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Grande récession mondiale, grand défi missionnaire

CHAPITRE 2: LA PROCURE DES MISSIONS ÉTRANGÈRES DE CHINE:

2.3 Fluctuations, rentabilité et pont Québec-Xuzhou

2.3.1 Grande récession mondiale, grand défi missionnaire

La crise économique affectait le ravitaillement international pour l'Église du Xuzhou. Le P. Lavoie empruntait à plusieurs reprises afin de répondre aux besoins des Jésuites du Québec œuvrant en Chine. Le premier emprunt à intérêts d'une valeur de 4000$ fut octroyé en 1930 par les Pères Blancs, une autre communauté missionnaire, et permit l'année suivante de loger le musée d'art chinois au 653 chemin Ste-Foy. La Procure de Chine en payait des intérêts jusqu'en 1933. D'autres emprunts à intérêts de 4500$, 9500$ et 3850$ furent contractés lors des trois années suivantes. La pratique comblait d'autres manques durant les années administratives 1939-1940 (8000$), 1942-1943 (2569,5$) et 1945-1946 (3000$), après quoi elle n'était plus nécessaire190.

Le P. Lavoie sollicitait d'autres formes d'emprunts en créant des rentes viagères. Les bienfaiteurs intéressés obtenaient des intérêts jusqu'à leur décès sur des gros montants qu'ils offraient à la cause de Xuzhou sans demande de remboursement. Les montants perçus par ce type d'entente permettaient au procureur de récolter rapidement du capital en liquidité pour répondre aux demandes financières de Mgr. Marin, puis de Mgr. Côté. L'avantage immédiat des rentes viagères justifiait le procédé, mais l'accumulation des intérêts à donner sur plusieurs dons de ce genre occupa rapidement un poste budgétaire important. Les montants à débourser annuellement pour ce dernier s'élevaient en effet à un total moyen de 2000$ par année jusqu'en 1943. Le recours à d'autres emprunts sous forme de rentes 189 Édouard Goulet, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6, no. 54 (18 mai, 1932), p.1.

190 J.-Louis Lavoie, « Échos et Nouvelles », Le Brigand, no. 11 (oct., 1931), p. 7. Rapport financier de la Procure des

viagères pour remplacer les fonds épuisés des ententes précédentes forçait la Procure de Chine à accorder jusqu'à un maximum 5104$ de ses recettes annuelles pour en payer les intérêts. Mgr. Côté, qui considérait cette stratégie de financement comme un fardeau pour la mission, en fit le sujet de négociations et la province jésuite du Bas-Canada accepta de donner à la Procure de Chine des montants équivalents aux dettes et aux intérêts en rentes viagères à partir de l'entente de 1939191.

En fait, les montants empruntés par la Procure de Chine ne représentaient pas toujours des dettes immédiates puisque ceux-ci étaient parfois placés à taux d'intérêt plus élevé pour tirer un profit. Cependant, presque toutes les opérations financières ainsi effectuées devaient être contrôlées selon les règles administratives de la Compagnie de Jésus. Le supérieur provincial Dugré rappela que, selon les indications concernant l'administration temporelle des institutions des provinces jésuites, la procure de la province jésuite du Bas-Canada située sur la rue Bleury à Montréal devait être avertie de tous les dons, legs, placements, prêts et dépôts de plus de 400$ effectués par chaque institution du territoire bas-canadien. Les locations et les ventes de biens de culte, de biens mobiliers et de biens immobiliers étaient soumises à des règles canoniques encore plus strictes basées sur la valeur transigée192.

La Procure de Chine possédait des actions en bourse même si cette pratique était découragée par les autorités de la province jésuite du Bas-Canada et par le Saint-Siège. L'institution payait un intermédiaire laïc pour effectuer les transactions et administrer avantageusement l'épargne avant son envoi vers la Chine193. Les achats à bas prix d'actions

en bourse constituaient des revenus sur des montants qui étaient épargnés avant le prochain 191 Émile Papillon, Philippe Côté et Wlodimir Ledochowski, « Entente », AJC, M-0007, Cl. 8, no. 2 (30 juin, 1939), pp. 1-4. Mgr. Côté négocia le transfert de la responsabilité des rentes viagères à la province jésuite du Bas-Canada en 1936. Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe VII (30 oct., 1936), p. 1.

Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947,1948-1950).

192 Adélard Dugré, « Praep. Prov. Canad. Inf. », AJC, M-0007, Cl. 8, Lettres des Provinciaux, 1933-1968 aux officiers supérieurs, no. 9 (21 août, 1933), pp. 1-4.

