaine. Les messages du Saint-Siège cherchaient à répondre à deux objectifs principaux. Le premier était de faire prendre conscience aux chrétiens que l'ignorance des vérités théologiques constitue un réel danger pour le Salut de l'âme de chaque habitant de la planète. Le deuxième était de les convaincre de fournir aux missionnaires les moyens spirituels et matériels pour répandre le catholicisme à l'échelle planétaire42.

Les directives du Pape Alexandre VII (1655-1667) en matière d'affaires missionnaires font partie des indications pontificales qui étaient observées par les Jésuites du Québec au XXe siècle. Les Instructions de 1659 soulignèrent l'importance de confier les

postes de responsabilité des missions à des hommes de jugement reconnus par la papauté et commandèrent à ces derniers d'organiser soigneusement les soutiens moral et financier de leur mission. Le Pape souhaitait que l'établissement d'un clergé indigène, formé dans des séminaires de qualité, soit l'objectif principal de la nomination d'évêques en mission. Le scénario idéal qu'il concevait était qu'un corps épiscopal complet originaire de la jeune Église succède aux missionnaires envoyés pour l'implanter et l'encadrer temporairement jusqu'à ce qu'elle devienne autonome43.

Le Pape Léon XIII (1878-1903) rappela les Instructions de 1659 et fit remarquer que, selon lui, en particulier au Japon et en Chine, le clergé indigène avait moins été

41 Voir Robert S. Maloney, « Mission Directives of Pope Gregory XVI, (1831-1846): A Contribution to the History of

the Catholic Mission Revival in the 19th Century », Thèse de doctorat, Rome, 1959, pp. 44 à 48.

42 Francine Lorrain, « L'esprit missionnaire au Québec: les laïcs et les coopérants », Thèse de doctorat, Québec,

Université Laval, 1994, p. 290.

43 Plusieurs éléments des Instructions étaient rappelés durant la première moitié du XXe siècle. Par exemple, les

missionnaires étaient appelés à organiser des séminaires pour former un clergé fidèle au Saint-Siège capable d'assurer l'avenir de la nouvelle Église dont il était issu. À propos des Instructions à l'usage des vicaires

apostoliques en partance pour les royaumes chinois de Tonkin et de Cochinchine (1659), veuillez consulter Marcel

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victime des persécutions dirigées envers les prêtres étrangers et avait partiellement pu administrer l'Église en l'absence des missionnaires. Il ajouta que la présence d'un clergé indigène était un signe de la maturité d'une Église puisqu'elle assurait la viabilité du catholicisme sur le territoire de mission44.

La lettre apostolique Maximum Illud émise par le Pape Benoît XV (1914-1922) en 1919 se démarqua ensuite en moussant la conscience missionnaire catholique. Elle lança un appel à la mobilisation illimitée de tous les croyants en faveur du projet missionnaire. Le Pape demanda aux supérieurs de mission de veiller au plein développement du territoire qui leur était attribué dans l'objectif de permettre le plus de conversions possible. Il les chargea impérativement d'augmenter le nombre de paroisses jusqu'à ce qu'un clergé indigène puisse les administrer. Le Pape souhaitait que les membres des clergés séculier et régulier soient imprégnés de la conscience missionnaire et qu'ils en soient les principaux promoteurs. L'Union missionnaire du clergé, dont il commanda la fédération en 1916, lui paraissait le meilleur regroupement international pour convaincre les religieux de l'importance à accorder aux missions et pour les inviter à communiquer cet engouement aux laïcs. Pour Benoît XV, la participation active aux succès des missions était un devoir chrétien et une obligation salutaire impliquant tous les fidèles de l'Église universelle. Reprenant l'idée des indulgences, le Pape indiqua que trois moyens s'offraient aux catholiques pour assurer leur rédemption tout en venant en aide aux missions: prier, entrer en vocation pour les missions ou donner l'aumône aux missionnaires45.

