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CHAPITRE 2: LA PROCURE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE CHINE:

2.1 Entre la province et la procure: vers la coopération pour la mission de Xuzhou

2.1.3 L'ambigüité d'une garde partagée

Le P. Vanier questionna les pouvoirs du P. Lavoie à un moment propice pour provoquer des ajustements. La Procure de Chine relevait de la préfecture apostolique de Xuzhou dont les dettes étaient désastreuses et Mgr. Philippe Côté, dont le sacre d'une pauvreté édifiante accompagna la nomination du territoire ecclésiastique au rang de vicariat le 18 juin 1935, avait fait appel à l'assistance du supérieur provincial Émile Papillon (1936-1942) afin d'obtenir de l'aide pour à rencontrer ses obligations devant le Saint-Siège. Les pourparlers qui débutaient entre le vicariat apostolique de Xuzhou et la province jésuite du Bas-Canada visaient à partager les frais de la mission dans l'objectif de doubler les efforts missionnaires pour éviter le recul du catholicisme dans la région chinoise malgré l'impact néfaste de la crise économique mondiale sur la récolte des dons137.

L'évêque de Xuzhou, dont le budget ne couvrait pas les frais des investissements nécessaires pour répondre aux critères d'un vicariat, demanda à la province jésuite du Bas- Canada d'acquitter quelques postes budgétaires. Pour se faire, Mgr. Côté transféra à la province jésuite du Bas-Canada tous les pouvoirs sur le Collège Saint-Louis-de-Gonzague qui avait été organisé dans la ville de Xuzhou depuis 1913 et qui avait récemment été rénové aux frais du vicariat en 1936. L'évêque renonça aussi à ses droits d'administrer les biens achetés par la province jésuite du Bas-Canada en Chine et de distribuer les budgets du personnel du Collège. Afin de favoriser la coopération, le P. Joseph Courchesne, qui œuvrait au Xuzhou depuis 1928, fut nommé supérieur régulier. Il fut chargé de superviser les activités de la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou et son autorité fut élevée à un rang équivalent à celui de Mgr. Côté auprès de l'institution d'enseignement que la province jésuite du Bas-Canada prit en charge. Le P. Courchesne administrait dorénavant une caisse séparée de celle de Mgr. Côté pour disposer du budget des institutions de la province jésuite du Bas-Canada en Chine138.

137 Lorsque le territoire ecclésiastique de Xuzhou passa au rang de vicariat, il demeurait sous la supervision de la Sacrée Congrégation de la Propagation de la Foi, mais sa direction n'était plus sous l'autorité directe de la Compagnie de Jésus. Mgr. Côté, qui fut nommé évêque par le Saint-Siège, devait dorénavant accorder préséance aux directives de la Curie sur les directives de sa communauté d'origine. Le supérieur provincial Émile Papillon et Mgr. Côté négociaient donc d'égal à égal : l'un assurant les intérêts de la Compagnie de Jésus en Chine, l'autre ceux de l'Église du Xuzhou. Philippe Côté, « Statut administratif du vicariat de Suchow », AJC, M-0007, Cl. 6, no.151

(1er juil. 1940), pp. 1-4.

Afin de faciliter la collaboration entre les deux partenaires, les biens que le vicariat apostolique de Xuzhou possédait au Canada furent transférés à la province jésuite du Bas- Canada. De ce fait, la Procure de Chine devint officiellement une propriété de la province jésuite du Bas-Canada. L'institution demeurait responsable d'alimenter la publicité de la mission, d'accueillir les aumônes et de transférer des montants en Chine, mais Mgr. Côté n'y avait plus de juridiction139.

À partir de 1937, la gestion des finances de la Procure de Chine fut soumise à un contrôle significativement plus étroit supervisé par le supérieur provincial du Bas-Canada. Le P. Lavoie reçu de nouvelles directives concernant l'administration des profits de l'institution. Alors qu'auparavant toutes les aumônes données à la mission avaient été destinées au territoire ecclésiastique de Xuzhou, deux postes budgétaires supplémentaires furent créés afin que les bienfaiteurs désignent le vicariat, la province jésuite du Bas- Canada en Chine ou Mgr. Côté comme le destinataire de leurs contributions. Également, une partie des honoraires, celle des messes dites au Canada et en Chine par les prêtres jésuites attitrés aux propriétés de la province jésuite du Bas-Canada, n'étaient plus assignés à Mgr. Côté140.