193 Le Saint-Siège permettait au clergé de posséder des actions aux conditions d'éviter de spéculer et de prendre part à l'administration. Émile Jombart, Manuel de droit canon: conforme au Code de 1917 et aux plus récentes décisions

du Saint-Siège, Paris, Beauchesne, 1958, p. 84. La Procure de Chine payait jusqu'à 750$ en frais administratifs à un

intermédiaire laïc en 1945-1946. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1945-1946).

transfert vers le Xuzhou. La vente à profit de parts de la compagnie Bell Téléphone prouve que la pratique était parfois concluante. Effectivement, ces dernières furent réinvesties à 6% en 1934 pour payer des intérêts sur des rentes viagères. La faillite de la compagnie Baillargeon illustre, en revanche, assez bien les risques d'investir en bourse durant la Grande Dépression194. Effectivement, en tant qu'actionnaire, la Procure de Chine dut payer

une partie de ses déficits. Tout compte fait, les placements en bourse de la Procure de Chine ne devinrent avantageux qu'à partir de 1939. Alors que l'industrie militaire canadienne favorisait la croissance et la stabilité de l'économie canadienne, la Procure de Chine attribuait à l'achat d'actions des montants fluctuant entre 12 000$ et 30 000$ par année, avec un investissement exceptionnel de 91 080$ en 1944-1945195.

La Procure de Chine achetait aussi des obligations sous la forme de bons du Trésor qui étaient vendus par le gouvernement canadien pour prévenir une déflation d'après- guerre. Des montants considérables de 16 380$ en 1940-1941, 100 569$ en 1945-1946, 40 332$ en 1948-1949 et 112 794$ en 1949-1950 constituaient des placements sûrs sous forme d'obligations. La Banque de Montréal conservait soigneusement les rentes accumulées jusqu'à leur envoi en Chine196.

Les ventes de biens mobiliers et immobiliers constituaient d'autres transactions considérables de la Procure de Chine, spécialement lors des déménagements de l'institution. La vente de la propriété, qui hébergeait le musée sur Grande-Allée, rapporta, par exemple, une somme de 100 000$ en 1946. Le montant fut presque entièrement encaissé puisque le musée fut dissous197.

194 J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6., no. 59 (4 janv., 1934), p. 2. Le P. Lavoie fut aussi cité dans Philippe Côté, Corr. au sup. provincial Dugré, AJC, M-0007, Cl. 2, Côté Philippe VII (30 oct., 1936), p. 1. 195 Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1932-1947,1948-1950).

J.-Louis Lavoie, Corr. à Georges Marin, AJC, M-0007, Cl. 6., no. 59 (4 janv., 1934), p. 2.

196 La vente des bons du Trésor débuta au Canada en mai 1940. J. F. Parkinson, Canadian War Economics, Toronto, The University of Toronto Press, 1941, p. 12. Rapport financier de la Procure des Missions de Chine, AJC, M-0007, boîte 28, chemise 1 (1942-1947, 1948-1950).

197 Les autres déménagements de la Procure de Chine ne rapportèrent que des profits minimes puisque les prix des achats des nouveaux locaux étaient au moins équivalents aux recettes des ventes des anciens locaux. Par exemple, un montant de 50 800$ fut encaissé par la Procure de Chine suite à la vente de la résidence du Chemin Ste-Foy en 1943, mais le nouveau bâtiment dans Sillery, près de Québec, coûta 72 196,15$ de frais d'achat et 12 273,41$ de frais de réparations. Idem.

L'annexe C illustre que les emprunts, les opérations financières et les ventes de biens mobiliers et immobiliers ont été des revenus importants de la Procure de Chine entre 1932 et 1950. Cependant, les montants annuellement transigés de ces manières ne constituaient pas des profits réguliers puisque leur valeur totale était en grande majorité convertie en placements. Les rentes viagères s'accompagnaient de responsabilités à perpétuité et la plupart des investissements en bourse comportaient des risques financiers. D'ailleurs, l'Église du Xuzhou ne bénéficiait que d'une portion de ces types de recettes, car les profits qui en étaient issus étaient rarement envoyés en totalité en Chine. Force est surtout de constater que les opérations financières étaient accomplies à partir des dons épargnés. Ceci dit, tout compte fait, les contributions des bienfaiteurs étaient le revenu le plus significatif de la Procure de Chine198.