Les Papes Pie XI (1922-1939) et Pie XII (1939-1958) rappelaient les Instructions et

Maximum Illud, puis reconnaissaient, entre autres, l'importance des publications

missionnaires et de la presse écrite pour stimuler la conscience missionnaire. Le Saint-Siège utilisait la radiodiffusion dès 1931 pour favoriser l'unité de la catholicité46.

44 Léon XIII, « Lettre apostolique Ad Extremas: Fondation de séminaires dans les Indes (juin, 1893) », dans Le Siège

apostolique et les missions: textes et documents instructions de 1659 – Léon XIII – Saint Pie X – Benoît XV – Pie XI – S. S. Pie XII, Paris, Union missionnaire du clergé, 1956, pp. 20 à 23.

45 Benoît XV, « Épitre apostolique Maximum Illud: sur la propagande de la foi à travers le monde (nov., 1919) », dans

Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 29 à 45.

46 À propos de la nécessité de créer un clergé indigène, voir Pie XI, « Allocution au 1er Congrès international de

l'Union missionnaire du clergé (juin, 1922) », dans Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 59-61. Pie XII, « Encyclique Summi pontificatus (oct.,1939) », dans Le Siège apostolique et les missions, op. cit, pp. 150-151.

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1.1.2 La « romanisation » et le financement des missions

La stratégie pontificale concourait à une plus grande emprise du Saint-Siège sur les activités des missionnaires actifs autour du globe. Phénomène désigné « romanisation » par Annie Lacroix-Riz, la centralisation de l'effort missionnaire catholique autour du Saint-Siège progressait surtout sous les pontificats de Pie XI et de Pie XII. Les deux papes cherchaient activement à regrouper les initiatives catholiques régionales autour d'un idéal spirituel supérieur et à assurer le financement des missions catholiques47.

À partir du Concordat de 1801, les missions catholiques étaient sous la protection de la République française. La Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi, un ministère du Saint-Siège fondé en 1622 et rétabli en 1815 en même temps que la Compagnie de Jésus, créait alors des circonscriptions ecclésiastiques, des vicariats, auxquels étaient nommés des missionnaires coopérant avec les autorités françaises48.

La France était le cœur financier des actions catholiques outre-mer. Dès sa fondation française par Pauline-Marie Jaricot en mai 1822, l'Œuvre de la Propagation de la Foi amassait des dons pour nourrir les entreprises de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi. L'Œuvre de Saint-Pierre-Apôtre, fondée en France par Stéphanie Bigard, quêtait dès 1839 pour promouvoir la formation d'un clergé indigène dans les missions. L'Œuvre de la Sainte-Enfance, qui fut organisée en France en 1842 par Mgr. Charles de Forbin-Janson, l'évêque de Nancy, finançait l'éducation catholique des enfants des missions en organisant des parrainages. Les œuvres caritatives françaises amassaient des montants considérables qu'elles administraient de Lyon. Les intermédiaires lyonnais transféraient une partie des montants au Saint-Siège basé à Rome. L'autre partie parvenait directement aux missions des missionnaires français49.

47 Annie Lacroix-Riz, « Le rôle du Vatican dans la colonisation de l'Afrique (1920-1938): de la romanisation des

missions à la conquête de l'Éthiopie », Revue d'histoire moderne et contemporaine (1954-), T. 14e, no.1

(janv.-mars, 1994), p. 29.

48 Josef Metzler, « Foundation of the Congregation "de Propaganda Fide" by Gregory XV » dans Sacrae

congregationis de propaganda fide memoriam rerum: 350 ans au service des missions (1622-1972),

Tome 1: 1622-1700, Rome, Herder, 1971, pp. 79-111. Le Concordat de 1801 sanctionnait le protectorat français sur les missions catholiques jusqu'en 1904. Bernard Ardura, Le concordat entre Pie XII et Bonaparte, 15 juillet 1801:

Bicentenaire d'une réconciliation, Paris, Cerf, 2001, pp. 43-69.