L'entente entre le vicariat de Xuzhou et la province jésuite du Bas-Canada fut approuvée entre Mgr. Côté, le supérieur général Ledochowski et le supérieur provincial Papillon le 30 juin 1939141. Elle devait s'appliquer pour seulement trois ans. Une clause

convenue au Concile de Shanghai (1924) stipulait que, après cette période de probation, une ratification s'imposait sans quoi le droit commun devait prédominer. Or, le conflit sino- japonais (1937-1945) et la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) éclatèrent et mélangèrent les cartes du jeu. Dans les déboires de la guerre et de l'occupation japonaise du Xuzhou, la règle des trois ans fut oubliée, le droit commun ne fut pas rappelé et Mgr. Côté, qui s'était lié d'amitié avec le P. Courchesne, administrait - selon les besoins globaux de la mission - 139 Idem.

140 Idem.

141 La signature de Mgr. Côté fut apposée au contrat final en date du 17 février 1939, celle du supérieur général Ledochowski en date du 30 mai 1939 et celle du supérieur provincial Papillon en date du 30 juin 1939. Les trois parties communiquaient au rythme régulier du service postal. Émile Papillon, Philippe Côté et Wlodimir Ledochowski, « Entente », AJC, M-0007, Cl.8, no.2 (30 juin, 1939), pp. 1-4.

tous les montants envoyés par la Procure de Chine, y compris ceux qui étaient destinés à la caisse de la province jésuite du Bas-Canada en Chine. Les communications entre le Canada et la Chine étaient discontinues142.

Lorsque la fumée se dissipa en septembre 1945, et que les Jésuites, qui avaient été internés à Shanghai pendant près de deux ans, étaient retournés au Xuzhou, les missionnaires évaluèrent avec déception les dégâts causés par les échanges militaires sur les biens de l'Église. Le P. Auguste Gagnon remplaça le P. Courchesne comme supérieur régulier et il dénonça aussitôt le monopole que Mgr. Côté avait sur les montants envoyés par la Procure de Chine. De nouveaux pourparlers entre l'évêque et le supérieur provincial du Bas-Canada, le P. Antonio Dragon (1942-1947), débutèrent afin de renouveler l'entente de 1939, mais les négociations se poursuivaient encore au moment où, le 11 avril 1946, le vicariat fut élevé par le Saint-Siège au rang de diocèse. Entre temps, la province jésuite du Bas-Canada avait donné plus de 30 000$ à la Procure de Chine pour entretenir le Collège Saint-Louis-de-Gonzague qui demeurait sous sa responsabilité143.

L'élévation du vicariat au rang de diocèse motiva l'acceptation d'un second plan de coopération pour la mission de Xuzhou qui fut approuvé par le Saint-Siège en 1947. Mgr. Côté et le supérieur provincial du Bas-Canada, le P. Léon Pouliot (1947-1953), convinrent du transfert à la province jésuite du Bas-Canada des droits et des responsabilités d'un second établissement d'enseignement chinois: le Collège St-Augustin situé au Xuzhou dans la ville de Tangshan. De plus, une quatrième catégorie de don en aumônes spécifiquement en faveur du Collège Saint-Louis-de-Gonzague fut ajoutée aux trois qui étaient en vigueur à la Procure de Chine depuis 1939. Les honoraires de messe, dont les recettes étaient plus grandes pour le territoire ecclésiastique de Xuzhou depuis plusieurs 142 Le P. Goulet critiqua sévèrement: « À Suchow, par le fait que l'accord de 1939 n'a pas été renouvelé, on devait retomber sous la loi commune, et non dans le chaos [...]. Mgr. n'avait pas le droit d'accaparer les biens de la Compagnie, ni de s'attribuer les dons faits à la Compagnie par nos bienfaiteurs ». Édouard Goulet, Corr. au sup. provincial Antonio Dragon, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (1 avril, 1948), p. 2.

