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CHAPITRE 1: LA CONSCIENCE MISSIONNAIRE CATHOLIQUE:

1.1 Le Saint-Siège et la conscience missionnaire

1.1.1 La force d'un éveil missionnaire

Si le premier éveil missionnaire était animé par l'effort du Saint-Siège d'affirmer sa suprématie sur les interprétations protestantes de la Bible se multipliant en Europe et, par ricochet, dans les colonies américaines, africaines et asiatiques à partir du XVIIIe siècle, le

second éveil missionnaire prit de sa vigueur alors que, en quête d'une spiritualité nouvelle, des Français, réceptifs au Génie du christianisme de Chateaubriand, s'investissaient, dès les années 1820, dans un vaste programme de sensibilisation et de participation aux missions40.

38 Les Églises protestantes manifestaient aussi d'éveils missionnaires. Pour de plus amples informations à ce sujet,

veuillez consulter Émile G. Léonard, « Histoire du protestantisme (1939-1952) (5e partie) », Revue Historique,

T. 2217, Fasc. 2 (1957), pp. 295-303.

39 Nive Voisine et al., Histoire du catholicisme québécois, Tome 1: 1898-1940, Montréal, Boréal Express, 1984, p. 167.

40 Le « Génie du christianisme » fut publié en 1802 par François-René de Chateaubriand pour contredire les idées

libérales qui avaient justifié la Révolution française. À ce sujet, voir Arlette Michel, « La beauté de Dieu dans la

première partie du Génie du christianisme », Revue d'histoire littéraire de la France, 98e année, no. 6 (nov. -

Encouragée par le Pape Grégoire XVI (1831-1846), la conscience missionnaire française était ensuite diffusée à l'ensemble du monde catholique41.

Inquiète des progrès des Églises protestantes, de l'avancée de l'Islam et, surtout, de la popularité récente du communisme, la papauté s'adressait à plusieurs reprises à l'ensemble des croyants de l'Église catholique romaine. Les messages du Saint-Siège cherchaient à répondre à deux objectifs principaux. Le premier était de faire prendre conscience aux chrétiens que l'ignorance des vérités théologiques constitue un réel danger pour le Salut de l'âme de chaque habitant de la planète. Le deuxième était de les convaincre de fournir aux missionnaires les moyens spirituels et matériels pour répandre le catholicisme à l'échelle planétaire42.

Les directives du Pape Alexandre VII (1655-1667) en matière d'affaires missionnaires font partie des indications pontificales qui étaient observées par les Jésuites du Québec au XXe siècle. Les Instructions de 1659 soulignèrent l'importance de confier les

postes de responsabilité des missions à des hommes de jugement reconnus par la papauté et commandèrent à ces derniers d'organiser soigneusement les soutiens moral et financier de leur mission. Le Pape souhaitait que l'établissement d'un clergé indigène, formé dans des séminaires de qualité, soit l'objectif principal de la nomination d'évêques en mission. Le scénario idéal qu'il concevait était qu'un corps épiscopal complet originaire de la jeune Église succède aux missionnaires envoyés pour l'implanter et l'encadrer temporairement jusqu'à ce qu'elle devienne autonome43.

Le Pape Léon XIII (1878-1903) rappela les Instructions de 1659 et fit remarquer que, selon lui, en particulier au Japon et en Chine, le clergé indigène avait moins été

41 Voir Robert S. Maloney, « Mission Directives of Pope Gregory XVI, (1831-1846): A Contribution to the History of

the Catholic Mission Revival in the 19th Century », Thèse de doctorat, Rome, 1959, pp. 44 à 48.

42 Francine Lorrain, « L'esprit missionnaire au Québec: les laïcs et les coopérants », Thèse de doctorat, Québec,

Université Laval, 1994, p. 290.

43 Plusieurs éléments des Instructions étaient rappelés durant la première moitié du XXe siècle. Par exemple, les

missionnaires étaient appelés à organiser des séminaires pour former un clergé fidèle au Saint-Siège capable d'assurer l'avenir de la nouvelle Église dont il était issu. À propos des Instructions à l'usage des vicaires

apostoliques en partance pour les royaumes chinois de Tonkin et de Cochinchine (1659), veuillez consulter Marcel

victime des persécutions dirigées envers les prêtres étrangers et avait partiellement pu administrer l'Église en l'absence des missionnaires. Il ajouta que la présence d'un clergé indigène était un signe de la maturité d'une Église puisqu'elle assurait la viabilité du catholicisme sur le territoire de mission44.

La lettre apostolique Maximum Illud émise par le Pape Benoît XV (1914-1922) en 1919 se démarqua ensuite en moussant la conscience missionnaire catholique. Elle lança un appel à la mobilisation illimitée de tous les croyants en faveur du projet missionnaire. Le Pape demanda aux supérieurs de mission de veiller au plein développement du territoire qui leur était attribué dans l'objectif de permettre le plus de conversions possible. Il les chargea impérativement d'augmenter le nombre de paroisses jusqu'à ce qu'un clergé indigène puisse les administrer. Le Pape souhaitait que les membres des clergés séculier et régulier soient imprégnés de la conscience missionnaire et qu'ils en soient les principaux promoteurs. L'Union missionnaire du clergé, dont il commanda la fédération en 1916, lui paraissait le meilleur regroupement international pour convaincre les religieux de l'importance à accorder aux missions et pour les inviter à communiquer cet engouement aux laïcs. Pour Benoît XV, la participation active aux succès des missions était un devoir chrétien et une obligation salutaire impliquant tous les fidèles de l'Église universelle. Reprenant l'idée des indulgences, le Pape indiqua que trois moyens s'offraient aux catholiques pour assurer leur rédemption tout en venant en aide aux missions: prier, entrer en vocation pour les missions ou donner l'aumône aux missionnaires45.

Les Papes Pie XI (1922-1939) et Pie XII (1939-1958) rappelaient les Instructions et

Maximum Illud, puis reconnaissaient, entre autres, l'importance des publications

missionnaires et de la presse écrite pour stimuler la conscience missionnaire. Le Saint- Siège utilisait la radiodiffusion dès 1931 pour favoriser l'unité de la catholicité46.

44 Léon XIII, « Lettre apostolique Ad Extremas: Fondation de séminaires dans les Indes (juin, 1893) », dans Le Siège

apostolique et les missions: textes et documents instructions de 1659 – Léon XIII – Saint Pie X – Benoît XV – Pie XI – S. S. Pie XII, Paris, Union missionnaire du clergé, 1956, pp. 20 à 23.

45 Benoît XV, « Épitre apostolique Maximum Illud: sur la propagande de la foi à travers le monde (nov., 1919) », dans

Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 29 à 45.

46 À propos de la nécessité de créer un clergé indigène, voir Pie XI, « Allocution au 1er Congrès international de

l'Union missionnaire du clergé (juin, 1922) », dans Le Siège apostolique et les missions, op. cit., pp. 59-61. Pie XII, « Encyclique Summi pontificatus (oct.,1939) », dans Le Siège apostolique et les missions, op. cit, pp. 150-151.