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CHAPITRE 1: LA CONSCIENCE MISSIONNAIRE CATHOLIQUE:

1.2 L'Église catholique enracinée au Québec avec le concours des Jésuites

1.2.3 La Compagnie de Jésus au Québec

Clamant leur fierté d'être parmi les premières communautés religieuses masculines arrivées au Québec au XVIIe siècle, les membres de la Compagnie de Jésus

commémoraient surtout leur retour en Amérique du Nord de 1842. De Montréal où le premier supérieur provincial jésuite du Canada, le P. Pierre Chazelle, avait constitué le centre administratif de la communauté, des Jésuites partirent pour la ville de Québec en 1849. Trois des neuf premiers membres français arrivés à la demande de Mgr. Bourget s'installèrent temporairement à Toronto, puis une résidence fut bâtie pour eux à Guelph, en Ontario, en 1852. Des candidats francophones et anglophones à la vie religieuse furent

78 L'archidiocèse de Régina avait été confié à un évêque francophone en 1915. Édouard Goulet, Corr. au

sup. provincial Adélard Dugré, AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (31 juil., 1936), p. 1. La paroisse montréalaise de Saint- Étienne, qui avait été fondée en 1912, déclara malgré tout faillite en 1932. Pierre Michaud, La paroisse lépreuse ou

l'affaire Saint-Étienne: chronique d'un scandale juridico-religieux dans une paroisse de Montréal (1931-1945),

Montréal, Les Presses d'Amérique, 1994, pp. 18-46.

rapidement sélectionnés. Après leur formation, ces derniers devinrent les premières recrues d'origine canadienne de la Compagnie de Jésus80.

Les Jésuites multipliaient les initiatives missionnaires au Canada et acquéraient une grande influence auprès de la population canadienne-française. Ils organisaient de nombreuses activités pour financer les projets que les évêques canadiens leur confiaient. Des tombolas, des souscriptions et des appels aux aumônes leur permettaient, par exemple, de fonder et d'entretenir une douzaine d'institutions d'enseignement supérieur entre 1846 et 1876. Grâce aux dons, la Compagnie de Jésus, déjà bien enracinée à Montréal, encercla Québec et émergea dans les grandes villes canadiennes jusqu'à Vancouver en se déployant auprès des Premières Nations, des colonisateurs de l'Ouest et des travailleurs du chemin de fer transcanadien du Canadien Pacifique81. Après avoir repris le travail apostolique auprès

des Iroquois à l'endroit même où les saints martyrs canadiens avaient trouvé la mort, les Jésuites du Canada contribuaient à la mission africaine du Zambèze (1883), puis investissaient dans la mission de l'Alaska (1885)82.

Les membres de la Compagnie de Jésus répondaient activement aux directives pontificales en alimentant la conscience missionnaire au Canada. Ils favorisèrent l'implantation de l'Union missionnaire du clergé au Québec en 1921. Des expositions sur leurs missions des Grands Lacs et de l'Alaska furent montées avec des objets qu'ils avaient

80 Le premier Jésuite d'origine canadienne-française fut accepté par la Compagnie de Jésus en 1843. Un premier

Canadien anglais joignit les rangs de la communauté en 1845. Le Quatrième centenaire de la fondation de l'Ordre des Jésuites fut célébré en 1940. Un ouvrage fut publié en 1942 pour commémorer les progrès que la communauté religieuse avait enregistrés depuis un siècle au Canada. La Compagnie de Jésus au Canada, 1842-1942: l'œuvre

d'un siècle, Montréal, Maison provinciale, 1942, 183 p.

81 Les Jésuites du Canada administraient plusieurs institutions d'enseignement, dont le Collège de Saint-Boniface

(1818, au Manitoba) et le Collège de Sainte-Marie (1848-1969, à Montréal). Ils avaient la responsabilité des paroisses de Laprairie (1842-1854, près de Montréal), de Sainte-Anne de Sudbury (1883, en Ontario) et de l'Immaculée-Conception (1889, près de Montréal). La Compagnie accepta de diriger une nouvelle paroisse près de Québec en 1909 (Notre-Dame-du-Chemin jusqu'en 1928) et bâtit à Winnipeg (Residence,1908), Edmonton (Collège, 1913), Sudbury (Collège, 1913), Régina (Collège, 1918) et Vancouver (Paroisse de l'Immaculée- Conception, 1924). Elle dirigeait aussi des missions auprès des Amérindiens à partir de 1843. Ibid., pp. 87-105.