143 Le supérieur provincial Dragon défendait la position que les aumônes destinées aux institutions de la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou avaient été détournées par Mgr. Côté. Antonio Dragon, Corr. au sup. général Janssens, AJC, M-0007, Cl.8, no. 3 (22 avril, 1946), p. 6. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1944-1946). Voir en annexe C les contributions à l'Église du Xuzhou de la province jésuite du Bas-Canada de 1944-1945 et de 1945-1946.

années, étaient dorénavant distribués « […] au prorata des prêtres (réguliers ou séculiers) inscrits au catalogue comme appartenant à la mission »144. Concrètement, entre 1947

et 1949, la procure de la province jésuite du Bas-Canada débloquait des montants de 223555$, 93 978$ et 125 112$ qu'elle remettait à la Procure de Chine pour financer les institutions de la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou. Ces ajustements visaient à équilibrer les recettes et les dépenses des deux partenaires de la mission de Xuzhou, mais ils avaient cinq ans de retard par rapport au délai permis par le Concile de Shanghai145.

La Procure de Chine, dont la gestion était ajustée aux accords de 1939 et de 1947, déménagea en 1943 dans Sillery, près de Québec, à l'endroit même où le P. jésuite Ennemond Massé avait fait l'apostolat au XVIIe siècle146. Le P. Lavoie en demeurait le

procureur jusqu'à son remplacement par le P. Louis Bouchard en 1945. Il avait, pendant plusieurs années, demandé au supérieur provincial du Bas-Canada qu'on lui assigne des collègues jésuites pour l'assister dans son travail. Une augmentation du personnel aurait, selon lui, fait croître les recettes de la Procure de Chine. Quelques Jésuites de passage à Québec l'assistaient parfois temporairement. Préoccupé par la sélection de candidats le travail au Xuzhou, le supérieur provincial esquivait par contre les requêtes du P. Lavoie jusqu'au jour où, le 10 septembre 1939, le Canada entre officiellement en guerre du côté des Alliés. Les départs vers la Chine étant jugés dangereux, trois Jésuites supplémentaires furent dès lors affectés à la publicité à la Procure de Chine147.

L'entente signée en 1947 entre l'évêque de Xuzhou et le supérieur provincial Papillon incita le déménagement de la Procure de Chine au 762 rue Sherbrooke Ouest, à 144 Les honoraires de messe étaient séparés, d'une part, parmi les prêtres séculiers et réguliers du diocèse et, d'autre part, parmi les prêtres assignés par la province jésuite du Bas-Canada au Xuzhou. August Gagnon et Philippe Côté, « Projet d'accord financier entre S. E. Mgr. L'Évêque de Suchow et le Supérieur Régulier représentant la Province du Bas-Canada de la Compagnie de Jésus pour l'administration financière de la mission de Xuzhou », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 1 (1947), 13 p.

145 En vertu du Concile de Shanghai, l'entente de 1939 aurait dû être renouvelée en 1942. Idem. Rapport financier de la

Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1946-1947 et 1948-1950). Il est possible que la

province jésuite du Bas-Canada ait également contribué à la mission de Xuzhou lors de l'année administrative 1947-1948.

146 Le P. Lavoie informa les bienfaiteurs du changement d'adresse de la Procure de Chine: « Tout à côté, se dresse encore la Maison Bleue où, mêlé à nos saints Martyrs, vécut le premier missionnaire à venir au Canada, le P. Ennemond Massé, dont les restes reposent en face de son ancienne demeure. » J.-Louis Lavoie, « Chez soi! »,

Montréal. La sollicitation des dons auprès des bienfaiteurs et des amis de la ville de Québec était assurée par l'ouverture, la même année, d'un bureau de la Procure de Chine à la Villa Manrèse, une maison de retraite jésuite de la ville de Québec148.