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Les kudari-mono en provenance du Kamigata et la circulation de marchandise par voie

Chapitre 3. L’Ouest et l’ Est dans l’histoire du Japon

6. La culture Kasei et les Edokko

6.3. Les kudari-mono en provenance du Kamigata et la circulation de marchandise par voie

À l’Est, les produits en provenance du Kamigata sont réputés pour leur qualité supérieure. Ils sont nommés kudari-mono, l’inverse de l’expression adjectivale « kudara-nai- mono » qui signifie « choses inintéressantes, sans valeur ».

Edo est un grand centre de « consommation ». Elle attire les guerriers, les artisans, les marchands et les artistes de partout ailleurs. (Nishiyama 1997, 41). Tel que mentionné plus haut, depuis la formation des villes-sous-château, la classe guerrière est forcée de renoncer à l’agriculture et devient consommatrice. Lors de leur long séjour à Edo, les daimyō et leurs serviteurs consomment, et les produits du Kamigata sont en vogue.

Pour satisfaire à la demande, la circulation des produits par voie maritime est améliorée. Les navires higaki-kaisen 檜垣廻船, assurant le transport des marchandises entre Osaka et Edo, peuvent transporter des charges de 200 à 400 koku. Peu à peu, ils s’alourdissent allant jusqu’à transporter 1000 koku de fret. En parallèle, pour satisfaire aux exigences particulières en matière

170 Les autres ongoku bugyō sont; Sado, pour les mines d’or et d’argent, Nagasaki, pour la ville ainsi que pour le

commerce international, Yamada (Ise), pour le sanctuaire d’Ise et pour les voies maritimes du port à Toba, Nikkō, pour l’administration du sanctuaire de Nikkō, Uraga, pour les voies maritimes, Shimoda: pour les voies maritimes, Niigata, pour son port, Hakodate, pour le contrôle de Ezochi (aujourd’hui Hokkaido), Kanagawa, pour les voies maritimes et Hyogo, pour son port (à partir de 1864).

de transport172, les grossistes de saké se dissocient du regroupement comprenant les vingt-quatre

grossistes d’Osaka et les dix grossistes d’Edo173, en 1730. Ils commencent alors à utiliser des

nouveaux navires beaucoup plus rapides et mieux adaptés au transport de tonneaux : les taru- kaisen 樽廻船174. Un peu plus tard, ces nouveaux navires assurent régulièrement le transport de

tonneaux de saké des villes bordant la baie d’Osaka vers Edo. Au 18e siècle, les taru-kaisen commencent à transporter d’autres marchandises, comme le vinaigre et le coton, pour en venir éventuellement à concurrencer sérieusement les higaki-kaisen, à partir de l’ère Kyōho 享保 (1716-1736). En fait, à cette époque, les taru-kaisen assuraient le transport d’une grande partie des produits, dominant largement les higaki-kaisen. Un accord sur le fret est conclu en Meiwa 明和 7 (1770) entre les deux types d’armateur : les taru-kaisen obtiennent l’exclusivité du transport du saké et la permission de transporter aussi sept autres produits prédéterminés, incluant le riz, le vinaigre et la sauce soya. De leur côté, les higaki-kaisen, en plus de pouvoir transporter ces sept mêmes produits, obtiennent l’exclusivité sur tous les autres produits.

Quand les higaki-kaisen apparaissent en 1619, le bakufu tente premièrement d’interdire l’émergence du cartel de grossistes qui basait son commerce sur les services de ces navires afin d’empêcher la croissance de leur influence, mais décide éventuellement de leur faire payer des droits de permis (myōgakin 冥加金). Avec les réformes de l’ère Kansei 寛政 (1787-1793), le bakufu tente de freiner l’inflation, mais les grossistes réalisent qu’ils ne sont plus en mesure de baisser leur prix, car de plus en plus de marchandises leur glissent entre les doigts. En effet, avec le temps, le marché commence à se développer à Edo et les grossistes perdent le contrôle sur la circulation des marchandises. De nombreuses plaintes à ce sujet sont portées à l’attention du bakufu. Malgré tout, la quantité de marchandises transportées ne cesse d’augmenter. Durant