49 Des œuvres semblables à celle de Mme Jaricot furent clandestinement organisées durant la Révolution française,

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Au lendemain de la Première Guerre mondiale (1914-1918), la Troisième République française, dont les finances étaient mal-en-point, n'arrivait plus, aux yeux du Saint-Siège, à assurer la sécurité des missions. Le Saint-Siège, qui décourageait la collaboration de certains missionnaires avec les colonisateurs, centralisa les initiatives missionnaires50. Le nouveau Code de droit canonique de 1917 prépara un renforcement du

rôle de leader que la papauté voulait prendre pour stimuler, coordonner et financer les activités missionnaires catholiques à travers le monde51.

Dès sa nomination comme pontife, Pie XI, et son conseiller, Mgr. Van Rossum, donna le coup d'envoi à une romanisation prononcée sur la question missionnaire en centralisant les opérations financières en faveur des missions. Le 22 mai 1922, le Pape permit d'introduire un acte législatif motivant la réorganisation à Rome de l'Œuvre de la Propagation de la Foi autrefois basée à Lyon. Au grand damne du clergé français impuissant, le Saint-Siège profita de l'appui du clergé américain - dont la générosité était très grande - et fit volte-face à la France en centralisant pareillement les Œuvres de Saint-Pierre-Apôtre et de la Sainte-Enfance. À la faveur d'une nouvelle coopération entre le Vatican et un « Conseil des Missions » basé à Washington en 1921, le Saint-Siège prit le contrôle des moyens financiers qui alimentaient l'élan missionnaire catholique52.

l'originalité de multiplier son nombre de bienfaiteurs en demandant à chacun d'en recruter dix autres. Antoine Lestra, Histoire secrète de la Congrégation de Lyon: de la clandestinité à la fondation de la propagation de la foi , Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1967, pp. 95 à 98 et 295 à 334. Joseph Jolinon, Pauline Jaricot: Patronne des

chrétiens sociaux, Paris, Librairie Arthème Fayard, 1957, pp. 131-148.

50 En vertu du protectorat français, les activités des missions étaient souvent mêlées aux affaires des colonisateurs.

Certains missionnaires tiraient parti de la protection qui leur était accordée par la France pour interférer dans des affaires judiciaires qui concernaient les nouveaux convertis. Dans ces conditions, les pouvoirs locaux avaient souvent raison d'associer les intérêts missionnaires de la papauté aux intérêts commerciaux des États. L'émergence de conflits nuisibles à la maturation des Églises incitait le Saint-Siège à réduire les contraintes imposées par le Concordat de 1801 et à décourager les missionnaires à coopérer avec les colonisateurs. Claude Prudhomme,

Missions chrétiennes et colonisation, XVIe-XXe siècle, Paris, Éditions du Cerf, 2004, pp. 53 à 66.

51 La préparation du Code de 1917 répondait aux décisions du premier Concile du Vatican (1869-1870) en matière de

division du pouvoir dans l'administration du Saint-Siège. Émile Jombart, Manuel de droit canon: conforme au Code

de 1917 et aux plus récentes décisions du Saint-Siège, Paris, Beauchesne et ses fils, 1949, pp. 135-182. Le Code de

droit canonique de 1917 était en vigueur jusqu'en 1983.

52 Les bienfaiteurs américains contribuaient à la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi depuis 1883.

Dès 1888, ils transféraient des montants de plus de 10 000$ américains par année. Les Américains étaient en première position des bienfaiteurs des missions dans le monde en 1925. Joseph P. Ryan, « Contribution to the Catholic Missionary Effort in China in the Twentieth Century », The Catholic Historical Review, vol. 31, no. 2 (juil., 1945), p. 171. Pour connaître l'opinion du corps épiscopal français de l'époque face à la politique francophobe du Saint-Siège, veuillez consulter Abbé Daniel, Le baptême de sang: histoire d'un complot au Vatican contre la

France, Paris, A. Michel, 1917, 225 p. Pour une étude historique sur les relations entre la France et le Vatican, voir

Joseph Hajjar, Le Vatican, la France et le catholicisme oriental (1878-1914): diplomatie et histoire de l'Église, Paris, Beauchesne, 1979, pp. 115 à 129.

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