82 Les saints martyrs canadiens sont huit missionnaires jésuites assassinés par les Iroquois entre 1664 et 1669. Pie XI

les consacra en 1930 et les nomma saints patrons du Canada. Pour en savoir davantage sur le processus de canonisation, veuillez consulter Pierre Delooz, « Pour une étude sociologique de la sainteté canonisée dans l'Église

catholique », Archives de sociologie des religions, 7e année, no. 13 (janv.- juin, 1962), pp. 17-31. À propos des

périples des Jésuites au Canada, voir Édouard Lecompte, Les jésuites du Canada au XIXe siècle, Montréal, Messager

canadien, 1920, 333 p. Voir également, Édouard Lecompte, Les Missions modernes de la Compagnie de Jésus au

eux-mêmes récoltés83. Des cercles d'études missionnaires furent organisés dans leurs

institutions d'enseignement pour promouvoir l'apostolat à travers la prière, l'étude et l'aumône. Des Jésuites, comme le P. Émile Muller qui partit au Xuzhou en 1931, étaient reconnus pour leurs conférences. La Ligue missionnaire des étudiants initiée par le P. Arthur Tremblay, un autre Jésuite qui œuvra ensuite au Xuzhou entre 1931 et 1934, favorisait le recrutement des vocations pour les missions84.

La forte présence de la Compagnie de Jésus au Canada et le désir de faciliter la cueillette des aumônes motivèrent le supérieur général Ledochowski à approuver la division du territoire jésuite canadien en deux provinces jésuites munies de systèmes parallèles et équivalents. La partition refléta à partir de 1924 la double identité anglophone et francophone du clergé du Canada. D'un côté, le P. J.-M. Filion poursuivait son mandat de supérieur provincial du Canada auprès des opérations dans la nouvelle province jésuite du Haut-Canada située dans l'Ouest. De l'autre, la nouvelle province jésuite du Bas-Canada, le Québec à peu de chose près, fut soumise à la direction d'un Canadien français, le P. Louis Boncompain (1924-1927)85.

Le P. Boncompain apprit dès sa nomination comme supérieur provincial que le Saint-Siège avait approuvé la transmission de la mission chinoise du Xuzhou à des Jésuites du Québec. Aidé d'un assistant et d'un procureur responsable des finances de la province religieuse tous deux installés au 1180 rue Bleury à Montréal, il disposait de 172 prêtres répartis dans onze institutions jésuites et dans la mission iroquoise de Caughnawaga pour remplir son mandat canadien tout en secondant le lancement de la mission de Xuzhou86.

83 France Lord, op. cit., pp. 214-217.

84 Les cercles missionnaires furent fédérés par le P. J.-Papin Archambault sous le nom de Ligue Missionnaire des

Écoles en 1932. La Ligue missionnaire des étudiants tint son premier congrès en septembre 1942. Son directeur, le P. jésuite Antonio Poulin, introduisit les thèmes du rôle des jeunes pour les missions et de l'impact de la Seconde Guerre mondiale sur les missions. Ligue missionnaire des étudiants, La valeur éducative des missions, op. cit., pp. 11-80.

85 Les successeurs du P. Boncompain à la tête de la province jésuite du Bas-Canada ont tous été d'origine canadienne-

française. Il s'agit des PP. François-Xavier Bellavance (1927-1932), Adélard Dugré (1932- 1936), Émile Papillon (1936-1942), Antonio Dragon (1942-1947) et Léon Pouliot (1947-1953). Le P. Gérard Goulet assumait le poste de supérieur provincial du Bas-Canada à partir de 1953.

86 Rosario Renaud retient 172 prêtres sous la supervision de la province jésuite du Bas-Canada en 1924. Rosario

Renaud, Le diocèse de Süchow, op. cit., p. 17. Le Canada ecclésiastique mentionne 330 membres pour la même année, puis 242 prêtres, 279 scolastiques et 127 frères coadjuteurs pour l'année 1935. Au moment où la maison provinciale déménagea au 3215 chemin Sainte-Catherine (1943), la province jésuite du Bas-Canada incluait 640

Les Jésuites du Québec étaient expérimentés dans le recrutement et la formation de missionnaires. L'une de leurs institutions, l'Académie de l'Immaculée-Conception, avait auparavant accueilli de nombreuses recrues avant d'être choisie comme lieu préparatoire pour la mission de Xuzhou87. Des classes de langue chinoise y étaient ouvertes et 47 des 93

Jésuites du Québec qui étaient destinés pour la Chine entre 1918 et 1955 y accomplissaient une partie ou la totalité de leur formation aux frais de la province jésuite du Bas-Canada. L'Académie offrait un environnement imprégné de la conscience missionnaire canadienne- française et plusieurs de ses recteurs ont ensuite été promus supérieur provincial du Bas- Canada. Ces derniers étaient tous concernés par le financement de la mission de Xuzhou88.

Un clergé nombreux encadrant une population dont la conscience missionnaire était manifeste: c'est ce que représentait l'Église canadienne-française auprès de laquelle les Jésuites du Québec étaient très impliqués durant la première moitié du XXe siècle. Isolée en

Amérique du Nord par sa francophonie, celle-ci s'enracinait, puis, répondant aux directives pontificales, elle contribuait généreusement au lancement de missions canadiennes- françaises. Les Jésuites du Québec comptaient sur son appui pour relever le défi de seconder l'Église chinoise du Xuzhou jusqu'à son autonomie.