172 Premièrement, contrairement aux autres grossistes, les grossistes de saké doivent envoyer leur marchandise le

plus rapidement possible pour conserver la qualité de leur produit. Deuxièmement, en cas d’accident ou de détérioration de la marchandise à bord des navires en partance d’Osaka, les pertes de saké sont couvertes par l’expéditeur à Osaka, contrairement à la marchandise régulière dont les pertes sont couvertes par les destinataires à Edo, puisque celles-ci sont principalement achetées sur commande. Troisièmement, les grossistes de saké sont tenus de partager avec les acheteurs d’Edo les frais de perte sur les autres marchandises à bord, même si leur saké arrive intact à destination (Tokyo abura ton'ya ichiba 2000).

173 Le regroupement des grossistes d’Edo « tokumi don’ya 江戸十組問屋 » et le regroupement des grossistes de

Ōsaka « nijūyokumi donya 大坂二十四組問屋 ».

174 Les taru-kaisen, appellés aussi kohaya 小早, sont apparus à l’ère Kanbun (1661-1673), assurant

l’époque Genroku (1688 à 1703), les higaki-kaisen faisaient le trajet quatre fois par année. Durant l’ère Tenpō 天保 (1830-1843), quelques siècles après l’entente entre les armateurs, ils le font huit fois par année. Lors des réformes de l’ère Tenpō (1830-1843), le bakufu arrive à dissoudre la coalition des marchands grossistes (kabunakama), persuadé qu’elle est la cause majeure de l’inflation (Okazaki 2004). Les grossistes forment alors une autre coalition non reconnue par le bakufu afin de mieux gérer la circulation des produits, jusqu’au moment où les compagnies assurant les deux types de transport maritime fusionnent en 1875, au début de l’ère Meiji.

À la fin de l’époque Tokugawa, on note un changement dans la nature des produits importés du Kamigata. Les produits spéciaux provenant des régions subtropicales telles que Shikoku et le sud de Kyushu sont toujours envoyés à Edo, en passant par Osaka, tandis que la production de la région entourant Edo remplace les marchandises qui étaient autrefois importées d’Osaka. Dans la dernière moitié du 17e siècle, le coton occupe la place la plus importante parmi les produits exportés d’Osaka vers Edo175. Dans la dernière moitié du 18e siècle, la moyenne de

12 jours est réduite à 6 jours pour le transport de marchandises entre les deux grandes villes (Osaka Maritime Museum, 2003, 51). En 1867, c’est le sucre qui occupe 30 % des importations de produits d’Osaka à Edo, suivi par l’huile et le papier. Le coton, qui était toujours un produit de grande importance dans la première moitié de 18e siècle, n’occupait que 1,7 % (繰綿 coton égrené) et 2,5 % (木綿 tissu de coton) des importations à Edo (Kitahara 1999, 141). Le coton étant le produit le plus représentatif des exportations du Kamigata, on observe donc un changement dans la nature de la marchandise envoyée à Edo.

Cette situation concernant surtout les produits de consommation est plus apparente sur le plan de la vente auprès du peuple. Ce ne sont pourtant pas tous les produits du Kamigata qui sont remplacés par les produits locaux. Bien que la région du Kantō devienne autosuffisante pour des produits comme la sauce soya, les sakés sont encore importés du Kamigata. Par exemple, selon Kitahara (1991), l’ex-directeur du bureau de recherches du Musée d’Edo-Tokyo, le saké importé du Kamigata, notamment d’Itami, de Nada et d’Amagasaki, ainsi que des régions de Tōkai, Ise et Owari, représentait en moyenne 800 000 tonneaux vers 1801. Le nombre

de saké Jimawari (produits locaux) qui entre à Edo en provenance des villages de la région de Kantō176 représentait en moyenne 110 000 tonneaux (Kitahara 1999, 95). Kitahara note que le

saké local du Kantō était considéré de moindre qualité jusqu’à très récemment. Ainsi, à la fin de la période d’Edo, la région du Kantō produisait de plus en plus et formait une zone économique différente du Kamigata.